Publié le samedi 21 mai 2022.
CETTE HISTOIRE EST MAINTENANT DISPONIBLE EGALEMENT SUR WATTPAD, COMPTE EMRYS-CHRONIQUES
Disclaimer : Tout l'univers de Harry Potter appartient à JK Rowling.
Rating T : langage grossier, injures, violence
Note : Hi there, il y a encore quelqu'un par ici ? Je n'ai toujours pas abandonné cette histoire malgré les apparences. Après un long blocage d'écriture, j'ai entrepris de faire une grosse relecture et dé réécrire (again) cette histoire. J'ai juste updaté les chapitres précédents parce que j'ai surtout fait des modifications au niveau syntaxe, orthographe et agencement des paragraphes, sinon grosse modif' sur le chapitre 1 même si ça ne change pas grand chose à l'intrigue, ça ajoute juste un peu plus de cohérence. Je vais continuer de poster les nouveaux chapitres ici mais je suis à présent beaucoup plus active sur Wattpad donc si certains sont plus à l'aise sur cette plateforme, n'hésitez pas à venir m'y retrouver !
Le prochain chapitre s'intitulera Folie furieuse.
Sur ce, je vous souhaite une bonne lecture, n'hésitez pas à écouter les morceaux indiqués en début de chapitre, ils donnent une bonne indication sur l'ambiance, et n'hésitez pas à laisser une review pour donner votre avis !
Réponses aux reviews anonymes en fin de chapitre.
CHAPITRE.8 : Blessure à vif (Alone in the dark – Will Cookson)
Théodore Nott se tenait au milieu de la salle commune des Serpentard, appuyé contre le dossier d'un fauteuil en cuir noir. D'un geste de la main, il ramena en arrière les mèches souples qui lui tombaient sur le front. Il chassa un grain de poussière imaginaire sur sa manche puis croisa les bras en soupirant. Black déboucha au bas des escaliers de pierre menant à l'entrée de la pièce et il posa sur elle un regard désolé.
- Il faut qu'on parle, annonça-t-il sentencieusement quand elle fût arrivée à sa hauteur.
Elle se figea en ouvrant de grands yeux.
- Ok… En général, c'est jamais bon signe quand les gens disent ça… Qu'est-ce qui se passe ?
Il secoua la tête.
- Pas ici. En privé.
- On peut aller dans ma chambre, suggéra-t-elle.
Quelques minutes plus tard, Théo était assis sur le lit de la jeune fille, jetant des coups d'œil curieux autour de lui. Il n'y avait pas grand-chose à voir. La pièce était vide, en dehors d'une paire de baskets, d'un sac à dos et de quelques vêtements qui traînaient sur la moquette vert foncé. Black se tenait dos contre la porte, les mains fourrées dans les poches de son jean et l'air clairement sur la défensive.
- Alors, de quoi tu voulais me parler ?
Le châtain resta silencieux quelques secondes puis…
- Mon père est un Mangemort. Haut-placé dans la hiérarchie.
La jeune blonde gigota sur place en faisant claquer ses baskets poussiéreuses l'une contre l'autre.
- Je sais, oui... reconnut-elle en se mordant la lèvre inférieure. Et… ?
- Tu détestes les Mangemorts ! Pourquoi est-ce que tu traînes avec moi ?
- Parce que j'te trouve sympa ?
- Donc c'est comme ça que ça marche ?! Les gens que tu aimes bien, ils peuvent être Mangemorts ou enfants de Mangemort, tu t'en moques mais les autres, tu ne supportes pas d'être dans la même pièce qu'eux ? Tu ne trouves pas ça un peu hypocrite ? Au final, quelle différence il y a entre moi et Malefoy ou Zabini ?!
Black s'affala un peu plus contre la porte. Elle haussa les sourcils en un rictus amusé.
- Corrige-moi si je me trompe mais il me semble que la différence, c'est que toi, tu ne crois pas aux idées de Voldemort et que tu n'as pas du tout l'intention de t'enrôler chez les Mangemorts à la première occasion venue.
Le Serpentard se crispa, incapable de sans empêcher. Elle avait raison. Sauf qu'il s'était toujours efforcé d'être discret et cette fille qui sortait de nulle part l'avait directement percé à jour. C'était à la fois frustrant et inquiétant.
- Comment est-ce que tu peux en être aussi sûre ? lâcha-t-il d'un ton sec.
- Une intuition, ricana-t-elle.
- Oui, eh bien si tu pouvais garder tes intuitions pour toi… Ce n'est pas quelque chose que j'ai envie de crier sur les toits.
La jeune blonde pencha la tête sur le côté, l'air sincèrement intriguée.
- Pourquoi pas ?
- Parce que je suis un Serpentard ! Je ne suis pas courageux, tu te rappelles ? Je te l'ai dit, je n'aime pas me faire des ennemis.
- Et ça justifie que tu fasses ami-ami avec Malefoy ?! opposa-t-elle avec une moue dégoûtée. Avec Zabini et compagnie ?
- Premièrement, je ne fais pas ami-ami avec eux, grommela Théo, je me contente du minimum de politesse nécessaire. Deuxièmement… c'est justement de ça dont je voulais te parler en fait. Je suppose que je ne t'apprends rien si je te dis que la maison Serpentard a mauvaise réputation. À cause de Salazar Serpentard qui détestait les nés-Moldus, de cette histoire de Chambre des Secrets puis de… Tu-sais-qui, les gens ont peur. Ils pensent…
- … ils pensent que tous les mages noirs viennent de Serpentard, termina-t-elle à sa place.
- Par exemple. Et ce n'est pas juste à l'école, ça continue même après Poudlard. Tu sors de Serpentard ? Tu es forcément fourbe, malhonnête et indigne de confiance. Tout le monde se méfie de nous.
- Y'a plusieurs ministres de la Magie qui étaient à Serpentard, fit remarquer Black.
- Et combien ont été accusés sans preuves d'avoir gagné en versant des pots de vin, en soudoyant les électeurs ou en menaçant leurs opposants ?
- Tu marques un point, concéda-t-elle. Mais je vois toujours pas où tu veux en venir.
Le jeune homme réajusta ses lunettes dans un geste nerveux. La partie à venir de la discussion allait être la plus compliquée et ça ne l'enchantait pas de devoir faire le sale boulot.
