On se revoit à Konoha
Disclaimer : D'après les personnages de Naruto de Masashi Kishimoto. Une histoire originale de Nounouillechan. Ecrit par Chicken Poulet.
Chapitre 15 : Le génie de la théière.
Saï parcourut péniblement chaque partie du domaine, jusqu'à trouver Gaara adossé à l'encadrement d'une porte menant aux souterrains. Il le regarda froidement et Saï tâcha de se justifier, sans pouvoir soutenir son regard.
- Je déteste contrevenir à vos ordres, Kazekage sama, mais je déteste bien encore plus Kyoishi. Et à peser le pour et le contre je pense que vous le préférez vivant quoi qu'un peu contrarié, plutôt que mort dans l'exercice de ses fonctions.
Ce qui devait être un trait d'humour mit Gaara dans une colère noire.
- En contrevenant à mes ordres, tu remets en question mon autorité. Et je te défends de menacer un haut gradé de l'administration de Suna.
Saï s'assit sur le sol, le dos rond et lui fit son regard de chien battu.
- Ne me regarde pas comme ça, tu devrais être en train de te reposer, au lieu de mourir dans ce couloir ! Tu m'as fait gagner un précieux temps en m'amenant ici, je ne peux pas le perdre à prendre soin de toi.
Gaara regretta ces paroles au moment où elles passèrent ses lèvres.
- Toutes mes excuses, Kazekage sama.
Il tâche de modérer ses propos, il était davantage contrarié qu'il ne se repose pas avant de reprendre la route, que de l'avoir dans les pattes.
- En dehors de Suna, je veux bien me soumettre à quelques-unes de tes propositions. Mais ici tu dois m'obéir au doigt et à l'œil, alors quand je t'ordonne de te reposer, sous le regard bienveillant de Kyô, je trouve tout simplement inadmissible de te voir ramper jusqu'à moi !
- Je… je ne voulais pas vous offenser.
- « M'offenser » ? Ce n'est pas la question Saï. Bon, j'ignore ce que tu as fait à Kyô, mais je vais de toute évidence devoir te ramener moi-même.
Gaara fit quelques pas jusqu'à lui et s'accroupit pour passer le bras sous ses épaules et le soulever. Mais Saï prit appui sur le mur et se redressa brusquement.
- J'ai commis de graves erreurs, en me laissant dépassé par mes sentiments, ce qui est indigne d'un officier ayant reçu ma formation. Je vais de ce pas présenter mes excuses à Kyoishi et je peux vous assurer que je ne vous gênerai plus de quelques manières que ce soit. Sur ce, bien que ce soit insuffisant, je vous réitère mes excuses et me tiens prêt à recevoir la sanction de votre choix.
Gaara se mordit la lèvre inférieure en le regardant s'éloigner. Il faisait tout de travers.
- Ne pars pas comme ça, Saï. Saï, écoute-moi !
Il s'arrêta sans se retourner, prenant toujours fermement appui sur le mur.
- Je vais tout t'expliquer, alors arrête-toi.
Ce n'était pas une décision facile, mais il ressentait le besoin de le mettre dans la confidence. Il prit une grande inspiration, et forma un anneau de son pouce et de son annulaire gauche qu'il porta à ses lèvres. Il émit un faible sifflement.
Saï se tourna vers lui avant de revenir à sa position initiale et de se mettre en garde. Une aura dévastatrice se manifesta sans aucun signe avant-coureur. Oubliant toute fatigue, Saï sortis d'un mouvement souple et rapide, son pinceau de sa sacoche et mit en joug le point d'origine de cette chose.
Il faisait de son corps un bouclier, son souffle était à peine perceptible et il scanna rapidement le couloir. Il tiqua en découvrant une vieille théière en terre cuite, posée sur le sol au milieu du couloir, là où il n'y avait rien quelques secondes plus tôt.
Il recula de quelques pas, jusqu'à atteindre Gaara, il tendit le bras pour le maintenir à l'écart. Sans quitter cet objet insolite des yeux, peu importe sa forme, c'était indéniablement dangereux.
- Ne vous en approchez pas.
Gaara soupira et parla par-dessus le bras de Saï, comme pour s'adresser à la théière.
