On se revoit à Konoha

Disclaimer : D'après les personnages de Naruto de Masashi Kishimoto. Une histoire originale de Nounouillechan. Ecrit par Chicken Poulet.

Chapitre 14 : La goutte d'encre dans un verre d'eau

Lorsque Sakura avait posé la main sur le torse de Naruto, elle avait déposé comme une souillure qui s'était répandue dans ses veines aussi rapidement qu'une goutte d'encre dans un verre d'eau claire.

De manière instinctive, il avait trouvé refuge dans le giron de Kurama. Enfermé dans une bulle hermétique bâtis par le démon à neuf queues, Naruto ignorait tout du mal qui rongeait son corps. Mais le cadeau que lui avait laissé Sakura était un peu de chakra empoisonné par sa propre folie.

Au cours des siècles passés sur cette terre, ce n'était que la deuxième fois que Kurama y était confronté. Et celui-là était bien plus offensif que ce qu'il avait rencontré.

D'une couleur noire violacée, soyeuse, ce chakra semblait doté d'une volonté de nuire et de détruire qui lui était propre. Mais au lieu de s'en prendre au corps et aux fonctions vitales primaires de Naruto, il cherchait à le briser nerveusement et psychologiquement. Après tout, il est plus facile de réparer un corps qu'un esprit.

Le corps est doté de sa propre mémoire. Kurama en avait douté jusqu'à ce que le chakra noir ne réveille celle du corps de Naruto. Le faisant se recroqueviller et pleurer lamentablement, comme il le faisait dans son enfance. Il répétait comme un jouet cassé toutes ces choses qui l'avaient blessé et qu'il avait enfouies au plus profond de son être.

De l'extérieur, Naruto offrait un spectacle pitoyable, il pleurait à chaudes larmes et sanglotait comme un enfant.

À l'intérieur c'était dix fois pire. Le chakra noir s'accumulait autour de la sphère protectrice bâtie par Kurama et faisait pression de toute part à la recherche de la moindre faille. De son côté le renard menait une lutte acharnée et dans le secret le plus total pour agrandir sa zone d'action et le repousser hors du corps de Naruto.

S'il savait ce qui se passait, il risquait de reprendre les commandes. Et il n'était pas assez fort pour faire face au chakra de Sakura. Son esprit serait brisé en quelques heures.

Vous comprenez que Kurama était vraiment très occupé, et qu'il n'avait pas de temps à perdre en explication inutile avec les médecins. Qui venaient plein de bonnes intentions et de chakra médical.

En temps normal ç'aurait été une bonne chose. Mais actuellement le corps de Naruto abritait son propre chakra, celui de Kurama, quelques traces de celui de Sasuke et l'envahissant chakra de Sakura. Ajouter ce chakra médical reviendrait à ajouter une pierre de plus dans un bateau déjà bien chargé.

Le renard de feu s'en était pris à tous les soignants qui avaient tenté de l'approcher, afin de protéger Naruto.

Tsunade ne dormait que depuis quelques minutes lorsqu'elle reçut un message de l'équipe de nuit à l'hôpital. Naruto était pris d'une étrange crise de nerf et Kyûbi lui refusait tout soin en se montrant d'une hostilité sans précédent.

Elle ferma la porte derrière elle, et observa Naruto un instant. Il était allongé, une expression apaisée sur le visage, le front couvert d'une pellicule de sueur. La crise dont on lui avait parlé semblait être passée.

- Naruto, est-ce que tu m'entends ?

Tsunade s'avança à côté du lit et posa la main sur la sienne et elle répéta d'une voix douce mais ferme.

- Naruto. Est-ce que tu entends ma voix ?

Il fronça les sourcils et ouvrit progressivement les yeux. Elle s'attendait à voir les pupilles d'un orange flamboyant de Kyûbi, et recula de plusieurs pas lorsqu'il la fixa de ses orbites vides. La surprise passée elle réalisa qu'en réalité ses yeux avaient viré au noir. Un noir abyssal qui inspirait une peur toute instinctive.

- Naruto ? Naruto tu m'entend ?

Du fond de son entre, Kurama dressa l'oreille.

