CHAPITRE VI
LE COURAGE DES LIONGRES
Era 1967
« Le vrai courage, c'est la prudence »
Euripide
Merci à Melior Silverdjane et Lunagarden pour leurs commentaires qui me font toujours autant plaisir à lire^^. Je ne suis pas sûre de pouvoir délivrer le chapitre 7 dans le même mois, comme il y a une bataille à écrire (oui, je suis maso^^;). J'aurai bien voulu pouvoir le faire et le diffuser avec celui-ci comme cadeau du nouvel an. Sans compter que j'ai la conclusion de la Louve et le Colosse à faire, et deux OS dans le fandom Kingdom Hearts qui me harcèlent ... Eux aussi ne seront peut-être pas diffusés ce mois-ci.
Mais je ferai au mieux, promis èé !
Cosmo Canyon, era 1967
Kenmei soupira légèrement. Elle fixait son fils de huit ans (du moins, pour un être humain; pour les liongres, il n'avait à peine qu'un peu plus de deux ans) en train de tourner en rond, qui essayait de mordre sa propre queue par jeu. Malgré l'insouciance de son petit qui attendrissait son cœur de mère, elle était inquiète.
D'après certains habitants à deux pattes, un clan d'humanoïdes, les Gis, s'approchait de plus en plus du Cosmo Canyon, et leurs intentions n'étaient clairement pas pacifiques : les rares champs du canyon étaient dévastés, les élevages, empoisonnés… On racontait même qu'ils attaquaient des voyageurs !
Et dire qu'ils étaient des Cetras à l'origine… Ils vénéraient Hadès à la limite du fanatisme le plus extrême. Certaines rumeurs prétendaient qu'ils priaient autant leur dieu protecteur que les démons, dont Taarhun, le plus célèbre et puissant d'entre eux.
Après tout Hadès, une fois invoqué, utilisait les effluves de son chaudron pour infliger des altérations d'état plutôt embêtantes à ses adversaires désignés. Quelques personnes pensaient même que le dieu était un Gi avant de partir à la guerre contre Jenova. Quand il revint sous cette apparence squelettique, les membres de son clan ne l'avaient pas craint; oh ça, non…
Ils étaient heureux qu'il soit juste rentré sain et sauf – enfin, plus ou moins – chez eux. L'homme leur avait enseigné tout son savoir sur les poisons avant de demander à ses pairs de le sceller en tant que matéria d'invocation, ce qu'ils firent. La requête n'était pas anodine : partout où il passait, les plantes se flétrissaient, les êtres vivants tombaient malades… pire, ils mourraient pour les plus faibles, comme les enfants et les personnes âgées. Ainsi, son aura empoisonnée et fatale serait bloquée avec lui.
Hélas, cette connaissance pervertit ces Cetras. Ils commencèrent à manger quelques plantes venimeuses, d'abord faiblement toxiques. Au fur et à mesure, ils cherchèrent des poisons plus puissants. Ils voulaient juste s'immuniser contre cette altération d'état à l'origine afin de protéger efficacement leur village… ce qui provoqua leur déchéance. Encore un clan respectable que Minerva fut obligée de renier, car les toxines des plantes brouillaient totalement leur esprit… Sans doute était-ce aussi à cause de l'aura d'Hadès, mais on ne pouvait pas régler ce souci au bout de deux millénaires… surtout quand les héritiers s'étaient accoutumés au poison que leurs mères ingurgitaient !
Les Gis étaient à l'origine chargés de s'assurer que les mourants soient apaisés au moment de passer de l'autre côté de la Rivière de la Vie. S'ils ne l'étaient pas, ils se transformaient en monstres… ou en fantômes vengeurs, fous de rage et de désespoir. Mais en tâchant de s'immuniser contre le poison dans l'espoir de créer leurs antidotes, ce peuple avait accéléré sa propre perte.
