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Chapitre 7
Le meilleur des feux d'artifice
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Il était vingt heures passées quand Max sortit de la salle de bain, les cheveux enfin secs, et à peine eut-elle mis le pied dans la cuisine que sa mère arrivait déjà vers elle en lui tendant un grand bol rempli d'une salade qu'elle avait concoctée.
« Voilà Max, j'espère que tes amis vont apprécier, j'ai utilisé ma recette secrète, » lui sourit Susan alors que la rouquine acceptait le saladier recouvert de film plastique. « Amuse-toi bien, et soit surtout de retour avant une heure. »
Puis, Susan lui offrit un chaud baiser contre sa joue avant de quitter la cuisine pour finir de se préparer, laissant Max dubitative à scruter la salade suspicieuse. Elle espérait que sa mère n'avait pas tenté une autre recette étrange et que le petit groupe au parc n'allait pas être les cobayes. Mais elle ne poussa pas plus loin la question car elle entendait déjà Neil Hargrove râler quelque part dans le salon qu'ils avaient cinq minutes de retard tout en toquant plusieurs coups à la porte de son fils.
« Et surtout garde un œil sur ta sœur ! » entendit Max de la cuisine, ordonné par le père de Billy.
Finalement, après un autre baiser de sa mère contre son front cette fois-ci, et un rappel de l'heure de retour de la part Neil, le couple quitta la maison, ayant une soirée importante en pleine ville. Et à peine dix secondes après que la porte d'entrée n'ait claqué derrière Neil Hargrove, Billy quittait sa chambre pour récupérer ses chaussures dans le couloir, démontrant une lassitude extrême, cigarette déjà entre ses lèvres.
Tout en déposant le saladier contre la table de la cuisine et récupérant aussi ses chaussures, Maxine garda son regard rivé vers son frère. Elle ne savait pas ce qu'il avait prévu ce soir, elle avait simplement entendu Billy parler d'une soirée avec Susan, cette dernière lui disant qu'il n'y avait pas de problème, tout pendant qu'il ramenait Max à l'heure, mais le blond ne semblait guère emballé à l'idée de sortir aujourd'hui.
« Tu sais, je peux demander à un autre parent de me ramener, » glissa Max qui laçait ses converses, assise à même le carrelage. « Ton père n'en saura rien. »
« Laisse tomber, je m'occupe de te ramener à une heure du mat' comme convenu, » maugréa Billy qui se planta devant le miroir du couloir pour s'inspecter une dernière fois. « À force d'essayer d'être gentille je vais finir par croire que tu essaies de me cacher quelque chose… T'as un rencard avec l'un des gosses Harrington ? »
Levant les yeux au ciel, Max ne prit pas la peine de lui répondre et se leva pour récupérer le saladier. Et ce fut donc en silence que Billy et Max s'installèrent à bord de la Camaro, direction le parc de Hawkins, là où Billy avait pour mission de déposer sa jeune sœur avant d'aller selon le premier programme, se bourrer la gueule bien comme il le fallait chez Tommy.
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Le soleil se couchait lentement alors que Joyce et la mère de Lucas et Mike mettaient les couverts sur les tables de jardin qu'avaient montées les pères de ces derniers. Le parc était bien animé suite au feu d'artifice qui allait bientôt inaugurer ce fameux 4 juillet, et le petit groupe n'avait pas été le seul à avoir eu l'idée de pique-niquer ici. Un grand nombre de famille étaient venu se réunir aux quatre coins du parc, dépliant couvertures ou ouvrant des chaises de jardin.
Hopper quant à lui, jetait parfois de brefs coups d'œil autour de lui, vérifiant qu'un potentiel groupe de jeunes n'était pas venu se saouler illégalement ici. Néanmoins, il fut bien vite rejoint par Joyce qui lui sourit en lui intimant de laisser pour une fois tomber sa garde, et venir profiter de la soirée.
Steve de son côté, vidait les paquets de chips et gâteaux apéritifs dans les bols prêts à cet escient, tandis que Nancy et Jonathan remplissaient les gobelets plastiques de jus de fruits. Un peu plus loin, les enfants étudiaient le ciel avec des jumelles ou bien avec le télescope qu'avait ramené Monsieur Sinclair.
