Notes
Suggestions musicales :
L'accueil des invités et le début de la vente officielle :
- Theatre you're writing – James Newton Howard, King Kong (Jusqu'à 02:00).
Claire et Owen parlent de leurs regrets :
- Claire A-Culpa – Michael Giacchino, Lost: Season 3.
- Helen and Paris – Gabriel Yared, Troy (rejected score).
La demande d'Owen :
- I Am Hers, She's Mine – Ramin Djawadi, Game of Thrones: Season 2.
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Peu avant seize heures, Guillaume Vuillier franchit les portes du domaine Lockwood et alla garer son véhicule aux côtés de ceux des autres invités à la vente et d'une partie des acheteurs sur une pelouse faisant office de parking supplémentaire, située juste avant le pont en pierre qui menait au manoir. Sur le gazon de l'autre côté du pont, un AgustaWestland AW139 aux couleurs d'InGen avait atterrit et débarqué Susan Lynton, Alistair Iger, Dominick Silverman et une douzaine d'autres membres de l'élite d'InGen et de son conseil d'administration.
Lorsqu'il quitta sa voiture, le directeur du CSMD sortit son téléphone pour regarder l'emplacement du traceur. Depuis sa pause au diner, le traceur ne s'était pas déplacé et sur la carte, un point clignotant indiquait toujours le haut de la crête derrière le manoir. Guillaume regarda dans cette direction un instant, se rappelant qu'une cabane se trouvait au niveau des coordonnées du traceur, puis il s'engagea sur l'allée qui menait au manoir, traversant le pont.
Il arriva rapidement aux chapiteaux et après avoir dépassé un vigile, il se présenta à une petite tente ouverte servant de réception. Sous la tente, un stand était tenu par une jeune réceptionniste et non loin de là, le maire d'Orick était en pleine conversation avec Susan Lynton et un autre membre du conseil d'administration d'InGen, un grand sexagénaire barbu du nom de Cabot Finch. Guillaume avait aussi rencontré ce dernier au cours de la réception de mars, lorsqu'il était allé voir Lord Francis Clayton après avoir parlé à Benjamin Lockwood. Finch lui avait alors appris qu'il avait commencé au sein d'InGen comme simple stagiaire, au début des années quatre-vingt-dix, mais Lord Clayton avait ajouté en plaisantant qu'il pouvait remercier sa mère pour cela, cette dernière ayant été membre du conseil à l'époque.
Les écoutant d'une oreille, le directeur du CSMD entendit le maire parler d'un email de mise en garde qu'il avait reçu, écrit par Enrique Ordóñez, maire de la ville costaricaine Burgo Nuevo. Lorsque l'étatsunien se moqua de son homologue costaricain, Guillaume se pinça le haut du nez. Arrivant au stand, il sortit son invitation et la montra à la réceptionniste.
— Bonjour Monsieur Vuillier. Je vois que vous avez reçu mon invitation, constata la présidente d'InGen.
Le directeur du CSMD tourna la tête pour la regarder.
— Madame Lynton, dit-il avec une politesse froide
— J'espère que vous passerez une agréable soirée en notre compagnie, lui souhaita-elle avec un grand sourire, moqueur à ses yeux.
— Nous verrons…
La présidente d'InGen le laissa et tout étant en ordre, la réceptionniste rendit à Guillaume son invitation et lui donna un dossier relié. Tout en se dirigeant vers le chapiteau de la vente, le directeur du CSMD le feuilleta et réalisa que c'était une copie papier du diaporama de la vente. Il y avait un lot par diapositive et cette dernière comportait le numéro du lot, le nombre d'animaux, l'espèce concernée et même les noms des individus ainsi qu'une ou plusieurs photos. Ce dossier permettait aussi aux acheteurs de connaître le déroulement précis de la vente et de pouvoir prendre certaines dispositions sans courir le risque d'être absent au moment où le ou les animaux qui les intéressaient seraient mis aux enchères. Il remarqua que parmi les premiers animaux mis aux enchères, il y avait les apatosaures, les shantungosaures, les deux acrocanthosaures, Astérion le carnotaure, Yuriko la thérizinosaure ainsi que les tricératops et les stégosaures, soit les plus gros et les plus magnifiques spécimens… et aussi les plus chers, avec certains valant plus de cent millions de dollars. En procédant ainsi, InGen allait créer dès le début une importante concurrence entre les acheteurs et encouragerait ceux ayant échoué à acquérir ces gros animaux à se rabattre sur les espèces plus petites et peut-être moins spectaculaires.
