Notes
Suggestions musicales :
La présentation de l'Indoraptor :
- Thus begins the Indorapture — Michael Giacchino, Jurassic World: Fallen Kingdom.
- In the Trench – Bear McCreary, The Lord of the Rings: The Rings of Power (Season One, Episode Three: Adar) (Jusqu'à 03:10).
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Tandis que celui qu'il venait de vendre était emmené hors de la salle, Gunnar Eversol annonça le lot suivant. Un des hommes de Mills monta sur le convoyeur, tenant en laisse un théropode au corps bleu foncé tendant sur le gris et au ventre crème. Aussi gros qu'un malinois, il portait une muselière qui dissimulait en partie sa face blanche ainsi que ses crêtes lacrymales rouges naissantes. Tout comme les pectinodons ayant ouvert la vente, l'animal n'était pas un adulte.
— Un bébé allosaure, dit le commissaire-priseur. Quand il sera grand, ce sera un prédateur féroce et agressif.
Alors qu'il prononçait ces mots, la représentation d'un Allosaurus fragilis (*) adulte apparut sur les deux écrans, accompagnée d'une silhouette humaine pour donner l'échelle. Les acheteurs virent que cet animal pouvait faire dans les neuf mètres cinquante de long, trois mètres de haut, et peser deux tonnes.
Dans son oreillette, qu'elle avait pris soin de bien dissimuler, De Mafart entendit la voix de Prieur.
— Fais genre que tu es intéressée…
Elle réprima un rire puis lui écrivit :
Qu'est-ce qu'on foutrait d'un allosaure ? On le donnerait au Jardin des Plantes ? Au Zoo de Vincennes ?
Ou on le mettrait dans le jardin de l'Elysée ?
La représentation de l'allosaure fut remplacée par des photos d'individus vivants prises dans les Cinq Morts. Là où certaines étaient des photos d'archive d'InGen, d'autres étaient plus récentes et avaient été trouvées sur Internet par ceux ayant conçu le diaporama affiché.
Ayant reçu le message de sa collègue, Prieur ajouta :
— Si tu te dégonfles, les autres te verront comme une faible. Ils vont te sous-estimer… Or c'est ce qu'on veut. On va les surprendre… Tiens-toi prête, ils sont presque à la fin.
Lorsque des mains se levèrent parmi l'assemblée, Sophie fit de même. Jusque-là, elle ne s'était pas manifestée et s'était contentée d'observer la vente. Bon nombre de lots avaient déjà défilés : Griffes, dents et cornes de formes et de taille variées des peaux quelques bustes, dont un de sinocératops qui s'était vendu à prix d'or des valises d'embryons des œufs ainsi que divers autres animaux vivants, que des petites espèces ou des bébés.
Un représentant de société pharmaceutique avait acquis le Pegomastax tandis qu'un étrange couple, constitué d'un homme et d'une femme arborant chacun sur le bras un tatouage représentant un hiéroglyphe de serpent, avait achetés les Purgatorius. L'agente de la DGSE s'était même demandé comment on pouvait être intéressé par ce qui était à ses yeux de vulgaires écureuils.
Dès qu'il ne resta plus que trois mains de levées, De Mafart se désista et peu après, Eversol frappa son pupitre avec son maillet.
— Vendu !
Le bébé allosaure fut emmené hors de la salle et le convoyeur amena des peaux. Dans son oreillette, De Mafart entendit Hunebelle soupirer.
— J'espère qu'on ne nous a pas racontés de salades, dit-il d'un ton blasé, frustré de voir que c'était encore des spécimens issus du braconnage qui étaient mis aux enchères, quelque chose qui ne les intéressait pas. Car jusque-là, ce n'était pas très palpitant, ajouta-il avant de grignoter une nouvelle poignée de chips.
— Patience, Hubert…, lui répondit Prieur.