« Tu as toujours mal au bras ? » demanda soudain Nancy en rebouchant la bouteille de LifeSavers.
Étant face à Nancy, ayant pour seul rempart la table de pique-nique, Steve comprit qu'elle lui parlait à lui, et jeta un bref coup d'œil vers son bras dénudé, là où une compresse était collée autour de l'intérieur de son coude afin de cacher le vilain bleu.
« Oh, c'est rien Nance', rien du tout, » dit-il en reportant un sourire vers elle.
Oui, il avait encore mal, comme s'il avait reçu un vilain coup et que depuis, une courbature acide brûlait son articulation. Mais la secrétaire lui avait dit au téléphone que ça pouvait arriver, et qu'il n'y avait pas à s'inquiéter, lui donnant tout de même un rendez-vous pour le cinq juillet. Et dire que c'était Billy qui lui avait fait ouvrir les yeux. Que c'était grâce à lui qu'il avait décroché le combiné pour appeler le cabinet médical de Hawkins.
Billy… Steve poussa un faible petit soupir, le sachet vide de chips toujours entre ses mains, oubliant presque le regard suspicieux de son amie rivé vers lui. Depuis la fameuse soirée la veille au cinéma, il avait été incapable de réfléchir correctement ou même de lire plus d'un chapitre de science sans voir son esprit vagabonder complètement autre part.
Et cet élan qu'avait dirigé Billy vers lui, afin de serrer simplement son petit doigt durant tout le film, ça voulait dire quelque chose non ? Tous comme les foutus signes de toute la semaine que Steve n'avait pas réussi à interpréter correctement. Il avait beau retourner le problème dans tous les sens, ne pas avoir une réponse concrète lui dévorait les entrailles.
Il fut tant perdu dans ses pensées qu'il ne vit pas Max arriver en trombe devant lui, tout juste arrivée au parc.
« Steve ! » fit-elle en agitant sa main devant lui, ayant vu qu'il avait l'air ailleurs. « Billy est là. »
Le simple prénom Billy jeté dans l'air eut don de brusquement le réveiller et ses yeux retombèrent vers la rouquine devant lui. Mais avant qu'il ne puisse ouvrir la bouche, ne comprenant pas trop pourquoi elle lui disait ça, ni même ce que Billy pouvait réellement fichtre là, Joyce qui se trouvait près d'eux, prit la jovialement la parole :
« Eh bien, dit lui de venir lui aussi passer du bon temps avec nous. »
Steve jeta un regard effaré vers Madame Byers qui souriait de son doux sourire. Elle était pourtant pertinemment au courant que Billy avait été celui à pénétrer dans sa propre maison pour effrayer les enfants et refaire le portrait de Steve, mais comme l'avait finalement supposé Steve, elle avait su pardonner. Ou du moins, après toutes les choses dites à propos de Billy, elle avait su oublier et était passé à autre chose.
Joyce avait toujours eu la main sur le cœur après tout, et Steve suivit alors le regard de la mère de Will, jusqu'à l'entrée du parc et vit en effet que Billy était adossé à l'un des arbres, à fumer tranquillement. Il ne semblait pas vouloir venir jusqu'ici et les joues de Steve s'empourprèrent bien qu'il espéra que ni Max ni Joyce ne puissent s'en rendre compte.
« Je pense pas qu'il voudra, » répondit Max à l'adresse de Joyce tout en lançant alors un regard énigmatique vers Steve.
Steve capta rapidement son regard et se demanda soudain ce que pouvait bien faire Billy ici. Certes, il avait pour ordre de son père d'emmener Maxine jusqu'ici, mais Steve avait imaginé qu'il parte à la seconde où Max serait esorti de sa voiture. Ce qui n'était évidemment pas le cas à l'instant présent puisqu'il était arrivé à l'entrée du parc, mais semblait comme incapable de venir jusqu'ici par la force de sa propre volonté.
« Je vais… aller voir avec lui, » fit Steve après avoir pris une plus ample inspiration, pour ensuite se diriger jusqu'à Billy.
