On se revoit à Konoha
Disclaimer : D'après les personnages de Naruto de Masashi Kishimoto. Une histoire originale de Nounouillechan. Ecrit par Chicken Poulet.
Chapitre 7 : La rencontre du Bibliothécaire
Saï poussa silencieusement la porte de son bureau, il avait sur le bras quelques affaires de rechanges et un café à la main.
- Je suis passé à votre logement de fonction, mais vous n'y étiez pas.
- J'ai passé la nuit ici, répondit-il simplement.
Il se leva et ôta sa chemise et la glissa dans le dernier tiroir de son bureau, puis enfila celle que lui avait apportée Saï. Il but le café d'une traite et quelques secondes plus tard, il sentit son coeur s'emballer dans sa poitrine. C'était exactement ce dont il avait besoin.
Sur le trajet, ils n'échangèrent ni un mot ni un regard. Mais cela n'avait rien de désagréable, à leur manière, ils appréciaient la présence l'un de l'autre.
Saï s'était arrêté à proximité de l'hôpital et un grand oiseau devant leur servir de moyen de transport prit vie sous sa plume. Le maître des sables posa une main sur la tête de l'oiseau, qui lui répondit par un coup de bec affectueux. Saï appréciait l'attention qu'il accordait à ses créations, aussi éphémères soient-elles.
Quelques puissants battements d'ailes les propulsèrent haut dans le ciel et Gaara adorait cette sensation de flotter. Malgré les conditions de voyage difficiles, il s'était précipité à Konoha dès qu'il avait appris l'état de Naruto.
Saï resta pensif un instant, en le regardant sauter au-dessus du vide par la fenêtre de sa chambre. Il enviait un peu l'attention que Gaara portait à Naruto, il aimerait lui aussi être considéré comme son ami. Il redescendit, attendant patiemment au pied du bâtiment qu'il en ait fini.
Gaara trouva Naruto assis dans son lit, empêtré dans un T-shirt qu'il ne parvenait pas à remettre. Il se tortillait assez lamentablement de droite à gauche, en gémissant de douleur. Le visage et les bras pris à l'intérieur du vêtement, il ne l'avait pas entendu entrer.
Le roux le regarda se démener un instant mais le libéra lorsque ses bandages prirent une teinte rouge sang. Après l'avoir retiré, il lui jeta au visage, si bien que Naruto mit encore quelques secondes à découvrir son invité.
- Gaara.
- Naruto.
Le premier contact était froid. Gaara avait ses airs de grand frère mécontent et Naruto de cadet pris en faute. Il était d'ailleurs prêt à lui souffler dans les bronches dans les tons d'un « je t'avais prévenu » bien senti, mais le blond y échappa en trois mots.
- Je suis désolé.
Gaara fit claquer sa langue puis s'assit sur le lit à côté de lui.
- Si on met de côté le fait que ton cœur à l'air de vouloir sortir de ta poitrine, t'as plutôt l'air d'aller bien.
Naruto toucha son torse, ses doigts lui revinrent teintés de sang, il se tourna vers son ami, un sourire idiot sur le visage.
- Qu'est-ce que tu racontes ? Il ne s'est pas arrêté de battre et il n'a pas bougé depuis la dernière fois.
- Très drôle, je vais la mettre sur ma liste de blagues pour pouvoir en rire plus tard. Tsunade pense qu'on devrait se parler, mais j'ignore de combien de temps on dispose.
Naruto acquiesça d'un hochement de tête et lui parla d'un ton grave.
- Je vais être honnête avec toi. Je suis épuisée de combattre. C'est vraiment pas passé loin cette fois-ci, et même Kurama a du mal à récupérer. En attendant d'aller mieux, tout ce que je peux faire c'est en plaisanter.
- Je préfère quand tu me parles comme ça. Je commençais à penser que Tsunade avait raison et que tu avais perdu tout contact avec la réalité.
Ils se connaissaient bien et Naruto, il était inutile de laisser la discussion trainer davantage.
- Qu'est-ce qu'elle t'as dit ?