Guillaume pénétra dans le grand chapiteau et, anticipant le déroulement de la soirée, il chercha une place de libre parmi les dernières rangées de chaises. La quasi-totalité des places étaient occupées, la vente allant commencer d'un instant à l'autre. A l'opposé de l'entrée, on avait aménagé une estrade sur laquelle on avait dressé des tables et des chaises, destinées au commissaire-priseur et à ses assistants. Reconnaissant de loin la silhouette chétive et le crâne chauve du fondateur du Groupe de Protection des Dinosaures, le directeur du CSMD remarqua qu'Alexander Singer était assis dans une des rangées du milieu en compagnie de Franklin Webb. Guillaume trouva une place à côté de Lord Francis Clayton.
— Bonjour, lui dit-il lorsqu'il s'installa.
— Bonjour, répondit l'aristocrate poliment.
Ce dernier se mit à dévisager le français.
— Votre visage m'est familier, se rappela Lord Clayton. S'est-on déjà rencontré ?
— Oui, à la réception en mars.
— Ah oui, je me souviens. Vous m'avez posé des questions sur mon mécénat et Claire.
Il balaya le chapiteau du regard.
— Est-ce que vous l'avez vue ? Demanda-il à Guillaume. J'avais cru comprendre que Lockwood l'avait intégrée à l'opération. Oh, peut-être qu'elle est aux enclos…
— Je ne sais pas si elle viendra, répondit le directeur du CSMD tout en regardant Lynton, Iger, Silverman, Torres ainsi que Mills monter sur l'estrade et le commissaire-priseur et ses assistants terminer les derniers préparatifs. InGen a porté des accusations très graves à son égard suite à l'incident de Burgo Nuevo.
— Je ne sais pas vous mais je n'y crois pas. Claire n'est pas comme ça. Pour reprendre les propos de ce bon vieux Arnold : C'est un ramassis de conneries.
Devant eux, une quinquagénaire et une jeune trentenaire échangeaient en chinois tout en feuilletant leur exemplaire du dossier.
— Quels animaux souhaitez-vous acquérir ? S'enquit le directeur du CSMD.
— Des petites et des moyennes espèces, répondit Lord Clayton. Mon conseiller financier m'a moult fois rappelé qu'on n'avait pas le budget pour de gros animaux malgré le prêt à la banque effectué. Ce n'est peut-être pas plus mal. Ça permettra à l'équipe de mon parc d'acquérir davantage d'expérience avec des dinosaures, de procéder par étapes, et ça rassurera un peu les autorités, ainsi que vous je suppose. La seule source d'inquiétude pourrait être Blue, l'Achillobator, l'ex-protégée du concubin de Claire… Du moins, si je l'acquiers. Sinon, elle sera le souci de quelque d'autre…
— En effet. Vous avez dit que vous étiez là pour des petites espèces ? Je suppose que vous avez entendu parler du vol survenu récemment ?
— Oui. Ils nous ont prévenus. Ceux qui ont fait ça sont vraiment des salopards. Parmi ceux qu'ils n'ont pas pu récupérer, il y avait le Yi qi qui m'intéressait.
— J'étais également intéressée par ce dernier, dit soudain la plus âgée des chinoises en anglais.
Elle se retourna vers le directeur du CSMD.
— Xun Sung, directrice de La Cité des Dinosaures, se présenta-elle.
Tandis qu'ils échangeaient une poignée de mains, Guillaume se souvint avoir vu le nom de l'établissement sur la liste qu'InGen avait envoyé au CSMD.
— Le musée-parc dans le Sichuan ? Demanda-il.
— C'est ça.
Son assistante se présenta à son tour et alors que les quatre conversaient au sujet du vol, Elijah Mills prit un micro et les invités se turent pour l'écouter tandis que les quelques représentants des médias présents préparaient leurs calepins et leurs caméras. Le gérant de la fondation Lockwood commença par leur souhaiter la bienvenue sur le domaine et à cet évènement, puis, plusieurs lui ayant demandé plus tôt où était Benjamin, il leur apprit que ce dernier avait été hospitalisé. Il ne mentionna pas les raisons mais ne manqua pas de lui souhaiter un bon rétablissement avant de bientôt passer le micro à Lynton, qui se lança dans un discours sur l'importance de cette soirée et les difficultés traversées par InGen. Lorsqu'elle dit qu'elle avait à cœur l'avenir des animaux et des employés, Guillaume ne put s'empêcher de lever discrètement les yeux au ciel, se croyant être à un meeting politique. La présidente d'InGen remercia ensuite la fondation Lockwood et le reste de leurs partenaires financiers ainsi que tous ceux ayant participé à l'opération Royaume Déchu : Les employés d'InGen, l'équipage de l'Arcadia, le Groupe de Protection des Dinosaures… mais aussi Kenneth Wheatley et sa société militaire privée. Le chef mercenaire était assis dans les premiers rangs, juste derrière Daniel Kon et d'autres membres du conseil d'administration, et lorsqu'il l'avait revu, Franklin avait été surpris de le voir en costume et non en treillis. Ensuite, Lynton souhaita aux acheteurs une bonne soirée et elle passa le micro au commissaire-priseur, un sexagénaire maigre et moustachu.
