LE CHANT DE LA PLANETE
Livre I : Origines
CHAPITRE VII
Sacrifices
Partie 1 sur 3
Era 1967
« Le héros est un homme qui réalise,
au prix de n'importe quel sacrifice,
le plus haut idéal du devoir, tel qu'il le conçoit. »
Elizabeth Gaskell


Merci à Lunagarden et Melior Silverdjane pour leurs reviews agréables :). Toujours fidèles au poste, les filles, je vous adore pour ça 8D !

Comme vous le remarquez, il y a trois parties : Le chapitre VII original faisait plus de 20 pages, j'ai donc été obligée de le couper en trois. Au moins, vous aurez de la lecture jusqu'au week-end du 4 et 5 avril 2014 inclus, étant donné que le chapitre VIII a lui aussi été bêta-lu. Ces chapitres sont ceux de juin à septembre 2014 en retard.

Bon allez, je vous ai assez fait patienter comme ça, je vous laisse avec la première partie^^.

Bonne lecture, chers lecteurs^^!


Cosmo Canyon, place du village, era 1967
Alors qu'il se dirigeait vers les galeries, accompagné d'Ysben, Joul, Pam et Quan, Seto s'arrêta soudainement, soucieux. Il vit que la défense du flanc est de la ville présentait quelques faiblesses, et pour cause : il y avait plus d'humains que de liongres dans celle-ci. Les Gis s'en donnaient à cœur joie pour tâcher de percer le mur de glaives, de boomerangs, de lances et de boucliers dressés sur leur route. Il réfléchit rapidement, puis soupira et ordonna à contrecœur à ses pairs d'aider les humains. Les quatre félins le fixèrent avec inquiétude.

« Ça va aller ? » s'enquit Pam, une femelle à la fourrure claire et sans crinière, soucieuse. « Si les Gis sont nombreux à l'arrière…

- Ne t'en fais pas. » la rassura-t-il. « Je pense qu'ils enverront des Gis faibles dans cette grotte, on a vu leurs membres importants devant, souvenez-vous.

- Je ne suis quand même pas tranquille à l'idée de te laisser tout seul dans un terrain inexploré et potentiellement dangereux, qui pourrait très vite devenir un véritable coupe-gorge en deux secondes. » grogna Ysben, un membre de leur espèce à la « chevelure » brune, dressée et coiffée en brosse et au pelage orange aux nuances sanguines.

Joul, un liongre aveugle à la crinière et à la robe blanches et lisses, flaira les environs et ignora la conversation des deux belligérants.

« Tu ne fais pas confiance à mes compétences en tant que combattant ? » gronda Seto, vexé par l'attitude de son interlocuteur.

« Si, bien sûr, mais comme dit le proverbe : « prudence est mère de sûreté ».

- J'en suis conscient, Ysben, ne t'en fais pas. » soupira son chef de troupe. « Ne crois pas que je fonce dans le tas dès que je croise un Gi. Je sais très bien à quel point ces enfoirés sont sournois quand ils s'y mettent. Mais, sans vouloir me vanter, je suis l'un des meilleurs guerriers du Cosmo Canyon. Je vous demande juste de me faire confiance, d'accord ? »

Il y eut un silence pensif, légèrement troublé par les cris de guerre, de douleur, d'agonie et de joie des combattants, puis…
« Très bien. » soupira Ysben, vaincu.

Il savait à quel point Seto pouvait être têtu, des fois.
« - Mais tu nous reviens en vie, OK ?

- Promis.

- Fais attention à toi. » souffla avec inquiétude Quan, un de ses pairs à la robe tout aussi noire que sa crinière coiffée de perles de bois peintes. « J'ai un mauvais pressentiment.

- Ne parle pas de malheur… » grogna Pam. « Ça a tendance à plomber le moral, ça. Surtout dans une bataille comme celle-là.

- Excuse-moi.

- Aidez bien les humains du flanc est. » ordonna Seto, ferme. « À tout à l'heure, j'espère.

