LE CHANT DE LA PLANÈTE
LIVRE I : ORIGINES
Chapitre IV
De grandes découvertes
« Savoir, penser, rêver. Tout est là. »
Victor Hugo
Era 1959
Merci à Volazurys, Lunagarden et Melior pour leurs reviews^^.
Là, on va découvrir un des éléments principaux de la compile FFVII^^. J'avoue que je me suis éclatée avec la partie concernant Gast XD !
Petite information : Le chapitre 5 (celui d'avril 2014 en retard) est achevé, mais je ne l'ai pas encore filé à la bêta. Pour éviter de trop stresser lors de mon calendrier de diffusion, je prévois de le publier fin septembre (si Volazurys n'est pas trop occupée, elle a un boulot à côté^^;.). Le 6 ème est en cours, je bloque juste un peu dessus.
Bonne lecture.
Xialdene.
Cosmo Canyon, Era 1959
Ah, le Cosmo Canyon… C'était un des rares lieux que j'appréciais sur Gaïa. Les Gaïans qui y vivaient l'avaient appelé ainsi, car c'était un endroit adapté pour les astronomes, aussi bien amateurs que chevronnés. Avec les falaises de Gaëa, les montagnes du Da-Chao, et la chaîne de montagnes Nibel de la région de Nibelheim, c'était un coin parfait pour voir les étoiles en toute quiétude. Les maisons étaient bâties soit dans les grottes des canyons, soit dans des sortes de petites cases en bois perchées, soutenues par des poutres solidement fixées à la roche. Elles étaient généralement utilisées comme extension de l'habitation principale. Des braseros, dispersés çà et là, donnaient une apparence quelque peu… sacrée à la ville. Les lieux étaient depuis longtemps sous la protection de créatures non humaines appelées Liongres (1).
Une légende racontait qu'Ifrit, avant la guerre contre la Calamité des Cieux, était originaire du Cosmo Canyon. Lorsqu'il rentra chez lui, à moitié mort de faim, de fatigue et de soif, les habitants eurent peur de lui en raison de son apparence effrayante, et lui refusèrent l'hospitalité.
Pourtant, il ne leur en tint pas rigueur. Il alla se reposer sur une plateforme et se promit de leur prouver le lendemain qu'il n'était pas un danger pour eux. Malheureusement, il décéda pendant son sommeil des suites de son épuisement. Son corps se transforma en gigantesque feu de camp et des créatures à la silhouette élancée jaillirent de ses braises. Seul son esprit, refusant de retourner à la Rivière de la Vie, fut assez fort pour se créer une matéria d'invocation, où il se réfugia.
Le lendemain, lorsque les Cetras sortirent pour chasser Ifrit de la ville, quelle ne fut pas leur surprise en voyant ces animaux à quatre pattes si élégants, au pelage d'un roux flamboyant, le regard brillant d'une étincelle humaine, en train de les attendre ! L'un d'entre eux s'avança jusqu'aux Anciens, et les informa du décès d'Ifrit. Ce qu'il était avant d'être transformé en cette créature humanoïde de couleur jaune musclée aux énormes cornes sur le front aux flammes jaillissant de ses poignets et de ses chevilles, comment cela s'était produit, les causes de sa mort…
Il leur dit aussi que le souhait du Cetra décédé était de protéger sa ville contre les monstres qui menaçaient la paix de celle-ci, et que les Liongres en étaient sa matérialisation. Quand on lui posa la question au sujet du feu de camp, il leur répondit qu'il était un autre cadeau pour eux, car Ifrit savait à quel point les habitants craignaient de sortir le soir, effrayés par l'obscurité et les créatures qui s'y tapissaient.
Les Anciens regrettèrent énormément d'avoir rejeté l'un des leurs, et organisèrent une grande fête en son honneur à laquelle les Liongres étaient conviés. Il y eut de légères difficultés à adapter les repas pour les félins, mais ces derniers ne leur en tinrent pas rigueur et les conseillaient efficacement pour leur régime alimentaire. Les Cetras se rendirent compte à quel point les protecteurs qu'Ifrit leur avait donnés étaient sages et aucunement agressifs envers les humains. Ils jurèrent autour du feu de camp d'accepter n'importe quel étranger, du moment qu'il respectait leur culture.
