Notes
Suggestions musicales :
Maya, Lynton et Mills arrivent au bunker :
- Contaminated — Dominik Scherrer, Primeval (De 00:38 à 02:15)
La mort de Wheatley :
- First Blood - Abel Korzeniowski, Penny Dreadful: Season One (Jusqu'à 01:58).
- A farewell to arm – Michael Giacchino, Jurassic World: Fallen Kingdom (Jusqu'à 02:15).
-o-
— Vous avez buté la seule qu'on appréciait et on se retrouve avec le détraqué sexuel et l'attardé difforme. Merci les connards ! S'exclama Karim.
L'Ipod venait de lancer la lecture d'une nouvelle musique, une chanson en français que Claire et Owen ne connaissaient pas et qui parlait de dino, de disco et de laser (*).
…
Un p'tit peu de croco d'la dinde et du poulet
T'es l'premier dinosaure génétiquement modifié
C'est l'docteur Tiptree qui t'as ramené sur Terre
Pour des motivations quelque peu autoritaires
Elle voudrait (elle voudrait)
Remplacer les humains par des dinosaures
Pour que vous sauviez la planète de cette espèce qui la saccage
…
— Vous leur avez aussi donné des noms ? Demanda Owen.
— Oui. Ruedi et Humperdoo, répondit Nicole.
— D'après Hans Ruedi Gieger, le mec qui a désigné le xénomorphe d'Alien, et Humperdoo, le descendant complètement débilus de Jésus dans Preacher. C'est Ivan qui a trouvé le nom pour celui-là, ajouta Karim en regardant son collègue.
— Vous avez pu choisir leurs noms ? Putain, quand je pense qu'Hoskins m'a imposé de nommer trois de mes Achillobator d'après l'alphabet de l'OTAN… J'avais choisi Victoria, Melanie, Geri et Emma à la base, grommela le soigneur.
— Comme les Spice Girls ? S'étonna une généticienne.
— Ouaip. C'est dégelasse que vous ayez eu cette liberté et pas moi…
— Très bien, vu qu'on connaît maintenant les noms des deux… frères d'Elsa, on peut arrêter d'utiliser le mot Indoraptor, déclara Claire. Quel nom ridicule ! Le voleur indien… Franchement les gars ?
— Indoraptor a été choisi en haut, pas par nous…, précisa Karim,
— Ni par moi, ajouta Wu.
— Mais sachez qu'on est d'accord avec vous sur ce point, dit Nicole à Claire.
— Vous avez nommé un dinosaure hybride d'après un gars connu pour ses délires phalliques et vous vous étonnez qu'il soit un détraqué sexuel comme vous dîtes ? C'est ce qui se passe quand on joue un peu trop avec le karma, rétorqua cette dernière.
— Dire qu'on avait considéré Casimir, gloussa Karim.
— Quand on pense à ce qu'il a fait à cette pauvre femelle Pectinodon, se rappela Giles.
— Il l'a complètement déchirée…, précisa son collègue.
— Ah non, n'en parlons pas, leur dit Nicole. J'ai la gerbe rien qu'à y repenser.
— On aurait dû l'appeler Polanski tiens, dit Karim.
— Et où sont Ruedi et Humperdoo ? Les interrogea Owen.
— Vous voulez les buter aussi ? Lui demanda Nicole. D'un côté, on les déteste vraiment mais d'un autre, ils sont notre gagne-pain.
Karim se mit à rire.
— Alors vous prenez l'escalier, vous descendez, vous ouvrez la porte sur votre gauche, continuez dans le couloir sombre au-delà, passez devant la cage du Marsupilami et celle du Rat-singe de Sumatra, puis entre le bassin des requins-lasers et le frigo contenant un officier nord-coréen génétiquement modifié ressemblant à Toby Stephens…
Son hilarité devint alors si incontrôlable qu'il se courba et se laisser tomber à terre, où il continua de rire. Giles et Nicole se penchèrent au-dessus de lui.
— Mais tu te fous de notre gueule ?! Lui demanda Owen avec sévérité.
— Il a bouffé un space cake ! Il n'y peut rien ! Leur expliqua Nicole.
— J'en. Ai. Rien. A. Foutre ! Gronda Claire.