- Nous les Serpentard, on n'a pas d'autre choix que de se serrer les coudes même si on ne s'entend pas. En général, les autres évitent de trop s'attaquer à nous parce qu'ils savent que sinon, ils devront faire face aux représailles de la maison au grand complet. Si on commence à se déchirer entre nous, si l'on ne présente pas un front uni, ils en profiteront à coup sûr.
- Ok c'est bon j'ai compris, tu veux parler de ce qui s'est passé ce matin avec Malefoy ?! Écoute, ce mec est un connard, il est hors de question que je joue les groupies avec lui juste sous prétexte d'obéir à je ne sais quelle espèce de… code d'honneur idiot. Et puis j'ai pas peur des conséquences, je sais me défendre !
- Toi peut-être mais les autres ? soutint Théo sans flancher. Le petit Malcolm Baddock, il a passé ses premières semaines ici à se faire harceler par une bande de Poufsouffle juste parce qu'il a eu la malchance d'être réparti à Serpentard ! Ça n'a cessé qu'à partir du moment où Adrian Pucey s'en est aperçu et que lui et d'autres gars ont réussi à chopper les responsables.
Black se frotta le front du plat de la main. Elle secoua la tête avec une moue dégoûtée avant de lâcher :
- Et maintenant il suit Pucey partout comme un toutou, Pucey qui est lui-même le toutou de Voldy. Pardon de pas forcément considérer ça comme un progrès.
- Parce que selon toi, c'est mieux qu'il se fasse bousculer et insulter dans les couloirs ? s'insurgea le châtain. S'ils avaient laissé faire, il y aurait eu d'autres victimes, tu trouves que des enfants de onze ans méritent ça ?!
- Non bien sûr mais...
- Mais rien ! Je ne suis pas stupide, je sais très bien que Pucey cherche uniquement à servir sa propre cause mais quelle autre solution on a ? Si on laisse chacun se débrouiller seul dans son coin, les trois autres maisons vont s'engouffrer dans la brèche et ça sera un enfer.
Théo serra les dents. Sa propre première année à Poudlard avait été pour le moins compliquée. Il ne s'entendait pas spécialement avec ses camarades. Malefoy et Zabini étaient bien trop arrogants, Crabbe et Goyle complètement idiots, Pansy Parkinson était nunuche et superficielle... Lui ce qu'il aimait, c'était passer du temps à la bibliothèque pour lire ou étudier. Il avait bien essayé d'engager la conversation avec des étudiants d'autres maisons mais personne n'avait jamais voulu lui adresser la parole pour la simple raison qu'il était à Serpentard.
Sa réputation d'intello solitaire lui avait également valu d'être la cible des farces des jumeaux Weasley, qui trouvaient très drôle de s'en prendre à un petit Serpentard maigrichon et haut comme trois pommes. D'autant plus que Drago prenait un malin plaisir à se montrer imbuvable avec Potter, la nouvelle idole de tout Poudlard. Théo était à Serpentard comme lui, il était donc forcément à mettre dans le même panier.
Certains élèves parmi les plus âgés avaient d'ailleurs avoué qu'avant l'entrée de Potter à l'école, l'ambiance était nettement moins tendue même si on était encore loin de l'entente cordiale. C'était pour cette raison que certains gardaient une rancœur envers le Gryffondor, bien qu'il n'y soit finalement pour rien. D'autres auraient surtout aimé remettre Drago Malefoy à sa place une bonne fois pour toute, histoire qu'il cesse de mettre le feu aux poudres. Seulement, le blond étant le fils chéri du riche et influent Lucius Malefoy, il bénéficiait d'une solide immunité. En bref, ils étaient coincés dans cette situation et Théo craignait que le comportement de la jeune Black aggrave davantage les choses.
Cette dernière cligna des yeux, déstabilisée par son éclat.
- Ça va, relax, c'est pas parce que je me prends la tête avec Malefoy que les autres maisons vont forcément vous tomber dessus…
- Est-ce que tu es vraiment prête à prendre le risque ? asséna-t-il.
- Mais qu'est-ce que tu veux que je fasse, Théo ?! s'exclama-t-elle sur un ton vaguement désespéré.
Elle se décolla brusquement de la porte, plongeant une main dans ses cheveux blonds, et se mit à arpenter la pièce avec agitation. Le Serpentard haussa un sourcil, seul signe de surprise dans son expression parfaitement composée. C'était la première fois qu'elle l'appelait par son prénom…
- Je… j'arriverais jamais à faire semblant de m'entendre avec lui ! Je te parle même pas de Zabini, Parkinson et les autres…
- Ce n'est pas ce qu'on te demande, assura Théo, levant une main en geste d'apaisement. On a une règle : tout se résout toujours en interne. Tu as un compte à régler avec un autre membre de la maison ? Pas de soucis, à partir du moment où ça se passe dans la salle commune, dans un couloir désert, une salle de classe vide… Mais jamais en public.
- Ok, ok ! J'ai pigé. Je suis désolée, j'voulais pas… t'attirer des ennuis. J'essayerai de faire un effort, promit-elle d'un air penaud.
- C'est tout ce que j'espérais entendre.
La conversation ne s'était pas trop mal déroulée et il en était soulagé. Valya Black faisait de toute évidence partie du genre de personnes qu'il valait mieux éviter de contrarier. Avec un tempérament explosif et prompte à s'emporter à la moindre parole de travers… Mais au-delà de ça, Théo commençait surtout à bien apprécier la jeune fille et il n'avait pas la moindre envie de se fâcher avec elle.
- N'empêche, c'est pas juste… c'est quand même Malefoy qui m'a jeté un sort en premier, ronchonna-t-elle avec une mauvaise foi des plus flagrantes et il leva les yeux au ciel.
- Oui enfin… tu as appuyé pile là où ça faisait mal et tu en avais bien conscience, non ? Tout le monde sait que Drago est juste la marionnette de son père, pas étonnant qu'il n'ait pas apprécié…
Les joues de la jeune blonde se colorèrent. Elle tritura les cordons de sa veste à capuche, l'air gêné.
- Ouais, bon… Bref, laisse tomber…
Théo lui adressa un sourire narquois.
- Si ça peut te rassurer, à mon avis il va se faire remonter les bretelles par Pucey.
Elle fronça les sourcils.
- J'comprends pas... pourquoi t'arrêtes pas de me parler de Pucey ? Il a quoi de spécial ce mec ? C'est juste parce qu'il est préfet-en-chef ou... ?