Hum. Veuillez me pardonner pour cette légère déviance du sujet. Les Gaïans m'avaient peut-être blessé, mais tous n'étaient pas à mettre dans le même panier. Et puis… Même si ça ne plaisait pas à Hojo qui ne me voyait que comme un spécimen à améliorer pour qu'il devienne de plus en plus létal, j'appréciais – et j'apprécie toujours, d'ailleurs – ces légendes que Gast me racontait avant son départ soudain de la Shinra. Il est possible que je dérive encore un peu de temps à autre dans ces livres avec ces mythes. Peut-être devrais-je faire un recueil séparé sur les légendes Gaïannes…
Dans l'une des grottes en bas de ces falaises escarpées vivaient un « jeune » couple de Liongres âgés de quatre-vingt-dix ans. Je vous rassure tout de suite, ce ne sont pas des personnes âgées pour l'équivalence humaine. Vous divisez quatre-vingt-dix par trois, et cela fait trente ans en âge humain (2). La femelle, allongée sur une paillasse fraîche donnée par les habitants à deux pattes de la ville, se nommait Kenmei (3). Son ventre bien arrondi était un signe qu'elle portait la vie.
L'animal soupira et s'étira du mieux qu'il le put malgré son état. Heureusement qu'elle était à l'intérieur, parce qu'elle serait assommée avec la chaleur…
« Tout va bien ? » demanda le mâle, inquiet, assis sur son arrière-train aux côtés de sa compagne.
« Oui, ne t'inquiète pas, Seto… » fit-elle avec un « sourire » faible. « Je sens juste notre petit s'agiter beaucoup… »
Seto rit avec tendresse.
« C'est un guerrier dans l'âme. Il a sûrement hâte de sortir pour explorer le monde…
- Je crains que tu aies raison, mon tendre époux. » répondit-t-elle d'une petite voix, gênée. « Je viens de perdre les eaux…
-… Pardon ? » souffla le Liongre, interloqué, avant de réaliser qu'effectivement, sa compagne avait raison.
Du liquide coulait de l'arrière-train de Kenmei.
« Oh non… » paniqua-t-il.
Il n'était pas sage-femme, lui !
« Je vais chercher la guérisseuse, mon amour, ne…
- Reste là ! » gémit plaintivement la Liongresse.
Elle ne tenait pas à être seule lors de la naissance de leurs petits. Généralement, les femelles mettaient bas deux Liongreaux dans une portée au minimum, et Kenmei sentait qu'elle abritait deux vies. Elle grogna de douleur, puis émit un petit gémissement de souffrance tandis qu'elle contractait ses muscles pour aider ses bébés à naître. Seto lécha son museau, tendre, et l'encouragea malgré sa légère panique. Et s'il ne faisait pas les bons gestes ? Et si l'un des membres de leur progéniture mourrait ? Et si sa femme avait des complications ?
« Vas-y, ma belle… Courage… Ils vont bientôt sortir…
- J'ai mal… » geignit la mère, alors qu'elle reprenait son souffle entre deux poussées.
« Je sais, ma belle, mais ne t'inquiète pas, je suis là… » fit le guerrier, doux, tandis qu'il mordillait affectueusement l'oreille de sa compagne.
Celle-ci émit un rugissement de douleur puis, dans un flot de sang et de liquide amniotique, l'un des petits sortit. Il n'avait pas de fourrure. Sa peau était rose comme celle d'un bébé humain. Sa forme était semblable à celle de ses parents, bien que longue de cinquante centimètres, et il n'avait pas de flammèche au bout de la queue. Celle-ci apparaissait après un an, tout comme le pelage, une fois que le Liongreau avait appris à marcher plus ou moins correctement. Ses yeux étaient fermés, et il poussait de petits couinements.
Kenmei eut un peu de mal à bouger, mais elle s'affaira à dévorer l'amnios, le cordon ombilical et le placenta. C'était pour éviter que les monstres flairent l'odeur de la nouvelle naissance et n'attaquent la ville, même si ses habitants savaient se défendre. Du museau, Seto guida son petit aveugle vers les mamelles de sa mère, et le laissa téter avec un regard attendri, le cœur gonflé de joie. Enfin, il était papa…
Le deuxième sortit à son tour, mais étrangement, il ne bougeait pas. Pensant qu'il était épuisé suite à la naissance, le mâle l'attrapa par la peau du cou à l'aide de sa gueule en douceur, puis le déposa devant les mamelons de sa compagne, mais le second Liongreau ne se mouvait toujours pas. Terriblement inquiet, Seto émit un gémissement plaintif, espérant que le petit répondrait.
« Chéri ? » fit Kenmei, soucieuse de sa réaction.
« L'un des petits ne bouge pas, quoi que je fasse… » souffla le mâle, la gorge nouée, tandis qu'il donnait un léger coup de patte au nouveau-né qui ne broncha pas d'un pouce.
La femelle gémit de peine. Dans son cœur de mère, elle le sentait, là, cette déchirure abominable et brûlante, comme un jour particulièrement chaud sur le Cosmo Canyon. Cette perte, comme un lien qui se rompait brusquement. Ce vide. Elle, elle avait compris… Il avait fallu que sur sa première portée, l'un de ses Liongreaux meure… Le cœur serré lorsqu'il comprit la situation à son tour, Seto lécha le museau de sa belle, apaisant, mais la gorge nouée de peine.