Lorsqu'ils traversèrent le parking devant le quai du vieil atelier dans leur recherche de Claire et d'Owen, Maya et les gardes l'accompagnant entendirent des buissons près du bâtiment bruisser. Intrigués, ils se rapprochèrent prudemment et écarquillèrent légèrement des yeux en constatant que trois personnes y étaient allongées et s'agitaient alors qu'elles semblaient se réveiller, trois personnes qu'ils connaissaient. Vlad et Judas, deux généticiens, et Vanessa, une des gardes du domaine. Cette dernière était en débardeur et culotte, son uniforme ayant été volé.
— Où est mon uniforme ? Gémit-elle.
— Je ne sais pas où il est passé mais je vois un pantalon qui n'est pas à toi…, dit Judas.
Il attrapa le pantalon de Claire et la tendit à son amie qui commença à l'enfiler, ne voulant pas se promener en sous-vêtements dans le domaine à la recherche de son uniforme.
— Que s'est-il passé ? Leur demanda Maya.
— Des types encagoulés nous sont tombés dessus alors qu'on fumait une clope, répondit Vlad.
— Combien étaient-ils ?
— Trois. Je crois que l'un d'eux était une femme.
Claire, devina la dresseuse. Owen doit être avec elle. Mais qui est le troisième connard ? Vuillier comme le pense Lynton ?
Elle téléphona à Mills.
— Elijah, je crois que je les ai. Ils se sont infiltrés dans le bunker. J'y vais.
— Nous sommes en chemin, lui dit l'homme d'affaires. Je préviens Torres. Soyez prudents, ils sont dangereux.
Maya raccrocha peu après et regarda le quai voisin d'un air décidé. Le couple et leur complice allaient payer pour ce qu'ils ont fait à Elsa.
Suite à la confirmation de l'évasion du couple et de la trahison de Valentine Taylor, Torres avait délégué la sécurité de la vente et du domaine à George Lambert, décidé lui aussi à faire de leur traque une affaire personnelle après tous les emmerdes qu'ils lui avaient causés.
Après avoir été appelé par Maya, Mills voulut informer le directeur d'InGen Security de l'infiltration des trois malfrats au bunker mais tomba sur son répondeur. Il tenta de la rappeler, en vain.
Il ignorait que le portable de Torres était tenu par Theo Lomas, un des hommes de Wheatley. Le mercenaire anglais laissa le téléphone sonner et regarda le directeur d'InGen Security et le groupe de gardes qui l'accompagnait alignés devant lui au milieu du bois du domaine, genoux à terre et mains sur la tête tandis que deux de ses camarades avaient leurs armes braquées sur eux.
Après qu'ils aient pénétrés dans le domaine, les mercenaires s'étaient divisés en plusieurs équipes, chacune chargée d'exécuter une tâche spécifique du plan établit par Wheatley et ses officiers en collaboration avec leurs alliés. Ainsi, tandis que l'équipe de Theo et une autre était chargée de neutraliser tous les gardes croisés, une troisième s'approchait de la cuvette, une quatrième avait pour objectif les chapiteaux et une cinquième le bunker sous le manoir. Cette dernière arrivait en vue de la porte du tunnel secret.
Maya Harris, suivie de son groupe de gardes, du trio Vanessa-Vlad-Judas ainsi que d'Alf, qu'elle avait appelé entretemps, franchit la porte entre la salle de contrôle et la passerelle, se dirigeant vers le laboratoire. Venant de les voir, Claire se tourna vers Owen, qui venait d'arrêter la lecture de la playlist sur l'Ipod :
— Ils arrivent enfin ! Surveille-les !
Elle attrapa ensuite Wu, l'amena près de la baie vitrée et pointa le canon de son pistolet sur son crâne. Voyant le généticien menacé, Maya fit signe aux gardes avec elle de ne pas approcher du laboratoire et de rester du côté de l'espace détente-bureaux. Tandis qu'ils gardaient leurs armes en main, Claire chercha Guillaume du regard mais ne le vit pas.
Où est-il ? S'inquiéta-elle.