- Qu'il fallait que tu parles à quelqu'un et qu'en tant que jinchuriki j'étais la personne qu'il te fallait. Il y a quelque chose qui cloche avec Kurama ?
Il aurait préféré aborder les choses sous un angle différent, il détourna le regard.
- Et bien… Tu as forcément lu un de ces livres qui racontent la vie des Bijû en liberté.
Gaara se redressa et hocha lentement la tête de droite à gauche, en signe de négation. Il ne savait pas où Naruto voulait en venir, mais si une histoire commence par « Bijû en liberté » il n'y a aucune chance pour que ça finisse bien.
- Écoute-moi.
- J'entends rien, répliqua aussi sec le roux.
- Gaara, écoute-moi !
Il plissa légèrement les paupières et ses pupilles émeraude retracèrent le pourtour de ses yeux, alors qu'il continuait de hocher négativement la tête.
- C'est incroyable ce que j'entends rien du tout. Serais-je devenu sourd ? Attends… Non, j'entends rien.
Il parlait un peu plus fort que Naruto et lui coupait la parole à chaque fois qu'il ouvrait la bouche. Excédé, le blond referma la main sur son col et le tira à lui, leur visage était si proche que leur nez se touchait presque.
- Je veux sortir Kurama de sa cage.
- Ça ne va pas mieux ?! Je sais que vous vous entendez plutôt bien ces derniers temps, mais tu es sérieusement prêt à mettre en danger le village de Konoha ainsi que les pays voisins ? Je te remercie de m'en informer, je vais de ce pas barricader Suna. Lâche-moi.
La poigne de Naruto ne faiblit pas et la détermination dans son regard ne vacilla pas. Il savait que Gaara le jaugeait, pour voir à quel point il était sérieux.
- Le but n'est pas de le lâcher dans la nature, juste de le sortir de là. J'ai besoin de lui à mes côtés.
Le maître des sables resta silencieux un instant, le regard tourné vers le plafond comme s'il réfléchissait.
- J'imagine que s'il a une laisse et une muselière ça ne craint rien, oui… Et puis il a été tellement gentil ces derniers temps.
- Gaara, je suis sérieux.
- Parce que tu crois que je ne le suis pas ? C'est pas… c'est pas quelque chose d'anodin, d'accord ? Il est à tes côtés en ce moment. Bien à sa place, avec toi et sous ton contrôle. T'as pas la moindre idée de ce que ça fait de n'être qu'une cage vide.
Naruto relâcha son étreinte honteux, Gaara savait mieux que quiconque le prix à payer pour la séparation avec un Bijû. Et il était comme en deuil depuis.
- Tu crois que je le ferais si je n'avais pas le choix ? Je suis engagé dans un combat sans fin contre le mauvais ennemi. Le Conseil est censé détenir la vérité et ne faire que des choix éclairés. Mais si celui de Suna était corrompu au point de commettre les crimes les plus odieux pour dissimuler ses erreurs, ne serais-tu pas prêt à tout pour l'arrêter ?
Le roux détourna le regard, mais Naruto se pencha pour le retrouver.
- Ne pas agir, en toute connaissance de cause, ne te rendrait-il pas complice de ces crimes ?
Comme Gaara gardait le silence, il conclut simplement.
- Que Kurama soit libre de ses mouvements est loin d'être la pire chose qui puisse arriver à Konoha. Et les souffrances que je devrais endurer importent peu. Je veux simplement savoir si tu peux m'aider.
Un petit sourire releva les coins de la bouche du Gaara, il se défit de sa poigne et se redressa.
- Je vais voir ce que je peux faire, mais je ne te promets rien. Et encore une chose, si ton plan échoue, tu seras seul. Mes fonctions de Kazekage passent avant tout, y compris notre amitié. Je ne mettrais pas en péril la paix entre nos villages pour toi.
Naruto baissa les yeux, il en était bien conscient.
- Et je te conseille de te méfier d'absolument tout le monde. Ne va pas croire que tu es intouchable parce que tu as Kurama. Si ton ennemi est aussi puissant et déterminé que tu le dis, je ne vois rien qui puisse l'empêcher de te faire ce que l'Akatsuki m'a fait.