« Je suis désolé, Kenmei. Je te le promets, on en fera d'autres… et on demandera aux humains de faire une cérémonie d'enterrement pour notre petit.
- Pas d'enterrement, mon cœur… Je veux qu'il rejoigne notre créateur…
- Tu veux l'incinérer dans la Bougie Cosmo, alors… » comprit le guerrier, avant de soupirer de tristesse et d'acquiescer, sensible à la demande de sa compagne. « Très bien… Et si tu nommais notre miraculé ? »
Kenmei, malgré son corps qui la lançait suite à l'accouchement, se plongea dans ses pensées, puis…
« Nanaki. » fit-elle avec tendresse, tandis que le petit continuait de la téter avec bonheur.
Seto fixa son enfant et acquiesça.
« Nanaki. Ça me convient très bien. Je suis sûr qu'il fera de grandes choses dans sa vie. »
La femelle rit légèrement, attendrie.
« Serais-tu devin, mon cœur ?
- Peut-être. » rétorqua le mâle, amusé.
Modéoheim, le 23 septembre de la même année.
Modéoheim. C'était un petit village enneigé et tranquille de bûcherons, situé dans une vallée près d'Icicle Lodge. Ce patelin s'était petit à petit mis au charbon, car le bois se faisait plus rare et il fallait s'éloigner de plus en plus des habitations pour en trouver. Et qui disait aller plus loin signifiait forcément aller sur le territoire de monstres bien plus redoutables et féroces. Afin de pallier ce problème, la mine de charbon avait rouvert.
Bien entendu, après un nettoyage de monstres en bonne et due forme à l'aide de combattants connus sous le nom de SOLDIERS aimablement prêtés par la Shinra, les mineurs faisaient leur beurre. La location des guerriers n'était pas anodine : le charbon étant utilisé pour la forge, la Shinra possédait quelques mines, et celle de Modéoheim était l'une des plus importantes qu'elle avait.
En ce jour de 23 septembre en Era 1959, deux mineurs s'étaient mis à explorer une nouvelle galerie souterraine malgré l'interdiction de leur supérieur hiérarchique. Elle était considérée comme extrêmement dangereuse en raison de son instabilité et du fort risque de coups de grisou. C'était deux frères, qui aimaient le frisson de l'interdit et de l'aventure.
« Personne ne vient, Jacques ?
- Nan, t'inquiète, Paul. Le chef Earl est parti de l'autre côté pour une vérif' des équipes, j'pense qu'on aura fini l'exploration de ce secteur d'ici là.
- OK… J'ai pas spécialement envie d'avoir une retenue sur mon salaire, tu vois…
- C'est pourtant toi qu'as voulu aller là-dedans, frangin.
- Rah, ta gueule, je sais… » grogna l'aîné, tandis qu'il utilisait sa lampe-torche pour s'éclairer.
C'est alors qu'il entendit quelque chose de liquide couler. Il fronça les sourcils. Si c'était de la flotte, ils étaient mal… Ça voulait dire que cette section était proche d'une nappe phréatique. Et si l'eau se déversait ici, ça signifiait que les lieux étaient instables pour une bonne raison : ils devaient être près de cette poche d'eau. Il devait cependant évaluer l'étendue des dégâts afin de vérifier si le site était sauf ou pas. Même s'il désobéissait aux ordres, il était de son devoir de s'assurer de la sécurité des lieux et de celle de ses collègues.
« Jacques ? » fit Paul, inquiet.
« Chht. J'entends un truc couler. »
Silencieux, le cadet écouta à son tour et fronça les sourcils, tandis qu'ils marchaient discrètement.
« On se rapproche. » murmura l'aîné.
« Grand-frère ! » s'exclama le plus jeune, surpris, pointant du doigt quelque chose.
Intrigué, Jacques suivit la direction du doigt et écarquilla les yeux en voyant un liquide phosphorescent couler d'une couleur plutôt turquoise, qui était parfois verte ou bleue. De petites lucioles jaillissaient d'une fissure et éclairaient les lieux d'une lueur fantomatique, irréelle…
« Qu'est-ce que c'est que ce truc ? » souffla Paul, estomaqué.
« Si je le savais… » grogna son frère. « Appelle le chef.
- Mais… le salaire…
- M'en fous, je préfère savoir si ce truc est risqué ou pas ! » rétorqua sèchement l'aîné.
Le cadet soupira, acquiesça, puis le laissa seul, tandis que le plus vieux observait l'étrange fuite, songeur. Dix minutes plus tard, leur supérieur était là, accompagné d'un technicien de la Shinra. Les deux mineurs les saluèrent avec respect. Pendant que le nouveau venu faisait des prélèvements sur la fuite, le chef gronda ses subordonnés pour avoir risqué inconsidérément leurs vies, même si c'était au nom de la sécurité de leurs collègues.