- On s'en moque qu'il soit préfet-en-chef, s'exaspéra le châtain. C'est notre chef de maison.
- C'est Rogue le chef de maison… affirma Black en le fixant comme s'il était tombé sur la tête.
- Rogue est notre directeur, corrigea-t-il impatiemment avant de lui renvoyer un regard contrit. Excuse-moi, j'ai tendance à oublier que tu viens d'arriver et que tu ne connais pas les traditions. Mais tu n'as jamais entendu parler du Conseil des maisons ?
- Euh… si. Enfin ça me dit quelque chose mais…
- À Poudlard, chaque maison a un représentant, obligatoirement un élève de cinquième année ou plus. Il est choisi par les autres étudiants mais on a tous nos propres règles. Les Serdaigle et les Poufsouffle procèdent à un vote en bonne et due forme, les Gryffondor je ne sais pas. Et nous… on organise des duels. Chaque année, ceux qui convoitent la place peuvent s'inscrire et combattre contre le chef actuel. Si personne n'arrive à le vaincre, il conserve sa place sinon…
C'était une tradition ancestrale qui, d'après la rumeur, datait carrément de l'époque des Fondateurs. Et les Serpentard l'avaient toujours respectée scrupuleusement.
- Et les profs disent rien ? Ils vous laissent vous battre dans la salle commune juste… comme ça ?
- Ils ne le savent pas, sauf ceux qui étaient eux-mêmes à Serpentard. On aime bien garder nos petits secrets, plastronna-t-il. La seule contrainte, c'est d'employer uniquement des sortilèges dont on peut guérir les effets nous-mêmes. Rogue nous laisse toujours un petit stock de potions à disposition. Essence de dictame, baume contre les brûlures… On a tout ce qu'il faut. Ça évite de devoir aller trop souvent à l'infirmerie, les gens commenceraient à se poser des questions sinon.
- Mais c'est juste une tradition stupide, non ? C'est impossible de s'attendre à ce que… soixante-dix adolescents partagent exactement le même avis et se laissent commander sans broncher, surtout par un mec de leur âge ! Il se passe quoi si tu ne respectes pas les règles et que tu envoies Pucey se faire voir ?
- Tu crois vraiment qu'une « tradition stupide » aurait perduré aussi longtemps si elle n'avait pas un minimum d'utilité ? asséna Théo, irrité. L'avis du Conseil est pris en compte dans de nombreux domaines à la sortie de Poudlard. Pour trouver un bon maître d'apprentissage, pour accéder à certains postes à responsabilités… Pucey a des relations, de l'influence, oppose-toi à lui et il pourrait s'arranger pour bousiller ta carrière avant même qu'elle ne commence !
À nouveau, Black le dévisagea sans un mot, la tête légèrement penchée de côté, le transperçant de son intense regard glacé.
- Quoi ? finit-il par lâcher, mal à l'aise face à son silence.
- Et donc ? Tu vises quel genre de carrière pour avoir autant besoin de l'appui de Pucey ? Laisse-moi deviner, le ministère ? Entrée en politique je dirais même...
Le Serpentard se figea. Décidément beaucoup, beaucoup trop perspicace… Malgré lui il sentit son visage se durcir, lui faisant perdre son expression affable, et il serra les poings.
- Je veux seulement récupérer ce qui me revient de droit.
- Ça veut dire quoi ça ? s'étonna-t-elle d'un ton perplexe.
Pour toute réponse, Théo lui renvoya un sourire froid.
- Ça veut dire que cette conversation est terminée et qu'il est l'heure d'aller dîner. Tu viens ? annonça-t-il comme si de rien n'était.
OOO
Drago marchait d'un pas lourd dans le couloir qui menait à la salle commune des Serpentard. Les pensées se bousculaient et s'emmêlaient dans son esprit sans ordre précis. Les sélections de Quidditch, l'entrevue avec Dumbledore, le Doloris… Et surtout, il y avait le service qu'il devait à présent à Valya Black.
Il était réellement embêté parce qu'il n'avait pas la moindre idée de comment il allait pouvoir s'y prendre pour trouver ce qu'elle lui avait demandé. Demander à son père était hors de question, il était hors de question qu'il l'implique dans cette histoire et il ne comptait même pas lui parler de la jeune fille pour le moment.
« L'information, c'est le pouvoir », se remémora-t-il. Ça, c'était une leçon qu'il avait bien retenue. Tant que Lucius Malefoy n'était pas au courant de ce qui se tramait à Poudlard, Drago avait les cartes en main et il était libre d'agir à sa guise.
Enfin ça, c'était avant qu'il ne se retrouve soumis au chantage de Black. Maintenant, si quelqu'un avait le pouvoir, c'était bien elle... Mais malgré la situation délicate dans laquelle il se trouvait, le jeune homme était surtout dévoré par la curiosité. Pourquoi, au nom de Merlin, avait-elle besoin de ce qu'elle appelait un « informateur » ? Ce genre de personne prête à se salir un peu les mains n'était en général pas des plus recommandables, qu'est-ce qu'elle allait fabriquer avec ?! Il en était là dans ses réflexions lorsqu'il s'arrêta net.
Adrian Pucey se tenait devant le mur qui fermait l'accès à la salle commune, bras croisés, sourcils froncés, l'air aussi amical qu'un dragon gardant l'entrée d'un coffre de Gringotts.
- Par Salazar, est-ce que tu peux m'expliquer quel Billywig t'a piqué, Drago ?! attaqua directement le préfet-en-chef.
- Je…
- Un sortilège Doloris, tu te rends compte ?! Tu as jeté un putain de Doloris devant une dizaine d'élèves de Gryffondor ! Devant Saint Potter et toute sa bande ! Mais enfin, qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez toi ?!
Le blond déglutit difficilement. Pour que le septième année en arrive à jurer de cette manière, il devait vraiment être très énervé. Et Drago avait beau être aussi grand que lui, Pucey n'en restait pas moins impressionnant.
C'était un garçon mince et sec, avec une mâchoire carrée sur laquelle apparaissait déjà l'ombre d'un collier de barbe. Des cheveux bruns coupés ras, les yeux marron… Il avait un physique banal, pourtant il dégageait une indicible aura de charisme et de puissance. En bon Serpentard, Adrian avait toujours des manières impeccables et maîtrisait ses émotions à la perfection. Mais là, l'étincelle dans son regard ne laissait aucun doute. Il était furieux.