- Je le sais tout ça. Je ne compte pas te créer d'ennui.
Gaara monta une épaule et se redressa, prêt à partir, lorsque le blond l'interpella.
- Attends, c'est Saï qui t'as accompagné, je suppose. Comment ça se passe entre vous ?
Naruto était la seule personne au monde à connaître la vérité sur son orientation sexuelle et il ne lui avait pas fallu longtemps pour comprendre la véritable nature des sentiments qu'il avait pour Saï.
- C'est gentil de demander, écoute, il n'essaie pas de me tuer dès qu'on se voit, alors on peut dire que ça va.
- Ah, ah ! Très drôle, ça ! C'est parce que Sasuke et moi on a tendance à se taper dessus. T'es bon toi.
Gaara lui tapota amicalement l'épaule et quitta le lit pour poser le pied dans l'encadrement de la fenêtre.
- Faut pas poser les questions auxquelles tu ne veux pas de réponse, Naruto.
Il l'interpella une dernière fois.
- Gaara, je n'imagine pas ce que serait ma vie sans Kurama. Alors, ça vaut ce que ça vaut, mais je te promets de t'aider à mon tour à retrouver Shûkaku.
Le roux baissa les yeux, il y avait longtemps qu'il n'avait pas entendu le nom du Bijû à une queue prononcé. Il lui répondit du bout des lèvres en prenant son élan.
- C'est inutile. Tâche juste de rester en vie.
Il sauta dans le vide, sans aucune appréhension alors qu'il s'approchait dangereusement du sol. Saï le saisit par le bras en vol et l'aida à prendre place sur un oiseau différent du précédent.
- Que souhaitez-vous faire, Kazekage sama ?
- Tu vas assister à mes réunions à ma place, trouves une excuse au besoin, je ne serais pas à ville de toute façon.
Saï lui répondit sans hésitation et de manière mécanique.
- Je ferais selon vos ordres, Kazekage sama. Où dois-je vous déposer ?
- Si je me fis à ce que je sais de lui, il doit se trouver au beau milieu de la forêt. Dépose-moi dans la clairière juste là.
Il désigna un point de l'index et en quelques minutes, l'oiseau planait au-dessus.
- Ce n'est pas la peine de te poser et ne m'attends pas.
Gaara sauta et ouvrit l'outre en terre cuite qui ne le quittait jamais, le sable qui s'en échappa l'enveloppa pour amortir sa chute. Saï n'attendit pas de le voir s'enfoncer dans la forêt pour obéir à ses ordres.
Après tout, Gaara ne lui devait aucune explication, il n'était qu'un agent de Konoha parmi d'autres, à sa solde.
oOo
La bibliothèque de Konoha semble être l'un des lieux les plus paisibles du village. Bâtis à même la montagne, sous le monument des hokkage. Elle pourrait presque passer inaperçue. Mais ne vous fiez pas à sa modeste entrée, c'est l'un des bâtiments les plus imposants et importants de Konoha.
La première et plus ancienne de ses reliques est une archive vivante. Il s'agit d'un homme, aussi âgé que le temps lui-même. Le seul bankei [chien fou] répertorié à ce jour. Son existence est passée du mythe au secret et la poignée de personnes en ayant connaissance faisait tout pour qu'il demeure caché.
Il était dans une petite pièce sombre, refermée par une lourde porte en airain. De lourds anneaux du même métal, passés à sa nuque, ses poignets, et à ses chevilles le maintenait aux murs. Ces contentions rassuraient le Conseil et l'hokkage du village. Sans ça, qu'est-ce qui l'empêcherait de rayer Konoha de la carte ?
Enfermé tous le jour, au troisième sous-sol de la bibliothèque, le soleil n'était plus qu'un vague souvenir. Son seul repère temporaire était les cloches qui sonnaient à rythme régulier dès la tombée de la nuit.