Un éclair orange passa dans les globes noirs et la bouche se tordit en un rictus de douleur. Une voix rauque passa avec difficultés les lèvres de Naruto, et chaque mot semblait lui taillader les cordes vocales.

- Ma… Faute… C'est de… ma… faute…

- Kyûbi ?!

Cette vieille sorcière aurait beau s'époumoner, ça ne changerait rien. Ce n'était pas lui qui faisait ça. Et il ne demandait rien de mieux que de libérer Naruto de l'emprise de cette chose.

Le souffle de Naruto se changea en sanglots et de grosses larmes roulèrent bientôt sur ses joues.

- Aide-moi… Ne me laisse pas seul… Regarde-moi… Regarde-moi.

Le chakra noir tentait de prendre le contrôle du corps de Naruto, lui rappeler les douleurs qui étaient inscrites dans sa chaire, pour atteindre son esprit et le réduire à néant. Mais Kurama comptait sur chacune des failles de ce système pour le faire reculer. Les appels au secours du corps étaient sincères et il était le plus à même d'y répondre.

Tsunade voulut poser la main sur le front de Naruto pour le rassurer mais la voix sinueuse de Kyûbi l'arrêta.

- Ne t'avise pas de le toucher, vieille sorcière !

Sa prunelle orange brûlait dans le noir de l'orbite droite.

- Laisse-moi le soigner.

- Je peux très bien m'occuper de lui, j'ai… Fiche le camp !

Un râle rauque passa les lèvres de Naruto et il se recroquevilla en position fœtale. Tsunade posa une main sur son épaule pour le remettre sur le dos, mais il réagit violemment à ce simple contact. Il toussa plusieurs fois et un liquide noir et épais coula de sa bouche.

Kurama expulsait ce chakra, il était si épais que Naruto risquait de s'étouffer.

Tsunade n'avait pas la moindre idée de ce qui se passait. Elle regarda cette étrange bile noire qui s'écoulait de ses lèvres. A priori ce n'était pas du sang, mais elle n'avait aucune envie d'y toucher pour le vérifier. Avait-il été empoisonné ?

L'expression de Naruto était redevenue calme et sereine, la bile noire s'écoulait toujours de ses lèvres en un filet mince mais continu. Elle humecta ses lèvres et prit une grande inspiration.

- Naruto, réveille-toi.

Il ouvrit les yeux et se redressa. La scrutant de nouveau de ses orbites vides, ses lèvres remuèrent en silence un instant, puis il se mit à psalmodier des choses inaudibles et enfin il chuchota, d'une voix très grave.

- J'ai froid. J'ai peur. Je suis mort de peur. Pourquoi suis-je si seul ? Pourquoi personne ne me regarde ? Regarde-moi. Est-ce que tu me vois ? J'ai l'impression de disparaître. De déjà être mort. Regarde-moi, s'il te plaît.

- Je te vois, Naruto. Et toi, est-ce que tu me vois ?

Il s'arrêta brusquement, et inclina la tête sur le côté. Tsunade eut un mouvement de recul, elle se sentait mal à l'aise. Elle eut la désagréable impression d'avoir perdu Naruto, qu'un monstre s'était glissé sous sa peau et qui la fixait comme une nouvelle proie.

Il pinça les lèvres et déglutit pour ravaler de la bile.

- Naruto.

- C'est l'heure de refaire les bandages, répliqua la voix caverneuse.

Tsunade fronça les sourcils alors qu'il défaisait les boutons de sa chemise de nuit. Elle avait l'impression qu'il agissait de manière mécanique, et décida de mettre à l'épreuve son hypothèse.

- Comment te sens-tu aujourd'hui ?

- Seul. Et j'ai froid aussi.

Elle choisit ses mots avec soins.

- Est-ce que tu as mal ?

- Pas vraiment… Pas en surface mais dans le fond… J'ai comme une blessure qui ne cicatrise pas. Et qui me fait toujours un peu mal. Parce que personne ne me voit. Parce que je suis seul et qu'on ne prête pas attention à moi. Si…

Il hoqueta et une grande quantité de bile noire lui jaillit des lèvres, éclaboussant Tsunade au visage.