Leur physique changea davantage. Certes, leur forme restait humaine, mais ils étaient à présent plus maigres, rachitiques, même. Leur peau était devenue bleue en raison de leur régime alimentaire, composé de plantes vénéneuses qu'ils cueillaient dans la Forêt Ancienne, ou des monstres toxiques comme les hegs, des serpents bruns avec une sorte de collerette autour de leurs têtes. Leurs corps s'étaient habitués au poison grâce à la bénédiction de leur dieu, qu'ils invoquaient une fois par mois pour la recevoir… ainsi que pour avoir d'autres connaissances sur le domaine inépuisable de ce dont ils s'immunisaient, insatiables qu'ils étaient.
Dépourvus de pupilles, leurs yeux étaient bleu électrique. Leur nez, réduit à deux fentes, comme ceux des serpents. Leurs dents, qu'ils limaient, paraissaient aussi pointues et tranchantes que celles des dragons de Nibelheim. Ils s'habillaient autrefois d'une tunique en peau de loup de cette région, mais leur laideur effrayait les créatures vivantes, ce qui les obligeait à porter des capes brunes en tissu élimées pour la dissimuler.
Enfin… Elle devait arrêter de penser à ces pauvres hères. Ils s'étaient déchus d'eux-mêmes… et on ne pouvait pas remonter dans le temps, quand bien même on le souhaiterait de toutes ses forces, pour réparer les torts.
« Nanaki… » fit-elle avec lassitude, ce qui stoppa net le manège de son fils, inquiet par le ton soucieux présent dans la voix de sa mère.
« Oui, mama ? » demanda le liongreau, intrigué.
« Tu devrais aller dormir. » fit-elle avec un petit sourire. « Le soleil s'est couché depuis longtemps.
- Mais je suis pas fatigué ! » s'exclama le petit, outré que Kenmei veuille l'envoyer au lit. « J'ai pas encore vu papa ! »
« C'est vrai qu'il met du temps à revenir… » songea-t-elle, préoccupée.
Mais elle ne voulait pas transmettre son inquiétude à son fils. Deux liongres stressés, c'était comme marcher sur la queue d'un heg…
« Papa doit être encore occupé à escorter des voyageurs, mon cœur, ne t'en fais pas. » le rassura-t-elle, apaisante.
Cependant, malgré son assurance, elle sentait que ce n'était pas normal. S'il y avait un problème, Seto l'aurait prévenue par tous les moyens possibles. Il n'était pas du genre à la laisser se ronger les sangs pour s'amuser. La seule et unique fois où il lui avait fait un coup comme ça, elle avait refusé de le laisser s'approcher d'elle pendant un an. Autant dire qu'il n'avait plus jamais recommencé… Heureusement, les liongres étaient fidèles et ne partaient pas voir ailleurs une fois leur compagnon ou compagne trouvé (e). De ce côté-là, ils étaient plus purs que les humains.
« À moins qu'il ne soit tombé sur des Gis… Non, impossible. Seto en a déjà affronté, et il a toujours su déjouer leurs traquenards. »
Soudain, un bruit grave et vibrant résonna, ce qui les fit sursauter. Une mélodie puissante, qui semblait faire frémir la terre elle-même, remuait les tripes de ceux qui la foulaient. Elle touchait les cœurs et les corps, les agitait, les avisait d'un danger imminent. Si Kenmei était humaine, cela aurait fait depuis longtemps qu'elle aurait pâli. Ce son était très rarement entendu, et pour cause : quand les liongres s'étaient installés dans le Cosmo Canyon, à l'origine, les villageois alertaient leurs protecteurs d'une attaque de monstres en soufflant dans une corne géante de Béhémoth Alpha.
Cela faisait des siècles qu'elle n'était plus utilisée pour un tel usage : elle servait uniquement lors de la fête de leur dieu protecteur, Ifrit, et sa mélodie ne s'entendait que lorsqu'ils reproduisaient la naissance des liongres. Ce jour-là, le son était modulé de manière à ce qu'il soit empli d'espoir, et non de danger. Pourtant, il n'y avait aucune célébration aujourd'hui, et ils avaient patrouillé le matin même pour éliminer les monstres aux alentours. En général, les créatures revenaient le lendemain, immuablement.