Suivant les échos de la vente dans les tunnels, Claire, Owen et Guillaume descendirent un petit escalier et trouvèrent une galerie dotée de petites grilles dans la partie supérieure du mur. En se rapprochant de celles-ci, ils entrevirent la salle de conférence souterraine du manoir et surent qu'ils étaient au bon endroit. S'arrêtant, ils se mirent à espionner la vente. Etant un niveau au-dessus de l'ancienne piste de danse, ils surplombaient les acheteurs ainsi que le convoyeur et la petite estrade. Voyant le lot de peaux en train d'être mis aux enchères, le couple et le directeur du CSMD réalisèrent bien assez tôt avec stupeur que c'était celles d'animaux déséteints. Guillaume eut l'impression d'être renvoyé une quinzaine d'années en arrière, pendant l'opération Wyvern. Il murmura :
— Des spécimens braconnés…
Sur l'estrade, ils virent le gérant de la fondation Lockwood assis à une table, contemplant l'assemblée d'acheteurs avec un regard satisfait.
— Eli ! Siffla Claire, furieuse de constater son implication dans l'ignoble trafic qui avait lieu sous leurs yeux.
— Ben voyons…, dit Owen, qui était moins surpris que sa compagne.
— Pourquoi ne suis-je pas étonné non plus ? Renchérit Guillaume tout en sortant le matériel d'enregistrement de son sac à dos. Je savais que c'était un faux-cul de première !
Les peaux ayant trouvé leur acheteur, Eversol donna un coup de maillet et cria « Vendu ! ». Ensuite, on amena un nouveau lot, consistant en des griffes de Therizinosaurus.
— Ainsi, tandis que tout le monde a le regard braqué sur la vente aux chapiteaux, officielle et légale, Mills organise sa propre soirée, résuma la directrice déchue. Ce sale margoulin s'est bien foutu de notre gueule !
— Et InGen se sert de la première comme écran de fumée pour celle-ci, ajouta Guillaume, qui avait commencé à filmer la vente avec une petite caméra.
— InGen est à blâmer pour bien des choses mais qu'est-ce qui nous dit qu'elle est impliquée dans cette vente ?
— Ces spécimens ont été braconnés pendant l'opération Royaume Déchu par des mercenaires à sa solde.
— Wheatley, grogna Owen.
Guillaume acquiesça.
— Des survivants de la Chute laissés pour mort les ont vus. Ils m'ont tout expliqué dans un email que j'ai reçu il y a quelques mois. Ils avaient des preuves sur une clé USB mais malheureusement, ils l'ont perdue lors de leur périple vers les Cinq Morts.
Devinant l'identité de ces survivants, le couple écarquilla les yeux d'étonnement.
— Ces survivants sont les gosses du Camp Crétacé ? Demanda Owen à l'ex-agent d'Interpol d'un ton surpris.
— Voilà pourquoi Torres a envoyé un hélico les poursuivre, réalisa Claire. Ils ont dû découvrir que les gars de Wheatley braconnaient sous ses ordres. Kenji Kon est vraiment mort à cause d'InGen ! Si seulement je pouvais convaincre son père à ce sujet… Et l'histoire de Benito au sujet des pectinodons fait sens désormais… J'ose espérer qu'ils n'en ont pas envoyés ici.
— Ils ont le beurre, l'argent du beurre, la crémière et le cul de la comtesse en prime, résuma Guillaume.
— C'est putain de diabolique…, renchérit Owen.
Au même moment, un nouveau lot franchit la double-porte. C'était un buste, celui d'un grand théropode.
— Est-ce que c'est… ? Commença Claire d'une voix serrée, craignant reconnaître l'animal.
— Oui, confirma son compagnon.
Les poings de la directrice déchue se refermèrent et sous sa cagoule, sa mâchoire se crispa et son visage s'empourpra.
— Les fils de pute ! Siffla-elle avec haine. Ils n'ont aucune gêne…
Dans la salle, Eversol présenta ce nouveau lot tandis qu'il se rapprochait de l'extrémité du convoyeur. Les acheteurs le regardèrent avec un fort intérêt.