- Alors ? Qu'est-ce qu'il va se passer maintenant ? Dumbledore, est-ce qu'il t'a…
Drago cligna des yeux, incapable de trouver quoi répondre. Il ne pouvait décemment pas expliquer à Pucey que c'était Black qui lui avait sauvé la mise. Ça soulèverait bien trop de questions et lui-même ne comprenait toujours pas ce qui était passé par la tête de la jeune fille.
- Je ne suis pas renvoyé. C'est… Rogue, lâcha-t-il dans un éclair d'inspiration. Il… il a dit que je n'avais pas eu le temps de jeter le sortilège, qu'on ne pouvait pas être certain que j'avais vraiment essayé de lancer un Doloris et pas un autre sort. Que tout le monde avait dû mal entendre, qu'il n'y avait pas assez de preuves…
- Et Dumbledore a gobé ça ?
- J'ai eu une semaine de retenues et des points en moins…
Le préfet-en-chef secoua la tête d'un air méprisant.
- Décidément, notre estimé directeur devient de plus en plus sénile. Il a une confiance aveugle en Rogue… Tant de naïveté, c'est pathétique, cracha-t-il. Bon, et Black ?
- Quoi, Black ? répliqua le blond un peu trop vite.
- Qu'est-ce qu'elle a dit ? Elle n'a pas protesté, essayé de convaincre le vieux fou ?
- Pas vraiment, non…
Adrian Pucey le dévisagea avec acuité, plus suspicieux que jamais.
- Bon, maintenant ça suffit. C'est quoi ton problème avec Black ?
- MON problème ?! s'étrangla Drago, sidéré. Alors ça c'est la meilleure, c'est elle qui a un problème avec moi, pas l'inverse ! J'ai vraiment essayé d'être agréable le premier soir et…
- Zabini m'a dit que tu refusais de prévenir Lucius à son sujet, coupa le brun. Tu peux m'expliquer ?
Le blond se passa une main dans la nuque, s'efforçant de garder son calme. Il avait fallu que ce sale cafard de Zabini aille tout moucharder. Insidieusement, les paroles de Black lui revinrent en tête. « Ils veulent se faire bien voir par Lucius, ils en ont rien à foutre de ta petite personne… »
- Je me disais seulement qu'il fallait en apprendre plus sur elle d'abord, se justifia-t-il. Je voulais me rendre utile, essayer de trouver des informations…
- Eh bien ce n'est plus la peine, assura sèchement Pucey. Tu envoies un hibou à ton père et rapidement, compris ?
Mortifié, Drago n'eut d'autre choix qu'acquiescer.
- Et à elle, tu ne lui dis rien ? protesta-t-il tout de même. Elle me provoque sans arrêt ! Elle…
- J'ai chargé Nott de faire passer le message, annonça le septième année avec froideur. Mais elle a au moins l'excuse de ne pas connaître les règles de la maison, ce qui n'est pas ton cas. Alors arrête de te comporter comme un abruti de Gryffondor chaque fois que Black est dans les parages, par Morgane ! Contente-toi de te tenir loin d'elle, ton père et moi allons nous occuper du problème.
Après un dernier regard d'avertissement, Pucey prononça leur mot de passe et disparut à l'intérieur de la salle commune. Drago tourna les talons avec fureur. Il avait prévu de passer la soirée en compagnie de Blaise et Pansy mais ses plans venaient de changer. S'il se retrouvait face à Zabini maintenant, il ne résisterait pas à la tentation de lui casser la figure. Après tout, c'était en partie à cause de lui tout ça ! S'il n'avait pas tout raconté au préfet-en-chef…
Drago rejoignit les appartements des préfets et partit s'enfermer dans sa chambre. En colère et malheureux, il se laissa lourdement tomber sur son lit, contemplant le plafond. Toute cette situation était injuste. Il n'avait rien fait à Black, rien du tout ! C'était elle qui avait ouvert les hostilités et pourtant, c'était lui qui devait rendre des comptes. Repenser à la façon dont Adrian Pucey l'avait traité lui donnait envie de hurler.
Le blond avait toujours été un garçon obéissant qui faisait exactement ce que son père lui disait. Sauf que ces derniers temps, il étouffait, prisonnier de cet habit de fils à papa aussi malléable qu'un pantin. Alors qu'un adolescent à peine plus âgé se permette de lui dicter sa conduite comme il l'aurait fait avec un petit enfant turbulent, ça le mettait d'autant plus hors de lui. Épuisé après des heures passées à ruminer, Drago finit par sombrer dans un sommeil agité peuplé de songes sinistres et d'ombres menaçantes. Il se réveilla tôt le lendemain matin, courbaturé et encore plus exténué que la veille.
Ça aurait pu être une bonne journée malgré tout. Ça aurait dû l'être. Ombrage avait commencé ses inspections et la voir s'opposer à la vieille McGonagall s'était avéré particulièrement divertissant. Au déjeuner, Drago avait retrouvé ses amis et même s'il était fermement décidé à faire la tête à Blaise, il finit par se dérider malgré lui. Lorsqu'ils se dirigèrent vers le parc pour assister au cours de soins aux créatures magiques, il était de bien meilleure humeur. D'abord parce que c'était toujours le professeur Gobe-Planche qui assurait le cours et non pas cet imbécile de Rubeus Hagrid. Ils étudiaient les Botrucs, qui présentaient l'avantage de n'être ni trop répugnants, ni trop menaçants. Et surtout, le professeur de défense contre les forces du Mal était de retour, ce qui était une occasion en or pour colporter des histoires à propos du demi-géant.
Légèrement distrait, le blond feuilleta son manuel, se perdant dans la contemplation des illustrations. Dans la section consacrée aux dragons, il s'arrêta sur le portrait d'un immense Vert Gallois. C'était l'un des dragons les plus banals, une image comme il en avait déjà vu des centaines. Pourtant, Drago fut incapable d'en détacher son regard. Hypnotisé, il fixait le dragon comme s'il pouvait prendre vie à tout instant. Subitement, il avait l'impression que sa tête était engluée dans du coton. Autour de lui, le brouhaha des conversations s'était assourdi alors même qu'il était certain que personne n'avait arrêté de parler. Il sentit un frisson désagréable lui parcourir l'échine et un flash blanc dansa devant ses yeux. Puis tout recommença.