Il ouvrit les yeux et découvrit une nuée d'écritures vertes et luisantes, gravées dans les murs. C'était des incantations écrites dans toutes sortes de langues, venant pour certains, de pays disparut à ce jour.
Le moyen le plus simple de vous faire comprendre l'utilité de ces chaînes et de ces incantations est encore de vous expliquer ce qu'est un bankei. Le nom de "chien fou" vient du fait que tel un familier ayant perdu la raison, il peut s'en prendre à ses proches du jour au lendemain. On ne sait pas si c'est la folie de l'homme qui corrompt le chakra ou si c'est le chakra corrompu qui entraîne la folie. Et cette confusion valait également pour les meurtres. Qui de l'homme ou du chakra était responsable ?
C'était une excellente question, dont il se fichait totalement, mais qui préoccupait beaucoup les autres. Vous savez ? Tous ces gens qui n'étaient que de passage, mais persuadés d'être particulièrement intelligent ou important.
Il vivait dans la forêt, alors que Konoha n'était qu'un campement de voyageurs itinérant. Et les choses s'étaient compliquées quand la population avait augmenté, en grignotant la forêt. C'est à ce moment qu'il avait commencé à tuer.
Mais ce n'était pas de sa faute.
En sortant, il voyait les gens mourir autour de lui. Dans les cris, les larmes et de grands jets de sang. Il n'était que le spectateur passif de ces horreurs. Il ne savait même pas ce qu'était le chakra, pour lui, un monstre lui était rattaché. Il faisait du mal à tous ces gens, mais pour être tout à fait honnête, il se fichait bien qu'ils vivent ou meurent.
Jusqu'à ce qu'il fasse la rencontre de Kanna.
S'il avait fini par oublier son propre nom, en voilà un qu'il n'oublierait jamais. Son doigt avait retracé tant de fois ces syllabes sur le mur à côté de lui, que le nom était maintenant gravé dans la pierre.
Un sourire tirailla les coins de sa bouche à son souvenir.
Kanna était merveilleuse. Elle avait toujours vu du bien en lui, même lorsqu'il n'y en avait pas. C'est elle qui fut son avocate au cours d'un procès qui ne devait mener qu'à son exécution. Elle ne parvint pas à l'empêcher, mais quel plaidoyer !
Après l'échec de l'ensemble des moyens conventionnel et plus extravagant d'exécution. Kanna convainc le Conseil de l'employer dans l'armée. A cette époque Konoha n'était qu'une ébauche, un village parmi d'autres luttant en permanence pour marquer ses frontières.
Il fut envoyé pour une mission suicide et revint trois mois plus tard avec plusieurs traités de paix et les têtes des chefs d'armées ennemies.
De manière grave et solennelle, le dernier gong retentit, il prit une grande inspiration et soupira.
Lorsque la guerre s'était achevée, il était rentré au village. Et avant qu'il ne soit relégué au sous-sol, la Bibliothèque de Konoha avait été sa maison. Ses voisins posaient toutes sortes de reliques et d'offrandes pour se préserver de sa colère. Et ils ne doutaient pas de son efficacité, puisqu'il vivait en paix à leur côté sans leur faire de mal.
Mais ces offrandes étaient aussi inutiles que les incantations tapissant sa minuscule cellule et ses fers. D'ailleurs il n'eut qu'à tendre la main pour saisir la clé qui lui permettait de se libérer.
Ce qui le retenait était une promesse.
Même en prenant toutes les précautions du monde, il avait fini par rendre Kanna très malade.
"Je sais bien que tu ne le fais pas exprès, mais tâche de ne pas trop tuer de personne, tu veux ? Reste ici, utilise…"
- … tes merveilleuses capacités pour entretenir la mémoire du village. Et un jour, peut-être, pourras-tu y vivre normalement. Je t'aime, joins tes lèvres aux miennes.
Peu de personnes ont l'occasion de parler avant de mourir, alors il gardait précieusement les derniers mots de Kanna. Il l'aimait énormément, et n'avait jusque-là pas pu la toucher. Il avait pris son visage entre ses mains avec la plus grande délicatesse avant d'appliquer ses lèvres sur les siennes. Et elle était morte.