Ce simple petit prélèvement, qui tenait dans une fiole de 25 centilitres, allait permettre à la Shinra de prendre une revanche énorme sur Gaïa et Minerva…
Et devenir LA société d'armement multinationale la plus crainte, la dangereuse et la plus puissante qu'il soit.
Falaises de Gaëa, 10 octobre de la même année.
Le blizzard hurlait sa rage. Il giflait sans relâche les falaises abruptes et enneigées de Gaëa, les rendait dangereuses sous sa fureur. Comme s'ils défiaient la nature déchaînée, un petit groupe d'alpinistes chevronnés s'avançait péniblement à travers le vent fort. C'était une expédition financée par la Shinra parmi tant d'autres, dont l'objectif était de trouver des traces de civilisations des Anciens. La société désirait connaître les types d'armes que les Cetras possédaient afin d'en créer de nouvelles.
Bien sûr, la Shinra avait un autre but bien moins… positif et avouable que celui-ci. Elle cherchait à retrouver ce peuple disparu, que ce soit sous forme de squelette ou sous apparence humaine, afin d'en exploiter les éléments génétiques qui pourraient l'être et de créer des guerriers extrêmement puissants, dotés des capacités phénoménales des Anciens. Des Protecteurs de Gaïa, mais surtout, de la société d'armement.
L'homme en tête de cette expédition, un certain Farémis Gast, étouffa un bâillement de fatigue. Il fit signe au groupe de s'immobiliser et leur montra une grotte.
« Arrêtons-nous là pour cette nuit ! » hurla-t-il à travers le vent qui sifflait telle une banshee qui se lamentait.
Les hommes qui le suivaient acquiescèrent, fourbus. Il fallait dire que pour grimper les falaises de Gaëa, il était requis d'avoir du courage, de la détermination, une bonne endurance… mais SURTOUT, une excellente préparation. Ne jamais s'arrêter, car on prenait froid très vite dans cette région qui faisait dans les -10 degrés Celsius en journée… mais la température baissait drastiquement jusqu'à -30 voire -40 degrés la nuit ! Alors si on n'était pas dans une grotte pour se protéger du gel… Étrangement, les cavernes de Gaëa ne semblaient pas vraiment atteintes par le froid extérieur. C'était même plutôt vivable. De bons coins de ressourcement pour les alpinistes chevronnés…
Peut-être était-ce normal, après tout. Selon la légende Shiva, la déesse des neiges, était la protectrice d'Icicle Lodge, mais c'était Alexandre, son frère d'après le panthéon Cetra, qui gardait cette région difficile d'accès. On racontait même qu'il avait mis en personne des enchantements dans ces grottes, justement pour protéger et ressourcer ceux qui viendraient ici. Bien qu'ils n'avaient aucune culture cétraïque, les alpinistes du coin appréciaient ces cavernes pour cette raison. Bon, il fallait faire attention aux monstres, mais ils étaient habitués et embauchaient des mercenaires pour éliminer les créatures, redoutables dans cette région.
Le professeur Gast soupira. Ça faisait une semaine qu'ils traversaient ces parois abruptes, sans aucun résultat ni aucun indice qui pourrait indiquer la présence de Cetras, morts ou vifs. Pourtant, il pensait que le terme « Grand Nord » qu'il avait lu sur une vieille tablette en pierre était assez parlant pour désigner les falaises de Gaëa et ses alentours. Elle mentionnait une personne… une prêtresse, d'après ce qu'il avait compris, mais le reste du texte était trop effacé pour qu'il puisse obtenir plus d'informations. Cependant, elle avait eu l'air très importante dans l'histoire des Cetras.
Il se massa la nuque, raidie par l'exercice d'escalade qui avait duré au moins une bonne dizaine d'heures, puis fixa son escorte qui s'occupait de préparer un feu afin de chauffer le repas, plutôt maigre d'ailleurs, vu l'état de leurs réserves de nourriture. Il faudrait bientôt chasser des lapins des neiges pour les augmenter. La température était plus chaude dans cette grotte, ce qui le décida à ouvrir son anorak rouge (ce qui était très utile dans cet environnement où parfois, on ne voyait même pas à trois mètres) et ôta sa cagoule, ainsi que ses lunettes de ski qui protégeaient celles de lecture.
Le professeur Gast était un homme aux cheveux bruns courts avec une petite moustache. Ses yeux marron, qui pétillaient de vie et de curiosité derrière ses lunettes, se posèrent sur les parois de la grotte comme s'ils cherchaient un signe particulier, une anomalie dans la roche… Une écriture Cetra, par exemple. Mais la déception s'empara de lui lorsqu'il vit qu'il n'y avait rien. Il soupira discrètement, et héla ses compagnons de route, qui finissaient de sécuriser la zone.