Cependant, cela faisait plusieurs minutes qu'elle n'avait pas regardé en direction des bureaux. Peut-être que l'ex-agent d'Interpol avait quitté la pièce entretemps et avait pu disparaître avant l'arrivée de Maya. Si c'était le cas, Claire espéra qu'il puisse prévenir les autorités ou faire venir une quelconque forme d'aide. Elle lui aurait volontiers envoyé un message pour demander où il était et ce qu'il faisait mais ses mains étaient occupées. Surveillant chacun des arrivants, la directrice déchue remarqua que le regard de la dresseuse était empreint d'une profonde colère. Ils avaient dû retrouver Elsa… ou du moins ce qu'il en restait.
Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent et un vigile en sortit. Il courut jusqu'au bord de la mezzanine, fixa son regard sur Claire et Wu et appela quelqu'un dans l'ascenseur. Mills et Lynton en sortirent et la directrice déchue recula vers l'intérieur du laboratoire avec son otage, venant se placer devant la table sur laquelle elle était montée plus tôt. Au même moment, un autre vigile ouvrit la porte du laboratoire et y pénétra, braquant Claire avec son pistolet.
— Lâchez votre arme ! Somma-il la directrice déchue.
— Dîtes d'abord à Mills et Lynton de venir ! Lui rétorqua-elle.
Mais le vigile eut nul besoin de transmettre cette requête car le gérant de la fondation Lockwood et la présidente d'InGen vinrent d'eux-mêmes et franchirent à leur tour la porte du laboratoire avec l'autre vigile. Se tenant alors à distance respectable de leurs autres otages, continuant de garder son pistolet orienté vers eux par simple dissuasion, Owen tourna la tête vers l'entrée et les arrivants.
— Bonsoir, Claire, dit Mills le plus calmement possible.
— Eli… Espèce de sale margoulin ! J'aurais dû me douter qu'il y avait une embrouille dès que vous m'avez servi ce verre de vin. Votre Cabernet Franc avait un goût bizarre. Probablement de la piquette de la Napa Valley !
— Relâchez Henry et ses collègues, s'il vous plaît, la pria-il.
— Tant que Torres gardera mon fils et ma belle-mère captifs, Henry restera sous notre bonne garde !
Lynton regarda le gérant de la fondation Lockwood avec surprise.
— Qu'est-ce que c'est cette histoire, Eli ? Le questionna-elle d'un ton inquisiteur, commençant à réaliser la raison qui avait poussé le couple à prendre en otage Wu et son équipe au lieu de simplement voler des informations et commettre des actes de sabotage. Rassurez-moi, dîtes-moi qu'elle ment. C'est dans votre intérêt…
Mais Mills resta silencieux et son visage eut, pendant un instant, un air stupide, tant qu'on eut dit un écolier interrogé par son professeur alors qu'il n'avait pas appris sa leçon. Lynton et Wu surent que Claire disait la vérité.
— Eli. Qu'avez-vous fait ? Demanda le généticien.
— Espèce d'imbécile ! Siffla la présidente directrice générale à Mills.
Elle soupira avec exaspération puis ajouta :
— InGen a plusieurs fois eu recours à des méthodes extrêmes pour protéger ses intérêts mais s'il y a une chose qu'elle évite, c'est le kidnapping d'enfants car ça porte la poisse.
— Pourquoi ?
— A cause d'un petit détail de notre histoire appelé Incident de San Diego !
— Je ne vois pas le rapport.
Lynton laissa échapper un gloussement mêlé à un soupir, leva les yeux au ciel puis regarda les vigiles, le couple et leurs otages.
— Il dit qu'il ne voit pas le rapport…, se moqua-elle.
— Contrairement au T. rex impliqué dans cet incident, je n'ai pas besoin d'être droguée pour faire un carnage ! Déclara Claire.
La présidente d'InGen se tourna vers Mills et pointa la directrice déchue du doigt.
— Il est là votre putain de rapport ! Lui dit-elle, consternée par sa bêtise. Révisez vos classiques la prochaine fois ! Je présume que l'Opération Cerf et Biche de Torres consistait en ça ? Ce crétin s'est cru malin en la nommant ainsi après avoir consulté des rapports de l'Opération Récolte ! En parlant de Torres, où est ce con ?