« Je voulais… te donner ça. » Cette fois, il n'eut aucun mal à reconnaître la voix qui résonnait dans sa tête. Parce que c'était la sienne. Plus jeune, plus cassée, plus fragile et toute droit sortie d'un passé dont il ne se souvenait pas. « Je voulais te donner ça, je voulais te donner ça… » Drago tombait, d'une chute sans fin qui le précipiterait dans un abîme inconnu. Le souffle coupé, le cœur au bord des lèvres, la tête prête à exploser… Une image fugace lui apparut. Une petite peluche serrée entre les doigts d'un enfant. Un dragon d'un vert immaculé. Une main qui se tendait. « Je voulais te donner ça. C'est pour toi, tu peux le garder… » Le nom s'imposa à lui, aussi brutalement que s'il venait de se faire engloutir par une vague d'eau glacée.
- Azar… balbutia le jeune homme. AZAAAAAR !
- MONSIEUR MALEFOY !
Drago papillonna des yeux et en une fraction de seconde, il revint à la réalité. Il était assis par terre, avachi contre la clôture près de la cabane miteuse du garde-chasse. Le professeur Gobe-Planche était agenouillée à côté de lui, un air grave peint sur son visage, et elle le secouait par l'épaule sans ménagement. Elle lui parlait mais il était incapable d'écouter ce qu'elle disait, trop concentré à essayer de rassembler ses souvenirs. Il avait perdu Azar, il y avait bien longtemps déjà. Il l'avait perdu, il était sûr de ça. Alors pourquoi est-ce qu'il se voyait en train de donner cette fichue peluche à quelqu'un ?!
- Monsieur Malefoy, est-ce que vous vous sentez bien ? s'inquiéta le professeur de soins aux créatures magiques et Drago éclata de rire, hystérique.
Pour la deuxième fois en moins de quelques jours, il venait de perdre brutalement connaissance. Il entendait des voix, il était à chaque fois écrasé par cet intense sentiment d'urgence, tellement puissant qu'il l'empêchait de respirer. Évidemment que non, il ne se sentait pas bien.
Quelque chose avait ouvert une porte dans son esprit, libérant le monstre qui était enfermé derrière. Un monstre fait de ses peurs les plus profondes, de ses chagrins les plus intimes, de toutes ses terreurs d'enfant. Et cette créature de cauchemar lui avait infligé une blessure à vif, qui semblait à présent impossible à refermer.
OOO
Le jeudi matin, c'est un Harry plus que maussade qui se traîna vers les cachots. Comme d'habitude, il avait mal dormi. Ses rêves étaient sans cesse peuplés de longs couloirs menant à d'étranges portes verrouillées qu'il n'arrivait jamais à atteindre, ce qui était frustrant et déconcertant. Sans compter sa tonne de devoirs en retard, les cours qu'il devait s'efforcer de suivre et cette vieille chouette d'Ombrage qui, bien qu'elle n'ait plus le pouvoir de lui infliger des retenues en sa compagnie, se débrouillait tout de même très bien pour lui gâcher la vie. Il commençait à en avoir franchement marre de passer ses soirées à nettoyer la Grande Salle à la brosse à dent, sous le regard torve d'Argus Rusard…
Le Gryffondor se stoppa net. Il était tôt, pourtant il y avait déjà quelqu'un dans le couloir de la classe de potions. Valya Black était assise par terre, les jambes repliées contre son torse. Toujours aussi réfractaire à l'uniforme, elle portait l'une de ses habituelles vestes à capuche trop larges et un jean entièrement craqué au niveau des genoux. Les yeux fermés, la tête appuyée contre le mur, elle avait un casque audio plaqué sur les oreilles et elle battait la mesure du plat de ses baskets.
Harry hésita. Il avait bien du mal à trouver comment se comporter avec la jeune fille. Il avait apprécié leurs quelques conversations mais il ne savait jamais sur quel pied danser avec elle. Il s'éclaircit la gorge.
- Hum… euh, salut ?
Valya cligna des yeux, tournant la tête vers lui. Un léger sourire apparut sur son visage lorsqu'elle le reconnut et elle abaissa aussitôt son casque.
- Oh, salut Potter.
- Comment tu arrives à faire fonctionner ça à Poudlard ? questionna-t-il avec perplexité. Je croyais que les ondes magiques perturbaient les appareils électroniques…
Elle haussa les épaules.
- C'est un cadeau de Ralph. Il l'a eu chez un constructeur de radios sorcières… américain si je me souviens bien. C'est enchanté pour être alimenté avec de la magie, je suppose que les mecs du service des détournements de l'artisanat moldu du ministère en seraient capables aussi…
- Mais… si c'est aussi simple, pourquoi personne ne le fait ?
- La vente d'objets moldus modifiés magiquement est interdite en Angleterre. La version officielle, c'est qu'il faut éviter que ça se retrouve à nouveau chez les Moldus, ce qui causerait des problèmes. La réalité : le ministère a juste trop peur de ce qu'il ne connaît pas. Rétrograde, tu te rappelles ? lâcha-t-elle d'un ton blasé.
Harry acquiesça avec compréhension. De la part de Fudge et de tous ses sbires, ce n'était effectivement pas surprenant.
- Sinon… tu te sens prête pour aujourd'hui ?
Les sourcils de la jeune blonde remontèrent sur son front.
- Prête à quoi ?
- Eh ben… à faire face à Malefoy. Il a quand même… enfin tu vois ce que je veux dire, marmonna-t-il avec une moue d'excuse. J'en reviens toujours pas qu'il ait osé jeter ce sort ! Et j'en reviens pas qu'il n'ait pas été renvoyé ! Rogue l'a défendu bien sûr, Malefoy est son petit chouchou mais comment est-ce que Dumbledore a pu laisser faire ça ?!
- A t'entendre, on dirait que c'est à toi qu'il l'a jeté ce sortilège, releva Valya avec une moue amusée.
- Désolé, s'excusa-t-il en rougissant, c'est seulement que… je trouve ça injuste. Tout le monde l'a entendu lancer un Doloris et lui, il s'en sort, comme d'habitude !
Il soupira, désappointé.
