Notes

Suggestions musicales :

La conversation :
- The Seduction – Alan Silvestri, The Legend of Beowulf.
- Koba Dependent – Michael Giacchino, War for the Planet of the Apes (à partir de 02:03).
- Come Home - Nitin Sawhney, Mowgli: Legend of the Jungle.
- Anduril - Flame of the West – Howard Shore, The Lord of the Rings: Return of the King (De 00:40 à 01:55).
- Echoes of an old life — Bear McCreary, God of War (à partir de 01:52).
- The Broken Line and Broken Silence – Bear McCreary, The Lord of the Rings: The Rings of Power (Season One, Episode Eight: Alloyed) (de 03:29 à 07:00).

Claire trouve le paquet et se l'accapare :
- Atlantean Sword – Basil Poledouris, Conan the Barbarian.

Claire revient voir Angrboda et sort de la grotte :
- Anduril - Flame of the West – Howard Shore, The Lord of the Rings: Return of the King (De 02:50 à la fin).
- The Power of Prophecy – Ramin Djawadi, House of the Dragon: Season 1.
- Kyne's Peace — Jeremy Soule, The Elder Scrolls V: Skyrim.
- Both our Bloodlines – Bear McCreary, The Lord of the Rings: The Rings of Power (Season One, Episode Three: Adar) (de 01:16 à 02:29).

Elle arpente la lande :
- Shadow of War theme – Garry Schyman et Nathan Grigg, Middle Earth: Shadow of War.
- Into the Late Permian – Dominik Scherrer, Primeval.
- Prologue - Bear McCreary, The Lord of the Rings: The Rings of Power (Season One, Episode One: A Shadow of the Past) (De 02:15 à 04:16).
- She must rule – Bear McCreary, See: Season 1.


-o-


La veille de leur départ du Costa Rica, Claire eut un autre rêve habité par Angrboda.

Torche en main, elle avançait dans une galerie de grotte, marchant doucement afin de ne pas se prendre les pieds dans sa robe. Non seulement, elle était toujours pieds nus mais la roche était humide, et donc un peu glissante, et ce fut avec une grande prudence qu'elle gravit un espèce de petit escalier que l'érosion avait taillé. Arrivant en haut de celui-ci, elle laissa échapper un soupir de soulagement et pénétra dans une salle assez vaste. Progressant vers son cœur, elle aperçut une grande silhouette allongée sur une plateforme rocheuse non loin et l'extrémité d'une queue écaillée pouvait être distinguée à la lueur des flammes. Après avoir pris une forte inspiration, Claire se dirigea vers la silhouette. Contrairement à Náströnd, la rive des cadavres du rêve qu'elle avait eu le soir de leur arrestation, il ne semblait pas y avoir de corps et l'endroit n'empestait pas particulièrement. Arrivant en vue du bas de la plateforme, Claire s'arrêta et le museau d'Angrboda émergea des ténèbres.

— Nous rentrons chez nous demain, annonça la première.

— Soit. Que comptes-tu faire une fois au pays ? Lui demanda Angrboda.

— Retrouver mon fils. Et songer à un moyen d'arrêter les plans d'InGen concernant l'Indoraptor.

— C'est-à-dire ? As-tu des idées ?

— Je pourrais informer les autorités. Leur répéter ce que j'ai dit à Santagar.

Un rire caverneux sortit de la gueule du monstre.

— Crois-tu sérieusement qu'elles en ont quelque chose à foutre de la nocivité éventuelle des projets d'InGen ? Leur pays a inventé les pesticides chimiques, la bombe atomique, la malbouffe, Twitter, les jetons non fongibles, le wokisme extrêmiste et mille autres saloperies ! Je te rappelle aussi que son gouvernement figurait parmi les premiers intéressés par les hybrides d'InGen ! S'il agit un jour contre cette dernière, ce ne sera que pour son propre profit ou celui de leurs petits amis chez Biosyn, Mantah ou toute autre compagnie rivale. Tu attends vraiment quelque chose des Etats-Unis en tant que société, cette ploutocratie d'hypocrites qui vénère le tout puissant dieu Dollar et entraîne le monde vers la ruine dans sa décadence ?! Voyons, mère. Je sais que tu n'es pas aussi naïve.

Angrboda se leva.

— Ceux qui seront en possession de l'Indoraptor et des recherches qui lui sont associées seront laissés impunis tandis que toi, tu seras condamnée pour des crimes que tu n'as même pas commis, ajouta-elle. Dans ton monde, la justice ne bénéficie qu'aux puissants. Le peuple, ou les élites déchues telles que toi, ne peuvent que prier alors qu'ils sont écrasés. Te laisseras-tu être déshonorée, écrasée, jetée en prison ou même exécutée sans combattre ?