- Tu trouves ça drôle ?
Et contre toute attente, elle lui répondit d'une voix sinueuse qui semblait sortir de son bec.
- Plutôt, oui.
Elle sauta sur place et fit un tour dans les airs, Gaara retint le bras de Saï. Pour certain ce n'était qu'un pinceau, mais il l'avait déjà vu briser des kunai. Un nuage opaque enveloppa la théière et lorsqu'il se dissipa un tanuki d'environ un mètre se tenait face à eux, debout sur ses pattes arrière. Sa robe était couleur sable, parcourue de marbrure violette et il gardait ses pattes antérieures jointes devant sa gueule, l'air espiègle et moqueur propre à son espèce.
- Ce pourrait-il que ce soit… souffla Saï toujours maintenu par Gaara.
Le Kazekage opina. Shûkaku, le démon à une queue, se tenait devant eux sous sa forme la plus modeste.
- L'Akatsuki ne l'avait-il pas extrait de votre corps ? reprit-il.
Lorsque Saï se tourna, il réalisa que Gaara le tenait encore fermement entre ses bras et qu'il n'y avait que quelques centimètres entre leur visage. Instinctivement, ils échangèrent un regard avant de regarder les lèvres l'un de l'autre.
Shûkaku qui avait pris forme humaine vint poser sa tête sur l'épaule de Saï, et parla rapidement tout à côté de son oreille.
- Effectivement, il est mort à ce moment-là. Mais « extrait » est un mot bien faible. Ce n'était pas une partie de plaisir, t'sais ? On m'a arraché de là. Ça fait un mal de chien ! (Il gloussa) Sans mauvais jeu de mots ! Oui, je suis un tanuki et c'est un autre nom pour chien viverrin alors… laisse tomber. Vous autres anbu n'avez aucun humour.
Shûkaku se redressa et évita la pointe du pinceau de Saï, il lui saisit la main, le tira des bras de Gaara et l'entraîna dans une valse avec une facilité déconcertante.
- Bref, je suis resté coincé un certain temps dans le corps d'un autre, une véritable torture soit dit en passant. Il s'est passé deux ou trois choses dont j'ai pas vraiment le droit de parler. J'étais à nouveau un esprit libre mais bien seul et mon gentil maître est venu me chercher. Tcha tchan ! Me voici à la maison !
Il fit tourner l'anbu sur lui-même, et le laissa tomber lourdement sur le sol. Shûkaku se changea en tanuki pour se lover entre les jambes de Gaara, puis il se mit sur les pattes arrière pour réclamer des caresses. Le roux posa la main entre ses oreilles et lui frotta la tête. Cependant, le temps commença à s'étirer comme un vieux chewing-gum, sans que Saï ne se relève.
- Est-ce que ça va ?
Le tanuki se remit sur ses quatre pattes et tourna autour de Saï, il le renifla puis se tourna vers Gaara.
- Il est complètement à plat.
Il prit à nouveau forme humaine et se trouva accroupi à côté de l'anbu. Il l'attrapa par le col, le souleva et le secoua doucement de droite à gauche. Il était parfaitement conscient et si un regard pouvait tuer, nul doute que le bijuu serait mort une quinzaine de fois. Cependant Shûkaku pouffa de rire en le balançant davantage.
- On dirait un peu un gros chat, non ? Avec cette peau si pâle et ces cheveux si noirs ! Il y avait longtemps que je n'en avais pas vu des comme ça !
- Arrête, pesta Gaara.
Les traits de Saï se détendirent alors qu'il regardait Shûkaku avec plus d'attention. Il avait pris les traits d'un homme au visage jovial, encadré de cheveux châtains mi longs en bataille, des yeux verts marqués de petites rides et des taches de rousseur. Ce qui était surprenant, c'était que sous cette forme il parvenait à dissimuler sa vraie nature à la perfection. Son aura destructrice avait complètement disparu. Cependant sa force et ses réflexes n'avaient rien d'humain, il le soutenait à bout de bras comme s'il ne pesait rien.
- C'est incroyable cette intensité dans son regard, s'il ne contenait qu'un tant soit peu d'amour, je me damnerai pour lui. Mais j'ai pas l'impression qu'il m'aime beaucoup. Hum ?