« Je vais me promener, commencez à manger sans moi ! » lança-t-il à la cantonade, avant de les laisser seuls, suivi d'un alpiniste – un dénommé Kolt – au cas où.
Les militaires se fixèrent et grognèrent de concert. Ça faisait cinq mois qu'ils accompagnaient ce branquignol et ils n'avaient rien trouvé, hormis de vieilles pierres et des textes écrits dans un dialecte bizarre dont ils ne comprenaient rien. En même temps, ils n'avaient pas fait « charabia mystique » en seconde langue…
« J'me d'mande c'qu'il va découvrir dans c'trou paumé… » fit un 3st class du SOLDIER, tandis qu'il attisait le feu.
« La dernière fois, c'était une bague. » ricana un 2nd class quand il repensa à cette babiole sans valeur pour lui, mais qui en avait apparemment une pour l'abruti qu'ils escortaient.
À croire que le scientifique allait avoir un orgasme en direct !
« J'me demande ce qu'il va en faire, s'il l'a toujours sur lui…
- Y va p't'être demander un Béhémoth en mariage ! » railla un autre 3rd class.
Il leva sa bouteille de bière comme s'il trinquait pour une union, sous le rire moqueur des autres qui l'imitèrent.
« Sachant que les Béhémoths femelles sont plus lourdes que les mâles, je crains que le pauvre professeur ne soit plus de ce monde lors de la nuit de noces ! Surtout qu'elles sont sacrément endurantes, ces salopes ! » ajouta d'un ton grivois un 1st class.
« Ça suffit, jeunes gens. » fit un autre du même rang, sec.
Il ne supportait pas qu'on se moque de quelqu'un dans son dos alors que la victime ne pouvait pas se défendre. C'était d'une bassesse indigne de ce qu'ils étaient censés être aux yeux du public : des mercenaires sur qui compter. Si on se foutait de la gueule des gens qu'on devait protéger, à quoi bon leur faire confiance ?
« Le professeur Gast, bien qu'il vienne à peine d'être majeur, ne nous fait pas balader par plaisir. Il se fie aux seuls indices qu'il possède, et comme vous le savez aussi bien que moi, ils sont peu nombreux.
- Les Cetras sont sacrément cachottiers, hein, chef Arkel ? » soupira un autre 2nd class.
« Oui… Je me demande pourquoi autant de mystères… » souffla ledit chef, songeur. « Visiblement, nos ancêtres ne veulent pas dévoiler leurs secrets facilement…
- Ils d'vaient être pudiques dans l'temps. » ricana le SOLDIER ivre.
« Ou qu'ils savaient à quel point nous sommes des animaux assoiffés de sang une fois qu'on se laisse aller à nos pulsions. Tu devrais arrêter de boire, James. Je te rappelle qu'on doit assurer la protection du doc'. » grogna Arkel. « Sans compter la descente de ces falaises...
- Bah, ce s'ra aussi aisé que celle de la bibine qui dévale mon gosier telle une cascade ! » gloussa James, ce qui fit lever les yeux au plafond la plupart des membres de l'escorte de Gast sous le ton léger du soûlard.
Avant que je n'y entre, le SOLDIER ne possédait pas de règlement intérieur à proprement parler, ce qui laissait donc place aux excès les plus écœurants : bizutages, alcool, prostituées invitées dans les quartiers des militaires, impolitesse envers les civils… Les hommes se contenaient seulement devant leurs supérieurs hiérarchiques et les Têtes de départements ainsi que le vieux Shinra, mais selon mon instructeur, il avait eu du mal à remettre de l'ordre dans l'armée. Personnellement, je fus heureux d'être arrivé dans le département militaire lorsqu'il était là, bien que je ne fus point épargné par les brimades en raison de mon physique étrange et de mon intelligence à élaborer des stratégies intéressantes.
Pardonnez-moi, je m'égare...
Loin des moqueries, Gast, une lampe-torche à la main, parcourait les boyaux de roche, la mine basse. Il avait encore fait chou blanc, aujourd'hui… et il n'ignorait pas qu'il commençait à devenir la risée de la société Shinra. Cinq mois sans trouver autre chose que des babioles et rien de concret… Il ne mettrait pas longtemps avant d'être viré pour incompétence. Le délai imposé pour découvrir une preuve solide afin d'étayer sa thèse sur les Cetras et leur mode de vie était de six mois. Surtout que ces expéditions coûtaient une fortune à la société. Si seulement il pouvait avoir un truc tangible… Ne serait-ce qu'un squelette ou…
Soudain, l'homme qui l'accompagnait trébucha sous un cri surpris tandis qu'il glissait sur quelque chose. Il s'étala lourdement sur le sol dans un « OUMPF ! » douloureux, la respiration coupée sur le coup, et en lâcha sa lampe torche. Celle-ci roule vers une colonne de calcaire et clignota, fragilisée par la chute.