Il ignora les yeux très certainement intrigués de Nancy rivés vers lui, et après quelques grandes enjambées, il arriva devant Billy qui ne bougea pas, continuant d'expirer la fumée de nicotine.
« Hey, » salua Steve en fourrant ses mains dans les poches de son jean, ne sachant trop quoi dire, son cœur s'étant mis à battre beaucoup trop fort contre sa poitrine –si bien qu'il crut que tout le parc pouvait l'entendre-. « Mme Byers t'invite à nous rejoindre. »
« Nope, pas mon truc Harrington, » répliqua Billy en secouant la tête, ses yeux glissant jusqu'aux familles réjouies qui peuplaient le parc derrière Steve. « Retourne avec ta petite famille. »
« Alors qu'est-ce que tu fiches ici, debout à attendre ? »
Cette fois-ci, Billy reporta son regard vers Steve, ses yeux bleus brillant intensément suite aux rayons du soleil couchant. Et Steve sut qu'il avait vu juste. Billy n'avait pas eu pour réel but de repartir tout de suite après avoir déposé sa sœur au parc.
« Je venais juste passer le bonjour, » répliqua finalement Billy en écoulant la cendre de sa clope en quelques coups de son doigt contre le filtre. « Voir si tu étais bien toujours vivant. »
« Je t'ai dit que j'allais bien, » riposta Steve en cachant inconsciemment son bras marqué derrière lui. « Bref… Si tu n'as pas pressé, et que tu refuses de venir te joindre à nous, je peux… Je peux te montrer un spot. »
Steve avait dit ça en déviant rapidement ses yeux vers le parc derrière lui, ne sachant trop ce qu'il disait là, mais une petite idée avait germé dans son esprit. Certes un peu niaise et stupide, mais son cœur avait parlé. Il se mordit cependant la lèvre inférieure dans l'anticipation, conscient que Billy avait tout de même une soirée qui l'attendait.
« Ça marche, je te suis, Harrington. »
Encore une fois surpris par la réaction de Billy, Steve lui lança un regard étonné, sourcils haussés, tout de suite répondu par un éclair presque provocateur dans les yeux bleus du Hargrove qui lui envoyait un message du genre « tu te dégonfles, Harrington ? » ou bien « j'adore surprendre je ne m'en cache pas ».
Puis, Steve hocha donc la tête et lâcha un « bouge pas, je reviens » et tourna les talons pour rejoindre son petit groupe qui préparait activement les festivités. Billy attendit donc près de l'arbre tout en terminant sa clope, scrutant Steve qui arrivait près de Joyce. Il jeta un bref coup d'œil du côté des mômes et put même voir que le gang s'était arrêté de jouer et discuter pour lui lancer des regards discrets.
Cependant, alors qu'il répondait à leurs regards furtifs par un regard plus effrayant, espérant que les gosses détournent vite les yeux et se mêlent de leurs affaires, Steve revenait déjà vers lui, lui dévoilant un paquet de chips dans l'une de ses mains, et deux bouteilles de bière dans l'autre –prise à l'insu de Hopper, aidée par Joyce-, et un petit sourire incontrôlable naquis sur les lèvres du blond.
« Maintenant, suis-moi, » lui fit Steve en passant près de lui.
« Je vois que tu sais enfin prendre des initiatives intéressantes, Pretty Boy. »
Sur ce, Billy jeta la cigarette dans l'herbe et suivit les indications de l'autre garçon qui s'engouffrait sans un mot dans la forêt. Il vit que Steve portait même un plaid plié sous le bras, et ceci intrigua hautement le blond qui suivait son pas en fixant la nuque Steve, le sang en ébullition.
Bientôt, Steve sortit de la forêt et une petite plaine aux amas d'herbes parfois hautes, parfois basses, s'étendit devant eux. Billy reconnut rapidement le lieu comme étant celui nommé par la plupart des habitants de Hawkins « le terrain vague », un endroit qu'était peu fréquenté, hormis parfois par des promeneurs et leur chien ou pour des soirées en pleine air plutôt illégales. Mais Billy resta silencieux et suivit Steve qui finalement, déposa le paquet de chips et les bières dans l'herbe chaude pour ensuite déplier le plaid beige.