Elle se figea durant plusieurs secondes, elle eut la désagréable impression de tomber dans un puits sans fond. Ses souvenirs les plus douloureux, les moments les plus tristes de sa vie l'assaillirent. Si bien qu'elle se retrouva tremblante, les larmes aux yeux.

Après cette légère absence, elle en revint à Naruto. Il la fixait de ses yeux vides, un rictus moqueur sur les lèvres. Mais ce n'était pas Naruto, elle en était bien consciente.

- Va te débarbouiller dans la salle de bain, il faut que je change les draps.

Il eut un rictus de mépris, alors que de nouveaux éclairs orange zébraient ses orbites vides, et la voix caverneuse se mêla à celle de Kyûbi.

- Tu veux bien me retirer les bandages, je veux tremper jusqu'à avoir les doigts et les orteils tout fripés !

Elle le détailla du regard, il lui faisait souvent cette demande.

- Je n'aime pas vraiment l'idée que tu laisses tremper tes blessures. Une douche d'un quart d'heure pas plus.

Il lui passa à côté, la démarche un peu raide, comme si on le poussait de l'intérieur à se rendre dans la salle de bain.

- Toujours aussi stricte, hein ? C'est pas juste… J'ai envie d'aller dans un ossen. Quand est-ce que je pourrais quitter l'hôpital ?!

Cette fois c'était bien la voix de Naruto, mais Tsunade n'y accorda pas grande importance. Elle s'empressa de récupérer les draps et s'essuya le visage. Il lui fallait le plus d'échantillons possibles de cette étrange substance.

Elle terminait tout juste de changer les draps quand Naruto quitta la salle de bain, une serviette à la taille. Il ouvrit le tiroir de la commode à la recherche d'un pyjama propre.

- Arrête de me regarder comme ça. Tu attends quoi ? Une combustion spontanée ?

Il laissa tomber sa serviette sans pudeur et défia Tsunade du regard, ses yeux avaient retrouvé leur couleur normale mais ses pupilles étaient écarlate. Kyûbi dans toute sa splendeur. Il enfila le bas de pyjama et se dirigea vers le plateau-repas.

- Qu'est-ce que tu fais à Naruto ?

Il ingurgita rapidement le riz et le lait de son dîner, se tapa la poitrine pour faire descendre une gorgée et étouffa un petit cri de douleur aussitôt. Non, taper du plat de la main sur sa brûlure n'était définitivement pas une bonne idée.

- Kurama…

Il s'arrêta net, les sourcils en accent circonflexe, une expression de mépris sur le visage.

- Qu'est-ce que tu veux, vieille peau ?

- Je ne sais pas ce qui se passe, mais cette fois ça va trop loin !

Le renard se redressa et se lécha le pouce pour récupérer les dernières miettes de son dîner. Il redessina les courbes de la femme du regard et en revint à son visage.

- Je ne te le fais pas dire. Et si tu gardais ta bande de babouins loin de Naruto et de moi ?

Elle le foudroya du regard.

- Il fera froid en enfer avant que je ne le laisse sans défense ni surveillance entre tes griffes.

- C'est qu'elle mordrait. Je t'en prie, ne me regarde pas ainsi, je suis terrifié ! Il pouffa rire et s'assit sur le lit. Je me suis toujours très bien occupé de Naruto, dans mon intérêt et de fait le sien. Alors quand pourra-t-on quitter ce mouroir ?

Elle serra les poings jusqu'à faire blanchir ses phalanges. Son regard innocent et charmeur ne trompait personne. Ce qui arrivait à Naruto n'était peut-être pas de sa faute, mais Kyûbi savait ce qui se passait et refusait de collaborer.

Tsunade prit une grande inspiration et se mordilla la lèvre inférieure.

- Naruto est encore dans un état précaire. Kurama, laisse-moi lui parler. S'il te plaît.

Le renard à neuf queues fit les gros yeux, et ressentit une peine sincère à ne pas pouvoir accéder à sa demande. Il avait réussi à expulser suffisamment de chakra noir pour pouvoir reprendre le contrôle. Mais il était encore présent et se multipliait à grande vitesse.

