LE CHANT DE LA PLANETE
LIVRE I : ORIGINES
CHAPITRE V
DES PROJETS AMBITIEUX
Era 1967
« Le projet est le brouillon de l'avenir.
Parfois, il faut à l'avenir des centaines de brouillons. »
Jules Renard
Merci à Volazurys, Melior, Lunagarden et Minea Line (tiens, une nouvelle^^) pour leurs reviews qui m'ont fait très plaisir.
J'ignore si je pourrai vous délivrer le chapitre VI durant ce mois, hélas :/. Les semaines suivantes risquent d'être un peu agitées, entre les cadeaux d'anniversaire (celui de mon père) et de Noël à acheter, une commission-cadeau à faire, un rendez-vous chez l'ophtalmo pour changer mes verres ... sans compter que le prochain chapitre n'est pas facile à taper parce qu'il y a une bataille à l'intérieur. Entre ça et le fait que ma bêta va elle aussi être bien plus occupée de son côté, je ne tiens pas à la surcharger de travail^^; ... Je vais faire au mieux pour que vous l'ayez ce mois-ci, mais je ne garantie rien. Au pire, vous aurez deux chapitres courant janvier, puisque le chapitre VII est déjà tapé (mais pas encore bêta-lu.
Je vais tâcher de vous sortir au moins l'OS sur Loz ce mois-ci.
Manoir Shinra de Nibelheim, 1er juillet, era 1967
Dans le salon du manoir Shinra, de nombreuses personnes étaient assises autour d'une table. En tête de celle-ci se trouvait l'actuel président de la Shinra, Herbert, le fils de Rufus. Ce dernier avait cassé sa pipe à soixante-quinze ans, suite à un arrêt cardiaque il y a cinq ans, et son descendant avait hérité de la société. L'homme était âgé de quarante ans. Sa stature forte, commune à tous les hommes de la famille, impressionnait quiconque était en sa présence. Une moustache bien fournie accentuait son côté imposant. Ses yeux bleus étaient perçants, comme s'ils étaient capables de lire dans l'âme de ses interlocuteurs, ce qui rendait ces derniers mal à l'aise.
Côté affaires, l'homme était un très bon négociateur. Bien entendu, le fait que ses concurrents les plus féroces aient été menacés de mort, ou pire, tués par d'étranges hommes en habits noirs comme la nuit s'ils refusaient de coopérer, n'était qu'un curieux hasard…
À sa droite se tenait un jeune homme de 20 ans, aussi blond que lui, vêtu dans un costume rouge impeccablement repassé. Il s'agissait de son fils aîné, Anton Shinra, et actuellement vice-président de la Shinra. Un peu moins imposant physiquement que son père, cependant, le plus jeune montrait déjà un esprit calculateur qui plaisait au dirigeant de la société d'armement.
Anton avait notamment conseillé ce dernier pour la création du département des TURKS. Il disait qu'un homme aussi important et puissant que son père méritait une meilleure escorte que le SOLDIER. Une escorte létale, mais extrêmement fidèle envers lui, et capable d'agir là où l'armée ne le pouvait pas : assassinats, kidnapping, espionnage, infiltration...