Des bruits de gens agités parvinrent à ses oreilles, et la porte s'ouvrit tout d'un coup sur Bugenhagen, essoufflé, le regard alerte. Derrière lui, les humains couraient en tout sens, des torches enflammées à la main, et désignaient tel ou tel endroit. Malgré son ouïe surdéveloppée, la mère ne sut pas ce qui se passait, et fixa le maire, intriguée et soucieuse. Pour qu'il y ait un tel remue-ménage, ça devait être grave…
« Kenmei ! Il faut que tu viennes, il y a une attaque de Gis !
- Quoi ?! » s'exclama-t-elle, stupéfaite par leur audace.
Jamais elle n'aurait pensé qu'ils se seraient autant rapprochés du Cosmo Canyon ! Leur peuple les tenait en respect !
« C'est impossible, la dernière fois, on les a vus du côté de la rivière !
- Il semblerait qu'ils aient pris confiance. Seto nous a prévenus, mais il paraissait inquiet.
- Il est là ? » s'enquit-elle, soucieuse, mais intérieurement soulagée que son époux soit en vie.
Elle s'était fait du souci pour rien.
« Oui, il organise notre défense.
- J'arrive. Tu peux prendre Nanaki avec toi, s'il te plait ? » demanda-t-elle.
« Bien sûr. » acquiesça le chef du village avec un petit sourire.
Kenmei fixa Nanaki avec intensité.
« Nanaki… Mama va aider le village à se protéger. Tu devras rester avec Bugenhagen.
- Je veux combattre avec vous ! » plaida le liongreau, suppliant.
« Ne dis pas de sottises, Nanaki ! » siffla la liongresse, le regard dur. « Tes crocs sont de lait, et tes griffes, petites ! Les Gis ne peuvent être neutralisés que par des liongres adultes et aguerris ! Et encore, leur sang est empoisonné ! C'est bien trop dangereux pour un liongreau, et tu n'as même pas appris à te battre !
- Mais… » souffla Nanaki d'une voix plaintive, les yeux implorants.
Il voulait vraiment les aider ! Il était sûr qu'il pouvait se rendre utile ! Cependant, le chef du village soupira, et décida de prendre la défense de Kenmei.
« Je sais ce que tu ressens, mais tu dois écouter ta mère, Nanaki. » fit Bugenhagen, le cœur un peu serré devant la scène.
Il comprenait l'enfant devant lui, qui désirait porter assistance aux siens, mais il était bien trop jeune pour guerroyer… D'après Kenmei, les petits étaient entraînés à l'art du combat à l'âge de six ans en âge liongre, soit 18 ans pour un humain. Et le liongreau qui lui faisait face n'avait que deux ans, presque trois point de vue mental… quant à lui, au contraire, il était trop vieux…
« Prends soin de lui, Bugenhagen, s'il te plait. » souffla Kenmei. « Soit j'irai le chercher, soit j'enverrai quelqu'un te prévenir quand l'attaque sera finie.
- Entendu. » acquiesça son interlocuteur, peiné.
Visiblement, la liongresse prévoyait tout, même le pire… Il savait qu'en tant que race sage, mais guerrière, les félins préféraient assurer leurs arrières. Mais tout de même, ça lui donnait un sacré coup au cœur de voir qu'ils voulaient parer à toute éventualité… même à la plus mauvaise alternative possible…
« Je suppose que Retkan est prévenu ?
- Oui, il organise notre défense avec ton mari. » confirma l'érudit.
Kenmei soupira de soulagement. Si quelqu'un était expert en stratégie, hormis Seto, c'était bien lui. Retkan était le représentant actuel des liongres. Il descendait de celui qui avait informé les habitants Cetras du Cosmo Canyon de leur origine et du destin tragique d'Ifrit, il y avait de cela bien des siècles. Les membres de la famille de Retkan avaient toujours choisi de diriger leur peuple, et les autres héritiers d'Ifrit ne s'y étaient jamais opposés. La sagesse de leur chef était exemplaire.
« Je vais le rejoindre, dans ce cas.
- Tu en es vraiment sûre ? » s'inquiéta Bugenhagen. « Si jamais tu venais à périr…
- Nanaki ira vivre avec Seto ou toi, si son père meurt aussi. » rétorqua la liongresse, neutre.
« … Très bien. » soupira le chef du village, vaincu.