— Un buste de T. rex ! Et pas n'importe lequel… Celui-ci a connu le parc mort-né de John Hammond et a été pendant de longues années une star à Jurassic World.
Il ne mentait pas. Le buste était bien celui d'une femelle arborant des cicatrices sur sa tête et son cou, celle que les soigneurs d'InGen avait affectueusement nommée Roberta près de trente ans plus tôt.
A la fin de la Longue Nuit, elle et Claire avaient noués une relation certes courte mais particulière. La directrice déchue avait libéré la vieille tyrannosaure et les deux s'étaient mutuellement sauvées des griffes et des crocs de l'Indominus, bien que ce fut de façon involontaire de la part de Roberta, qui n'avait pas hésité à essayer de croquer Claire après avoir vaincu sa rivale. Tandis que son buste était mis aux enchères, Claire se rappelait encore de ce moment où Owen et elle étaient agenouillés dans l'Avenue Richard Owen, laissant la tyrannosaure venir jusqu'à eux, prêts à accueillir ensemble la mort… Alors pratiquement nue, ne portant que le haut de ses jodhpurs déchirés, et grièvement blessée, menaçant de s'évanouir d'une seconde à l'autre, Claire s'était sentie si vulnérable face à la reine des dinosaures, sans pour autant être terrifiée… Elle avait déjà accepté que l'idée que son heure était peut-être venue, et aurait même été jusqu'à considérer une mort entre les crocs de Roberta comme un honneur, à la manière d'un chevalier vaincu acceptant d'être exécuté par un autre auquel il voue un grand respect. Non, au-delà de la peur, Claire avait surtout ressentit de l'humilité et de l'émerveillement. N'ayant plus un quelconque intérêt pour eux, Roberta les avait épargnés et avait quitté Burroughs pour retourner dans son ancien antre et s'y éteindre.
C'eut aurait été une belle fin pour la vieille tyrannosaure mais hélas, la cupidité des Hommes était grande et après avoir l'avoir retrouvée morte, ils avaient profanés son cadavre pour vendre son buste au plus offrant. Une insulte et un crime odieux. Claire souhaita que tous les participants à cette abominable soirée soient expédiés au Tartare ou à Náströnd, et si elle avait eu une kalachnikov, elle aurait tiré dans le tas sans faire preuve d'aucune discrimination, n'épargnant que Mills dans le seul but de l'interroger et de lui faire subir un châtiment approprié. Elle pouvait presque entendre la voix d'Angrboda l'encourager à se livrer à un massacre où elle déchaînerait sa colère.
— Une fois…, dit le commissaire-priseur alors qu'une seule main levée restait. deux fois… Vendu !
Claire fusilla du regard l'acheteur venant d'acquérir le buste de la véritable reine d'Isla Nublar. En le voyant sourire, être fier de son action, elle eut envie de lui trancher les parties avec un cimeterre rouillé avant de le faire s'étouffer avec.
— Retiens-moi Owen, dit-elle. J'ai envie de descendre et faire un massacre !
Alors qu'il étudia attentivement les acheteurs, Guillaume se figea lorsqu'il réalisa que Sophie était assise parmi eux.
— Putain, c'est pas vrai…, marmonna-il d'une voix choquée.
L'ayant entendu, Claire s'inquiéta :
— Monsieur Vuillier ?
Il pointa alors Sophie avec son doigt.
— Vous voyez la jeune femme blonde là, celle avec les cheveux courts. Je la connais…
A son ton peiné, ils comprirent qu'elle était une amie à lui.
— Elle bosse pour la DGSE, ajouta-il.
— Ce n'est pas les services secrets de votre pays ? Se rappela Claire.
— Si.
— Qu'est-ce qu'une de leurs agentes fout à cette soirée ? Demanda Owen.
— Croyez-moi, j'aimerais grandement le savoir…, répondit Guillaume.
