Hiashi Arc (8) - Réponse


La main toujours sur son sabre, une expression neutre qui échouait à cacher à quel point il se sentait trahi, Gaara l'observait, tout comme la place noire de monde qui avait les yeux rivés sur eux. Il avait bloqué en plein milieu de son discours, il ne voulait pas être là, depuis le début il ne voulait pas entendre parler de ce plan. Une petite lucarne brillait à quelques tuiles d'elle, Hinata y lança une grenade puis y sauta. Un bruit sourd derrière elle lui indiqua que Gaara l'avait suivie.

– Je voulais te dire qui j'étais, dit-elle en se retournant, mais tu m'as éliminée.

Comme sur le toit, il se mura dans son silence.

– Que se passe-t-il ?

Dans la maison dont elle avait fait sauter la lucarne, une horloge à moitié brûlée continuait de balancer son pendule. Les tic-tac se poursuivirent. Dehors, le murmure de la foule prenait peu à peu de l'ampleur.

– Il faut faire vite, ils vont s'impatienter.

Et la situation risquait vite d'être irrattrapable.

– Tu as raison, dit Gaara. Vas-y.

Alors qu'elle montait sur une petite commode, le contraste entre la lumière de ce carré de ciel et la pénombre dans laquelle il s'était retranché l'arrêta. La foule risquait de se disperser, risquait de s'offusquer de l'attente et refuser de les suivre, mais son instinct lui criait que si elle retenait la foule, c'était Gaara qui s'éloignerait.

Elle s'assit sur le meuble.

– Que s'est-il passé tout à l'heure ? Pourquoi tu ne parlais plus ?

Cette fois encore, il croisa les bras sans répondre et l'inquiétude la frappa. Dans le train, au retour du tournoi, elle s'était promis de ne plus se laisser avoir par son attitude, mais lorsqu'il se fermait de la sorte, sans laisser la plus petite ouverture, comment était-elle supposée l'atteindre ?

Hinata glissa de la commode sans oser l'approcher. Est-ce qu'il lui restait une potion de résurrection au moins ?

« S'il ne devait jamais changer, serait-ce un problème pour toi ? »

Elle ouvrit de grands yeux. Une autre question venait de lui atterrir en pleine figure. Pourquoi insistait-elle tant ? Parce qu'elle se sentait mal ?

– Désolée, je n'arrête pas de te demander de me dire ce qui se passe mais je crois que... je crois que je ne fais pas ça pour toi, je crois que je fais ça pour moi, parce que j'ai peur de ce que ça veut dire si je n'arrive pas à te parler. Tu comprends, tu faisais une exception pour moi, alors... Si tu arrêtes tout à coup...

Gaara la fixait, les ombres accentuant son froncement de sourcils.

– Je ne fais pas d'exception pour toi.

– Tu me parles de choses que tu ne confierais à personne d'autre, osa-t-elle en refoulant l'envie de reculer. Ça me donnait l'impression d'être spéciale pour toi.

– Tu l'es.

Ce fut lui qui la rejoignit.

– Que je te confie des choses n'a rien à voir.

Elle sentit ses lèvres trembler et agrippa un pan de la cape de l'assassin.

– Quand je te poussais à participer au plan, c'est parce que je m'inquiétais que tu n'essayes pas. J'avais peur que tu ne veuilles pas tant que ça ce qu'on avait prévu. J'ai peur que tu disparaisses.

– Faire apprécier Switch World à ton père, demander des faveurs, recruter d'autres joueurs ? Tu me vois faire tout ça ?

– Mais tu n'as même pas essayé.

– Je ne...

Il s'interrompit. Dans la semi-pénombre, son expression était verrouillée. Pourtant son agressivité filtrait comme de la lumière autour d'une porte fermée.

– Je déteste que tu me voies échouer.

Hinata ramassa un éventail de la commode, partagée entre l'envie de le frapper avec pour le réveiller et celui de se cacher derrière.

– Récapitulons, dit-elle en comptant sur ses branches de l'éventail. Faire apprécier le jeu ; mon père passe toutes ses nuits dans une cellule, recruter ; personne n'a voulu me rejoindre, et pour les faveurs ; je ne suis pas sûre que j'aurais eu le courage de te demander de l'aide pour l'examen de maths, tu es juste arrivé au pire moment et j'ai été obligée.

Elle replia l'éventail pour laisser à son point le temps de s'intégrer puis ajouta :

– Moi ça ne me rassurerait de te voir échouer de temps en temps.