— J'ai essayé de l'appeler et lui ait envoyé un message mais il n'a pas encore répondu, lui apprit-il.
Lynton émit un grognement.
— Bon sang ! On était à ça d'avoir une soirée parfaite ! S'exclama-elle en leur montrant son pouce et son index faiblement écartés. Vos conneries ont foutu la merde, Eli ! Ça ne restera pas sans conséquences, soyez-en sûr…
Elle leva les yeux au ciel.
— Est-ce qu'il y a quelque chose à boire ici ? Demanda-elle.
L'ayant entendue, un des otages répondit :
— Ici non mais dans le gymnase oui, Madame ! On a de la vodka et du gin ! Entre-autres…
— Fayot…, toussa un de ses collègues. Tu vas finir comme Monica Lewinsky (**) a ce rythme-là…
Il regarda Mills.
— Il ne va pas être content si tu lui vole sa place…, ajouta-il dans un murmure.
La présidente d'InGen se tourna vers un des vigiles.
— Soyez gentil et amenez-moi un verre de gin.
— A vos ordres, Madame.
Le vigile quitta le laboratoire, se dirigeant vers le gymnase, et Maya fit le tour de la mezzanine, jugeant bon d'aller le remplacer. Lorsqu'elle vint se positionner près de Lynton et de Mills, elle adressa un regard noir à Claire et Owen.
La présidente d'InGen s'avança alors de quelque pas, dépassant le vigile restant et la dresseuse. Hésitant, Mills la suivit et Claire fut choquée de voir qu'il portait au doigt un anneau plus que familier, identique à celui qu'elle avait autrefois et qui avait disparu en même temps que son avant-bras dans la gueule de l'Indominus. Lorsqu'il la lui avait offerte, Rama lui avait pourtant assurée qu'il était unique. Ça ne pouvait être le sien…
— Oui, Claire. C'est votre anneau, confirma Mills. Un des soldats de Torres l'a trouvé lorsqu'ils ont remontés la carcasse de l'Indominus du Lagon. Je me le suis procuré auprès de lui… Vraiment un excellent travail d'artisan. Vous devriez me donner l'adresse de l'orfèvre l'ayant fabriqué.
— Même si je m'en rappelais encore, je vous dirais de vous démerder pour la trouver.
Le gérant de la fondation Lockwood soupira.
— Je suis désolé pour tout, Claire. Je ne voulais pas en arriver là mais c'était la seule solution...
Claire voulut se précipiter en avant pour le frapper mais elle ne pouvait lâcher Wu. Elle se contenta de fusiller l'homme d'affaires du regard et de grimacer de frustration.
— La seule solution pour quoi ?! Obtenir ses bonnes grâces et vous garantir une place au sein du conseil d'administration d'InGen ? Demanda-elle en regardant Lynton. Lockwood vous faisait confiance. Comment osez-vous agir dans le dos d'un vieil homme mourant ?
— Benjamin a été empoisonné par un employé, dit Mills. L'enquête que j'ai conduite a déjà trouvé un coupable. Je…
— Il se tient devant moi, le coupa la directrice déchue. Vous croyez leurrer quelqu'un ? Ça se voit comme le nez au milieu de la figure que vous n'êtes qu'un Jafar (***) de service, ou un Grima (****) qui aurait appris à soigner son apparence et à se tenir droit.
Certains des otages, qui nourrissaient des doutes à l'égard de Mills et de son implication dans l'empoisonnement de Lockwood, se mirent à hocher de la tête.
— Ça c'est bien vrai ! Approuva Giles.
— Ouais, c'était bien envoyé ! Renchérit Nicole.
Mills eut un rictus.
— Vous nous faîtes tellement peur avec vos références cinéphiles…
— Vous vous comportez comme un juif de cour d'un film de propagande nazie…, ajouta Claire. Il ne manquerait plus à ce que vous vous mettiez à dessiner des arabesques avec vos doigts.
— Euh par contre attention là, ça glisse ! Fit remarquer Giles.
— Fermez-là ! Lui dit la directrice déchue.
Tout en regardant le couple, Lynton rit.
— Votre action est futile, InGen a été sauvée ce soir.