Le buste de Roberta venant de quitter la salle, la double-porte se referma et Eversol se repencha vers son micro.
— A présent, Mesdames et messieurs, nous arrivons à la fin de notre soirée. Avant que vous nous quittiez et emportiez vos magnifiques acquisitions, nous souhaiterions vous donner un avant-goût d'un projet sur lequel nous travaillons, une créature du futur faite à partir de morceaux du passé et du présent.
Dans son oreillette, De Mafart entendit Hunebelle s'exciter avant d'être interrompu par Prieur qui dit à sa collègue de se tenir prête.
— Le mélange de certains des prédateurs les plus redoutables ayant foulé le sol de cette planète, ajouta le commissaire-priseur.
Au même moment, une personne revêtue d'une étrange armure noire, celle que Maisie avait vue la veille, vint se positionner près du convoyeur. Alors que les acheteurs la regardaient avec circonspection, se demandant qui elle était et ce qu'elle venait faire ici, elle prépara un long bâton pointu, un petit seau contenant des morceaux de viande, et un cliqueur.
— Mesdames et messieurs, l'Indoraptor…, présenta Eversol.
La double-porte s'ouvrit, révélant un halo de lumière blanche au milieu de laquelle une silhouette noire, fort semblable à celle d'un dinosaure théropode prédateur, pouvant être distinguée. Se tenant sur ses pattes arrières, le dinosaure se dressa presque à la verticale, comme pour regarder de près le plafond de la cage dans laquelle il était enfermé. Le convoyeur l'amena à l'intérieur de la salle de conférence, et les acheteurs écarquillèrent les yeux de stupéfaction et eurent le souffle coupé en voyant le genre d'animal qu'on leur montrait.
La bête, entièrement noire et un peu plus haute qu'un Homme, était pourvue d'un corps allongé et gracieux comparable à celui d'une panthère ou d'un guépard, de longs bras griffus et d'une tête ressemblant plus à celle d'une Fausse Orque qu'à celle d'un dinosaure. Elle entrouvrit ses mâchoires, révélant des rangées de dents pointues et recourbées ainsi que des crocs pareils à ceux de bien des mammifères prédateurs. Un prédateur de cauchemar qui n'avait rien de naturel.
Avec ses petits yeux rouges à la pupille verticale, il balaya l'assemblée du regard tout en reniflant. Sentant les morceaux de viande dans le seau, il inclina la tête vers la personne en armure, nul autre que Maya Harris, et la regarda longuement alors qu'elle marchait le long du convoyeur. Soudain, celle-ci sortit un sifflet d'une de ses poches, souffla dedans, et l'Indoraptor poussa un rugissement terrifiant qui glaça le sang de la plupart des acheteurs. Ceux près du convoyeur et de la dresseuse virent cette dernière avoir un sourire en coin, son casque laissant le pourtour de sa bouche exposé. Ensuite, elle plongea une main dans le seau de viande, saisit en morceau, le mit au bout du bâton pointu et tendit ce dernier à travers les barreaux de la cage tout en appuyant sur le cliqueur. L'Indoraptor saisit le morceau entre ses dents et l'avala.
Sur les écrans dans les coins, une représentation de l'Indoraptor ainsi que tout un tas d'annotations furent affichés.
Dans la galerie surplombant la salle, le couple et Guillaume regardaient l'animal d'un air choqué, effaré de voir qu'il semblait être dressé et surpris de sa présence sous le manoir Lockwood, le dernier endroit où ils se seraient attendu à le voir.
Claire constata les différences entre lui et les indoraptors qu'elle avait vus dans un de ses cauchemars, qui mélangeaient les caractéristiques d'Indominus et de raptor, et ressemblaient donc encore assez à un dinosaure là où l'animal en contrebas était encore plus étrange, principalement à cause du melon dont était doté la tête. Ceci, combiné à la couleur noire et à la forme générale du corps, faisait ressembler l'Indoraptor à une célèbre créature de fiction qu'Owen nomma :
— Putain, ils ont faits un xénomorphe ces cons !