Il remonta Saï à hauteur de son visage, mais le garda à une distance raisonnable, sans doute avait-il peur de se faire mordre.
- Shû, s'il te plaît.
- Allons, c'est mon premier homme depuis une éternité et tu ne me laisserais même pas en profiter ? À moins que… Faut pas être jaloux, j'ai passé des années en toi et c'est de loin l'endroit que je préfère au monde. Mais admet que le changement ne peut pas faire de mal et que c'est difficile de résister à un si joli morceau !
Gaara pesta et prit Saï dans ses bras, puis il le jeta sur son épaule comme un gros sac de pomme de terre. Il remonta le couloir, Shûkaku sur ses talons.
- J'apprécierais que tu évites de parler avec tant d'équivoque !
Saï grogna, mais ils l'ignorèrent l'un et l'autre.
- Écoute je sais que tu ne pouvais ni toucher ni aimer qui que ce soit…
- A cause de qui ?
Le démon à une queue roula des yeux.
- J'y pouvais rien, mon truc c'est de céder à mes passions. Mais on ne parle pas de moi ! Je ne trouve pas normal d'avoir une sexualité si…
- TAIS-TOI !
- …ponctuelle et conventionnelle.
- SHÛ !
Gaara était écarlate, il stoppa net et soupira pour reprendre son calme.
- Tu es si lubrique et dévergondé qu'il n'y a pas grand-chose qui ne te paraisse pas conventionnel !
- Si je l'étais tant que ça j'aurais bien pu déteindre sur toi ! Les tanuki sont de super bons vivants, ils aiment le bon vin, les bonnes tables et le plaisir de la chair ! T'as rien de tout ça. Si c'était un tant soit peu nourrissant, tu mangerais du sable.
Gaara se tourna brusquement pour lui clouer le bec une bonne fois pour toutes, mais dans sa précipitation la partie haute du corps de Saï se balança et sa tête percuta l'un des murs du couloir. Le tanuki glapit de joie alors que le maître des sables se confondait en excuses.
- Regarde ce que tu me fais faire !
Il fit basculer Saï de dessus ses épaules et l'allongea doucement sur le sol. L'anbu essayait de rester stoïque mais de petites larmes s'étaient formées au bord de ses paupières et coulaient le long de ses joues.
- Désolé. Je suis vraiment désolé !
Shû tâchait de rire le plus discrètement possible du malheur de ce pauvre Saï, mais il était à la fois minable et mignon. Il essayait d'avoir l'air fort alors qu'il était honteux de son état.
Gaara prit une grande inspiration et posa la tête de Saï sur le sol. Il plongea son regard dans le sien et lui parla calmement, toutes ses appréhensions s'envolèrent.
- J'aurais préféré d'autres conditions, mais ce n'est je ne pense pas que l'occasion de représentera. Je suis venu récupérer un parchemin, pour que la personne qui m'a aidé à récupérer Shûkakû, puisse venir en aide à Naruto.
Il posa un regard tendre sur le démon, qui sous sa forme animale, le tanuki vint se poser sur le torse de Saï.
- Il a fait de moi un assassin, d'une certaine manière il m'a volé les plus belles années de ma vie. Pourtant je ne m'imagine pas vivre sans lui. Je ne savais pas trop comment te le dire, mais je tenais à ce que tu sois le premier à le savoir.
À son habitude, Shûkakû vint briser ce moment privilégié.
- Il se met en danger en te mettant dans la confidence. Nous sommes de nouveau liés, il peut m'invoquer à tout instant. Mais je ne suis pas scellé. Tu penses bien que les habitants de Suna seraient quelque peu contrariés de savoir que je me balade parmi eux. Au point de briser notre lien une bonne foi pour toutes et me sceller à nouveau. Et je ne laisserais pas ça arriver.
Il se redressa et descendit de Saï, l'anbu entendit ses griffes gratter le sol du couloir alors qu'il s'éloignait.
- Gaara m'a accordé sa confiance, il croit en moi. De la même manière qu'il croit en toi, Saï. Mais je te jure que si tu le mets en danger, si tu ne fais qu'imaginer le trahir, je te tuerais. (Il fit une pause) De nous deux, c'est moi l'assassin.