- Je ne t'aime pas beaucoup mais j'ai le plus grand respect pour toi. Alors si je te dis que Naruto est indisponible pour le moment ne le prend pas à titre personnel.

Tsunade afficha une expression de dégoût.

- Tout ce que je veux, c'est que Naruto aille bien.

- Si c'est ce que tu veux, tu devrais nous renvoyer à la maison.

- Tout à l'heure il s'est littéralement étouffé avec cette espèce de bile noire ! Si son état s'aggrave, qu'il arrête de respirer ou que son cœur cesse de battre, tu comptes le masser de l'intérieur ?

Elle marquait un point, Kurama détourna le regard et s'allongea. Il remonta la couverture sur son épaule.

- Fait apporter un litre de thé bouillant toutes les quatre heures, interdit tout contact physique et tout ira très bien.

Tsunade prit sur elle pour garder son calme.

- Je ne suis pas idiote Kurama. Je sais bien que ce n'est pas toi qui est derrière ces crises.

- C'est gentil de le reconnaître, glissa le renard.

- Mais je ne peux pas m'empêcher de remarquer que l'état de Naruto empire depuis qu'il m'a fait part de son intention de te libérer.

Il fronça les sourcils puis bailla.

- Comment peut-on avoir d'aussi grands yeux et voir si peu de choses ? Je ne peux pas répondre aux questions que tu te poses, parce que tu ne croirais pas en mes réponses. Alors je vais te montrer la voie à suivre en espérant que tu sois assez intelligente pour la suivre.

Tsunade le regarda d'un air grave, sans rien dire.

- Ramène donc un échantillon de ce truc à la bibliothèque, et laisse-le sous une étagère des Chroniques de Konoha. Avec une lettre calligraphiée te présentant et expliquant comment tu l'as obtenu. Le lendemain, tu auras les réponses à tes questions.

- Elle va apparaître par magie durant la nuit ?

Kurama sourit à son arrogance et ferma les yeux.

- C'est pas de la magie, mais un secret qui a coûté la vie à tous ceux qui ont tenté de le percer.

Tsunade tressauta, comme frappé par un éclair de lucidité. Le renard de feu faisait allusion au Bibliothécaire. Ce n'était pas une simple légende urbaine, il y avait bien une personne qui entretenait la mémoire de Konoha à la tombée de la nuit.

- Merci pour les Conseils, Kurama. Mon équipe de soignant va rester en suspens et je veillerais que tu aies ton thé bouillant à horaire fixe. De ton côté essaie de ne pas… Tout fiche en l'air.

Kurama la regarda ramasser les draps et prendre le chemin de la porte.

- Attends, il tourna la tête et soupira. T'en a reçu au visage. Tu devrais utiliser un sceau de purification pour t'en débarrasser. Le plus tôt sera le mieux.

Tsunade posa une main sur sa joue en le toisant, puis lui fit un sourire forcé.

- Quoi ? Tu t'inquiètes pour moi ?

Il détourna le regard.

- On veut tous les deux que le gamin aille mieux et je suis pas en état de m'en occuper seul. Ce serait chiant que tu tombes malade maintenant.

En le laissant, Tsunade se surprit à penser que Kurama avait pu changer et qu'il n'était peut-être plus aussi mauvais. Elle analyserait ces échantillons par elle-même, mais n'écartait pas l'idée de recourir au Bibliothécaire.

Tout ce qui lui importait pour l'heure, c'était de découvrir ce dont souffrait Naruto et le soigner.

oOo

Il leur avait fallu l'après-midi pour rejoindre le village d'Ame, et après une petite heure de pause, ils avaient repris leur voyage. Le tout dans un silence parfois solennel, lorsqu'ils survolaient des lieux lourds d'histoire, parfois complice, lorsqu'ils virent le soleil se coucher sur la frontière du séparant les villages Ame et Suna. Autant de variante du silence qui valait bien toutes les discussion du monde.

Le soleil se levait sur Suna lorsque l'oiseau rétracta ses ailes et piqua sur la Résidence du Kazekage, il les déploya au dernier moment pour atterrir en silence et tout en douceur sur le toit. Ils avaient donc effectué la traversée en moins d'une journée.

