LE CHANT DE LA PLANÈTE
LIVRE I : ORIGINES
Chapitre III
L'héritier du Sang
Era 1950
" Les plus grands héros naissent dans le sang."
Anonyme
Et voilà le chapitre de février en retard^^! Celui de mars avance, mais cette fic est dorénavant en hiatus jusqu'au 31 août inclus, le temps que je rédige les chapitres en retard ! J'espère néanmoins que celui-ci vous plaira.
Xia.
EDIT : Je me disais bien que j'oubliais un truc -_- ... Merci à Lunagarden, Louve Noire, Volazurys et Melior pour leurs reviews, favs, et suivis^^.
Era 1950, dans une grotte située en plein cœur des montagnes de Nibelheim, près de la cascade des regrets.
Grimoire Valentine, vampire de trois cents ans, faisait les cent pas tel un béhémoth dans sa cage dans une galerie éclairée par des lanternes accrochées aux parois. Il attendait (im)patiemment que son enfant naisse tandis que le bruit de ses bottes qui claquaient sur le sol résonnait au sein des boyaux en une mélodie discordante et angoissante. L'homme était le patriarche et le protecteur actuel de la tribu, mais il était aussi le geôlier de Chaos, le Cetra qui avait refusé de prendre part au combat contre la Calamité des Cieux, car il était terrifié par les pouvoirs de leur ennemie.
Pourtant, ce n'était pas l'écuyer d'Oméga qui le préoccupait en ce moment même, mais… sa femme. Rosalia. Une union entre un être humain et un vampire ne se faisait pas sans danger, surtout pour le mortel, et les naissances qui concernaient un demi-vampire étaient souvent fatales à ces derniers.
Sa compagne faisait hélas partie de ces êtres fragiles. Bien qu'elle connaisse le risque encouru lorsqu'ils s'étaient rencontrés, elle n'avait jamais lâché prise. Quelques mères s'ôtaient parfois la vie, car elles ne voulaient pas accoucher d'une telle abomination (selon elles), mais d'autres ne désiraient pas condamner l'enfant à venir. Son amour faisait partie de celles-là.
Il se rappelait très bien la grossesse. Epuisante pour elle. Angoissante pour lui. Il craignait de perdre sa femme et son bébé chaque mois, mais elle se battait fermement pour vivre et donner une chance d'exister à son fils. Elle était persuadée que ce serait un garçon. Il était fier qu'elle ait tenu jusqu'à l'accouchement, mais sa gorge se nouait à la pensée d'une mort probable. En trois siècles, outre sa famille et ses novices qu'il éduquait, c'était la première fois qu'il s'était autant attaché à quelqu'un. Elle allait laisser un grand vide dans sa vie, surtout si…
« Seigneur Valentine ? » fit une sage-femme, la tête passée dans l'entrebâillement d'un rideau et la mine épuisée.
Cela faisait cinq heures que sa femme était enfermée dans sa chambre avec des membres du clan. Enfin, chambre, c'était vite dit… Il s'agissait plutôt d'une pièce fermée par de larges pans de tissu rouge pourpre accrochés au-dessus de l'entrée. Les lits n'étaient pas très douillets comme ceux que l'on pouvait trouver dans les familles bourgeoises du style du clan Shinra, mais les Valentine s'en moquaient. Pour eux, tant qu'il y avait de quoi manger et dormir, le reste, les amusements des mortels, ils s'en fichaient.
Leur mode de vie était plutôt simple, et même s'ils vivaient en marge de la société, les vampires entretenaient de bonnes relations avec les habitants du coin. Presque toutes les pièces de la grotte étaient comme ça : un lit de qualité moyenne, une table de chevet, de petites commodes… Ils avaient juste une cavité plus grande où ils mangeaient tous ensemble autour d'une table ronde, éclairée par des torches. Une autre pièce servait de salle d'accueil aux visiteurs, avec des canapés et des fauteuils confortables de velours, la seule preuve de richesse du clan avec leur blason familial gravé dans le granit : deux ailes de démon qui entouraient une épée.
« Oui, Novice Innyatima ? » demanda le Patriarche d'une voix rauque.
Je peux deviner votre surprise, alors laissez-moi vous expliquer.