L'homme aux côtés du successeur d'Herbert fumait tranquillement un cigare tandis qu'il toisait les personnes en face de lui, l'air passablement ennuyé. Habillé de la même manière qu'Anton, ses vêtements étaient moins soignés… plus froissés. Francis Shinra n'était pas là pour le plaisir ou pour jouer le fi-fils fidèle à son papa. Il était le frère cadet d'Anton de deux ans et par conséquent le moins important dans la hiérarchie familiale. Herbert lui avait cependant demandé de venir pour qu'il lui rende un service après l'entretien avec ses invités spéciaux. Ça le gavait de poireauter un petit moment en compagnie d'intellos coincés pour savoir ce que le vieux lui voulait, mais bon…
D'ailleurs, parlons de ces savants…
L'homme à la gauche d'Herbert était le docteur Gast, celui qui avait dévoilé l'existence de Jenova. La trouvaille de cette dernière avait permis au département scientifique de faire d'incroyables avancées sur les recherches des Cetras. Du moins, c'était ce qu'ils pensaient à l'époque. Lorsqu'ils commencèrent leur étude, ils furent abasourdis en découvrant que Jenova… était encore en vie ! Cela avait stupéfié les scientifiques de la voir respirer alors qu'ils étaient occupés à l'autopsier. Ils n'avaient pas effectué d'examens préliminaires pour déterminer si elle était vivante ou non. En même temps, une personne scellée dans de la glace, on ne pouvait pas s'attendre à ce qu'elle survive…
Autant dire que sentir qu'un scalpel lui ouvrait le ventre n'avait pas fait plaisir du tout à leur « cadavre » : le médecin légiste et ses assistants s'étaient tout d'un coup mis à hurler à la mort, à empoigner n'importe quel objet qui pouvait faire office d'arme, et à s'entretuer les uns les autres, le regard fou.
Gast fut informé de l'incident grâce au garde qui surveillait les lieux, alerté par les hurlements qu'il entendait de l'extérieur de la pièce. Inquiet suite à ce qu'il s'était passé, le scientifique ordonna qu'on referme sa découverte après s'être excusé auprès de la Cetra à plusieurs reprises, profondément désolé de cette erreur d'inattention qu'il aurait dû détecter. Hélas, le travail fut mal effectué par l'un de ses assistants, un dénommé Hollander. Une partie de ses organes resta à l'extérieur de son corps, ce qui obligea le département scientifique à la placer dans une capsule de stase pour la maintenir en vie. Pendant huit longues années, ils avaient pourtant fait des découvertes capitales.
Jenova était dotée d'une capacité de régénération cellulaire incroyable. Elle guérissait en cinq secondes d'une petite coupure, jusqu'à dix minutes pour une blessure censée être mortelle, auquel cas elle se plongeait instinctivement dans un profond sommeil pour ralentir sa mort. Les ondes cérébrales qu'ils avaient mesurées chez elle à l'aide d'électrodes étaient extrêmement fortes, ce qui impliquait qu'elle possédait une très grande puissance magique. Sans doute était-ce pour cela qu'elle portait des bijoux en bois de lunarbre, délicatement ouvragés, qui lui avaient été ôtés avant que l'autopsie ne tourne au vinaigre.
D'après ce qu'il avait compris en traduisant les runes Cetras gravées dessus, ils étaient utilisés pour sceller la puissance magique. Pourquoi ? Il l'ignorait, mais supposait que du fait de sa force psychique, Jenova avait sûrement fait faire fabriquer des sceaux pour éviter que son aura n'assomme les Cetras plus faibles. Peut-être qu'au bout de quelques années, ces derniers ne parvenaient plus à contenir sa puissance, ce qui l'avait obligée à faire appel à ses pairs pour en forger des nouveaux, plus efficaces ?
Une autre chose qui les avait étonnés, c'était que malgré deux millénaires, elle semblait les comprendre, car dès qu'il y avait une théorie boiteuse prononcée par l'un d'entre eux, le moniteur qui mesurait son activité cérébrale émettait des pics agressifs et tonitruants. Pourtant, leur langage était différent de celui des Cetras…
Mais la compétence la plus stupéfiante de toutes était qu'apparemment, même hors d'elle, les cellules qu'ils étudiaient paraissaient être mues d'une existence propre, mais reliées néanmoins entre elles par un moyen encore indéterminé pour délivrer des informations.
Cependant, cette puissance et ces capacités phénoménales prenaient un lourd tribut de leur hôte en échange : il fut découvert que Jenova ne pouvait plus donner la vie, ni l'abriter… ou presque. Un seul de ses ovules s'avéra viable, et avait été cryogénisé, ainsi que des cellules prélevées dans le cortex cérébral de leur trouvaille, les plus importantes pour augmenter les chances de créer des êtres comparables à elle. Si Gast et ses quatre assistants étaient présents à cette table, c'était pour donner les conclusions de leur étude et des expériences sur Jenova.