— Tu crois qu'ils vont se contenter de monter la presse et l'opinion publique contre nous une fois qu'ils nous relâcheront ? Demanda Claire alors qu'elle et Owen étaient assis dans un coin de la cabane.
— Non. Dès qu'on croira que les choses se sont tassées, je suis sûr que Torres enverra quelqu'un finir le travail une bonne fois pour toute, dit-il sombrement.
— Ou quelque chose…, ajouta-elle, se rappelant d'un de ses cauchemars.
Elle soupira.
— Je suis tellement désolée Owen.
— Pour quoi ?
— Pour tout. J'ai une part de responsabilité dans tout ce projet sinistre. J'ai autorisé la création de l'Indominus. Au final, l'Indoraptor existe grâce à moi.
— Avec le projet IBRIS, je suis aussi responsable. Je leur ai donné des idées, une base sur laquelle travailler.
— Ce n'est rien comparé à moi. Si j'avais refusé qu'on crée et qu'on expose l'Indominus à Jurassic World, ça aurait peut-être retardé leur projet… Ce noël maudit se serait passé différemment. Le parc aurait pu être sauvé. J'ai laissé Wu, Hoskins et le CA me manipuler comme un pantin.
— Là encore, c'est un peu de ma faute.
Elle eut un rire amer.
— Ne me dis pas qu'on est en train de faire un concours au sujet de nos culpabilités respectives ? Par les Dieux, on est ridicules ! Explique-toi.
— Mountbatten avait raison, je n'aurais jamais dû te laisser toute seule lorsque tu es devenue directrice.
Apprenant que l'ancien directeur de Jurassic World avait été au courant de leur liaison, une expression surprise apparut sur le visage de Claire.
— Arnold est venu te voir ? Demanda-elle.
— Ouais, peu avant qu'il ne quitte l'île et parte en Angleterre profiter de sa retraite. Il m'a dit que tu étais seule dans un monde impitoyable, que tu n'avais pas beaucoup de vrais amis, que tu avais besoin d'un vrai soutien sur un plan personnel, quelqu'un sur qui tu pouvais réellement compter, quelqu'un avec qui tu pourrais parler à cœur ouvert… Quelqu'un pour te guider, te faire garder les pieds sur terre et t'empêcher de faire des erreurs terribles. Il a aussi dit que tu jouais à un jeu dangereux avec Wu, que Masrani était un homme enfant et qu'il était très inquiet pour l'avenir du parc. Je me souviens encore de ses propos : « Une catastrophe approche, Owen. Je peux le sentir. Je ne sais ni comment, ni quand, mais elle vient. ». Il a été jusqu'à dire que la chute de Jurassic World pourrait semer les graines de guerres. Je ne l'ai pas cru et ignoré son conseil à ton égard, continuant de faire mon Achille. Quel orgueil ! Certaines choses ne seraient peut-être pas arrivées si j'avais été à tes côtés…
— Tu crois que notre amour a été aussi lourd de conséquences que celui de Pâris de Troie et d'Hélène de Sparte ? Que nous sommes tout comme eux les jouets des dieux ? Tu crois que nous sommes les parents du nouveau monde qui commence à se dessiner ?
Il hocha de la tête.
— Quelque chose comme ça…
— Il est vrai que je me suis mise à picoler après qu'on ait rompu, or je me suis moqué de Wu alors que j'étais sous l'emprise de l'alcool, il s'est mis à me haïr profondément et tu connais la suite… Une rupture mal-vécue entraîne le déchaînement d'un dinosaure monstrueux et génocidaire… C'est la théorie du chaos. Non, je t'ai repoussée. Je commençais à devenir quelqu'un d'horrible. Le mal du dragon s'emparait de moi.
— Le mal du dragon ?
— Un nom poétique pour la cupidité.
— Ok.
— Quoiqu'il en soit, il est trop tard pour culpabiliser.
— En effet.
Elle soupira.
— Et j'ai l'impression de m'être encore fait avoir avec opération ! Se plaignit-elle, parlant d'une voix de plus en plus serrée. On n'aurait pas dû y participer. On serait chez nous, avec Sigurd, tranquilles…
— Tu ne pouvais pas prévoir qu'on nous poignarderait dans le dos de la sorte. Et tu as accepté l'offre de Lockwood pour des raisons totalement valides. Tu auras besoin d'autant alliés que possible à tes côtés le jour où les tribunaux te convoqueront.