— Dire que vous auriez pu savourer cette victoire avec nous si vous aviez été plus maline, Claire. Vous étiez autrefois si prometteuse. Un grand avenir vous attendait chez InGen. Nous aurions pu travailler ensemble. Etre ensemble…, renchérit Mills alors que le haut-parleur commençait à diffuser Non, je ne regrette rien d'Edith Piaf.
Lynton leva les yeux au ciel et Owen fusilla l'homme d'affaires du regard tout en serrant les poings.
— … Mais il a fallu que vous vous écartiez du droit chemin…, ajouta le gérant de la fondation Lockwood.
— Je ne regrette aucune des décisions que j'ai prise depuis la Chute. Je suis presque contente qu'elle soit arrivée, répondit Claire.
— Aucune ? Vous en êtes sûre ? Demanda Mills.
Elle eut un rictus.
— Ah si. Avoir accepté votre invitation. Soyez maudit, Eli. On prépare déjà une place pour vous aux Enfers. Et InGen est peut-être tirée d'affaire pour le moment mais votre contrat avec le gouvernement français reste niqué avec la mort d'Elsa. L'acheteuse sera mécontente d'apprendre que la livraison est annulée.
Maya émit un grognement.
— Lequel d'entre-vous l'a tuée ? Demanda-elle d'une voix serrée en regardant le couple.
Le silence tomba dans la salle et l'ex-soldate nota qu'Owen hésitait à la regarder dans les yeux.
— C'est moi…, répondit soudainement Claire avant que son promis ne puisse prendre la parole.
Maya se tourna vers elle, ses poings se refermèrent, et le coin de sa bouche se déforma.
— Sale pute…
Elle voulut s'avancer mais Lynton l'arrêta d'un geste de la main.
— Je te préviens Owen. Lorsque nous mettrons la main sur vous, ta gonzesse va goûter Molly à pleines dents et ça va tomber pour toi aussi, menaça Maya.
— Nous n'avions pas eu le choix. Elsa a peut-être été bien dressée, elle aurait représenté un trop grand danger, se justifia le soigneur. Imagine qu'on l'ait enlevée et libérée au milieu d'une grande ville… ça aurait été une catastrophe aussi bien pour la population que pour elle. J'ai vu les ravages de l'Indominus sur Nublar… J'ai vu les corps mutilés de ceux tués par mes achillobators… Le contrôle qu'on pense exercer sur ces animaux est une illusion.
— Rien n'est impossible avec le progrès, Owen.
— Hoskins pensait la même chose. Je ne vais pas te rappeler ce qu'il est devenu…
— Ce n'est pas parce que tu as échoué avec tes raptors que j'allais aussi échouer avec Elsa ! Elle était exceptionnelle ! Elle et moi étions des pionnières ! Nous allions ouvrir un nouveau chapitre dans l'histoire d'InGen, un où le dinosaure et l'Homme travailleraient ensemble pour le bien.
— Quel bien ? Celui des petites gens ou celui des puissants ? Demanda Owen.
— Ce programme de recherches n'apportera rien de bon sur le long terme et ses fruits se retourneront contre nous, contre nous tous…, ajouta sa promise.
— Et qu'est-ce qui vous fait dire ça, Claire ? Vous êtes prophète ? Vous cherchez à devenir la nouvelle Ian Malcolm ? Se moqua Lynton.
— Lorsque nous avons montrés Elsa aux acheteurs, il était trop tard pour arrêter la machine, intervint Mills.
— Et si nous abandonnons maintenant, d'autres reprendront le flambeau. Je ne suis pas sûr que ce soit une issue que vous apprécierez, Claire, ajouta Wu.
— Donc quoi ? Vous êtes le moindre mal ? Conneries ! Répliqua la directrice déchue. Je ne sais pas comment mais ce cirque va bientôt prendre fin !