Parlons d'ailleurs de ses collègues.
Le premier, appelé professeur Hollander, était un homme barbu aux cheveux noirs coupés au carré, relevés sur les côtés. En dessous de sa blouse immaculée, on pouvait voir un t-shirt orange vif avec le nom de Banora en blanc dessus, village dont il était originaire sur le continent de Mideel, au sud de Gaïa. Banora se trouvait à l'ouest de Mideel, la capitale. Il se grattait de temps à autre un mollet de son pied chaussé d'une sandale, et fixait parfois d'un œil assassin un autre homme un peu plus loin.
Le second assistant, assis à ses côtés, était en réalité une femme. Et pas n'importe laquelle : elle était l'épouse d'Hollander, une dénommée Gillian. Habillée plutôt simplement sous sa blouse, ses cheveux noirs étaient coupés court de manière à ce qu'elle ne soit pas dérangée pendant qu'elle travaillait. Elle aussi était originaire de Banora.
Pour ce qui était du troisième, celui qu'Hollander foudroyait du regard, c'était un homme. Celui-ci mettait la plupart des gens qu'il rencontrait mal à l'aise dès qu'ils croisaient ses yeux bruns derrière ses lunettes rondes. Sans parler de son rire, digne des plus grands scientifiques fous. Natif de Wutaï, et plus précisément d'une ville appelée Seian (1), située au sud du continent, le professeur Hojo était une personne plutôt prometteuse dans le département scientifique. Ses cheveux noirs et un peu longs, qui lui arrivaient aux omoplates, étaient noués en un catogan lâche. Légèrement voûté, cependant, l'homme savait s'imposer d'une certaine manière et ne se laissait pas marcher sur les pieds. Son intelligence était particulièrement retorse… et Hollander s'était fait remettre à sa place plus d'une fois par l'individu.
Quant à la dernière personne, il s'agissait aussi d'une femme. Elle venait de Wutaï, tout comme Hojo, mais pas du même endroit, car elle habitait autrefois au nord du pays dans un village appelé Kusanagi (2). Son visage était fin et sévère, quelque peu osseux. Ses yeux, aussi noirs que du charbon, n'émettaient aucune once de chaleur et ses cheveux ébène étaient coiffés en un chignon simple. Elle portait des lunettes ovales qui accentuaient son regard strict.
Ces deux dernières personnes avaient été bannies à vie du continent de Wutaï, en raison de leur attrait pour la science. Shin Kisaragi, l'actuel dirigeant du pays, refusait qu'on effectue des actes scientifiques sur ses terres. Pour lui, la nature était sacrée et ne devait en aucun cas être modifiée artificiellement, ce qui avait fait renifler de mépris les deux belligérants. Quel intérêt y avait-il à rester dans des traditions séculaires, à ne pas évoluer ?! Le seigneur féodal leur avait alors rétorqué qu'il préférait laisser la nature les guider dans leur changement.
Les deux scientifiques, convoqués ensemble le même jour, s'étaient regardés, puis avaient fixé leur dirigeant d'un œil goguenard, avant de lui déclarer que si c'était comme ça, ils allaient proposer leurs services à des personnes qui sauraient reconnaître leurs talents. Ce fut ainsi que la Shinra accueillit ses premiers ressortissants wutaïens au sein de son quartier général, originellement implanté à Nibelheim.
Revenons-en à nos chocobos, ou devrais-je plutôt dire à ce meeting assez important qui allait considérablement changer l'histoire de Gaïa.
Lorsqu'il apprit que les conclusions de l'étude de Jenova s'étaient achevées, Herbert avait aussitôt convoqué les scientifiques qui l'avaient analysée le plus tôt possible. Ce fut ainsi qu'en ce 1er juillet de l'année 1967, les professeurs furent invités au Manoir Shinra pour discuter des projets à venir concernant les résultats obtenus de la recherche sur la Cetra.