Se retournant un instant sur lui-même pour inspecter les lieux, Billy remarqua qu'ils étaient bel et bien seuls.
« Super spot si tu comptes me tuer et ensuite cacher mon corps sans qu'aucun témoin ne puisse être présent, » lui fit Billy, moqueur.
Mais Steve ne lui répondit pas tout de suite, se contentant de se laisser retomber sur le plaid en poussant un soupir de bien-être, satisfait de pouvoir enfin reposer ses jambes qui s'étaient activées toute la journée. Tout en récupérant les deux bières, Billy vint s'installer lui aussi sur le plaid, sortant déjà un décapsuleur bon marché de la poche arrière de son jean.
« Il y a quelques années, » commença soudain Steve en fixant le soleil qui se couchait dans le lointain. « Un même quatre juillet, j'étais avec mes parents au parc pour voir le feu d'artifice. Mais encore une fois, je me suis engueulé avec eux, je ne sais plus trop pourquoi, mais j'ai fini par courir le plus loin possible et je me suis posé ici. »
Billy s'était figé, le décapsuleur pressé contre le bouchon de la première bière, observant curieusement le profil de l'autre garçon.
« Je devais avoir six ou sept ans, je sais plus trop, » continua Steve alors qu'un petit sourire nostalgique se dessinait sur ses lèvres. « Mes parents étaient morts de trouille. Mais je me suis posé là, j'ai regardé le ciel, profitant du calme et le feu d'artifice a été sublime d'ici. L'un des meilleurs, je dois l'avouer. »
Hochant lentement la tête, Billy finit par décapsuler la bouteille entre ses mains et un pshit aigu brisa le doux chant des grillons avant de s'évanouir dans l'air chaud de cette douce soirée.
« C'est une histoire un peu tristounette que tu me racontes là, Harrington, » lui fit Billy en lui tendant la première bière.
Steve retourna enfin la tête vers son côté et accepta la bière tendue vers lui.
« À ton tour, » reprit Steve en observant le Hargrove reproduire la même manipulation avec la seconde bière.
« Mon tour de quoi ? » lâcha le concerné après un second pshit.
« De raconter quelque chose. Je sais pas, une anecdote, un souvenir… Tout ce qui te passe par la tête. »
Déposant son regard vers un poing invisible au bout de la plaine, bière dans une main, Billy parut réfléchir un instant et Steve attendit.
Enfin, il lui raconta quelque chose. Une anecdote concernant sa jeunesse en Californie où il avait lui aussi décampé entre les mailles du filet, alors que sa mère discutait avec des voisins lors d'un pique-nique du quartier. Agé de six ans et ennuyé comme jamais, il avait couru jusqu'à un champ afin de le traverser, suivant un chien blanc qu'il avait vu filer comme le vent. En voulant escalader les barbelés, le fil de fer avait coupé net la peau de son mollet et il s'était mis à crier sous la douleur. Le beau chien blanc –un berger allemand nommé Chipie, avait précisé Billy- était retourné jusqu'au lieu du pique-nique bien que l'animal ne connaissait absolument personne, et avait alerté le groupe avant qu'il ne se vide de son sang.
La mère de Billy lui avait passé un savon lorsqu'elle l'eut retrouvé et qu'elle le conduisait en panique jusqu'à l'hôpital le plus proche. Billy montra même à Steve la cicatrice qu'il avait toujours près de sa cheville, et Harrington fut touché par cette douce histoire.
Ainsi, ils enchainèrent. Chacun raconta quelque chose, de drôle, de plus triste, des pensées, des observations tandis que le soleil se couchait lentement, et qu'ils mangèrent les chips et burent leur bière, gorgée après gorgée.
Ce fut une fois que le soleil eut entièrement disparu et que seule la lune les éclairait, que Billy posa une question qui changea la situation de tout au tout.
« Toi qui lis tout un tas de revues phycologiques ou je ne sais quels articles de psy. Qu'est-ce qu'ils disent, de tous ces gens anormaux ? » avait-il demandé après un léger silence bercé par les grillons.