Les liongres étaient extrêmement têtus. Il n'avait pas envie de se battre verbalement avec eux ce soir. Pas quand la situation du village était en péril. Les conflits internes n'avaient pas leur place en temps de guerre, et ça ne ferait que créer des brèches dans leur défense.
« Viens, Nanaki. » ordonna l'humain au liongreau, qui fixa sa mère, inquiet.
« Mama… » souffla le petit, le regard soucieux.
« Tout ira bien, Nanaki. » fit Kenmei, confiante. « Attends mon retour et cache-toi bien dans la maison de Bugenhagen. Je suppose que les autres liongresses ont pris la même décision que moi ? » s'enquit-elle.
« Oui. » acquiesça l'homme.
« Bien. Dissimule-les bien, surtout. » conseilla la mère, avant de bondir vers la sortie de sa grotte.
« Mama ! » l'appela son fils, ce qui la fit se retourner, curieuse.
« Oui, Nanaki ?
- Surtout, mords-leur bien le troufion ! » s'exclama le liongreau avec un sérieux tel qu'il fit pouffer de rire les deux adultes, amusés par la remarque.
« Compte sur moi, mon tout petit. » souffla-t-elle une fois qu'elle se reprit.
Elle lui lécha le museau, affectueuse. Le liongreau couina de surprise en réponse, et adressa un regard noir à sa mère.
« Maiiiiiiiiiiiis… Mamaaaaaaaaan ! Tu sais bien que j'aime pas ça, tu décoiffes ma crinière !
- Oups ! Je suis désolée, mon fils. » répliqua Kenmei, bien que son air démontrait qu'elle ne l'était pas, alors qu'elle gloussait.
Elle se retenait de rire devant l'apparence ébouriffée de son fils. Il lui rappelait Seto dans sa jeunesse, quand ils se chamaillaient gentiment dans le sable et la poussière de l'extérieur des grottes… Et puis l'adolescence était venue, avec leurs premiers émois, leurs doutes... Finalement, ils avaient atteint l'âge adulte, et ce fut là qu'ils avaient compris… qu'ils étaient définitivement inséparables. Qu'ils étaient des âmes cœurs. Pas âmes sœurs, non… âmes cœurs. Parce que l'un sentait qu'il était comme la moitié du cœur de l'autre.
« Tu devrais y aller, Kenmei. » lui conseilla Bugenhagen. « J'emmène Nanaki chez moi, promis.
- Merci, Bugenhagen. » souffla la liongresse, reconnaissante.
Heureusement qu'il y avait des gens de confiance au Cosmo Canyon… Elle se mit alors en chemin, passa par la porte d'entrée, et laissa le maire s'occuper de son fils. L'humain soupira une fois seul, puis caressa la crinière du liongreau.
« On y va, Nanaki ? J'ai quelque chose à te faire voir. » lui suggéra-t-il avec un petit sourire.
Il pouvait toujours lui montrer son laboratoire…
« Quoi donc, grand-père ? » demanda le susnommé, curieux, la tête penchée sur le côté tandis qu'il fermait les yeux de contentement sous la marque d'affection de son aîné.
« J'ai un planétarium enfin complet grâce à un ami. » répondit l'humain, amusé devant le regard émerveillé du liongreau.
Il devait sincèrement remercier le professeur Gast pour ça… Cet homme, malgré le fait qu'il était de la Shinra, venait souvent au Cosmo Canyon pour apprendre tout ce qu'il pouvait sur la Planète, les Anciens, les étoiles… même si, pour ces dernières, le scientifique était obligé d'attendre que le clan Highwind eût fini de cartographier la voûte étoilée du système planétaire où se trouvait Gaïa, ce qui était très, très long.
Après mûre réflexion, certains scientifiques avaient décidé de ne plus l'appeler « système solaire », ce qui avait engendré depuis une recherche de nouveaux noms aussi farfelus les uns que les autres. Qui plus est, la tribu des Highwind se réduisait, hélas. L'origine de leur proche extinction ? Comme d'habitude… les règles séculaires des clans…
Bugenhagen devait l'admettre, malgré le fait qu'il avait été accueilli avec froideur la première fois qu'il était venu, Gast n'avait pas semblé perturbé plus que ça, ce qui avait impressionné le maire. Il avait juste promis que ce qu'il allait apprendre était uniquement pour sa culture personnelle, et ne serait en aucun cas communiqué à la Shinra. Les Cosmo Canyonnais se méfiaient de la société d'armement comme de la peste – à raison, d'ailleurs, si on considérait leurs actes plus tard.