Saï n'avait pas tremblé, bien que Shû soit particulièrement intimidant, c'était sans doute sa manière à lui de manifester son consentement.
Ce que Gaara ne lui dit pas, c'est que Neji était à l'origine de son départ précipité à Suna. C'est lui qui avait renoué le lien qui les unissait et il était bien différent du précédent. Il devait rapporter un rouleau comportant d'étrange incantations, que Neji semblait être le seul à pouvoir lire.
oOo
Après avoir scellé Matatabi dans la bibliothèque, Neji avait filé tout droit sans se retourner. Il était à bien deux jours de marche de Konoha et n'avait aucune intention de s'arrêter là. Il voulait partir. Partir le plus loin possible du village et de son effervescence. Il voulait s'asseoir entre les racines d'un arbre centenaire et méditer jusqu'à ne faire plus qu'un avec la nature l'environnant.
Presque un an plus tôt, il avait reçu un ordre de mission des Yamashiro, sous la forme d'une invitation. Sur le coup il n'avait pas porté une grande attention à ce courrier. Comme tout le monde il avait plus ou moins entendu parler des Yamashiro, c'était des gens important pour les clans. Mais Neji ne s'était jamais vraiment intéressé à eux.
Il s'était rendu dans ce petit village paumé et avait fait la connaissance d'une certaine Yumi Yamashiro. Un petit brin de femme, enceinte et visiblement proche du terme. Elle serait sa servante et référente durant son séjour. Il s'était promis de ne la solliciter que pour le strict minimum, compte tenu de son état.
Comme il avait été naïf.
Il aurait mieux valu qu'il se brise les deux jambes sur le chemin qui le menait à cette mission. Mais il fallait être indulgent avec celui qu'il était, jusqu'au dernier moment il n'avait aucune idée de ce qu'il attendait. Il resta bien un mois au village Yamashiro, à attendre son véritable ordre de mission.
Enfin, un soir semblable à tous les autres il avait reçu un plis cartonné noir, fermé par un sceau de cire verte sur lequel se croisait deux "Y".
Il l'avait ouvert pour découvrir une simple phrase qui semblait perdre un peu plus son sens à chaque nouvelle lecture.
"Récupérer les bijuu détenu par l'Akatsuki".
On ne parlait pas de devenir jinchuriki [porteur de bijuu], ce qui n'est déjà pas une sinécure. Il devait juste les "récupérer" ? Comment était-il supposé faire ? Pourquoi ? À supposer que ce soit seulement possible qu'en ferait-il après ?
Aussi inquiet qu'embarrasser, il avait cherché du soutien auprès de Yumi, il devait nécessairement y avoir une erreur. Car une telle chose était impossible à réaliser.
Les mots qu'elle avait alors prononcés hantaient encore ses cauchemars.
"Profiter de vos dernières heures d'humanité, Hyûga Neji. C'est impossible pour l'homme que vous êtes aujourd'hui. Mais au lever du soleil, vous ne serez plus qu'un outil entre mes mains. Je vais rompre vos os, arracher vos chairs, détruire votre esprit. Et je peux vous assurer qu'à la sortie de cet entraînement, cette mission ne sera qu'une formalité."
Elle n'avait pas menti. Rapidement, l'empathie qu'il avait pour elle s'était changée en haine. Combien de fois avait-il fini en sang, allongé le nez dans la poussière et la chaussure de Yumi sur la joue. Son énorme ventre dissimulant en partie son visage et atténuant ses sarcasmes.
Toutefois, il était obligé de reconnaître que l'entraînement avait porté ses fruits. Il avait libéré les bijuu en possession de l'Akatsuki et s'était découvert un nouvel objectif : leur rendre leur liberté. Car c'était là leur état naturel, mais comme le montrait le comportement de Matatabi, c'était une tâche ardue. Sans doute le projet de toute une vie.
Neji s'arrêta pour reprendre son souffle. À l'issue de son entraînement il était capable de reconnaître une personne aux battements de son cœur, à une centaine de mètres. Ses balades en forêt avaient une toute autre saveur, la sensation de communion était bien plus profonde.