— Puisque t'en parles, je suis aussi désolée pour ça. Si on n'est pas liquidés et si je suis condamnée, tu devras élever un enfant seul.
Elle renifla et il vit des larmes commencer à couler le long de ses joues.
— Bordel que j'ai été stupide ! S'exclama-elle soudain. On n'aurait pas dû le garder, c'était égoïste et cruel de ma part ! Un enfant ne devrait pas grandir sans sa mère…
Il posa doucement une main sur son épaule.
— Hé. Hé… Ne dis pas ça. Tu n'as été ni stupide, ni égoïste, ni cruelle… Tu as agi par amour. On va récupérer notre petit garçon et ma mère, on va rentrer chez nous et reprendre une vie de famille normale, lui dit-il avec douceur, essayant de la réconforter. Tu le verras grandir, je t'en fais le serment. Et gare à ceux qui se dresseront sur notre route… Sache que je suis prêt à tout pour vous protéger, même affronter l'intégralité d'InGen Security. Je tuerais à nouveau pour nous s'il le faut.
— Tu n'es pas obligé. Laisse-moi être celle avec le sang sur les mains. Les gens…
— On s'en fout de l'avis des gens. Rappelle-toi, on est deux alphas. De toute façon, nous sommes des marginaux, des barbares aux yeux de la société actuelle. Et on n'est pas exactement des héros parfaits, on n'a jamais prétendu l'être. Non, nous sommes des survivants et dans un monde impitoyable tel que celui-ci, les survivants sont amenés à faire des choses difficiles pour rester en vie. L'important est de faire ce qui semble juste.
Claire hocha vivement de la tête.
— On va arrêter InGen. On va sauver notre fils et Cait. Et s'il leur arrive quelque chose, je serais sans pitié, déclara-elle avec conviction.
— Je le serais aussi.
Ils restèrent silencieux un instant puis Owen vint s'agenouiller devant elle. Il lui serra la main.
— Si jamais on survit à ce bordel, je te promets de demander ta main. Ça fait déjà un bout de temps que je te dis Un jour mais qu'il n'y a rien derrière…
Claire lui sourit.
— On est ensemble, Owen. C'est l'essentiel. Peu importe qu'on soit mariés ou non… Comme tu l'as dit il y a quelques temps, on l'est déjà en pratique.
Elle prit une profonde inspiration.
— Je ne veux pas qu'on se marie en vitesse et en secret, tel deux lapins se dépêchant de copuler au milieu d'une clairière avant qu'un rapace ne fonde sur eux. Non, je veux une vraie cérémonie, avec un banquet, de la musique… le tout dans un décor de rêve. Je veux une cérémonie où on prononce fièrement nos vœux devant une assemblée, une où aucun connard ne nous dise soudain « InGen vous envoie ses salutations. », décrivit-elle.
— Je partage tes souhaits.
Ils restèrent silencieux quelques secondes puis Owen soupira :
— Et puis merde ! Ça fait trop longtemps que ça traîne…
Il regarda sa concubine dans les yeux et d'une voix grave, il demanda :
— Claire Astrid Elizabeth Dearing, souhaites-tu m'épouser ?
Prise par surprise, elle le regarda d'un air étonné pendant un instant, inclina la tête et déglutit.
— Non, finit-elle par répondre d'une voix faible.
Déconcerté, il se laissa tomber sur son séant et la déception l'envahissant, il l'évita du regard.
— Putain le con ! Pourquoi j'ai fait ma demande dans ces circonstances ? Et sans anneau en plus ! J'aurais dû me taire… J'ai tout fait foirer ! Marmonna-il.
Mais alors que les larmes lui montaient aux yeux, Claire éclata de rire et se rapprocha de lui. Prenant sa tête entre ses mains, elle la fit tourner pour qu'il la regarde dans les yeux.
— Mais bien sûr que oui, gros bêta ! Dit-elle avant de renifler. Mille fois oui ! Owen Wolf Grady, je veux t'épouser.
Rassuré, il rapprocha son visage du sien et ils s'embrassèrent avec passion.
— Tu me referas ta demande proprement une fois toute cette affaire réglée, ajouta-elle lorsque sa bouche décolla de la sienne.
— Je le ferais.
Elle colla son front contre le sien, sourit à nouveau, et ils restèrent ainsi longuement, se murmurant des promesses et des mots doux pour se réconforter dans ce moment difficile.