Gaara demeura un instant stoïque.

– Je ne fais que ça. J'étais celui qui te rassurait au début, maintenant je ne suis même plus capable d'appliquer mes propres conseils.

– Alors c'est à mon tour d'être là. Gaara, je ne veux pas que tu t'inquiètes d'être toi.

Et le plus difficile à accepter était qu'elle était en partie responsable s'il se sentait ainsi. Parce qu'elle l'avait poussé à s'ouvrir, à elle, aux autres, encore et encore, et elle était convaincue d'avoir une bonne raison à chaque fois, sauf que ce qui tirait les ficelles dans l'ombre était ses propres doutes. Les tic tac de la pendule carbonisée se poursuivaient, rythmant les voix de la foule qui s'impatientait. Gaara tendit la main vers l'éventail, le tira vers lui et posa la tête sur son épaule. Puis il déposa un baiser sur sa joue et se téléporta par la lucarne.

Dehors, des exclamations fusèrent. Elle se hissa sur le toit à son tour, glissant sur les tuiles. Ses yeux étaient fixés sur la silhouette de l'assassin qui se dressait en haut d'une girouette, au sommet de la tour.

Pourquoi retourner se confronter aux joueurs maintenant ? Elle venait de lui dire qu'il pouvait être lui-même, qu'il pouvait ne pas se forcer.

– Qui peut nous aider ? dit-il d'une voix forte qui étouffa les vagues de mots brouillés.

– Tu vas ignorer nos questions ?

– Si vous en avez, c'est maintenant.

– Pourquoi on doit vous aider alors que vous vous refusez de nous considérer ?

– Parce qu'il n'a jamais été question de recruter, c'est notre équipe, répliqua Gaara. Ce n'est pas exclu que nous nous alliions à d'autres joueurs de temps à autre, si elle en a envie. Moi c'est avec elle que je veux passer mon temps.

Hinata faillit se casser la figure. Son pied retenu par une gouttière, en semi grand-écart, elle parvint à rester sur le toit.

– Pourtant on vous a vu avec un nouveau joueur.

– C'est plus un touriste qu'un joueur.

– C'est vrai que c'est son père à Hynae ?

Hinata se redressa. En haut de la tour, Gaara marqua un silence.

– Il veut se mettre en travers de ses projets, dit-il enfin, on tente de lui faire changer son avis sur les jeux vidéos.

Une voix lança que le père d'Hynae avec probablement plus de chance de passer un bon moment dans les cellules qu'avec lui de toute façon. Hinata scanna la foule à la recherche du plaisantin. Dans son avatar principal, elle l'aurait atomisé. Comment osait-il l'attaquer quand il se livrait pour la première fois ? Elle souffla pour se calmer. Gaara déteignait un peu trop sur elle. Devait-elle intervenir ? Le défendre ?

– Je suis peut-être mal placé pour lui faire passer un bon moment, dit-il. Mais elle sera là.

Dans le silence qu'avait provoqué le début de sa phrase, la fin résonna sans qu'il n'ait besoin de forcer.

– Je n'ai rien à offrir en échange de votre aide. Mais notre faction ne se serait pas relevée si nous n'avions pas remporté cette victoire au tournoi et c'est à nous que vous le devez. Si vous voulez nous soutenir à votre tour, vous pouvez le faire maintenant.

Son ton restait sur la défensive.

– Et elle, elle est où ? C'était son reroll à l'instant ? Pourquoi elle vient pas nous voir ?

Agenouillée sur les tuiles, une main sur le toit de la maison voisine, Hinata se hissa juste au-dessus du rebord et découvrit l'immensité de la foule qui se massait partout autour. Un mètre plus haut, un des joueurs qui avaient réussi à escalader la façade baissa la tête vers elle et ouvrit la bouche. Hinata posa un doigt sur ses lèvres en catastrophe.

– Elle ne se montrera pas, elle est venue pour moi, dit Gaara. J'avais besoin de son aide, et elle était là. Comme toujours.

Hinata se détacha des joueurs pour fixer son partenaire, bouche bée. Il ne disait pas ce genre de choses, même en privé.

– C'est tout le temps que je pouvais vous consacrer. Je vais envoyer des coordonnées proches de la capitale Insurgée. Amenez-y vos reroll si vous comptez nous aider.

Il se téléporta, laissant la girouette s'agiter.


Plus que deux chapitres et pendant ce temps... Hiashi, dans sa cellule...

Est-ce que ça s'annonce bien cette histoire.. ?