Steve but la dernière gorgée de sa bière et lui lança un regard interrogateur.
« Les gens anormaux ? » répéta-t-il.
« Yep, les gens anormaux. Comme moi. »
Semblant comme lire les prémices d'une colère contenue dans les mots de Billy, Steve haussa un sourcil et tenta quelque chose.
« Si par anormal, tu fais référence à tes goûts chelou en matière de musique, je suis désolé de t'apprendre que ce n'est pas être anormal, mais bien d'avoir des goûts de chiottes. »
Ce fut un rire soufflé que Billy laissa échapper, son regard se perdant vers la bouteille de bière entre ses mains, pratiquement vide.
« Je ne suis pas idiot, » répliqua alors Billy, son pouce glissant pensivement tout autour du goulot de la bouteille de bière. « Je sais ce que pense tous ces psy à propos de ce type de personne. Ils veulent les aliéner, les faire changer, afin qu'ils arrêtent de ressentir toutes ces… ces choses qu'ils pensent immorales. »
Sa voix était devenue plus sèche, plus dure, et Steve fronça les sourcils, restant un instant silencieux. Une petite idée concernant le sujet dont parlait implicitement Billy vint germer dans son esprit, mais il avait du mal à concéder que cela était même possible. Billy ne pouvait pas essayer de lui dire que-…
« Pour éclairer un peu ta lanterne, princesse, je parle des gays. »
Le sang de Steve ne fit qu'un tour alors que le regard intense de Billy se posait sur lui. L'expression de ce dernier était totalement fermée et aucune trace de malice ou de moquerie n'avait place, signe qu'il était tout bonnement sérieux. Harrington enserra plus fermement la bouteille de bière entre ses mains, ne détachant pas son regard de l'autre homme.
« Tu es en train de dire que tu-… » commença Steve, la gorge sèche, le cœur battant.
« Quoi, surpris, Harrington ? » le coupa Billy, un éclair de défi filant dans ses yeux bleus.
Steve n'en croyait décidément pas ses oreilles. Il n'aurait jamais pensé entendre Billy avouer cela de vive-voix, et puis… en réalité, jusque-là, malgré les signes, Steve n'avait pas encore réalisé que oui, peut-être Billy était intéressé par lui.
« Non, enfin… Je… » se perdit Steve en passant une main nerveusement contre sa nuque. « Ce que je veux dire, c'est que… tu aimes plutôt les deux genres… Non ? »
Aussitôt, les sourcils du blond se froncèrent, et il prit presque un air dégouté en entendant cela, ce qui déboussola encore plus Steve.
« Les deux genres ? » répéta Billy en ricanant, détournant les yeux. « Carrément pas. »
« Donc… Tu préfères seulement… les mecs ? » articula Steve qui se maudit presque pour la si petite voix que sa gorge émettait.
Billy reporta son regard vers lui, comme l'analysant du regard. Steve retroussa soudain les lèvres sous l'anticipation, espérant que Billy ne se rétracte pas, mais avant que le blond n'ait pu potentiellement s'énerver ou regretter à s'être confié lors de cette nuit étoilée, il reprit précipitamment :
« Enfin, j'veux dire, tu es sans arrêt à draguer toutes les meufs qui te passent sous la main. Dans les couloirs, au réfectoire, en classe, en soirée… »
« C'est une couverture ça, » lâcha Billy d'un ton détaché, ses yeux balayant à nouveau le plaid sous leur corps.
« Une couverture ? Sérieusement ? »
« Yep, qu'est-ce que tu veux que je te dise de plus ? »
Et soudain, Steve pressentit clairement le malaise de Billy. Ou du moins, le léger tremblement qui prenait ses membres, comme si il n'était clairement pas à l'aise dans la conversation. Comme s'il regrettait presque s'être embourbé dans ce genre d'échange et qu'il aurait aimé faire marche arrière. Et Steve, réellement touché par ce secret partagé, tenta de l'apaiser un peu, ignorant son propre cœur qui battait douloureusement contre sa poitrine.
« Eh bien, je dois dire que tu es plutôt doué pour jouer la comédie, tout Hawkins n'a vu que du feu ! »
Il agrémenta sa phrase par une légère tape contre l'épaule de Billy qui finit par laisser échapper un faible petit sourire, sans pour autant lever les yeux vers Steve.