Il jeta un coup d'œil en arrière et un sourire éclos sur son visage. Il y avait un parfum de "gros ennuis" qui planait au-dessus de Konoha. Les nobles étaient agités, le Conseil était agité, et chacun y allait de son petit commentaire. Et vous savez quoi ? Il s'en fichait au plus haut point ! Il avait eu sa part d'ennuis et ne serait pas là pour assister aux débats des uns et des autres.
Un sourire éclos sur son visage. Kurama était l'un des derniers bijuu encore scellé et il ne savait pas comment aborder la question avec Naruto. Et à croire que les dieux étaient en sa faveur, Gaara s'était présenté avec une excellente nouvelle : il cherchait justement à le libérer.
Avec un tel alignement des astres, Neji ne comptait pas se chercher des ennuis. Gaara devait lui ramener son parchemin, pour une extraction de Kurama en toute sécurité. Et il effectuerait toute cette procédure avec Naruto, après qu'il ait quitté l'hôpital. Ce qui pouvait tout aussi bien prendre quelques jours que plusieurs semaines.
Mais en attendant, il allait simplement profiter de la vie, loin de toute cette agitation.
Son sourire ne tarda pas à faner, il poussa un soupir à vous fendre une pierre et quitta le sentier. Il se dirigea sous un arbre et attendit simplement.
Après quelques minutes une branche cassa au-dessus de lui, il fit un pas de côté afin de l'éviter. Il y eut un cri et il réceptionna tout en douceur une adolescente de 13 ou 14 ans.
- Il y avait longtemps qu'on ne s'était vu, Neji. Comment va ?
Des cheveux rouge acajou, le visage parsemé de taches de rousseur, et des lunettes à verres épais soulignant un très léger strabisme. Il recula d'un pas et la laissa tomber sans ménagement.
- Yamashiro Yui.
Il avait détaché chacune des syllabes comme s'il s'agissait d'une explication en soit. Elle se frotta les fesses et réajusta ses lunettes.
- Ma belle-sœur vous passe le bonjour.
- Vraiment ? J'en suis ravis, a-t-elle finalement accouché ?
- Elle a eu un petit garçon en pleine forme, c'est gentil de vous en inquiéter. Elle fait une cure thermale au village d'Ame.
- J'ai cru qu'elle n'accoucherait jamais. Je suis resté toute une année, elle était enceinte à mon arrivée et l'était toujours à mon départ.
Yui acquiesça vivement en ramenant ses jambes sous ses fesses.
- Quinze mois est une moyenne honorable pour un Yamashiro. On a tendance à s'accrocher à nos mères.
Neji acquiesça d'un hochement de tête, pas le moins surpris du monde, puis croisa les bras sur son torse.
- Qu'est-ce que vous me voulez ?
L'adolescente monta les épaules et afficha un sourire un peu bête.
- Je ne peux pas simplement vous rendre une visite de courtoisie ?
- Non. Qu'est-ce que vous me voulez ?
Yui ôta son sac à dos et lui tendit un pli noir refermé par un sceau de cire de couleur vert. Neji releva un sourcil, regarda la lettre puis revint au messager. Il subissait encore les conséquences du dernier plis de ce genre.
- Non. Ce sera tout ? J'ai l'intention de m'installer dans le creux d'un arbre jusqu'à me recouvrir de mousse.
L'un des avantages à être chef de clan, est de pouvoir décliner les invitations des Yamashiro et Neji n'avait aucune intention de s'en priver. Il enjamba Yui pour poursuivre son chemin mais elle le retint.
- Neji, attendez ! Je suis certaine que c'est très important ! En temps normal ces missives ne sont émises que par le Bureau de Konoha. Celles-ci ont été écrites et scellées à Suna. J'étais en vacances là-bas. Il y a un salon de thé qui fait les meilleures glaces au matcha que je n'ai jamais mangé ! Ce qu'elles sont crémeuses.
- Bien. Lâchez-moi.
Il souleva la jambe mais elle resta accrochée, il tiqua comme s'il s'agissait d'un chien lui mordant le mollet.