— Ouais, il a aussi une tête de bite, renchérit Claire. C'est indécent…
Ils n'avaient pas été les seuls à faire la comparaison avec l'icône de la saga Alien car lorsqu'il avait découvert les premières images de l'animal, Alistair Iger avait déclaré, d'un ton blasé :
— Je sens que Ridley Scott va coller un procès à quelqu'un…
Au même moment, la cage et son occupant passèrent devant Sophie de Mafart qui, contrairement à ses voisins, osa regarder la créature dans les yeux tandis qu'Hunebelle murmurait d'excitation et Prieur sifflait d'admiration dans son oreillette.
Peu après, la cage arriva au bout du convoyeur et l'Indoraptor étant resté tranquille jusque-là, Maya le récompensa avec un nouveau de morceau de viande.
— Bien, Elsa. Gentille fille…, la félicita-elle.
Sur les écrans, la représentation de l'animal et les annotations associées laissèrent la place à des photos de l'Indominus, d'un Néoraptor iroquois et de divers autres animaux, tous ceux dont les gènes avaient été utilisés dans la création de l'Indoraptor : Tyrannosaure, Majungasaure, Gorfou sauteur, Léopard, Grand Dauphin, Chimpanzé, Vipère de Schlegel, la grenouille Hyalinobatrachium fleischmanni, Salamandre maculée, et Seiche commune.
De Mafart entendit Hunebelle éclater de rire.
— Est-ce que c'est Flipper le dauphin et Cheeta le chimpanzé de Tarzan sur la diapo ? Demanda-il d'un air mi-choqué, mi-amusé.
Dans la galerie d'aération, Claire fut outrée en remarquant que les organisateurs avaient décidés de prétendre avoir utilisé de l'ADN de chimpanzé pour cacher ce qui était un grave péché pour beaucoup.
Les pleutres ! Ils n'assument même pas avoir utilisé de l'ADN humain ! Est-ce qu'ils ont encore utilisés le mien pour faire cette chose ? Si l'Indominus est ma « fille », est-ce que je suis la Mère-grand de cette chose ?! Me remplacer par un chimpanzé… C'est encore un coup de Wu, ça ! Une nouvelle insulte plus ou moins subtile… Qu'il se méfie car les chimpanzés ne sont pas des tendres ! La « guenon » compte bien lui maraver sa tronche !
Alors que divers schémas et animations expliquaient l'héritage que chacune de ces espèces avait laissé chez la dernière création d'InGen, Eversol reprit la parole :
— Cette créature est l'arme parfaite pour notre époque. Non seulement elle est conçue pour le combat, avec des réponses tactiques plus développées que celles de n'importe quel soldat humain, mais nous pensons qu'elle aurait aussi sa place parmi les forces de l'ordre.
Tandis que le commissaire-priseur parlait, Claire fut étonnée de constater l'absence d'Henry Wu à la présentation de sa dernière création. Elle espéra qu'il était encore dans le domaine.
Sur les écrans, une vidéo montra une grenade tomber au milieu d'un groupe de mannequins déguisés en soldats et libérer un gaz rougeâtre au milieu duquel les mannequins disparurent à moitié avant d'être attaqués par Elsa dans une scène défilant au ralenti. La scène avait lieu dans le vieil atelier, reconvertit en salle d'entraînement et d'autres courtes séquences montrèrent l'animal obéir à différents ordres de sa dresseuse, qui communiquait avec elle avec des ordres oraux, divers signaux acoustiques ainsi que la langue des signes américaine. Les acheteurs la virent charger de front un mannequin et le mettre en pièces s'approcher furtivement d'un autre en utilisant sa capacité de camouflage héritée de la seiche avant de fondre sur lui au dernier instant pour le saisir à la gorge et le traîner en arrière, vers une zone obscure de la salle d'entraînement courir jusqu'à un autre, le renverser et poser une de ces pattes sur lui pour l'empêcher de bouger tandis que Maya accourait menottes en main ou encore en dégager un d'un tas de gravats à l'aide de ses bras, le saisir délicatement et l'emmener jusqu'à un brancard.