« Je déclare officiellement cette réunion du premier juillet 1967 ouverte. » annonça le Président de la Shinra d'une voix puissante, imposante, afin d'attirer l'attention sur lui.
Sa secrétaire, une petite brune timide avec des lunettes et vêtue d'un tailleur bleu-marine, commença à prendre note du déroulement de l'entretien.
« Bonjour à tous, scientifiques de la Shinra. Je vous remercie d'être venus à cette réunion.
- Ce n'est rien, monsieur le Président. » fit le professeur Gast d'une voix humble. « Je suis heureux d'être ici pour vous rendre les conclusions de notre étude, et mes assistants aussi.
- J'espère que ces huit années vous ont été profitables, messieurs-dames. Je serais très contrarié d'apprendre que ces gils investis dans votre département aient été dépensés en vain pour l'achat de matériel scientifique extrêmement coûteux.
- Croyez-moi, monsieur, ils ont été utiles. » grogna Hollander, avant de s'excuser dans un marmonnement lorsque le chef de leur équipe lui adressa un regard d'avertissement.
Mettre en colère Herbert Shinra n'était jamais bon signe pour la vie de l'inconscient qui l'avait défié… et Gast le savait parfaitement. Le dirigeant de la société d'armement, cependant, ne tint pas rigueur de l'interruption grossière de son invité, et fit signe au supérieur scientifique de commencer son exposé, au grand soulagement de ce dernier.
« Comme l'a dit l'assistant Hollander, les gils que vous avez injectés à notre département n'ont pas servi à rien. Nous avons considérablement avancé dans nos recherches grâce à ça.
- Ne me faites pas languir, Gast. Qu'avez-vous découvert ? » fit le Président d'un ton sec.
Le scientifique grimaça mentalement. Il n'aimait pas être coupé ainsi, mais il comprenait que son patron attendait avec impatience ses résultats. Huit ans, c'était long… surtout pour étudier une trouvaille aussi excitante !
« N'ayant, hélas, pas pu rencontrer d'autres Cetras pour confirmer mes hypothèses, je pense cependant affirmer, avec une probabilité de soixante-quinze pour cent, que Jenova est une Ancienne.
- Pourquoi n'est-ce pas à cent pour cent ? » s'enquit Herbert tandis qu'il fronçait les sourcils, quelque peu contrarié à l'idée que Jenova ne soit peut-être pas une Cetra.
- Elle ne leur ressemble pas physiquement, selon les rares écrits qui les décrivent. Mais nous pensons qu'elle en était peut-être une de rang supérieur. Sans doute la dirigeante d'un clan assez puissant, bien que nous ignorons lequel. Ou bien la grande prêtresse du temple que nous avons découvert dans les falaises de Gaëa. D'après ce que j'ai lu, certains Cetras qui avaient ces postes étaient assez différents d'apparence. » répondit Gast, légèrement nerveux à la pensée d'énerver le Président.
Cependant, ce dernier lui fit signe de poursuivre, songeur. Le scientifique s'exécuta derechef, encouragé par le geste de son dirigeant.
« Les ondes cérébrales de Jenova sont extrêmement puissantes, ce qui nous laisse supposer que sa magie doit être exceptionnellement forte. Peut-être que c'est ce qui l'a maintenue en vie durant ces deux millénaires.
- Hm… Cela fait beaucoup de peut-être… » soupira Herbert. « Y a-t-il quelque chose dont je puisse être sûr ? Comme l'exploitation de ses cellules pour créer artificiellement des Cetras ?
- Eh bien… Nous pensons que oui. » acquiesça Gast, songeur. « Ses cellules semblent s'adapter à tout type d'environnement et sont visiblement viables, même en plein air. Nous les avons testées sur des souris qui ont développé une intelligence plus supérieure à la normale une fois que nous les avons traitées. Elles ont réussi à déjouer tous les pièges, même les plus sophistiqués, pour atteindre le fromage.
- Melle Trent, veuillez allumer le vidéoprojecteur. » ordonna le Président à la secrétaire qui s'exécuta immédiatement après que le scientifique lui eut donné la cassette vidéo de l'expérience mentionnée.