« Est-ce que ça va ?! » s'enquit le professeur, inquiet, tandis qu'il le rejoignait pour l'aider.
« Ouais, ouais… Désolé, doc'. » souffla son compagnon. « Plus de peur que d'mal. »
Il grogna de douleur et se releva péniblement avant de récupérer son éclairage salvateur. Curieux, il promena la lumière sur les lieux, mais celle-ci lui fit défaut en s'affaiblissant et il soupira. Évidemment… les piles… C'était fragile, ces trucs-là. Il fouilla dans sa poche et en sortit une boîte neuve, puis les remplaça à l'aveuglette. L'homme ralluma sa lampe et cligna des yeux, surpris, alors qu'il observait l'endroit tandis que Gast était bouche bée devant ce qu'il voyait.
On aurait dit les vestiges d'un temple. Le plafond se serait peut-être effondré depuis longtemps s'il n'y avait pas ces colonnes de calcaire pour le maintenir en place. Il avisa des dizaines de squelettes humains fossilisés, tordus dans des positions de souffrances et la mâchoire ouverte sur un cri muet. Un frisson glacé le parcourut et il se demanda ce qui s'était passé ici. Le scientifique grimaça lorsqu'il comprit sur quoi Kolt avait trébuché : un humérus.
Les morts n'avaient plus de vêtements sur eux, mais compte tenu de leur état, c'était certainement normal. Avec précaution, il marcha dans ce lieu étrange. L'ambiance était pesante, et il priait pour ne pas tomber sur un monstre. Il remarqua des escaliers, qu'il monta, puis entra dans l'arrière-salle, avant d'émettre un cri de stupéfaction. Il décela un bloc de calcaire et quatre lignes de glace qui le rejoignaient, ce qui le rendit curieux.
Les lieux étaient bien chauffés, alors pourquoi ces traces de givre étaient présentes ? Lorsqu'il braqua la lampe dessus, il hoqueta de stupeur. Il y avait un trou de taille moyenne dans cette sorte de strate géologique qui dévoilait de la glace. Et dedans, il y avait une forme humaine… quelqu'un était piégé à l'intérieur ! Excité, il tenta de voir à quoi il ou elle ressemblait, mais la couche de gel était trop importante. C'est alors qu'il vit sur quatre supports de cristal une matéria de glacier au niveau maître dessus, et toutes étaient actives. On pouvait apercevoir au sol qu'elles étaient à l'origine des traces de givre qui rejoignaient le bloc.
Cependant, il eut une grimace écoeurée : les quatre supports en question empalaient des corps humains décharnés et figés par la glace, en statut de prière. Ce qui l'intriguait le plus, c'était qu'apparemment, ces personnes s'étaient suicidées sciemment. Pourquoi ? Avaient-ils un rapport avec ce bloc ? Qu'enfermaient-ils ? Était-ce cette prêtresse dont il avait lu la mention sur la tablette ? Mais s'il devait se référer à l'âge de la géologie de cette strate, ça s'était passé il y a près de deux mille ans. Ça ne servait plus à rien de geler un cadavre.
C'est alors qu'il fit la plus grande erreur de toute sa vie.
Il ôta les boules magiques de leur socle. Les matérias cessèrent de briller. Excité par sa découverte, il laissa le bloc de glace seul, le temps d'aller chercher son escorte pour qu'ils puissent dégager la barrière qui l'empêchait d'accéder à cette forme qui l'avait intrigué.
Elle. Elle se réveilla d'un long sommeil passé à cogiter sa défaite face aux Cetras. Quand était-ce ? Un siècle ? Deux ? Trois ? Plus ? Oh, elle l'ignorait… Mais on s'approchait de sa prison. Elle le sentait. Était-ce un Cetra qui allait se gausser d'elle ? Qu'il le fasse. Elle ne pouvait pas répondre aux provocations de toute façon, figée comme elle l'était. Mais rien ne disait qu'elle ne se vengerait pas quand elle sortirait d'ici… Et Gaïa apprendrait à ses dépens qu'Elle était très, très rancunière… et patiente, terriblement patiente. Ses fidèles devaient être morts depuis le temps, mais ce n'était pas grave. Elle trouverait bien d'autres personnes à soumettre à sa cause, qui était pourtant juste quand elle était arrivée ici !
Mais non.
Ces imbéciles de Cetras disaient qu'elle devait oublier. Pardonner. Comment pardonner quand on commettait un crime si atroce envers quelqu'un de son clan ?! C'était comme si on s'attaquait directement à elle ! Oooooh, mais cette vermine qui s'était cachée chez ces idiots pacifiques avait vite compris à qui elle avait affaire, et Elle avait été ravie de voir ce meurtrier hurler de souffrance tandis que ses pouvoirs le ravageaient de l'intérieur, qu'il devenait l'être qu'elle s'était toujours imaginé quand elle le retrouverait !