— Comme vous pouvez le voir, cet animal obéit parfaitement à sa dresseuse, qui l'a élevé depuis sa naissance. Il la considère comme sa mère, ajouta le commissaire-priseur tout en regardant Maya et Elsa à l'extrémité du convoyeur.
Enfin, les écrans montrèrent des représentations de six indoraptors de couleurs différentes. Des skins possibles, chacun nommé d'après un environnement ou un climat particulier, à l'exception d'un noir pareil à Elsa appelé simplement « Par défaut ». Il y avait un verdâtre était appelé « Jungle », un blanc « Neige », un beige « Désert », un gris « Urbain », et un au motif camouflage brun-vert « Tempéré ».
Mais alors qu'Eversol expliquait que les généticiens derrière la création de l'animal travaillaient sur une nouvelle version, il fut soudain interrompu par Anton Orlov.
— Deux cent millions ! Cria-il.
Eversol se retourna pour regarder Mills. Ce dernier acquiesça discrètement. Ils s'étaient attendus à ce genre de réactions.
— Non, c'est un prototype. Il n'est pas à vendre, précisa le commissaire-priseur.
— Deux cent dix millions ! Cria un deuxième acheteur.
Maya se retourna brusquement vers le pupitre et secoua la tête, demandant à Mills et Eversol de ne pas vendre Elsa.
— C'est encore un prototype mais…, hésita le commissaire-priseur.
Davantage d'acheteurs se manifestèrent, y compris De Mafart, et leurs voix résonnèrent bientôt dans la salle de conférence. N'étant pas habituée à être en présence d'autant de personnes et inquiétée par les voix fortes des acheteurs, Elsa commença à s'agiter et Maya chercha à la rassurer avec des mots doux.
Eversol se retourna à nouveau vers Mills, semblant ne pas savoir quoi faire. Le gérant de la fondation Lockwood hocha de la tête, l'autorisant à vendre l'animal. Lorsqu'il refit face aux acheteurs, le commissaire-priseur sourit. En vérité, lui et Mills avaient prévus de vendre l'Indoraptor et n'avait fait que feindre la surprise pour mieux duper tout le monde, Maya y comprise. Dire que Mills lui avait dit que cette présentation n'avait pour but qu'à acquérir des financements pour ses recherches… Techniquement, c'était vrai mais il avait juste oublié de lui dire qu'elle et son animal allaient bientôt déménager. Ils espéraient juste que l'Indoraptor soit acquis par un acheteur sérieux ayant de grands projets pour lui, et non par quelque milliardaire souhaitant compléter sa ménagerie privée ou un entrepreneur peu scrupuleux qui l'enverrait participer à des combats de fosse. Leurs meilleurs espoirs reposaient sur Sophie de Mafart. Ils la regardèrent.
— Deux cent cinquante millions ! Cria-elle.
— Deux cent soixante-quinze millions ! Renchérit Anton Orlov avant de regarder d'un air moqueur l'agente de la DGSE, croyant qu'elle allait bientôt se désister comme elle l'avait fait pour d'autres lots.
C'est alors qu'Eversol intervint :
— Entends-je trois cent ?
De Mafart, Orlov et les autres acheteurs continuèrent de renchérir mais déjà, certains abandonnèrent, le prix étant devenu trop élevé. Etudiant ses clients, le commissaire-priseur savait d'ores et déjà que le round final se ferait entre le mafieux russe et l'agente de la DGSE. Le clan auquel appartenait le premier était peut-être riche mais le gouvernement français l'était encore plus. Le nom de l'acquéreur de l'Indoraptor pouvait presque être déjà annoncé.
Dans leur poste d'observation caché, le couple et Guillaume échangèrent des regards inquiets.