Sur l'écran, on pouvait voir trois souris dans des box différents, ainsi que le contenu de leurs pièges.
Dans la première boite, il y avait un bac encastré dans le « sol », rempli d'acide sulfurique, Hollander avec un marteau qui frappait à intervalle régulier le chemin vers l'objectif de l'animal et une tapette à souris, sur laquelle se tenait le fameux fromage. Le rongeur s'était coupé la queue, puis malgré la douleur, s'était ensuite positionné sur l'extrémité du bac et s'était presque laissé tomber dedans. À l'aide de ses pattes avant, elle s'était agrippée au bord et se déplaçait sur le côté, comme un de ces légendaires ninjas de Wutaï, sous les yeux ronds des Shinra.
« Mais qu'est-ce que… ? » souffla Francis, complètement estomaqué par le début du déroulement de l'expérience et le comportement du rongeur.
« C'est incroyable ! » s'exclama Anton, admiratif. « Elle s'est amputée de la queue et pourtant, elle se moque de la douleur !
- Nous pensons que le cerveau a sécrété énormément d'endorphine à ce moment-là, afin qu'elle ne ressente aucunement la souffrance. » commenta Gast, tandis que sur l'image, l'animal, malgré son arrière-train qui crachotait du sang, se dirigeait vers le passage martelé.
Hollander, sous l'ordre de Gast sur la vidéo, accéléra un peu le rythme, tandis que le rongeur observait avec attention ce dernier, avant de trottiner à vive allure lorsque le marteau frappa le sol. La souris put ainsi rejoindre l'autre côté sans encombre pendant que l'outil se levait.
« Stupéfiant… mais vraiment intéressant… » émit Herbert, pleinement concentré sur ce qu'il voyait.
Ooooh… Il avait bien une idée de comment se servir de ces futurs Cetras créés artificiellement. Enfin… s'ils pouvaient être encore plus intelligents que cette souris. Il n'avait pas l'intention d'obtenir une armée de rongeurs ! Comment pourraient-ils tuer des humains 20 fois plus grands qu'eux ? Certes, ils pouvaient attaquer en groupe… mais un seul humain. Il lui fallait des soldats bien plus vifs que ces souris.
Le dernier piège fut démantelé avec une facilité déconcertante. L'animal n'avait juste qu'à avancer l'appareil à l'aide de son museau vers le « mur » de la boîte. Lentement, mais sûrement, au fur et à mesure des secousses, le déclencheur se baissa. Le « CLAC ! » qui s'ensuivit fit sursauter les membres de la tablée. La tapette s'était activée, mais le rongeur, du bon côté du piège, ne fut pas atteint. Il grignotait même le fromage avec bonheur.
« Incroyable… » souffla Herbert.
« Leurs capacités cognitives et sensorielles sont sensationnelles. Et pourtant, ce n'est pas peu dire avec les rongeurs. » fit Hojo, fier. « Cela a donné le même résultat sur les deux autres souris, avec des pièges différents.
- Je vois… » rétorqua le Président, songeur. « Dites-moi, professeur Gast… Seriez-vous prêt à tester ces cellules sur quelque chose de plus grand ?
- C'est-à-dire, monsieur le Président ? » s'enquit Gast, mi- curieux, mi-appréhensif.
« Pensez-vous que des êtres humains pourraient produire le même résultat que ces rats ?
- Je n'ai jamais testé sur un être humain, mais je doute que cela fonctionne. Ou alors… » fit-il, pendant qu'il réfléchissait.
« Ou alors quoi ? » demanda Herbert.
« C'est contraire à l'éthique, mais… peut-être essayer cela sur des enfants ou des adolescents… Le corps humain cesse de grandir une fois adulte. Si nous pouvons donner quelques cellules à des personnes en pleine croissance, peut-être s'adapteront-elles.
- Ou des embryons. » fit Hojo.