Tapis dans le bois, Manny, Fanny Oven, Danny McLagen et neuf autres mercenaires observaient les chapiteaux, les structures adjacentes et les quelques gardes postés là. A la tête de cette partie de la force d'invasion, Manny balaya ses subordonnés du regard et ses yeux s'arrêtèrent un instant sur le dispositif volumineux qu'un des mercenaires transportait sur son dos. Ensuite, il fit signe à Danny et quelques autres de se remettre en marche, vers le sud-ouest et le belvédère, afin de rester dans le couvert de la végétation le plus longtemps possible. Avec un autre signe, il leur rappela d'être discret, car un des invités, nul autre que Lord Francis Clayton, venait d'arriver dans cette partie du bois, sifflant gaiement alors qu'il allait uriner contre un arbre.
A l'intérieur du chapiteau, Daniel Kon écoutait d'une oreille distraite le commissaire-priseur mettre en vente un lot de Compsognathus. Venant de consulter le dossier, l'homme d'affaires nippo-étatsunien savait que c'était un des derniers lots et qu'après, Susan Lynton devait faire un discours. Cependant, la présidente d'InGen n'était toujours pas revenue et Kon vit Iger remuer dans sa chaise et chuchoter avec d'autres membres de la direction, se demandant probablement s'il n'allait pas devoir improviser un discours au cas où Lynton ne reviendrait pas à temps. Mais cela n'était qu'un petit contretemps, une broutille. Etant donné que la quasi-totalité des animaux avaient déjà été vendus, on pouvait affirmer sans problèmes qu'InGen était sauvée, et la victoire se lisait déjà sur les visages réjouis de Dominick Silverman et d'autres. Cependant, ceux assis près Daniel Kon pouvaient remarquer qu'il ne semblait pas partager la joie des autres membres du conseil et était même préoccupé. On le vit plusieurs fois consulter son portable, comme s'il attendait un message, et il finit par se lever, rejoignant discrètement la sortie. Une fois en dehors du chapiteau de la vente, il se mit à le contourner mais au lieu de se rendre dans une des toilettes comme auraient pu le supposer les autres membres du conseil, il continua, suivant le chemin qui menait à la cuvette, et rapidement le ciel étoilé laissa la place aux branches des arbres.
Lord Clayton, qui venait de remonter sa braguette, le vit et intrigué, il le suivit du regard un instant avant de penser que lui aussi avait dû voir que les toilettes près des chapiteaux étaient soit occupés, soit condamnées pour dysfonctionnement. L'aristocrate regarda sa montre et voyant que c'était l'heure à laquelle la direction d'InGen allait commencer son discours de clôture, il décida de revenir au chapiteau qu'un peu plus tard, lorsque viendrait le moment du pot de fin de soirée. En attendant, il comptait profiter de la tranquillité du bois. Alors qu'il suivait le chemin menant à la cuvette, Lord Clayton enleva son veston, trouvant qu'il faisait lourd. Si un orage devait éclater, il espéra que ce soit après la fin de la soirée.
Dans le poste de contrôle qui surplombait la cuvette, une technicienne écoutait attentivement les informations que lui transmettait un des assistants du commissaire-priseur. Dès qu'il mit fin à la communication, elle approcha sa bouche d'un micro et annonça l'identité de l'acheteur du dernier lot mis en vente. Dans la caravane abritant l'animal qui constituait le dernier lot, des soigneurs écrivirent au feutre noir le nom de l'acheteur sur une feuille près de sa cage.
Ensuite, la technicienne ajouta dans la radio :
— C'était le dernier. Beau travail tout le monde !
Mais les soigneurs, aussi bien ceux dans la caravane que tous les autres dans le village et la cuvette, ne réagirent pas avec enthousiasme, se contentant pour certains de lâcher un soupir. Empruntant alors une des allées, Juan et plusieurs de ses collègues marchaient lentement et en silence, comme s'ils étaient à des funérailles. Ils regardaient avec mélancolie les animaux, conscients que ceux-ci allaient bientôt partir. Non loin de là, Zia observait une des shantungosaures femelles d'un air maussade. Le chef animalier avait noté que la vétérinaire du GPD semblait fort regretter d'être présente à cette soirée, et aussi d'avoir participé à l'opération. Comment lui en vouloir après toutes ces histoires et la malhonnêteté dont InGen a fait preuve ? Ce sentiment était partagé par nombre des participants à l'opération Royaume Déchu.