— Si on était au début du siècle dernier, ils auraient probablement essayé de le vendre au Kaiser ! S'énerva Claire.
Alors en train d'imager l'usage dont ferait l'acheteur de l'Indoraptor, elle se rappela d'une scène de son cauchemar.
— Imaginez un groupe de ces créatures déployées au cours d'une émeute…, murmura-elle soudain.
— Même si elles sont dressées pour maîtriser et non tuer, elles sèmeront la peur et seront un puissant outil d'intimidation au service des puissants, ajouta Guillaume.
— Excepté qu'elles se rebelleront tôt et tard contre leurs maîtres et tuerons quiconque sur leur passage. Le cauchemar de l'Indominus recommencera ailleurs, et en pire…Cette chose ne doit pas quitter le domaine.
C'est alors que la directrice déchue s'éloigna de la grille et se dirigea vers la sortie de la galerie. Owen la suivit en dehors mais Guillaume, encore occupé à filmer, ne les vit pas partir. Il ne pouvait détourner les yeux de Sophie et était choqué de la voir continuer d'enchérir.
Le prix de l'Indoraptor était à présent supérieur à quatre cent cinquante millions de dollars et continua de grimper. Le nombre de mains s'était considérablement réduit et bientôt, il ne resta plus que De Mafart et Orlov dans la course.
— Cinq cent millions ! Cria le russe
— Cinq cent vingt millions ! Renchérit la française.
Orlov lui lança un regard noir, comme pour lui dire que l'Indoraptor était à lui et non à elle, puis cria à nouveau.
— Cinq cent cinquante millions !
Il eut un court silence au cours duquel le mafieux crut que sa concurrente avait abandonné, juste au moment où il menaçait de se ruiner dangereusement. Mais lorsqu'elle releva la main, son visage se décomposa.
— Six cent millions ! Renchérit l'agente de la DGSE.
Orlov se frappa la cuisse et soupira de frustration avant de marmonner quelque chose dans sa langue natale, probablement une insulte à l'égard de De Mafart. Ne le voyant pas renchérir, Eversol fixa la jeune femme.
— Une fois, deux fois…, commença-il lentement, s'attendant presque à ce qu'Orlov renchérisse au dernier moment.
La seule manifestation de la part du russe fut un autre soupir et lorsque le commissaire-priseur abattit son maillet sur le pupitre, il marmonna toute une série de jurons sur un ton énervé.
— Vendu à notre amie française pour six cent millions ! Annonça Eversol.
Les collègues de De Mafart la félicitèrent aussitôt.
— Bravo, Sophie ! Bien joué ! Dit Prieur avec une grande satisfaction.
— Ah ah… Mange tes morts le ruskov ! Ricana Hunebelle.
L'agente de la DGSE sourit en contemplant le prédateur. Elle remarqua alors que sa dresseuse la fixait mais ne pouvant voir ses yeux au-delà de sa visière, De Mafart ignorait la nature de son regard. Le convoyeur fut réactivé et la cage reculant vers la double-porte, Maya la suivit d'un pas lent. Elle regarda d'abord Elsa, puis elle tourna la tête vers le pupitre et les deux hommes qui l'occupaient, les fixant eux aussi un moment avant de quitter la salle.
Tandis qu'Eversol faisait un discours de clôture et que Mills appelait Lynton et Torres pour les informer de la vente de l'Indoraptor, Guillaume remballa son matériel d'enregistrement et quitta la galerie, partant à la recherche du couple tandis que ses pensées étaient tournées vers Sophie et l'Indoraptor. Quel étaient exactement les plans du gouvernement français pour cet animal ?
Notes
(*) En 2020, suite à la publication d'une étude paléontologique, les paléontologues du CSMD réaliseront que les allosaures d'InGen appartiennent à l'espèce jimmadseni plutôt qu'à l'espèce fragilis. La première est caractérisée par un museau plus long que la seconde.