Son supérieur grimaça. Bon sang, celui-là…
« Assistant Hojo, il n'est pas question que nous fassions des expériences sur des…
- Poursuivez, Hojo. » l'invita le Président.
« Monsieur le Président ! » s'exclama Gast, outré que l'homme semble encourager l'idée de son assistant.
Expérimenter sur des enfants qui n'étaient pas encore nés, ça relevait du délire pur et dur, limite des idées provenant d'un savant fou ! Ils n'avaient même pas le droit à la parole ! D'accepter ou de refuser ce qu'on allait leur faire ! Le scientifique voulait que les sujets soient conscients des risques encourus, qu'ils aient le loisir de choisir de subir ou non l'expérience !
J'appréciais énormément Gast pour cela, d'ailleurs. Son côté philanthrope… humain. Il avait toujours été gentil avec nous. Il tenait à nous donner une enfance décente, pleine d'études, certes, mais aussi de jeux et de rires. Il nous faisait oublier de ses pitreries et des récits de ses voyages les expériences que nous subissions. Il nous laissait rêver d'une vie hors des locaux de la Shinra. Il nous avait même emmenés en promenade, bien qu'elles fussent rares. Hélas, il a fallu qu'il…
Par le chaudron d'Hadès, je recommence à divaguer…
« Il s'agit, pour cela, de trouver des couples qui veulent des enfants. » poursuivit Hojo, un sourire qu'on pourrait qualifier de vicieux sur les lèvres. « Ensuite, nous leur proposerons de participer à l'expérience, avec un suivi régulier de l'évolution du spécimen à venir pour éviter de fâcheuses complications.
- Il ne faudra pas beaucoup de couples, comme c'est un essai… » fit Gillian, songeuse. « Peut-être deux ou trois.
- Personnellement, je serai pour tenter l'expérience. » souffla Hollander.
Sa femme le fixa avec intensité, puis sourit légèrement.
« Ce sera avec plaisir. Si je peux donner naissance à un Cetra, je serai heureuse de voir ce qu'il peut faire ensuite quand il sera plus grand… S'il sera aussi sage et avisé que nos ancêtres…
- Gillian… » émit Gast, la gorge nouée d'appréhension. « Vous parlez d'un enfant… votre futur enfant…
- Je sais, professeur Gast. Ne vous en faites pas. » répliqua-t-elle avec un sourire, le regard déterminé.
« J'aimerai cet enfant. Je lui donnerai tout l'amour et l'affection qu'il mérite. Je ne le considérerai pas comme un spécimen, mais comme mon fils ou ma fille. Je prendrai soin de lui. Il aura le choix de son destin. »
Son supérieur la fixa avec intensité, puis baissa les armes avec un soupir. Gillian paraissait être extrêmement déterminée à avoir cet enfant et à tenir parole. Ça le rassurait… un peu.
« Très bien… Puisque vous semblez savoir ce que vous faites… Et vous, Hojo, Kishiro ?
- Je trouverai bien une volontaire pour ma part. » soupira l'assistant.
« Personnellement, je pense exploiter cet ovule cryogénisé. » annonça Takako. « Je veux en être la mère porteuse. Il me faudra juste un donneur masculin, mais je suis prête à tout pour l'avoir. » acheva-t-elle, une étincelle froide dans le regard.
Gast sentit un frisson glacé traverser sa nuque, ce qui lui donna la chair de poule lorsqu'il vit cet éclat. Ce dernier eut sur le coup un très mauvais pressentiment, et se promit de surveiller l'évolution de ces trois projets si cela se faisait. Depuis qu'ils avaient étudié Jenova, ses assistants avaient changé… Il le sentait confusément… et il culpabilisait.
« Très bien, nous engloberons ces trois branches pour le projet Jenova, mais chacun devra travailler de son côté, si tel est votre désir. » soupira-t-il, vaincu par l'entêtement de ses élèves – et surtout par le regard d'Herbert qui lui déconseillait de refuser leurs propositions. « Vous me transmettrez le nom de vos projets respectifs demain, après que Jenova soit définitivement scellée.