Tout ce qu'il pouvait faire, c'est respecter sa promesse. Le soir de son décès, il avait commencé à rédiger les Chroniques de Konoha, depuis il ne s'était plus arrêté.
Il soupira en quittant la pièce, rassembla ses cheveux en une queue-de-cheval et épousseta sa tenue.
À la nuit tombée il remontait dans les étages supérieurs et laissait son chakra se répandre dans les moindres recoins du bâtiment. Il s'imprégnait des traces de chakra laissées par les visiteurs et en tirait toutes les informations nécessaires à la rédaction de ses écrits.
Il lui avait fallu plusieurs siècles mais il était enfin parfaitement maître de ce chakra. Et il l'utilisait comme un millier de mains qui rangeaient les ouvrages égarés, faisait le ménage et travaillait sur la rédaction de plusieurs livres.
Parfois, il trouvait une question calligraphiée et une bouteille de saké, abandonnée dans des endroits improbables. Il laissait alors la réponse la plus appropriée, tout en précisant qu'il ne pouvait pas réaliser les vœux.
Cela mit à part il répondait à toutes les questions que l'on peut se poser sous 48 heures maximum.C'est comme ça qu'il était devenu une légende urbaine très appréciée. Il avait même eu de très bon articles dont "le Bibliothécaire, le fantôme bien intentionné de Konoha".
Il préférait ce nom et de loin à celui sous lequel il apparaissait dans les mythes.
- ASHURA !
Oui, ce nom. On le décrivait comme l'esprit vengeur de guerriers colériques, avec trois visages, au moins six bras, armé et sans pitié. Tuant du lever au coucher du soleil et rouge du sang de ses ennemis.
Comme toujours, tout cela était très exagéré. Il était normal, sur le plan anatomique en tout cas. Il lui était arrivé de tuer durant tout le jour et d'effectivement être continuellement couvert de sang frais. Mais c'était il y a une éternité ! Et les conséquences démographiques ne furent pas aussi importantes qu'on le prétend.
- ASHURA !
Son intervention avait même eu du bon. Sans lui, les forêts de Konoha auraient disparu pour faire place à des installations humaines. Il avait sauvé des milliers d'espèces animales et végétales, mais bien sûr, on n'en parle pas de ça. Ce nom était comme une piqûre de rappel de tout ce qu'il avait fait de plus horrible dans sa vie. Ce qu'il désirait plus que tout au monde était le droit d'oublier et de vivre normalement. Mais c'était impossible.
Malgré la maîtrise dont il faisait preuve, il lui était arrivé de tuer des visiteurs ou de les blesser gravement. Personne ne sort indemne d'une rencontre avec lui, alors il évitait tout contact direct.
Jusqu'à il y a trois mois environ, il avait senti la présence d'un chakra familier dans la bibliothèque après la fermeture. Il reconnut plus ou moins Hyûga Neji. Il faut dire qu'il avait énormément changé. Pas physiquement, ne l'ayant jamais vu, Ashura aurait été bien incapable de juger, par contre l'énergie qu'il dégageait n'avait rien à voir avec ce qu'il avait en mémoire.
- ASHU…
- T'es obligé de m'appeler comme ça ?
Neji avait le bras gauche enroulé autour d'un sac en papier et dans la main gauche une caisse de transport pour animaux. Et il le fixait avec agacement.
- Oh, excuse-moi de t'appeler par ton nom. La prochaine fois, je te sifflerai simplement.
- Comme un chien, c'est ce que tu veux dire ? s'offusqua-t-il. Neji, laisse-moi te faire remarquer que ce soir tu es de fort méchante humeur et que ton intonation et tes mots sont… particulièrement déplaisant !
Neji baissa légèrement les épaules, à vrai dire il était agacé bien avant d'arriver.
- Excuse-moi, Ash'. Mais l'heure avance et j'ai beaucoup à faire avant l'ouverture. Voilà pour toi en guise de dédommagement. Il est tard, du coup j'ai pris le premier truc sur la carte du seul restaurant ouvert, j'espère que ça t'ira.