Au fur et à mesure de ses visites, le professeur Gast et le chef du village étaient devenus amis. En remerciement pour les connaissances qu'il avait acquises, le scientifique avait aidé Bugenhagen à construire un observatoire d'excellente qualité. Il y avait même intégré un prototype de simulation en trois dimensions d'une carte sommaire des étoiles et constellations connues, créé par le département du développement de l'armement. Un des amis du scientifique y travaillait là-bas, et avait accepté de lui donner un des précurseurs de ce qui fut appelé plus tard « la simulation virtuelle », une technologie qui allait être considérablement utilisée dans le département de l'armée, et ce, dans toutes nos unités.
Le maire revint à l'instant présent, et fixa le liongreau, qui avait un regard émerveillé.
« Oh oui, grand-père, j'ai hâte de voir ça ! » s'exclama l'animal, fou de joie.
Depuis le temps qu'il entendait parler de la construction de l'observatoire et du planétarium ! Le plus vieux éclata gentiment de rire, attendri par l'enthousiasme du petit.
« Alors dans ce cas… en route, mauvaise troupe ! » lança-t-il gaiement.
Retkan contempla les rangs de liongres et d'humains qui protégeaient les habitants du Cosmo Canyon, le regard approbateur. Chacun avait mis les meilleures armures qu'ils avaient en leur possession. Les félins s'étaient placés à l'avant, conscients que les deux pattes avaient plus de chance de se faire tuer qu'eux. Ils étaient plus vifs, plus formés au combat que les autres villageois, donc capables de s'adapter à tout type de situation, ce qui allait être un avantage considérable dans cette bataille éprouvante qui s'annonçait.
Retkan était un liongre de belle taille. C'était plutôt rare pour les membres de cette race, mais il mesurait trois mètres de long pour un mètre cinquante de large. Son pelage était brun foncé, serti des rayures noires qui se confondaient presque avec la robe. Son corps, bien qu'élancé, était puissamment musclé, tel celui d'un griffon. Ses yeux, d'un jaune fauve qui tirait sur un orangé flamboyant, observaient les lieux avec attention, tandis qu'il s'ébrouait un peu pour chasser la tension qui faisait trembler son corps d'excitation. Sa lourde crinière noire, légèrement décorée de perles multicolores, s'agita en tout sens sous son mouvement, et les ornements tintèrent.
Ce fut avec un grand soulagement qu'il vit Kenmei les rejoindre. Bien, normalement, ils étaient trois mille cinq cents combattants. Ils pouvaient donc avoir le dessus. Mais son impression n'était pas partagée par l'un de ses pairs.
« Il y a quelque chose de bizarre. » fit Seto avec méfiance, alors qu'il contemplait l'armée de deux mille Gis en face d'eux.
Ceux-ci sifflaient, crachaient, riaient et frappaient le sol du manche de leurs armes, leurs corps secoués de spasmes nerveux. Nul doute qu'eux aussi étaient habités par cette tension délicieuse. Ce frisson d'extase avant un combat. Cette appréhension, cette adrénaline qui courait dans leurs veines et les faisait rêver de sang, de morts et de gloire.
« Quoi ? » grogna Retkan.
Bon sang, il n'avait pas besoin qu'on plombe le moral de ses troupes juste avant l'affrontement !
« Selon nos éclaireurs, il y a deux heures, il y avait le double de ce qu'on voit devant nous.
- Certains Gis ont été détectés près des flancs de la ville. » informa un humain, soucieux.
Soudain, un autre accourut, l'air affolé, le souffle court.
« Retkan ! Les Gis concentrent une attaque à l'arrière du Cosmo Canyon !
- Mais il n'y a rien par là… » rétorqua le chef des liongres, perplexe.