Parvenue en bas de sa plateforme, elle avait commencé à décrire des cercles autour de Claire. Elle pencha la tête vers elle.

— Je constate ton hésitation. Tu désires la vengeance plus que tout mais tu as peur de ce que certaines personnes penseront de tes actions ? Ne t'occupes pas d'elles, ce sont des moutons indolents ! Laisse-les dans leur lâcheté et leur servitude. Toi, tu n'es pas une esclave et jamais plus tu ne dois l'être ! Tu es fière, tu tiens à ta dignité, et tu feras tout pour la défendre. C'est une qualité, pas un défaut. L'adage qui dit que la violence est le dernier refuge de l'incompétence est vrai, mais en d'autres circonstances, et il ne peut s'appliquer à ton cas. Tu n'as pas le choix. Ils ont menacés ta vie et celle de l'homme que tu aimes, et demain, elle pourrait menacer celle de ton fils. Même dans un monde de bêtes sauvages, une mère fera tout pour sa progéniture. Que choisis-tu d'être ? Une louve ou une brebis ?

Claire resta silencieuse un instant, l'air songeuse.

— Une louve…, finit-elle par dire d'une voix assez faible et un peu hésitante.

— Je n'ai pas entendu, dit Angrboda. Plus fort !

— Une louve !

Angrboda s'arrêta et releva la tête.

— Une louve ? Répéta-elle. Tu pourrais être bien plus qu'une louve, tu pourrais être une dragonne… Mais chaque chose en son temps…

— Que dois-je faire ?

— Ecoute tes instincts.

— Mais encore ?! S'impatienta Claire. Tu ne m'aide pas, tu sais ! Comment dois-je répondre face à ceux qui me veulent morte ? Même si je parviens à faire arrêter Susan Lynton… ou à la tuer, quelqu'un d'autre la remplacera et rien ne changera.

— Alors tue le, ainsi que le prochain si celui-là cherche aussi à te nuire, et le suivant s'il le faut…

— Mais c'est comme essayer de tuer une hydre !

— Et comment Héraclès a-il défait l'Hydre de Lerne dans la mythologie grecque ? En brûlant les têtes à mesure qu'elles repoussaient, les empêchant de renaître.

— Donc le conseil que tu me donnes est le feu et le sang ? Et comment je fais avec seulement quelques milliers de dollars sur mon compte bancaire et un seul homme loyal, que je refuse d'envoyer à la mort ? J'attends de recevoir trois œufs de dragons en cadeau, je les fais éclore, les élèves et les utilise pour m'accaparer des terres et des armées avant d'attaquer Palo Alto et de l'incendier, en massacrant un petit million de personnes au passage ? Je sais bien qu'on m'appelle aussi la Reine des Cendres mais tu t'es trompée de femme ma chère.

Angrboda émit un ricanement rocailleux.

— Tu n'as pas besoin de dragons ou d'armées, répondit-elle. Les gens te sous-estiment, tout comme un promeneur sous-estime la vipère sur laquelle il s'apprête à poser le pied dans sa marche insouciante. Utilise-ça contre eux et frappe alors qu'ils ont leur garde baisée. Frappe aussi rapidement que la vipère !

— Je dois alors apprendre comment être une vipère.

— D'abord, débarrassons-nous de cette mue…

Angrboda passa la griffe de son index dans le décolleté de la robe de Claire, la recourba de manière à ne pas griffer sa peau et s'appuya doucement contre le décolleté, commençant à ouvrir la robe en deux. La directrice déchue frémit au toucher de la créature.

— Claire Dearing, la suburbaine, fille d'un cadre de société pharmaceutique et d'une cheffe de rayon dans un magasin de mobilier, commença-elle. Claire Dearing, l'étudiante en administration des entreprises ; Claire Dearing, la cadre libérale…

Parvenue en bas de la robe, Angrboda retira sa griffe et le vêtement déchiré glissa du corps de Claire, tombant au sol.

— … Claire Dearing, la vizir de Simon Masrani et directrice de Jurassic World ; Claire Dearing, l'esclave du capitalisme… est morte lors de la chute d'Isla Nublar, ajouta Angrboda. Toi et moi l'avons toute deux tuée. Elle était faible et idiote.

La directrice déchue, à présent aussi nue que la Vénus du célèbre tableau de Sandro Boticelli, frissonnait, la caverne étant plutôt fraîche. Elle baissa les yeux, regardant sa robe, à présent salie et en lambeaux. Autrefois d'un blanc éclatant, c'était le genre de robe assez chère que Claire aurait pu porter en certaines occasions avant la Chute. Symbole de son statut révolu, elle s'embrasa subitement avant de disparaître en fumée.

— Et c'est une femme brisée qui s'est réveillée à Nicoya, dit-elle en relevant la tête. Un fantôme. Une marcheuse morte.