En réalité, jusque-là, Steve aurait pu imaginer Billy être sérieusement intéressé par lui. Voire, être attiré par d'autres mecs au vu de comment il agissait avec lui lorsqu'ils étaient seuls. Steve avait donc pensé qu'il était comme lui, ne faisant pas de réelle distinction entre les filles et les garçons en termes d'attirance, les deux sexes le plaisant tout autant.
Mais visiblement non, contrairement à lui, Billy n'avait que faire des filles, et jusque-là, s'était efforcé de montrer au monde une tout autre image. Inutile d'être très idiot, car Steve fit rapidement le lien avec le père de Billy qu'il avait parfois mentionné, et que Max disait plusieurs fois détester. À Hawkins, Neil Hargrove était réputé pour être un paternel sévère et effrayant.
Ainsi donc… Billy Hargrove était gay.
« Et puis non, j'ai jamais lu ce genre d'articles stupides, » continua ensuite Steve en reportant son regard vers les étoiles. « T'sais concernant les thérapies qui consistent à faire changer ces gens-là, c'est moyenâgeux. Les gens sont plus tolérants de nos jours. »
Ce n'était en rien sûr de se balader à Hawkins en étant ouvertement homosexuel, mais depuis quelques années, les mœurs changeaient, Steve le sentait. Doucement mais sûrement.
Billy de son côté, lâcha un bref « hum » pas réellement convaincu et Steve voulut rajouter quelque chose quand soudain le blond leva son index et ajouta un « chut ! »
Refermant la bouche, Steve haussa un sourcil et Billy leva ensuite la tête montrant du bout de son index le ciel zébré de magnifiques étoiles.
« Ça commence, Harrington. »
Et à peine eut-il dit cela que le premier feu d'artifice détona dans la nuit, ses éclats de couleurs semblant s'écouler dans le ciel pour retomber sur la tête ferme. Un sublime sourire vint éclairer le visage de Steve dont les secondes explosions crépitèrent dans ses yeux, brillant de multitudes de couleurs.
Il sentit à peine son dos rencontrer machinalement le plaid derrière lui, et remarqua partiellement que Billy s'était lui aussi allongé sur le plaid, contemplant tous les deux le feu d'artifice de Hawkins fêtant la journée nationale de leur pays.
La sensation qu'il avait actuellement était étrangère, nouvelle et unique. Voir le feu d'artifice ici, loin du bruit ambiant et de la foule était comme lors de ses six ou sept ans, apaisant et presque excitant. Mais en plus de cela, sentir la présence de Billy allongé près de lui, amplifiait son bien-être et brûlait ses entrailles.
Steve déposa ses mains contre son ventre, profitant de ce beau spectacle, sentant le vent frais de la nuit contre son visage, frémissant à chaque explosion qui faisait vibrer ses tympans, dégustant cette bulle intime entre lui et Billy. Billy Hargrove qui s'était ouvert à lui.
Puis, après quelques minutes de couleurs et lumières, le silence se fit à nouveau, les grillons de la nuit chantonnaient, sa propre respiration lente retenait toute sa concentration. Il repensait aux paroles de Billy, mais sa langue se délia autrement.
« Comment c'est… ce genre de feu d'artifice en Californie ? » lâcha soudain Steve, restant allongé à contempler les étoiles de retour dans le ciel noir de l'Indiana.
Il sentit Billy bouger légèrement à ses côtés, et il craint soudain qu'il ne se lève, souhaitant partir d'ici puisque le feu d'artifice était terminé et qu'il n'avait plus rien à faire ici. Mais finalement, il ne quitta pas sa place, et sa voix grave se fit entendre :
« Ce sont des feux d'artifice plus longs, plus grandioses, avec plus de sable tout autour. On entend le bruit des vagues dans la nuit, l'odeur des feux qui crépitent sur la plage et celle provenant de la mer. »
Steve sentit dans le creux de sa voix, un brin d'admiration et de nostalgie. Il est vrai qu'à Hawkins, c'était loin d'être pareil. La ville n'avait pas autant de moyen que les autres grandes cités, et puis, ils étaient loin de toute mer ou grand lac. C'était juste la brousse et des forêts.