Une grimace de mépris mental lui traversa l'esprit. Ce déchet aurait pu faire mieux avec sa frimousse d'ange, mais non… Il avait fallu qu'il embrasse la voie du sang ! Bon sang, elle lui avait confié une des membres de son clan ! De sa famille ! Pourquoi l'avait-il tuée ? Sans doute ne le saurait-elle jamais… Ou peut-être que si. Quelque part au fond d'elle, elle sentait qu'il n'était pas parti de ce monde. Ooooh, quand elle lui mettrait la main dessus, il comprendrait, oui, il comprendrait… qu'on ne devait jamais s'en prendre à sa famille.
Une lumière blanche, aveuglante, lui éblouit les yeux qu'elle gardait pourtant fermés, et elle siffla mentalement de colère. Qui osait la sortir aussi avec brutalité de ses désirs les plus sadiques et cruels envers cet infanticide ? Elle ne pouvait plus voir pour le moment, certes, mais elle était capable de sentir les énergies magiques. Étrangement, la personne qui était là n'en possédait pas. Curieux. Ce n'était donc pas un Cetra. Où était passée cette chienlit cacheuse de criminels ? Elle se rappelait clairement Minerva qui l'avait scellée avec l'aide d'autres Anciens, comme ils avaient été incapables de la tuer.
Cette garce blonde lui avait dit qu'elle serait toujours surveillée, mais à priori, ses geôliers étaient soit morts, soit ils avaient déserté leur poste. Elle penchait pour la première option, comme elle avait appris leurs mœurs… Et ils ne seraient jamais partis de leur plein gré. Ils connaissaient sa dangerosité. La reine des Cetras se serait assurée qu'il y aurait des remplaçants, elle le savait. Elle sentit la curiosité du nouveau venu. Sa voix lui parvenait, même diffuse, alors elle pouvait dire que c'était un homme. Puis des coups, comme si… on cherchait à l'atteindre ? Qui étaient ces imbéciles – d'autres sources de vies avaient rejoint la première – qui s'affairaient à briser sa prison ? N'avaient-ils donc jamais entendu parler d'elle ? Le fléau tombé du ciel ? La Calamité des cieux ?
Si elle avait pu sourire, elle l'aurait fait avec bonheur. Ah, quels idiots… La délivrer allait entraîner des conséquences terribles ! Elle traquerait ces rats de Cetras, les déchiquetterait à main nue, se gorgerait de leur sang et de leur détresse, apprécierait la mélopée de leurs suppliques… Et Gaïa se lamenterait de ne pas l'avoir laissée se venger convenablement. Transformer cette ordure en monstre n'était que la première étape de son plan.
Lorsqu'elle le retrouverait, elle le rendrait fou, s'il ne l'était pas déjà à cause de son apparence. Puis elle le torturerait avec délice, elle jouirait de chaque son de sa voix maudite, chaque gémissement, chaque pleur, chaque cri… Les outils se rapprochaient d'elle, de plus en plus. Il fallait dire que depuis le temps qu'elle était scellée, le calcaire avait recouvert sa prison. C'était un miracle qu'on l'eût repérée !
Gast se figea lorsqu'enfin, il put accéder de plus près à cette forme étrange et humaine qu'il avait remarquée. Fasciné, il s'approcha d'elle et caressa la glace qui le séparait de sa trouvaille. C'était une femme splendide à la peau bleue et aux longs cheveux d'argent, vêtue d'une robe de voiles noirs aux motifs blancs travaillés. Elle portait un collier, deux bracelets aux poignets et aux chevilles, le tout fait d'ivoire.
Rien qu'à la voir, il avait l'impression qu'elle n'était pas… humaine. Qu'une aura mystique l'entourait, charmeuse, comme pour l'inviter à en découvrir plus sur elle. Il ne faisait aucun doute dans l'esprit du professeur qu'elle était une Cetra.
« Quelle beauté… » souffla-t-il, émerveillé.
« Quel flatteur… » songea-t-elle, amusée.
Elle étendit sa perception sur lui maintenant qu'il était proche d'elle, avant de faire une moue boudeuse mentale. Qu'est-ce que c'était que ce truc sans pouvoirs ?
« Tu n'es pas un Cetra…
- Sortez-la de là. » ordonna le scientifique. Nous l'amènerons au laboratoire de Nibelheim pour l'analyser, mais je pense que c'est une Ancienne. »
Elle fut ahurie par sa bêtise. Une Cetra ? Elle ? Alors qu'elle était responsable de leur anéantissement presque total ? Si elle l'avait pu, elle aurait ri de l'ironie de la situation. Ah, quelle belle vengeance contre Minerva et Gaïa, ainsi que ce meurtrier ! Prise pour ce qu'elle n'était pas ! Bien sûr, sa race était pratiquement inconnue ici. Elle était l'une des seules représentantes de son espèce, la reine mère, même. Mais il était vrai que ses pouvoirs étaient extrêmement puissants : la preuve, les Anciens avaient dû s'y mettre à plusieurs pour la vaincre et la sceller dans cet endroit infernal et froid… et seule. Seule avec ses pensées et ses tourments, ses désirs de vengeance et sa soif de sang.