- Enfin, j'espère au moins que c'est à cause de l'Ordre tout ça… Dumbledore doit probablement demander à Rogue de tout faire pour conserver sa couverture…
- Probablement, répéta-t-elle avec un rictus difficilement interprétable. Au fait, en parlant de Malefoy… C'est vrai qu'il est encore tombé dans les pommes ?
Harry acquiesça.
- Mardi après-midi, pendant le cours de soins aux créatures magiques.
Valya pencha la tête de côté, se mordant la lèvre. Elle parut hésiter puis finit par lâcher :
- C'est… bizarre, non ? Enfin j'veux dire… ça lui arrive souvent de s'évanouir comme ça ?
Le Gryffondor haussa les épaules.
- Pour ce que j'en sais, pendant les sélections c'était la première fois.
Harry fronça les sourcils. Ce qui arrivait à Malefoy était le cadet de ses soucis mais en y réfléchissant, c'était plutôt étrange, oui. Il n'eut pas l'occasion de s'appesantir là-dessus, d'autres élèves affluaient dans le couloir et il était déjà l'heure de rentrer en classe. Rogue était encore plus de mauvais poil qu'à l'habitude et il prit soin d'éloigner le plus possible la jeune blonde de Drago Malefoy. Visiblement, l'incident du lundi avait laissé un vif souvenir dans son esprit.
Une demi-heure plus tard, le Survivant transpirait à grosses gouttes, sa robe de sorcier posée à côté de lui. La préparation de la solution de Force nécessitait un feu très vif et la plupart des élèves s'étaient découverts. A la table juste devant lui, Valya s'essuya le front d'un geste de la main, enfoncée dans sa veste en tissu épais.
- Tu n'as pas chaud comme ça ? lui demanda Nott à voix basse.
- Non, assura froidement la jeune blonde.
Le ton était tellement définitif que le Serpentard ne se risqua pas du tout à insister. Ce qui ne fût bien évidemment pas le cas du professeur de potions.
OOO
Severus en avait assez. Tous les jours, absolument tous les jours, Valya Black trouvait une nouvelle lubie pour se faire remarquer. D'abord la Répartition, puis son refus de porter l'uniforme, préférant ces frusques moldues usées jusqu'à la corde, les insultes, les bagarres… Et aujourd'hui, cette comédie absurde, à s'entêter à garder son pull par cette chaleur… Mais il était décidé à ne pas laisser passer cet énième caprice.
- Miss Black… commença-t-il de son habituel ton doucereux, aux dernières nouvelles vous savez lire, n'est-ce pas ?
- Ouais, grommela la jeune fille d'un air renfrogné et Severus laissa un rictus méprisant transparaître sur son visage.
- C'est déjà ça. Maintenant, est-ce que vous auriez l'obligeance de m'indiquer quelle température il fait dans cette classe ? questionna-t-il en désignant le thermomètre accroché sur l'un des murs du cachot.
Elle marmonna inintelligiblement.
- Je n'ai pas bien entendu, asséna-t-il sèchement.
- Vingt-cinq degrés, répéta-t-elle un ton plus haut, un pli d'irritation visible entre ses sourcils.
- Précisément, vingt-cinq degrés… vous n'allez pas essayer de me faire croire que vous n'avez pas chaud… ?
La Serpentard haussa les épaules, jouant nerveusement avec les cordons de sa veste à capuche. Puis elle finit par lâcher du bout des lèvres :
- Ça va.
- Je peux voir d'ici la sueur couler sur votre front, contra Severus avec un agacement croissant. Alors vous pourriez peut-être… je ne sais pas, faire comme tout le monde et retirer votre veste.
- C'est bon, j'vous dis que ça va ! s'énerva Black, ce qui acheva de contrarier le maître des potions.
- Non mais vous allez arrêter vos enfantillages, oui ? Retirez votre veste immédiatement !
- Est-ce que c'est un ordre, professeur ?
- OUI ! hurla Severus, à bout de patience.
- Parfait ! cracha la jeune blonde.
Elle se leva et abaissa brutalement la fermeture éclair de sa veste, avant de la faire glisser de ses épaules et de la jeter sur la table. Un murmure étouffé parcourut la classe. Severus laissa échapper un hoquet d'horreur. Et Black… Black crispa la mâchoire, détournant les yeux pour fixer le plafond. Comme si elle s'attendait très exactement à cette réaction.
- Black… Qu'est-ce qui vous est arrivé… ? lâcha le professeur de potions d'une voix blanche.
Sous sa veste moldue, la jeune fille portait un simple débardeur noir, qui laissait entrevoir plusieurs choses. D'abord, il y avait les tatouages. Des runes d'une couleur rouge sang qui s'étalaient sur son avant-bras droit en scintillant étrangement. Un immense loup arctique peint dans les tons bleus gris sur l'épaule gauche. Une phrase indistincte juste au-dessus du coude. Et surtout, cette horreur invraisemblable sur son avant-bras gauche… Mais ce n'était pas tout. Parce que ce qui sautait aux yeux, c'était les cicatrices.
Traces de coups, de brûlures… Des entailles plus ou moins profondes et plus ou moins récentes qui s'entrecroisaient à la surface de la peau. Severus crut qu'il allait vomir en reconnaissant des estafilades d'une forme particulière. Sectumsempra… Une blessure plus visible qui suivait la ligne de la clavicule. Une autre qui partait de la nuque et disparaissait sous son col… D'innombrables marques que les tatouages ne parvenaient pas tout à fait à dissimuler.
- Je vois pas de quoi vous parlez.
La réplique claqua dans le silence de la classe, brève et glaciale.
- Ne-me-mentez-pas ! siffla Severus. D'où est-ce qu'elles viennent toutes ces cicatrices ?!
- C'est le Quidditch. Je me blesse facilement.
C'était les réponses automatiques de quelqu'un habitué à mentir sur ce sujet depuis très longtemps. Le professeur de potions ne parvint pas à se contenir davantage.
- Le Quidditch ?! NON MAIS VOUS VOUS FOUTEZ DE MOI ! s'emporta-t-il sans retenue. Vous ne voulez pas me dire que vous êtes tombée dans les escaliers tant que vous y êtes ?! C'est… toutes vos blessures portent les traces du sortilège Doloris, je peux le voir à l'œil nu !
- Hein ? Dites pas n'importe quoi, le Doloris ça laisse pas de marques justement !