Après la sentence de Minerva prononcée à son encontre sur elle, notre amie s'était immédiatement tournée vers les Valentine. Elle voulait contrôler sa soif de sang afin d'éviter de commettre des meurtres impardonnables. Ils étaient notamment connus pour être de redoutables guerriers qui savaient retenir leurs pulsions sanguinaires. Inny fut rapidement prise en charge par Grimoire, car les jeunes vampires obéissaient instinctivement aux plus vieux. C'était une règle de survie que tous respectaient.
Le Patriarche lui avait enseigné comment chasser. Leurs proies étaient soit des monstres, soit des criminels, soit des gens qui étaient en fin de vie ou bien des malades. Dans ces deux derniers cas, les vampires étaient toujours contactés soit par la future victime, soit par les proches. Notre amie n'appréciait pas le sang des monstres. Trop différent de celui des humains. Mais quand elle n'avait rien à se mettre sous les canines, elle ne faisait pas la fine bouche et prenait ce qu'il y avait. Il fallait bien survivre, après tout.
Pour le moment, elle logeait depuis cinquante-cinq ans chez le chef de famille, et ça se passait bien. L'homme, durant la grossesse de Rosalia, avait demandé à Inny de veiller sur sa femme, et elle s'était parfaitement occupée de cette tâche. Quand les contractions avaient commencé, la brune avait alerté les membres du clan, qui s'étaient empressés de ramener tout ce qu'il fallait pour le bébé, dans le cas où il vivrait. Soixante-quinze pour cent des enfants demi-vampires mourraient à peine quelques heures après leur naissance. C'était soit à cause du manque de sang de la mère, soit ils étaient tués par les proches de celle-ci, car ces derniers étaient horrifiés de voir ce qu'ils considéraient être une erreur de la nature.
Bref, revenons-en à nos Valentine.
« Votre fils est né. Mais… »
Grimoire n'eut pas besoin de mots pour comprendre ce qu'il se passait : son enfant était mort-né. Mais comment était-ce possible ?! Il avait entendu sa femme hurler de douleur sous les contractions, ça voulait dire que son fils était vivant à ce moment-là, non ?!
« Il est mort, n'est-ce pas ? » acheva-t-il, lugubre.
« Toutes mes condoléances. » souffla sa protégée, la gorge nouée.
« Et Rosalia ?
- Elle est… »
Soudain, le hurlement d'un nourrisson se répercuta sur les murs, ce qui les fit sursauter. Ahuris, ils se fixèrent, puis se précipitèrent dans la chambre de Rosalia. Là, sur la table à langer et entouré de Valentine surpris, un nouveau-né couvert de sang braillait de toute la force de ses petits poumons. Il avait froid, très froid ! Pourquoi faisait-il si glacial ?! Pourquoi ces étranges individus l'observaient-ils de leurs yeux rouges, au lieu de l'aider à se réchauffer ?!
« Impossible… » fit Innyatima, blême. « Il ne respirait plus, j'en suis sûre !
- Lavez-le et habillez-le. » ordonna Grimoire, ferme.
Il ne manquerait plus qu'après avoir failli trépasser à sa naissance, son fils ne meurt d'un simple rhume ! Sa novice obéit avec empressement, rassurée de voir que l'enfant avait survécu. Elle était heureuse. C'était le premier accouchement de demi-vampire qu'elle réussissait parfaitement ! Bon, on l'avait un peu conseillée, mais notre amie était satisfaite d'avoir aidé à donner la vie.
Par contre, la pâleur cadavérique de la mère la préoccupait. Il fallait dire que lorsque le bébé était né, elle avait perdu pas mal de sang, car la poche amniotique s'était percée un peu avant que le petit sorte. Son époux s'assit à ses côtés, puis lui prit la main avec délicatesse, comme si elle était aussi fragile que du verre. Visiblement, l'accouchement l'avait grandement affaiblie. Il ordonna à ses proches de quitter la pièce, sauf sa novice, au cas où, ce que les membres du clan firent. Ils savaient qu'il avait besoin d'intimité.
« Chérie… » souffla-t-il, inquiet, tandis qu'il replaçait correctement une longue mèche aile de corbeau sur le côté du visage en amande et couvert de sueur de sa compagne.