Dès qu'il mit pied à terre, Gaara s'avança vers Saï pour s'enquérir de son état, mais ce dernier le prit de court.

- J'ai accompli ma part de la mission, Kazekage sama.

Il avançait d'un pas décidé mais un peu chancelant, son visage était impassible, son regard vide. Gaara prit une inspiration et le devança. Après tout, ils étaient effectivement en mission.

Leur arrivée aurait pu passer inaperçu, car en l'absence de Gaara, la résidence principale restait vide. Cependant Kyoishi, l'intendant du Kazekage, était passé pour remettre les sceaux officiels dans le bureau du premier étage.

Un mécanisme provoquait leur destruction s'ils restaient plus de douze heures en dehors des murs de la Résidence. Imaginez un peu sa surprise lorsqu'il vit le maître des lieux suivi d'un messager, traverser le bureau et passer devant lui comme si de rien n'était.

- Kazekage sama, c'est toujours un plaisir de vous voir.

Kyoishi était d'un naturel nerveux, appliqué et il détestait les imprévus. L'arrivée du Kazekage est toujours une bonne chose, mais en l'état actuel c'était un monstrueux imprévu.

- Correctement informé, j'aurais préparé votre arrivée, Saï ?

Il demandait des comptes à l'anbu qui lui accorda à peine un regard.

- Je suis messager et agent de liaison du village de Konoha auprès du Kazekage. En tant qu'intendant vous devez gérer les affaires courantes du village et vous tenir prêt à l'accueillir à n'importe quel moment. Mon travail ne consiste pas à vous prévenir de quand faire le vôtre.

Kyoishi lui fit un sourire pincé, en se postant devant eux.

- Disons que j'aurais préféré être prévenu, mais il va sans dire que vos appartements sont prêts. Le temps que vous vous installiez je ferais servir le petit-déjeuner.

Comme il lui barrait maintenant la route, Gaara prit le temps de lui parler.

- Ton attention est vraiment appréciée, Kyoishi et je ne te laisserais pas la gestion du village si je doutais de tes compétences. Cependant je ne suis que de passage, je compte donc sur ta discrétion.

- Très bien, je tiendrais votre venue secrète.

- Mène Saï à son logement de fonction.

Gaara leva une main pour interrompre toute contestation de l'un ou de l'autre, il savait parfaitement qu'ils ne se supportaient pas.

- Tu as achevé ta mission pour l'heure Saï et je n'ai plus besoin de tes services. Kyoishi, je compte sur toi pour prendre soin de notre ami, avec la même attention que tu me porterais.

Le visage de Saï s'était animé lorsqu'il avait dit qu'il n'avait plus besoin de lui, il baissa la tête, bien qu'il soit épuisé il trouva cette remarque un peu vexante. Mais puisque c'était la volonté du Kazekage il ne pouvait que s'y plier. Kyoishi semblait un peu plus réticent à rendre les armes.

- Une fois que j'aurais achevé mes corvées, où dois-je porter votre petit-déjeuner.

- Je ne mangerai pas.

- Kazekage sama, ce n'est pas raisonnable.

Gaara planta son regard dans le sien, Kyoishi faisait bien deux têtes de plus que lui et derrière ses lunettes à bord épais et noir il avait cette expression complexe de domestique et de supérieur propre aux majordomes.

- Je crains qu'on ne se soit pas bien compris, Kyô. Je ne devrais même pas me trouver ici, c'est embarrassant à dire mais j'ai oublié de régler une affaire avant de me rendre à Konoha et je dois y retourner avant que l'on ne remarque mon absence. Considère Saï comme un cheval éreinté par une longue course, il m'a mené ici en moins d'une journée, je le veux frais et dispos pour le retour.

L'intendant eut un sourire en coin et Saï le fusilla du regard.

- Une fois ces affaires réglées je reviendrais à Suna, prépare les dossiers les plus sensibles, veux-tu ? Je ferais mon retour officiel dans deux semaines.

- Tout sera fait selon vos souhaits, Gaara.