- Non c'est vrai, concéda-t-il d'un ton réfrigérant, sur une personne en bonne santé, ça ne laisse pas de traces. Cependant, ce maléfice infecte les plaies ouvertes.
- Il… QUOI ?
- La magie noire… infecte les plaies. Elle les rend plus douloureuses et plus compliquées à soigner, ce qui fait qu'elles cicatrisent beaucoup moins bien. Et ÇA, enchaîna-t-il en désignant une autre estafilade sur le bras droit de la jeune Black, ce sont les conséquences du Sectumsempra, un sortilège connu presque exclusivement chez les… partisans de Vous-Savez-Qui. Alors je vais vous poser la question une dernière fois : COMMENT EST-CE QUE VOUS AVEZ EU CES CICATRICES ?!
L'adolescente posa sur lui un regard à la fois enragé et honteux, avant de jeter un bref coup d'œil anxieux en direction de Potter qui était affaissé sur sa chaise, plus blême que jamais. Elle baissa la tête sans répondre, contemplant ses baskets, et un bref instant Severus la vit telle qu'elle était réellement. Une gamine de quinze ans complètement paumée, très mal à l'aise de se retrouver ainsi exposée devant les autres élèves qui la fixaient avec horreur. Une gamine de quinze ans qui avait vécu des choses affreuses mais qui refuserait obstinément de raconter ce qui lui était arrivé.
Du plat de la main, la jeune Black frotta nerveusement le tatouage de son avant-bras droit, les étranges glyphes rougeoyantes. Puis, comme si ce simple geste était parvenu à lui redonner du courage, elle carra les épaules et releva les yeux sur lui.
- Qu'est-ce que ça peut vous foutre de toute façon ?
Le maître des potions inspira profondément pour tenter de se calmer.
- Très bien. Dans ce cas, vous pourriez peut-être au moins m'expliquer ce que c'est que cette… chose… sur votre bras gauche.
Il avait choisi ses mots avec soin, s'efforçant de ne pas laisser trop transparaître son dégoût et son incompréhension. Il ne pouvait pas se permettre de flancher, pas alors qu'il se trouvait devant une classe composée à moitié d'élèves de Serpentard. Un sourire vicieux se dessina sur les lèvres de la jeune fille, totalement à l'opposé de sa gêne précédente. Severus sentit un frisson parcourir sa nuque. Il avait rarement rencontré quelqu'un de lunatique à ce point et changer d'humeur aussi drastiquement et aussi rapidement c'était… troublant. Dérangeant. Inquiétant.
- Alors… ça s'appelle des TA-TOU-AGES, articula Black comme si elle s'adressait à un enfant de cinq ans. Vous savez, ces trucs que les gens se dessinent sur la peau avec de l'encre et des aiguilles…
- Épargnez-moi vos idioties, je sais ce que…
- Ah bah oui, tu m'étonnes… C'est vrai qu'il est très à la mode celui-là en ce moment, ironisa-t-elle en exhibant son avant-bras sous les yeux atterrés du directeur des Serpentard.
Son expression devait parler pour lui car la jeune fille leva les yeux au ciel puis finit par soupirer d'un ton dépité :
- C'est bon, arrêtez de paniquer. C'est pas une vraie.
- Ça n'explique pas pour autant pourquoi vous vous êtes amusée à vous faire tatouer… ça, affirma Severus qui avait de plus en plus de mal à cacher sa répugnance.
- Mais je vous dis que c'est pas une vraie !
Le maître des potions contourna son bureau à grands pas. Il en avait assez de cette conversation qui ne menait nulle part et à ce stade, ce n'était plus de son ressort.
- Ça suffit. Black, debout, vous venez avec moi. Nous allons au bureau du directeur.
- Quoi ?! s'offusqua la jeune blonde. Pourquoi ?
- Ne discutez pas, faites ce que je vous dis un point c'est tout. Tous les autres, dehors. Le cours est terminé.
- Non mais allez, vous saoulez, j'ai rien fait là ! s'exclama-t-elle en shootant dans son sac qui traînait par terre.
Loin d'être impressionné , Severus s'approcha et l'empoigna par l'épaule pour l'enjoindre à bouger. C'est à cet instant qu'il la sentit pour la première fois. L'infime crispation d'une personne qui déteste le contact physique mais qui fait tout pour ne pas le montrer. Il la lâcha comme s'il s'était brûlé.
Un quart d'heure plus tard, ils étaient dans le bureau d'Albus Dumbledore et le maître des potions résistait de plus en plus difficilement à l'envie de casser quelque chose.
- Dites-nous qui vous a fait ça, répéta-t-il pour la énième fois. Comment est-ce que vous avez eu ces cicatrices, qu'est-ce qui vous est arrivé ?!
Il aurait tout aussi bien pu s'adresser à un mur. Depuis qu'ils avaient quitté la salle de classe, la jeune fille n'avait pas décroché un mot, serrant seulement un peu plus les dents à chaque question qu'on lui posait.
- Black, si vous refusez de parler, nous serons dans l'obligation de prévenir l'infirmière pour qu'elle vous examine.
- Alors là, vous pouvez toujours courir ! réagit-elle vivement. C'est hors de question et vous avez pas le droit de me forcer de toute façon !
- ALORS DITES NOUS OÙ VOUS AVEZ EU CES CICATRICES ! beugla Severus.
- Mais bordel, qu'est-ce que vous en avez à faire à la fin ?! C'est ma vie et vous êtes pas mon père, putain !
- Parlons-en de votre père, hurla-t-il sans y penser, je suis sûr qu'il adorerait connaître la provenance de ces blessures lui aussi !
- Ah ouais, vraiment ?! Eh ben si vous savez où il est, faites-moi signe ! Parce que je vous assure que je serais ravie d'avoir la chance de discuter avec lui !
- Vous...
- Severus, interrompit le directeur alors qu'il s'apprêtait clairement à dire quelque chose qu'il n'était pas censé dire.
Le regard bleuté du vieil homme était dépourvu de tout scintillement et lorsqu'il se tourna vers la Serpentard, il arborait un air grave.
- Miss Black, est-ce que c'est Ralph Simons qui vous a fait cela ?
Severus se pétrifia. Il n'avait absolument pas pensé à cette éventualité qui était pourtant tout à fait plausible. Black écarquilla les yeux.
- Non mais ça va pas la tête, vous êtes malades ?!