Le mari de Kenmeï se sentit pâlir sous son pelage. Non, Retkan se fourvoyait…
« Tu te trompes… Il y a une grotte qui, je pense, permet d'accéder à la ville !
- Quoi ?! » s'exclama le meneur, avant de le fixer, furieux, un grondement dangereux présent dans la voix. « Comment se fait-il que tu m'avertisses de ce point faible que maintenant ?!
- Parce que je l'ai découvert hier, et que les Gis ne traînaient pas par là. Enfin, je n'en avais trouvé qu'un que j'ai occis rapidement. » répondit son subalterne, anxieux et un peu agacé que Retkan croie qu'il soit un félon.
Les Gis proposaient de l'or et la vie sauve pour que les habitants trahissent la ville, pas de connaissances encyclopédiques sur la Planète, ce que les Cosmo Canyonnais, eux, recherchaient. Les habitants se faisaient tous confiance, et aucun d'entre eux n'avait agi étrangement ces derniers temps.
« Hm… Xand, combien de Gis as-tu vu à l'arrière ? » demanda le chef des liongres.
« Cinq cents, au moins. » rétorqua son vis-à-vis, la voix tendue.
« Donc sept cent cinquante sur les flancs… hmmm… » fit Seto, pensif, alors qu'il réfléchissait.
S'il gérait bien, il pourrait réduire ce petit groupe à néant. Il espérait juste qu'il ne se trompait pas… A priori, ceux qui étaient devant eux étaient les plus forts des guerriers Gis, à en juger par les armures en or dont ils étaient vêtus, par ailleurs inutiles, étant donné que leurs ventres étaient à découvert. De quoi les atteindre à coup de griffes ou d'armes humaines. Mais le liongre sentait que les plus faibles passeraient par-derrière. Son instinct le lui soufflait, et il ne l'avait jamais induit en erreur.
« Laisse-moi m'en occuper, Retkan. » lui proposa Seto.
« Seto… Toi, tout seul face à eux ? » s'inquiéta Retkan.
« Ne t'en fais pas pour moi. » le rassura son interlocuteur, un ton empli de confiance dans la voix. « J'ai de quoi les envoyer rejoindre leur cher dieu. J'ai une matéria « Tout » couplée à une matéria de « Brasier X », toutes deux au rang maître. Je leur tendrai des embuscades, ils ne pourront pas lancer une attaque massive. Je suis certain qu'ils vont mettre des éclaireurs dans cette grotte, je n'aurai juste qu'à les cueillir.
- Fais attention à toi, mon cœur… » fit Kenmei, soucieuse.
Elle avait un mauvais pressentiment.
« Ne t'en fais pas. » lui rétorqua son compagnon, amusé. « Retkan, je peux prendre Ysben, Joul, Pam et Quan avec moi ?
- Bien sûr. » acquiesça son chef, avant de faire signe aux liongres susnommés de rejoindre son second. « Sécurisez-moi immédiatement cette grotte.
- Oui, Retkan. » confirmèrent ses « hommes ».
« Allons-y ! » lança Seto, avant de se mettre en chemin d'un bond vers la ville, déterminé à protéger son village et sa famille.
Si leurs ennemis venaient par-derrière, il ne faisait aucun doute qu'ils devaient penser que la grotte qu'ils avaient trouvée menait au Cosmo Canyon. Sans compter leurs contacts avec l'au-delà… C'était sûrement ces derniers qui avaient découvert cette brèche, comme les spectres n'avaient aucune restriction physique... Il était clair dans l'esprit du mari de Kenmei qu'il y avait un passage dans la ville qui n'avait pas encore été sécurisé. Ils devaient le détecter !
Et, comme si c'était le signal, les Gis en face de l'entrée du Cosmo Canyon se mirent à courir vers les habitants du village alors qu'ils brandissaient leurs lances. Ils riaient et criaient d'un ton aigu et perçant, leurs yeux illuminés d'une joie sauvage à l'idée de faire couler le sang sous une lune gigantesque de couleur rouille. Une teinte de guerre sur un astre d'innocence, parait-il. Une bataille qui serait mémorable.
Le sol du Cosmo Canyon allait être peint d'une autre nuance plus chaude… et ce ne serait pas celle de la roche.