Le bankei était à quelques pas de Neji, il fit un geste de l'index et des mains invisibles lui prirent le sac des mains pour s'envoler dans les airs.
- C'est de la nourriture ! s'exclama-t-il.
Le sac se déchira, le contenu se répartit comme sur une table invisible à hauteur de poitrine du Bibliothécaire. Il n'y avait là rien de bien élaborer, mais avant que Neji ne prenne l'habitude de le nourrir, il n'avait plus rien mangé depuis bien 30 ans. Et s'il n'en avait pas besoin pour vivre, reconnaissez que c'est agréable d'avoir le ventre plein.
Neji prit appui contre une table, afin d'observer le spectacle. Nourrir Ashura faisait partie de ses nouveaux passe-temps. Les aliments volaient autour de lui un instant, avant d'être pulvérisés en des gerbes étincelantes et de filer à travers la pièce. C'était comme une nuée d'étoiles filantes.
- Je te remercie pour le repas, mais mon petit doigt me dit que ce n'est pas la seule raison de ta venue.
Neji posa la cage sur la table et se redressa, le bankei la fixa un instant puis lui fit un large sourire.
- Difficile à croire, mais tu continues à t'améliorer. Le sceau apposé est si puissant que je ne peux pas voir ce qui est à l'intérieur. Tu vas devoir me le dire.
- Je vais avoir besoin que tu me rendes service, confia Neji.
Le Bibliothécaire s'avança et tendit la main, une patte jaillit du fond de la cage, passa au travers des barreaux toutes griffes dehors et trancha l'air.
Neji donna une tape sur le dessus de la boîte, pour faire reculer l'animal qui s'y trouvait.
- On se calme, là-dedans.
Il y eu un miaulement sourd et un feulement. Neji sortit délicatement un grand chat à la fourrure bleu nuit. Il se pourlécha les babines et le nez et jeta un coup d'œil aux alentours, balançant nerveusement ses deux queues.
- Ne serait-ce pas Matatabi ! Il y avait longtemps, s'exclama Ashura.
Le Bijû à deux queues feula lorsqu'il approcha sa main pour le caresser.
- Tch, de toute façon moi non plus je t'ai jamais beaucoup aimé. Je préfère la tortue, c'est quoi son nom déjà ?
Neji avait à peine ouvert la bouche qu'Ashura l'interrompit.
- Isobu ! Dis, tu l'as lui aussi ?
Son regard s'était illuminé, comme celui d'un enfant, Neji sentait qu'il devait mettre un frein à ses ardeurs.
- Oui…
- Tu me le donnerais pas un peu, dis ? Je suis si seul, ici !
Neji resta silencieux un instant, afin d'avoir à nouveau toute son attention.
- Ecoute, je vais sceller Matatabi ici durant quelques temps, peux-tu veiller à ce qu'il ne tue ni ne manipule personne.
Le Bibliothécaire se gratta la joue puis fit la moue.
- Ce n'est pas comme si j'avais le choix, pas vrai ? Si tu le laisses ici et qu'il fait du mal à quelqu'un, ça va me retomber dessus. Et tu le sais. C'chat est vicieux et j'ai pas trop le goût de m'en occuper.
Le sang du Bijû ne fit qu'un tour, il contracta son corps tout entier pour prendre de l'élan et s'élança toute griffe dehors au visage d'Ashura. Neji le cueillit en plein vol avec une aisance déconcertante.
- Si je ne te laisse pas le choix, c'est parce que j'ai confiance en toi et que je sais que tu as les compétences nécessaires pour t'occuper de lui.
Le Bibliothécaire dressa l'oreille.
- Tu as confiance en moi ?
Matatabi se contorsionna et grimpa sur les épaules de Neji.
- Je pense avoir mon mot à dire dans toute cette histoire. Je n'ai pas trop le goût à être enfermé et encore moins avec ce demeuré, reprit-il sur le ton employé par le Bibliothécaire.