Cette soirée était peut-être une grande victoire pour la direction d'InGen mais pour une partie de ses employés, elle avait un goût bien amer. Après le traumatisme de la chute de Jurassic World, c'était une victoire à la Pyrrhus au mieux et marquait aussi la dissolution des quelques vestiges du parc, celui d'Isla Nublar du moins. Car certains avaient commencés à parier qu'InGen annoncerait la construction d'un nouveau parc d'ici quelques années, et qu'ils le nommeraient probablement Jurassic Kingdom, Jurassic Universe, Jurassic Era ou quelque chose dans ce genre-là afin de se distancer, non sans hypocrisie, des sombres souvenirs associés à Jurassic Park et Jurassic World tout en capitalisant sur la nostalgie qu'on pouvait avoir pour les jours où aucune ombre ne planait au-dessus de ces parcs. Et combien d'années ce nouveau parc allait-il perdurer avant de s'effondrer comme ses prédécesseurs à cause de la cupidité des dirigeants d'InGen ? Combien de temps ce cycle allait-il durer ?
Tout comme Zia, Franklin se demandait ce qu'il faisait encore au domaine, surtout après qu'il ait avoué son secret à son amie. Il ne faisait que broyer du noir depuis cette conversation au belvédère et ayant remarqué la distance entre ses deux collègues, Alexander avait bien tenté de leur arracher les vers du nez mais en vain, n'obtenant que des réponses évasives.
Tandis qu'Alistair Iger était debout sur l'estrade et venait de commencer un discours, Franklin laissa échapper un soupir et posa son calepin au pied de sa chaise. Sur celui-ci, il avait pris diverses notes en vue de l'écriture d'un article pour le site du GPD mais cela faisait un moment que la pointe de son stylo ne s'était pas posé dessus et dans un coin de la feuille, on pouvait voir des gribouillis, trahissant l'ennui ressentit par l'informaticien au cours de la vente.
— Je dois aller aux toilettes, chuchota-il soudain à Alexander.
— Ok.
Franklin se leva et quitta le chapiteau mais au lieu de se rendre aux toilettes, il s'éloigna des chapiteaux un instant afin de prendre une bonne bouffée d'air frais. Il prit la direction opposée à celle du manoir, allant vers le belvédère… Le jeune homme s'arrêta, le regarda un instant, soupira à nouveau puis changea de direction.
Au même moment, Alexander sortit du chapiteau de la vente et vit son ami entrer dans la tente réfectoire. Il le suivit.
Si Franklin avait décidé d'aller près du belvédère, il aurait probablement entendu un bruissement dans la végétation avoisinante, provoqué par les mercenaires approchant furtivement.
Franchissant le seuil de la porte, Wheatley pénétra dans la cellule de Ruedi. Gardant son arme de poing dans une main, le chef mercenaire regarda le prédateur tranquillisé un instant avec prudence, à l'affût du moindre mouvement suspect. Il poussa même un peu la tête du monstre avec son pied mais constatant qu'il n'y avait aucune réaction, Wheatley se détendit un peu. Il s'agenouilla près de la tête, rangea son pistolet et d'une des poches de son veston, il sortit une petite trousse et la posa sur le béton froid. Il l'ouvrit et balaya son contenu du regard. Il y avait deux éprouvettes en plastique, plusieurs cotons tiges et une seringue. Prenant un des cotons tiges, le chef mercenaire commença par délicatement récolter de la salive dans la gueule de l'Indoraptor. Lorsqu'il en eut suffisamment, il se mit à frotter l'intérieur d'une des éprouvettes avec le coton imbibé de salive.
C'est alors qu'il entendit comme un léger bruit de frottis derrière lui. Wheatley se retourna mais ne vit rien, pas même une souris. Juste l'arrière-train et la queue de Ruedi, immobiles. Croyant que le donjon et son obscurité le rendaient un peu paranoïaque, Wheatley ramena ses yeux vers le cou et la tête du monstre. Il referma la première éprouvette, ouvrit la seconde et prit la seringue. Avec, il piqua le cou de Ruedi, au niveau de la veine jugulaire. Alors qu'il commençait à prélever du sang, Wheatley entendit à nouveau le frottis mais cette fois, il n'y prêta pas attention et continua de tirer sur le piston. S'il s'était retourné, il aurait vu que c'était la queue de Ruedi qui s'était soulevée.