Rosalia contempla son mari, les larmes aux yeux, et lui sourit faiblement pour le rassurer avant de frissonner de froid. Grimoire ajouta une couverture, soucieux, mais la mère laissa un accès à ses seins pour son fils.
« Où est-il ? » murmura-t-elle d'une petite voix tremblante, une étincelle d'inquiétude présente dans ses yeux noisette.
« Il arrive. La novice l'habille. » fit-il, doux.
« Tenez, sire Valentine. » souffla ladite novice, respectueuse, avant de mettre le bébé dans les bras de son père qui le transféra à sa belle.
Il l'aida à tenir le nouveau-né, la gorge nouée. Elle avait la peau si froide… Il le savait, car habituellement, il sentait la chaleur de sa compagne quand ils étaient ensemble. La nouvelle maman observa son fils avec un sourire doux. C'était un survivant… un combattant, et un vainqueur. Elle ne s'était jamais décidée à lui donner un prénom, mais lorsqu'elle contempla ce petit être à la peau pâle et aux cheveux noirs comme son père et sa mère qui avait failli mourir, une idée lui vint à l'esprit.
« Vincent. » souffla-t-elle d'une voix faible.
Grimoire cligna des yeux, surpris, puis fixa son fils, songeur. Il sentait confusément qu'un grand destin attendait son héritier. Et si ce prénom pouvait lui porter chance dans sa vie…
« Vincent, alors. » confirma-t-il, tendre.
Rosalia sourit légèrement, puis mit la bouche de son fils près de son sein. Ce dernier avisa le mamelon et l'engloba une fois que sa mère l'en eût rapproché. Il commença alors à téter, affamé, sous une petite grimace douloureuse de la femme de Grimoire, car son corps était sensible en raison de l'accouchement. Pourtant, elle ne le retira pas et le contempla, tout aussi émue que son époux, en train de se nourrir. Elle ferma progressivement les yeux. Elle était fatiguée… si… fatiguée…
Le patriarche des Valentine le remarqua et vit avec inquiétude Innyatima qui posait ses doigts sur la jugulaire de Rosalia pour prendre son pouls. Non, peut-être que l'inconscience la fauchait... Elle fixa le vieux vampire, le regard désolé, et fit non de la tête, attristée. Sa femme était morte après avoir nourri leur fils pour la première et dernière fois de sa vie. L'homme soupira, affligé, puis caressa le visage de sa compagne, la gorge nouée, mais intérieurement bouleversé d'avoir perdu son âme-cœur. Au moins, elle était partie avec un bon souvenir…
« Je prendrai soin de Vincent. Je te le promets, Rosalia. » souffla-t-il, solennel, avant de saisir leur enfant dans ses bras et de soupirer.
Il espérait que sa mère ne lui manquerait pas trop… Il s'efforcerait d'élever son fils au mieux, avec les valeurs de leur clan, et de lui laisser le choix de veiller sur Chaos ou pas. Il fallait dire que ce n'était pas facile : l'esprit – car son véritable corps était mort depuis longtemps – était belliqueux, et cherchait à s'évader de la cascade des regrets où il était scellé sous l'ordre de Minerva. Comme s'il voulait fuir la Calamité.
Il était vrai que les Cetras avaient été incapables de la tuer à leur grand désarroi. En désespoir de cause, ils l'avaient enfermée dans les redoutables falaises de Gaëa, où personne ne pouvait l'atteindre pour la délivrer. Le blizzard glacé qui sifflait sur les lieux et les températures assez basses formaient une excellente prison naturelle qui la gardait avec efficacité. Pourtant, une prophétie prédisait qu'un jour, la Calamité des Cieux serait libérée de ce cercueil gelé, mais aussi définitivement détruite…
Cependant, nous y reviendrons bien plus tard.
Le patriarche des Valentine voulait que son fils trace sa route. Il ne se leurrait pas : de plus en plus de membres du clan en avaient assez d'être cloîtrés près de Chaos alors qu'ils pouvaient faire autre chose de leur existence. Il devrait essayer de contacter Minerva, un jour, afin de trouver un moyen de garder l'écuyer enfermé et de les décharger de cette lourde tâche.
Il ignorait que ça n'allait pas être simple.