- Tu ne devrais pas te montrer si désagréable avec ton colocataire pour les prochains mois.
Le chat passa discrètement ses deux queues sous le cou de Neji.
- Parce que tu comptes me laisser ici plusieurs mois ? Je n'ai pourtant rien fait qui justifie une telle punition.
Tout en disant cela, Matatabi raffermit sa prise, Neji dû forcer pour se dégager.
- Mettons de côté le fait que tu essaies de me tuer en moyenne six fois par heure, tu es intenable ! Avec toi dans les parages, ça devient impossible de travailler avec tes frères !
Le chat se débattit jusqu'à ce que Neji se décide à le poser sur la table. Il se lécha la patte et la passa derrière son oreille.
- Je tiens d'abord à préciser que je n'ai jamais considéré ces crétins comme mes frères. Ensuite je trouve que c'est une idée stupide de vouloir nous réunir et nous faire travailler ensemble. Enfin, je ne peux pas rester ici avec cet idiot. Par là, je veux dire que c'est impossible.
- Pourquoi ne pas essayer ?
Matatabi sauta toute griffes dehors en direction du bankei et glissa sur une barrière invisible avant de l'atteindre. Il se réceptionna en douceur sur le sol et remonta sur la table, plutôt fier de lui.
- Pour vivre, j'ai besoin de chakra. Et comme tu le vois je ne peux pas me nourrir du sien. Je vais mourir si tu me laisses ici.
Neji regarda sur le côté un instant puis revint à lui, un sourire aux lèvres.
- Ce n'est que ça ? As-tu bien regardé où nous sommes ? Cette bibliothèque voit passer des centaines de ninjas par jour. Tu trouveras bien des traces de chakra pour te sustenter.
- Tu vas me condamner à lécher des banquettes ?! Neji, si tu penses que je vais me laisser faire…
Le Hyûga fronça les sourcils en se tournant vers lui, Matatabi se redressa et recula de plusieurs pas, les oreilles en arrière, la tête entre les épaules. Préférant se réfugier contre le bankei plutôt que de lui faire face.
- Nous ne sommes sans doute pas d'accord pour le moment, mais je suis certain qu'un changement de méthode nous permettra de trouver un compromis. Et par là, j'entends que tu vas faire exactement ce que je dis.
Ashura prit le chat entre ses bras, et le caressa dans le sens du poil jusqu'à ce qu'il se calme. Et se chargea de plaider sa cause.
- Ecoute, Neji, c'est pas la peine de t'embêter à changer de méthode. J'ai vu naître les Bijû et je les connais bien. Matatabi a du caractère mais il a bon fond. Je vais veiller sur lui et m'en occuper.
Neji avait laissé un regard dur peser sur le Bijû qui se gardait bien de lever la tête, de trembler ou de respirer.
- Neji ?
Lorsqu'il l'interpella et que leur regard se croisèrent il y eut une telle tension que l'on pouvait presque entendre l'air crépiter. Ils se jaugèrent un instant et Neji relâcha délibérément une grande quantité de chakra jusqu'à briser la toile tissée par Ashura. Le bankei se redressa sous le coup de la surprise.
Le Bibliothécaire obéissait aux règles par habitudes et politesse, mais peu de personnes avait réussi à s'opposer à lui par la force.
- Je vais passer la nuit à fabriquer des sceaux, si nos chakra se mélangent ça pourrait devenir dangereux.
Sur cette explication, Neji lui tourna le dos et s'enfonça entre les rayons. Il aurait pu simplement lui demander de retenir son chakra ou de faire attention. Mais par cette démonstration de force, il marquait les limites.
Il passa la main dans la fourrure du Bijû. Tout chien fou qu'il était, il n'avait jamais vraiment eu à se battre. Les gens mourraient facilement et avaient peur de lui.
Mais pas Neji. Depuis qu'il avait changé, il était devenu une arme humaine. Malgré son air calme, et sa politesse, il n'avait pas supporté la remarque de Matatabi. Il valait mieux le laisser tranquille pour le moment.