— Certes, mais ce qui est brisé… peut être reforgé… et modifié par rapport à son état d'origine, amélioré. Ce processus a déjà commencé. Tu peux te reconstruire, devenir la Claire qui aurait dû gouverner Isla Nublar, devenir quelqu'un dont tes ancêtres et tes dieux pourraient être fiers, quelqu'un qui inspirera l'amour chez ses proches et ses fidèles… et la crainte la plus terrible chez ses ennemis.

Avec ses griffes, Angrboda enleva ensuite une pierre devant Claire, révélant une clé.

— Revêts ta nouvelle mue.

Claire saisit la clé et comme guidée par un instinct digne d'un chasseur de trésors, elle se mit à explorer la caverne, cherchant la serrure associée à l'objet qu'on venait de lui donner. Elle finit par trouver un grand coffre en bois dans un recoin et l'ouvrit avec la clé. Elle souleva le couvercle et trouva à l'intérieur un paquetage enveloppé dans une sorte de drap. Elle le prit, alla le déposer au sol non loin, cala sa torche entre deux rochers et découvrit le paquetage. Il y avait une paire de bottes, un pantalon brun, une tunique rougeâtre, une cape brunâtre avec des motifs en zigzag sombre qui imitaient ceux arborés par certaines vipères, des gants en cuir, ainsi qu'une ceinture et un fourreau d'épée. Cette dernière était là aussi et Claire s'agenouilla pour l'étudier longuement à la lueur de la torche et la caresser doucement du bout des doigts. Longue d'environ quatre-vingt-dix centimètres, elle était à double tranchant et avait une garde ronde. Celle-ci, la poignée et le pommeau présentaient des gravures représentant des serpents et sur sa lame noire, des runes avaient été gravées. Déjà rangée dans son fourreau, lui-même attaché à la ceinture, il y avait également une deuxième arme, un poignard dont la lame recourbée n'était pas sans évoquer un crochet de serpent venimeux.

Claire enfila d'abord le pantalon et la tunique, passa la ceinture autour de sa taille, mit le bottes à son pied et les gants à ses mains, la cape sur son dos, et rangea l'épée dans son fourreau.

Prête, elle revint vers Angrboda.

— Maintenant va au-devant de tes prochaines épreuves…, lui dit-elle en désignant une zone éclairée par la lumière du jour plus loin. La tempête gronde déjà au loin.

La directrice déchue rejoignit ladite zone, située en contrebas d'un talus surplombé par l'ouverture de la grotte. Elle étudia le talus du regard un instant puis le gravit.

Elle émergea peu après de la grotte et s'arrêta juste devant son ouverture pour contempler le paysage. Bien que le soleil avait amorcé sa descente vers le couchant, le décor était encore bien ensoleillé et les cieux étaient clairs. L'entrée de la grotte étant située dans les hauteurs, sur le flanc d'une montagne, Claire pouvait voir très loin. Devant elle, le terrain descendait doucement, rejoignant les bords d'un fleuve ou d'un bras de mer à plusieurs kilomètres de là, qui lui-même rejoignait l'océan encore plus loin. Entre l'océan et la montagne, une mosaïque de bois verdoyants et de landes fleuries s'étendait. Des papillons et des abeilles voletaient de fleur en fleur, des oiseaux chantaient et venant de quelque vallon caché par les bois, de profonds brames parvinrent aux oreilles de Claire, qui ne sut s'ils furent poussés par des cerfs, des dinosaures ou d'autres créatures. Tournant la tête sur le côté, Claire vit qu'un grand aigle au plumage marron foncé se tenait en haut d'un rocher à seulement quelques mètres d'elle. Surprise, elle eut un léger mouvement de recul mais c'est alors que son regard croisa celui du rapace. Dans ses yeux, elle vit une lueur familière qui la rassura et elle sut qu'elle pouvait lui faire confiance. Elle tendit son bras et l'aigle s'élança du rocher, déployant ses larges ailes un court moment avant de se poser sur elle, prenant soin de ne pas enfoncer ses serres dans sa chair. Une fois qu'il fut stabilisé, il tourna la tête vers son visage et se projetant en avant, il vint délicatement frotter son cou contre celui de Claire. En réponse, elle caressa doucement son plumage.

— Content que tu sois là aussi chéri…, dit-elle.

Regardant droit devant, vers l'embouchure du fleuve, elle remarqua que des nuages tumultueux grondaient au-dessus de l'océan, loin au nord.

— On à faire…, déclara-elle en regardant la tempête.

Retendant le bras, elle laissa l'aigle décoller et survoler les environs tandis qu'elle rabattait le capuchon de sa cape par-dessus sa tête. Il revint au-dessus d'elle alors qu'elle descendait les pentes recouvertes par la bruyère, allant au-devant de la tempête tandis qu'Angrboda la regardait depuis l'entrée de la grotte.