- Entendu. » acquiescèrent les scientifiques.
« Nous sommes donc d'accord ? » fit le Président, qui avait préféré laisser les savants discuter de ce sujet entre eux.
Les détails techniques, très peu pour lui.
« Oui, monsieur. » confirma Gast, bien qu'il songeât au fond de lui qu'il cautionnait une énorme erreur.
Il allait tout faire pour que ces expériences ne soient en aucun cas cruelles et qu'elles ne défieraient pas l'éthique. Il avait déjà encorné ses propres règles, il était hors de question de poursuivre sur cette lancée ! Mais le professeur sentait hélas qu'il aurait sûrement à se battre contre ses assistants, dont les yeux brillaient d'excitation. Nul doute que dans leurs têtes, leurs cerveaux tournaient déjà à plein régime pour optimiser les chances d'avoir un futur Cetra. Son visage s'assombrit. À croire que Jenova leur avait influencé l'esprit…
« Bien, ce sujet est donc clos. » annonça Herbert. « Professeur Gast, Hollander, Gillian, Hojo et Kishiro, vous pouvez vous retirer. »
Les scientifiques acquiescèrent, se levèrent, et s'inclinèrent respectueusement devant lui avant de le laisser seul avec ses fils et sa secrétaire.
« Bien… que penses-tu de ce projet, fils ? » fit le Président, s'adressant clairement à Anton tandis que Francis soufflait discrètement d'agacement.
Il n'aimait pas être ignoré, même s'il était le petit dernier de la famille.
« C'est assez ambitieux. » admit l'aîné, songeur. « Mais j'avoue que j'ai hâte de voir ces futures merveilles, si les expériences réussissent.
- Honnêtement, je doute qu'Hollander y parvienne. » grimaça le paternel. « Il m'a l'air d'être un incompétent fini, en plus d'être négligé. À croire qu'il ne connait pas l'étiquette.
- Bah, c'est un scientifique, père, faut pas s'attendre à ce qu'il porte un costume à 10 000 gils. » renifla Francis, méprisant.
Il n'aimait pas ces intellos, toujours à faire leurs coincés et leurs excentriques…
« Tu as raison, Francis, mais les autres étaient bien mieux habillés. » soupira le futur héritier de la Shinra.
« Hmpf.
- Passons. Francis, j'aurai un service à te demander. » fit Herbert.
« Quoi ? » grogna le cadet, lassé d'avance d'une conversation qu'ils avaient chaque semaine. « Mère s'est encore plainte que je ramène des filles à la maison ?
- Non, ce n'est pas pour cela. » rétorqua le Président. « Même si ça ne me réjouit pas trop que tu joues les Casanovas.
- Tu ne sais pas t'amuser… Pas étonnant que tu sois aussi coincé du …
- Achève cette phrase et tu ne verras pas le soleil se lever demain. » siffla le dirigeant, appréciant peu de se faire insulter.
« Excuse-moi… » souffla le plus jeune à contrecœur.
Il ne voulait pas avoir les Turks sur le coin de la gueule.
« Tu me veux quoi ?
- J'ai appris que tu faisais affaire dans le business souterrain de Junon.
- Tu veux que j'arrête, c'est ça ? » grimaça Francis.
Dommage. Il s'amusait bien à agir dans la plus parfaite illégalité… comme un défi à l'autorité d'Herbert.
« Non, au contraire… » nia son père. « Tu sais que j'ai une vue sur ces villes rassemblées près de Kalm…
- Ah, oui… Ton projet Midgar… » soupira son interlocuteur.
Ce projet… Ça faisait une décennie que le patriarche en parlait. Ça l'obsédait de créer un fief puissant et craint par ces petits villages, en dessous de ce qu'il prévoyait : une Tour qui défierait les cieux… Qui plus est, il avait appris que les lieux étaient extrêmement fertiles. Et qui disait fertiles, disait abondants en énergie Mako.
« Exact. J'aimerais que tu deviennes mes yeux et mes oreilles dans le domaine underground.