- Neji ! Vous avez une dette envers moi ! Vous pouvez bien m'écouter un peu.
Il l'attrapa par le col et la souleva sans difficulté.
- Je vous suis reconnaissant de m'avoir donné un antidote après que votre belle-sœur m'ait empoisonné. Mais je suis déjà en mission pour votre famille, et une seule est déjà plus qu'il n'en faut !
Yui lui fit son regard de chien larmoyant, Neji la remit sur pied et consentit à l'écouter.
- J'étais à Suna, le Bureau principal se trouve à Konoha et vous aussi. C'est pourtant moi qui a été choisi. Je suis certaine que c'est vraiment super important. Vous êtes chef de clan maintenant, prendre connaissance du contenu ne vous engage à rien. Pour accepter l'invitation vous devez casser le sceau en deux et m'en remettre la moitié.
Il fit la moue, pesant le pour et le contre un instant, et finit par prendre le pli.
Mais en dépit de toute l'attention qu'il mit, le sceau se fendit proprement en deux et Yui récupéra sa moitié avant qu'il n'ait le temps de comprendre.
- C'est une blague ? Mon sceau était défectueux !
Elle nia d'un vif hochement de tête en rangeant sa moitié avec soin.
- Du tout. Le sceau des chefs de clan est coulé sur un fil d'or tressé. On ne peut pas ouvrir le pli sans briser le sceau. Ma famille a un travail à faire et nous ne pouvons pas toujours compter sur les membres de notre clan. Mais lorsqu'on laisse le choix aux gens de l'extérieur, ils refusent systématiquement. C'est vous qui ne nous laissez pas le choix !
Neji fulminait, c'est pour ça qu'il détestait ces courriers, les ouvrir suffisait à s'engager alors qu'on ignorait même le contenu !
- C'est déloyal !
- Ne me regardez pas si durement ! Je ne suis que le messager.
- Oiseau de malheur !
Yui garda la tête basse alors que Neji pestait contre la félonie de ce clan. Il l'entendit sangloter, elle avait le visage enfoui dans ses mains et pleurait à chaudes larmes. Finalement elle se recroquevilla sur elle-même, les genoux contre la poitrine.
Neji hésita un instant puis lui tapota l'épaule.
- Yui…
- Je ne suis pas un oiseau de malheur ! J'étais en vacances, moi. Je n'ai rien demandé. Et vous faites que me crier dessus !
Il inclina la tête sur le côté en examinant son visage bouffi et son nez qui coulait un peu.
- J'ai vécu suffisamment longtemps parmi vous, épargnez-moi votre manège. Vous avez d'autres choses à me demander, c'est ça ? La main ne suffit pas, il faut que vous preniez tout le bras avec. Alors que puis-je faire pour vous ?
L'expression de Yui devint neutre et elle prit le mouchoir que lui tendit Neji.
- À l'occasion de votre nomination, vous avez rencontré tous les chefs de clan en poste. Nous voulons que vous apportiez leurs invitations au chef des clans Sanju et Hagoromo.
Elle lui remit des plis similaires aux siens, qu'il enfouit dans la poche intérieure de son blouson. Il avait bien un millier de questions en tête, mais les poser à Yui ne servait à rien.
Les missions menées par les Yamashiro étaient découpées en une multitude d'autres petites missions, confiées à des personnes qui ne se connaissaient pas. Le but étant que la mort ou la torture d'un des maillons de cette longue chaîne d'information, ne menace pas l'intégrité du projet.
Neji invita Yui à le suivre d'un hochement de tête et ils marchèrent en silence durant un temps. Il n'avait pas dormi depuis hier et se retrouvait avec une nouvelle mission pour le clan Yamashiro. La journée promettait d'être longue.
- Vous n'avez pas pris connaissance de ce qui vous était demandé.
C'est vrai, il était si énervé qu'il avait oublié. Mais c'était sans doute quelque chose de dangereux et inattendu.
Il glissa une main dans sa veste pour en tirer le pli et de l'autre il saisit Yui par le col alors qu'elle glissait sur une racine couverte de mousse.
- "Le bi de jade brisé doit être réformé" ?