- Si monsieur Simons vous fait du mal, il faut nous le dire, l'encouragea Dumbledore. Vous êtes en sécurité ici, vous pouvez parler librement. Poudlard a déjà eu à gérer des cas d'enfants maltraités, nous pouvons vous aider, vous...
- Ok, stop, temps mort ! le coupa la jeune fille. Bon écoutez, c'est... gentil de vous faire du souci pour moi mais vous vous prenez la tête pour rien. Tout va très bien avec Ralph et il a jamais eu le moindre geste violent ou déplacé !
- Pourquoi avoir décidé aussi subitement de venir étudier à Poudlard, dans ce cas ?
- Ça, ça vous regarde pas ! C'est bon j'peux y aller, l'interrogatoire est terminé ?!
Dumbledore l'étudia un instant en l'observant par-dessus ses lunettes avant de soupirer et de hocher la tête, visiblement conscient qu'il n'arriverait pas à en tirer quoi que ce soit de plus. La jeune blonde se précipita vers la porte où elle s'arrêta une seconde, main sur la poignée.
- Si vous tenez tant que ça à vous inquiéter pour quelqu'un, vous devriez plutôt vous pencher sur le cas de Potter. C'est vrai que quand on l'écoute, on a vachement l'impression que Poudlard est capable de gérer !
- Potter ? répéta bêtement Severus. Qu'est-ce que Potter vient faire là-dedans ?
Black se contenta de hausser les épaules avant de sortir du bureau sans rien ajouter d'autre. Le professeur de potions se tourna brusquement vers Dumbledore.
- Qu'est-ce que ça voulait dire ?! Pourquoi... pourquoi est-ce qu'elle a parlé de Potter ?
Le vieil homme ne répondit pas. Le regard perdu dans le vide, il passa une main dans sa longue barbe blanche avec une contrariété perceptible et Severus sentit un frisson malsain lui parcourir la nuque. Qu'est-ce que Black avait essayé d'insinuer ? Le Survivant n'était rien d'autre qu'un gamin impertinent, arrogant et gâté, c'était une évidence. Il ne pouvait en aucun cas être maltraité, n'est-ce pas ?
OOO
Harry était assis par terre dans le couloir du bureau de Dumbledore. Il ne savait même pas vraiment ce qu'il faisait là. Lorsque Rogue et Valya avaient quitté la salle de classe, il n'avait pas réussi à bouger tout de suite tant il était sous le choc. Il avait vu les cicatrices, les tatouages, et il n'avait pas compris. Voldemort avait tué sa mère, par Merlin ! Comment est-ce qu'elle avait pu... La gargouille qui gardait l'entrée du bureau pivota, laissant justement apparaître la jeune Black. Elle n'avait toujours pas remis sa veste, qui était négligemment jetée sur son épaule et l'affreux tatouage sur son avant-bras gauche était clairement visible. La Marque des Ténèbres.
Elle se figea en le voyant puis secoua la tête d'un air blasé.
- J'étais sûre que je te trouverai là, Potter, grogna-t-elle.
Le Gryffondor ne dit rien et elle soupira en se laissant tomber au sol à côté de lui.
- Allez vas-y, pose les tes questions.
- Pourquoi... pourquoi est-ce que tu t'es fait tatouer ça sur le bras ? lança Harry d'une voix faible.
Il avait bien conscience qu'il n'aurait pas dû commencer par ça, que ce n'était vraiment pas délicat. Mais c'était plus fort que lui, il avait besoin de savoir.
- Parce que c'est pas une vraie, s'entêta la jeune blonde. Tiens, regarde ! proposa-t-elle en lui tendant son bras pour qu'il puisse l'examiner de plus près.
Le Survivant cligna des yeux. Ça ressemblait à la Marque des Ténèbres. Sauf que… à la place des orbites vides du crâne, il y avait deux gros cœurs ronds. Des petites étoiles tournoyaient autour de la tête du serpent, comme pour les personnages assommés des dessins animés moldus. Et la tête de mort portait une couronne de fleurs.
- Tu... tu t'es fait tatouer... une parodie de la Marque des Ténèbres ? réalisa-t-il, abasourdi.
Un sourire taquin s'étira sur le visage de la Serpentard.
- Tu veux connaître la meilleure partie ? Le tatoueur était moldu. Si ça c'est pas un putain de doigt d'honneur fait à l'autre abruti psychopathe...
Harry ne savait même plus s'il devait rire ou pleurer. « Elle est complètement fêlée », songea-t-il. Franchement, qui aurait osé se faire une fausse Marque des Ténèbres juste pour narguer Voldemort ? Il frissonna quand une petite voix désagréable résonna dans un coin de sa tête, lui apportant la réponse. Sirius. Sirius aurait pu faire ce genre de choses sans problème et il aurait très certainement trouvé ça hilarant.
Malgré tout, Harry se sentait soulagé. Ron, Hermione et tous les autres pouvaient bien dire ce qu'ils voulaient, il était clair que la jeune Black n'était pas du côté de Voldemort.
- Et avec Rogue et Dumbledore, ça été ?
Valya ne répondit pas tout de suite. Du bout du doigt, elle redessina une des cicatrices les plus visibles qui courrait sur son avant-bras.
- Ils pensaient que c'était à cause de Ralph, tout... tout ça.
- Et c'est vrai ? hésita Harry.
- Bien sûr que non ! s'indigna la jeune blonde. Quoi ? protesta-t-elle face à son expression dubitative. Qu'est-ce qu'il y a ?
- Rien, c'est juste que... par rapport à la Beuglante qu'il t'a envoyée lundi, il a vraiment l'air... très sévère.
Valya secoua farouchement la tête.
- Ok, il est parfois super chiant en ce qui concerne les cours, les devoirs, les horaires de sortie, ce genre de trucs mais c'est tout ce que j'ai à lui reprocher ! Il ne m'a jamais fait de mal ou quoi que ce soit ! Et puis ça te va bien de dire ça... d'après le peu que tu m'as raconté, ton oncle et ta tante ont vraiment pas l'air très marrants non plus.
- Ce n'est pas si terrible que ça, se défendit aussitôt Harry, mal à l'aise.
Il détestait parler de sa vie chez les Dursley et il regrettait d'avoir laissé la conversation glisser sur ce terrain. Il en avait déjà bien assez avec les regards inquiets de Ron et Hermione qu'il sentait parfois peser dans son dos...