Le roux opina et partit sans se retourner. Kyoishi eut une expression de mépris pour Saï, tout fière de pouvoir appeler le Kazekage par son prénom. L'anbu se frotta le bras en détournant le regard, il était bien au-dessus de ça.

Les logements de fonction se trouvaient dans les dépendances de la Résidence, et sous prétexte de rester discret, l'intendant ne trouva rien de mieux à faire que le balader à travers le domaine, n'empruntant que les escaliers de service et les portes dérobées. Comme si cela ne suffisait pas, Saï devait en plus endurer les pics qu'il lui envoyait.

- C'est bien triste de se voir traiter de bête de somme après tant de dévouement. Enfin, je ne suis pas sûr que cela vous atteigne.

La vue de Saï était trouble et il commençait sérieusement à en avoir assez.

- Vous faites sans doute du bon travail, mais ne doutez pas de mes qualités. Personne ne sait prendre soin de Gaara, avec autant d'attention que moi. Vous n'êtes qu'un palliatif, le temps qu'il revienne à Suna.

Saï prit appui contre un mur, il avait besoin d'une toute petite pause.

- Allons, dépêchez-vous ! Je suis un homme très occupé alors si vous voulez bien…

Il se laissa glisser jusqu'au sol, il en avait assez. Il n'y avait personne dans ce bâtiment, et ce n'était pas non plus un plaisir pour lui de se balader avec ce boulet !

- Saï, vais-je devoir vous porter ?

- Je vous déconseille fortement de me toucher. J'ai une irrépressible envie de vous tuer et je suis épuisée. Dans mon état, je ne suis pas sûr de pouvoir retenir ce qui ne serait qu'un réflexe.

Saï avait un sourire sur le visage, mais il tremblait comme s'il était gelé. Il ne parvenait plus à faire illusion, il était en passe de s'évanouir. Kyoishi recula d'un pas et glissa une main dans son dos. L'anbu soupira en détournant le regard.

- J'aurais le temps de vous tuer trois fois avant que vous ne saisissiez le tessen [éventail en acier] qui est dans votre dos, et deux fois de plus avant que vous ne touchiez le sol.

Kyoishi mit ses mains en évidence en signe de capitulation.

- Très bien. Puisque vous n'êtes plus en état d'avancer et que vous menacez de me tuer si je vous touche, que puis-je faire pour vous être agréable ?

Saï monta les épaules et lui tendit la main.

- Aidez-moi à me lever et faisons la paix. Après tout nous œuvrons tous les deux pour le bien-être du Kazekage.

Kyoishi posa sa main dans la sienne et l'anbu referma sa poigne.

Saï hocha la tête et sa mine s'éclaircissait alors que l'expression de l'intendant passait progressivement de l'incompréhension, à la surprise puis à la douleur. En général l'anbu portrait des gants, il les avait enlevé discrètement lorsqu'ils s'étaient écroulé et maintenait fermement leur paume l'une contre l'autre. La technique du "voleur de vie" était l'une des plus secrètes qu'il avait apprises au cours de sa formation.

C'était un moyen rapide de récupérer du chakra et des force.

À mesure que Kyoishi faiblissait sur ses appuis Saï se redressait, et au bout d'une minute il lui relâcha la main.

- Qu'est-ce que tu m'as fait ? Grogna l'intendant.

Saï lui tapa dans le dos, le faisant s'écrouler face contre terre.

- Respirez, la douleur devrait passer d'ici deux ou trois heures.

Il l'enjamba et s'éloigna en prenant appui contre le mur.

C'était quoi le problème de ce Kyoishi ?! Il tamponnait deux ou trois documents en l'absence de Gaara, et ça lui suffisait à se croire meilleur que lui ?!

Son passe-temps favori était de se plaindre ! Ce n'est pas le tout de l'appeler par son prénom à tout bout de champ, encore faut-il se rendre utile. Il n'était même pas capable de conduire un homme affaibli dans une chambre où se reposer.

Saï était un peu de mauvaise foi, il avait tout de même agressé l'intendant. Mais il ne regrettait rien. Il n'avait rien d'un palliatif, il était le meilleur pour protéger Gaara !