Mais grâce à cet idiot, elle allait sortir, être libre, et fuir cette planète une fois sa vengeance accomplie avant de retrouver les membres de son clan et de les ramener à leur monde légitime.
« Qu'est-ce que c'est que ces trucs, derrière ? » fit un des soldats alors qu'il pointait les moignons d'ailes qu'elle avait dans son dos.
Ah oui… Ça… Ses ailes que les Chevaliers de Minerva avaient tellement abîmées qu'elle avait dû être obligée de se les arracher pour continuer à combattre ! Et comme ça s'était passé peu de temps avant son scellement, elles n'avaient pas pu se régénérer comme il le fallait pendant ces siècles… et repousser pour montrer la couleur de son âme. Quoique cela représentait un avantage pour elle : ils ne sauraient pas qu'elle était devenue une adversaire terriblement redoutable, telle une prédatrice qui a tiré des leçons de sa défaite. Elle était peut-être aveugle – temporairement –, mais pas sourde.
Ce scientifique allait sûrement présenter l'histoire de ces petits rats de Cetras devant elle, et bien qu'elle ne soit pas une élève, elle allait écouter avec la plus grande attention…
« Je crois que c'est ce qu'il lui reste d'ailes. » fit le professeur, songeur. « J'ignorais que les Anciens en possédaient, mais bon, après tout, ce peuple est assez mystérieux sur beaucoup de choses. Leur technologie, comment ils utilisaient leurs pouvoirs…
- Il faut peut-être nommer cette Cetra, non ? » suggéra un homme.
« C'est vrai. » souffla Gast avec un sourire. « C'est la première fois que je découvre le corps de l'un d'entre eux, et en relativement bon état. Surtout que même si je ne suis qu'un simple être humain, il émane d'elle quelque chose de… divin presque, un peu comme ces dieux dans les matérias d'invocations.
- C'est vrai… » fit un autre homme, songeur.
« Je pense que je vais l'appeler Jenova. » déclara le scientifique. « C'est un dérivé de Jehovah, qui signifie « Dieu » selon un écrit Cetra. »
Dans la prison magique, « Jenova » dut retenir un rire tellement sa situation atteignait des absurdités : non seulement on croyait qu'elle faisait partie du peuple de ses ennemis, mais en plus, on lui donnait un nom à consonance divine ! Bah, elle le prendrait. Après toutes ces années à ressasser le celui de sa fille et de celui de son assassin, elle avait oublié le sien… Elle sentit qu'on la bougeait et soupira mentalement, soulagée. Bientôt, elle sortirait de là. Bientôt… elle allait se venger de Gaïa. Elle devait avoir un plan, et ce dernier se ferait suivant ce qu'elle apprendrait plus tard de la part de ce scientifique idiot. Il allait beaucoup parler en sa présence, elle le sentait.
Cette découverte fut fêtée dans la joie et la bonne humeur. Tout le monde félicitait Gast pour sa trouvaille, mais le professeur, gêné, préférait répéter maintes fois que c'était grâce à Kolt s'il avait trouvé Jenova et ce temple dédié en sa faveur. Selon d'autres écrits qu'il avait découverts sur place, elle était vénérée comme une déesse de la mort, au même titre qu'Hadès.
Un gémissement lugubre interrompit très brièvement la fête, et les humains qui l'entendirent sentirent comme de l'eau glacée traverser leurs os. Comme si quelque chose de dangereux venait d'être réveillé. Mais, trop excités par leur trouvaille, ils ne mirent pas cela sur le compte de la délivrance de la nouvelle nommée Jenova.
Ces pauvres idiots en paieraient le prix fort bien plus tard…
1) Liongres : Terme inventé pour l'espèce de Nanaki. Mélange de lion (pour la crinière) et de tigre (pour la souplesse de ces animaux). Bon, bien sûr, ils peuvent hériter cette souplesse de guépards ou de panthères, mais lionpards ou lionthères, ça ne sonne pas bien…
2) « Vous divisez quatre-vingt-dix par trois et ça vous donne l'équivalent en âge humain, par conséquent trente ans » : J'ai vérifié avec l'âge de Nanaki, c'est du sûr. Bugenhagen nous dit qu'il a seize ans en âge humain, et Nanaki a quarante-huit ans d'existence. Vous divisez quarante-huit par trois et hop, tadaaaaaaaaa, il a seize ans !
3) Kenmei : en japonais, signifie sagesse, clairvoyance.