- Bah voyons… » grommela-t-il. « Et qu'aurai-je en échange ?
- Je fermerai les yeux sur tes activités, tant que tu m'apportes une partie de tes gains. 50/50.
- Dans ce cas, j'ajoute une clause à ce marché. » fit Francis.
« Laquelle ? » s'enquit Herbert, suspicieux.
Il se méfiait pas mal de ses propres enfants… La fourberie était profondément ancrée dans le sang de ces bâtards – hum, pardon, je voulais plutôt dire de cette famille.
« - Je sais que je n'hériterai jamais de la société, et honnêtement, je ne souhaiterai pas la reprendre. Je désire juste que toutes les preuves sur le fait que je sois relié à la famille soient connues uniquement du Président actuel pour éviter les fuites. Je sais très bien que si on a des ennemis, je pourrais être une cible potentielle, et être menacé de mort. Je prendrai un autre nom par sécurité.
- Très bien. Melle Trent, vous rédigerez un contrat de partenariat entre moi et mon fils Francis. » ordonna le Président.
« Oui, monsieur le Président. » souffla la secrétaire, respectueuse.
Le reste de la réunion familiale fut plutôt portée sur l'aspect financier de la société et les futures alliances à faire. L'une d'entre elles concerna Anton, qui accepta de se marier avec une femme bourgeoise de Junon, une certaine Erinia. Celle-ci dirigeait une société publicitaire de très bonne réputation, ce dont les Shinra avaient besoin.
Celle qu'ils faisaient attirait des clients, certes, mais… Sans les commandes d'escorte pour leurs SOLDIERs, cela aurait fait depuis longtemps qu'ils auraient mis la clé sous la porte. Leur méthode pour avoir de futurs acheteurs était plutôt moyenne, les Shinra n'ayant jamais fait de publicité. Le bouche à oreille fonctionnait très bien à l'époque, mais ça s'atténuait, à présent. Les gens voulaient quelque chose de concret.
Le lendemain, Jenova fut définitivement scellée après que les scientifiques eurent prélevé quelques-unes de ses cellules pour la dernière fois.
Du moins, l'espéraient-ils.
Ce qu'ils ignoraient, c'était que la Calamité des Cieux jubilait malgré le fait qu'on posait une statue de mithril devant elle. Ce métal était capable de disperser les ondes mentales, ce qui la bloquait pas mal si elle désirait agir à longue distance. Les ouvriers avaient placé cette statue sur l'ordre de Gast, qui voulait éviter le drame de la salle d'autopsie. Il aurait bien aimé lui remettre les bijoux, mais tenait à les garder de côté pour les étudier encore un peu. Qui sait, peut-être trouverait-il un jour un ou une Cetra qui pourrait l'aider dans ses recherches…
Cependant, cette contrariété n'empêcherait pas Jenova de se libérer un jour de ces salopards d'humains, et de se venger de leurs tests. Elle avait planté les graines de son plan dans les esprits les plus vulnérables de ces imbéciles.
Elle allait provoquer leur propre perte.
Il lui suffisait d'être patiente. L'une de ses futures merveilles la trouverait bien un jour ou l'autre… Elles ne pouvaient pas renier leur héritage. Et cet idiot de chef des chercheurs ne jugerait sûrement pas qu'elles seraient aussi dangereuses qu'elle, ce qui allait être une erreur monumentale.
Elle rirait bien quand tout commencerait…
Quand sa famille serait créée.
1) Seian : Nom tiré du jeu Okami. Il s'agit d'une capitale imposante dans le Nippon ancien.
2) Kusanagi : Tiré du même jeu. C'est un village de montagne (mais où il ne neige pas) sous la bénédiction du vent et des guerriers canins Satomi, qui protègent et Kusanagi, et la prêtresse Fuse. J'aurai pu mettre Kamui (lui aussi un nom de village de montagne… mais où il neige cette fois-ci), mais je trouvais que le nom était trop… comment dire… trop gentil par rapport au personnage de Takako. Kusanagi, ça fait un peu plus dur, je trouve.