Il roula des yeux en attrapant Yui par le bras pour la ressaisir dans une autre chute. C'était pas bon, pas bon du tout. À son investiture on lui avait remis une boîte contenant un morceau de pierre de jade. C'était la preuve de la légitimité de son clan, un droit de parole et de pouvoir, octroyé par les Yamashiro. L'objet le plus précieux pour sa famille. Et là, les Yamashiro demandaient à le récupérer.
Neji soutint une fois de plus Yui après qu'elle ait trébuché.
Il ignorait ce que contenaient les deux autres enveloppes, mais en l'absence du clan Uchiwa, le clan Sanju était le plus puissant de Konoha. En convoquant le chef de ce clan, Sanju Tsunade, ils privaient momentanément le village de son chef. La convocation des Hagoromo, premier chef de la nouvelle génération, laissait à penser que les Yamashiro préparaient quelque chose de très, très gros.
Neji souleva Yui par le bras alors qu'elle glissait sur une autre racine, et il rangea le pli dans sa poche intérieure.
- Cela fait des siècles que votre famille vit dans ces forêts et ce qui vous caractérisent tous, c'est votre maladresse à vous y déplacer.
- Ne devenez pas condescendant, je vous prie ! Je n'ai pas le temps de faire attention, il faut que l'on rejoigne le village avant le coucher du soleil.
Il lui lâcha le bras et elle s'étala de tout son long, le nez dans la poussière.
- Dans ce cas vous auriez dû me tomber dessus il y a deux jours.
Yui se retourna et le regarda d'un air terrorisé.
- C'est impossible ! On ne peut pas être à deux jours de marche de Konoha.
- C'est à peu de choses près le temps qu'il m'a fallu pour arriver ici.
Elle s'accroupit, jeta un coup d'œil rapide aux environs et au ciel, puis elle se mit à dessiner un plan dans la poussière.
- En suivant le sentier on est effectivement à deux jours de marche mais en allant tout droit…
- En suivant le sentier on reste en vie, la corrigea Neji. Dans la forêt il y a des bêtes féroces, vénéneuses, et même quelques Yamashiro !
Yui le toisa d'un air très sérieux.
- Vous avez envie de vous retrouver avec moi, dans cette forêt, par une nuit de pleine lune ? Parce que c'est ce qui va se produire si on ne trouve pas un moyen de rejoindre Konoha rapidement. Je suis la meilleure pisteuse de ma famille, nous pourrons traverser la forêt sans danger.
Neji tâcha de ne rien montrer de sa nervosité, mais il n'était pas tout à fait serein.
- Peut-être bien, mais vous ne pouvez pas aller à l'encontre des lois de l'espace et du temps. J'ai complété mon entraînement avec Yumi…
Yui explosa et lui hurla dessus, avant de retourner à son plan en tremblant.
- CELA NE CHANGE RIEN ! JE NE VEUX PAS QUE VOUS ME VOYEZ… Yumi a acquis son titre de Yamashiro de sang, c'est bien l'une des nôtres. Pas vous. Vous n'êtes pas comme nous. Tout votre entraînement ou vos nouveaux pouvoirs n'y feront rien. On va couper, tout droit dans cette direction, cela nous fera gagner de précieuses heures.
Neji s'accroupit à côté d'elle et survola le plan qu'elle avait dessiné.
- Ce sont les vieilles forêts, la végétation y est si dense que la lumière ne filtre pas. C'est sans doute ce que vous cherchez. Mais ça grouille de serpents et il est facile de s'y perdre. En suivant le sentier sur quelques kilomètres, on atteint les grandes clairières. Je vous prie de me faire confiance.
Yui se prit le visage entre les mains un instant puis se claqua les joues.
- La clairière du chat hurlant. On l'appelle ainsi parce que le vent qui vient de Konoha fait un bruit particulier en passant entre les arbres. Si on suit le bruit, on arrive au ravin bordant le quartier Uchiwa. On devrait arriver au milieu de la nuit, avant que la lune n'atteigne son zénith.
Neji acquiesça d'un hochement de la tête. Ce n'était pas de gaieté de cœur qu'il acceptait de se jeter dans un ravin avec une Yamashiro, mais c'était toujours mieux que de traverser une fosse aux serpents.