Ruedi n'était en effet pas tout à fait tranquillisé, Wheatley lui ayant administré deux doses de tranquillisant au lieu de trois. En fait, il avait été pleinement conscient au cours de ces dernières minutes et avait laissé le mercenaire l'approcher et faire ses manigances, pour mieux le duper…
Soudain, sa tête se tourna sur le côté et ses mâchoires se refermèrent sur la gorge de Wheatley avant même qu'il ne puisse hurler. Le mercenaire surpris et effrayé eut beau se débattre, les dents du prédateur ne firent que s'enfoncer davantage dans sa chair et lorsque sa proie voulut saisir son pistolet, Ruedi l'entraîna avec lui dans une roulade latérale, délogeant les deux fléchettes de tranquillisant. Ses bras griffus saisirent ensuite Wheatley et il lâcha la gorge… pour à la place mordre le sommet du crâne. Le chef mercenaire, qui se vidait de son sang tel un porc égorgé, ne parvint pas à crier alors que le sommet de son crâne dégarni était perforé, même avec toute l'énergie du désespoir. Ensuite, tout en gardant ses crocs enfoncés dans le crâne de Wheatley, Ruedi se mit à donner des coups de pattes répétés dans son abdomen, procédant d'une manière fort semblable à celle d'un chat avec son jouet ou d'un léopard avec sa proie. Les griffes acérées transformèrent le ventre de Wheatley en charpie en un rien de temps. Lorsque ses boyaux furent à l'air, Ruedi lâcha Wheatley et se releva d'un coup avant de se secouer.
Le monstre regarda la porte de sa cellule, grande ouverte, puis se retourna pour observer Wheatley, dont les yeux bougeaient encore. Ruedi sortit de sa cage, laissant le mercenaire agoniser et menaçant de trébucher lorsqu'il franchit le seuil. Ayant après tout reçu une certaine dose de tranquillisant, il était aussi groggy qu'un ivrogne revenant chez lui après une soirée bien arrosée.
Une fois dans le couloir, il se pencha vers les deux gardes que Wheatley avait tués, les reniflant avec attention. Réalisant qu'ils étaient sans vie, il s'en désintéressa. Il étudia ensuite son environnement, remarquant la présence d'un couloir en face et d'un autre sur sa gauche. Après une brève hésitation, son flair l'encouragea à aller à gauche, vers une porte dont le hublot laissait passer un peu de lumière.
A mi-chemin, Ruedi entendit une sorte de gémissement derrière lui, venant de la pièce au-delà de l'autre porte. Se rappelant ce qui se trouvait au-delà de cette porte, Ruedi eut une idée. Il fit demi-tour pour se diriger vers cette porte et avec une main, il saisit la poignée et tira, l'ouvrant. Il entra dans une autre pièce, dont la majorité était occupée par une cellule. Dans un coin de cellule, une grosse forme blanchâtre bossue était recroquevillée dans un coin : Humperdoo. Plus près de la grille, on pouvait voir des marques de griffes sur le sol, faites par l'occupant de la cage lorsque leurs geôliers s'amusaient à le torturer. Ruedi s'approcha de la porte de la cellule, pourvue d'un cadenas. Il l'inspecta un instant, puis le saisit doucement entre ses dents et tira d'un coup sec, l'arrachant avec une relative aisance héritée du Tyrannosaurus rex, un de ses nombreux « parents » génétiques. Ruedi le recracha ensuite et alors qu'il ouvrait la cage, le monstre dans le coin poussa un autre gémissement, suivit d'un son ressemblant à un « Hmm… » appréciatif ou interrogatif lorsqu'il remarqua que les intentions de Ruedi à son égard n'étaient pas malveillantes.
Notes
(*) La dite chanson est Dino Disco Laser de Gilles Stella.
(**) Monica Lewinsky : Femme d'affaires états-unienne ayant été autrefois stagiaire à la Maison Blanche durant le mandat de Bill Clinton.
(***) Jafar : Antagoniste du dessin-animé Aladin de Disney.
(****) Grima : Conseiller perfide de Théoden, roi du Rohan, dans la trilogie du Seigneur des Anneaux.