« Et la compagnie est loin d'être la même, » ajouta Billy après un petit moment de silence grignoté par le chant des grillons d'été.
Machinalement, toujours allongé sur le dos, Steve pivota sa tête vers Billy et vit que ce dernier avait lui aussi son visage tourné vers lui, et l'observait de ses yeux clairs.
« La compagnie… » commença Steve, imaginant encore une fois des tas de jeunes de leur âge, bouteilles à la main, qui dansaient et riaient autour d'un immense feu sur la plage.
« Mais j'aime cette compagnie privatisée. »
Et soudain, Billy bougea et son eau de Cologne vint embraser les narines de Steve dont le souffle se coupa. Le ciel étoilé disparut et laissa place au Hargrove à présent à quatre pattes au-dessus de Steve, ses deux mains pressées non loin du crâne du Harrington. Le cœur se Steve s'emballa, perdu dans le regard de Billy à présent si proche de lui, de son visage.
« Dis-moi d'arrêter, » lui murmura Billy, son souffle aux teintes de nicotine venant caresser le visage de Steve.
« Et si… Je veux pas que tu t'arrêtes ? » lui chuchota Steve, son souffle se mêlant avec le sien.
« Alors… Nous verrons. »
Billy se pencha, et Steve entrouvrit les lèvres, frémissant d'anticipation, ne percevant plus que le son de son souffle saccadé. Puis, Billy frôla ses lèvres des siennes, comme cherchant un dernier signal de retrait, puis, l'embrassa.
Steve eut l'impression que son cœur explosa alors que ses mains vinrent sans attendre se perdre dans les cheveux blonds du garçon au-dessus de lui. La chaleur qui se répandit dans tout son cœur l'étouffait presque et cet élan d'insatiabilité, il la démontra dans ce soudain baiser qu'il approfondit.
Bientôt, Steve fut redressé par une main ayant agrippé le col de son t-shirt, et à genoux l'un en face de l'autre, ils intensifièrent cet échange enflammé, mêlant langue, dents et souffles chauds. Steve sentit les mains brûlantes de l'autre homme maintenir fermement ses hanches, ses pouces brûlants en contact avec la peau sous le tissu de son haut, et il voulait que ces mains parcourent plus en profondeur son corps. Il voulait sentir Billy partout sur lui.
Ses propres mains étaient quant à elles, enclavées contre la nuque de Billy, comme l'empêchant de battre en retraite après un potentiel regret, mais il semblait que cette idée était loin, bien loin, et qu'elle n'irait jamais effleurer l'esprit du blond dont les mains commencèrent à explorer la peau de Steve sous son t-shirt.
Soudain, dans une impulsion de faim acide, Billy perdit sa stabilité et son corps tomba lentement en arrière, suivi par Steve qui ne quittait pas ses lèvres. Et lorsque son dos rencontra le plaid sous lui, un crissement distinctif se fit entendre et Steve recula son visage de quelques centimètres, essoufflé comme jamais, ses mains à présent serrées autour du col de la chemise légère de Billy.
« J'crois que c'était les chips, » murmura-t-il entre deux souffles, ses yeux englués dans ceux de Billy dont le bleu était presque absent.
« Ça valait bien le coup, princesse, » lui répondit Billy avec un petit sourire en coin, l'une de ses mains agrippant l'arrière de la nuque de Steve pour reprendre leur échange endiablé.
La nuit presque intégrale les englobait totalement, les protégeant du monde actuel et les plongeait tous les deux dans les profondeurs de leur cœur. Les non-dits étaient avoués dans leur baiser et les masques étaient échoués sur l'herbe chaude du terrain vague.
Steve et Billy sous un feu d'artifice, s'aimant et toujours en vie. Quel bonheur xD Avez-vous aimez ce petit chapitre ? Les choses vont bientôt se corser un petit peu. Kiss.
(+ grand merci encore à vous lecteurs/lectrices, je ne vous remercierais jamais assez pour vos doux messages)