- À tout à l'heure. » répliquèrent en cœur les trois liongres avant de rejoindre la position où ils avaient été affectés.

Ils fixèrent brièvement le père de Nanaki, qui se dirigeait vers les galeries du village, et prièrent que le combat qui attendait ce dernier dans la grotte mystérieuse ne serait pas trop difficile pour lui.


Trois longues heures s'écoulèrent. Trois heures où parfois, des brèches se formaient dans la défense des habitants du Cosmo Canyon, vite colmatées par les liongres qui lançaient des infernos (un autre nom donné au sort brasier X) sur les assaillants pour les faire reculer. Quelques fois, les défenseurs gagnaient du terrain sur les Cetras déchus. À d'autres moments, ils en perdaient. Dans le fracas des armes, dans la clameur des combattants, dans la mêlée des guerriers éclairés par une lune très peu utile pour différencier quoi que ce soit, les alliés se blessaient parfois entre eux, qu'ils fussent liongres, humains, ou Gis.

Retkan montra les crocs sous un grondement de mauvais augure, contrarié. La situation stagnait, mais elle risquait fort d'être à leur désavantage : les humains fatiguaient plus vite que les Gis. Les morts qui s'amoncelaient sur le champ de bataille gênaient les deux camps, surtout si leurs guerriers ne prenaient pas garde à l'endroit où ils posaient les pieds. Inutile de dire que cela laissait une ouverture à l'adversaire qui en profitait. Certains liongres, blessés par les lances empoisonnées, restaient en retrait. Ils couvraient au mieux les combattants du front à l'aide d'infernos, de sorts de barrière ou de bouclier (quand ce n'était pas avec des soins).

En tant que chef de l'armée du Cosmo Canyon, il fallait prendre une décision efficace le plus vite possible. L'image d'Ifrit, qui vociférait de rage alors qu'il balançait des traits de lave sur son passage, flotta un instant dans l'esprit du liongre. Il ferma les yeux et réfléchit, le cœur serré : s'il invoquait le protecteur, il devait compléter les points magiques qui manquaient à l'Appel de leur créateur. Pour cela, il y avait un moyen, mais… ce serait difficile à faire.

Les liongres, outre leur particularité de parler le langage humain, possédaient une compétence inconnue des deux-pattes; Mystérieuse, mais mortelle aussi bien pour son propriétaire que pour celui ou ceux qui allaient faire face à ladite capacité en question.

L'invocation sacrificielle.

Comme son nom le laissait à penser, il fallait sacrifier quelque chose pour appeler le dieu, dont la puissance dépendait du don. C'était d'ailleurs un trait que les liongres partageaient avec le clan Cetra des Guados, les Anciens qui gardaient la matéria blanche Sacre.

L'Alpha des liongres soupira et ferma les yeux tandis qu'une aura douce et orangée l'entourait. Sa matéria d'invocation, Ifrit, brillait de mille feux comme un rubis éclairé par le soleil. La bougie Cosmo n'était pas en reste : les flammes jaillirent haut dans le ciel, tel un geyser de feu, le temps de l'Appel. Dans le vacarme et la confusion de la bataille, personne ne faisait attention à ce qu'il fabriquait… et ça l'arrangeait. Les autres l'en auraient empêché, mais en tant que chef de meute, il devait aider les siens.
« J'en appelle au Seigneur des plus puissantes flammes de Gaïa,
J'en appelle au manipulateur de magma.
J'en appelle à sa volonté de garder sa patrie du mal qui arrive,
Je t'implore de venir protéger les tiens de ces pauvres hères à la dérive.

J'en appelle à ta force et ta puissance pour chasser ces cracheurs de fiel.
J'en appelle à toi au nom du rite d'invocation sacrificielle.
Je t'offre en échange de ton apparition brève sur Gaïa ma vie au nom du Rite.
Je t'implore de répondre à mon Appel, ô grand gardien du secret du Feu, Ifrit ! »

Une voix se fit alors entendre dans sa tête. Grave. Profonde. Caverneuse et vibrante, tel un volcan proche de l'éruption.

« Tu m'as appelé, et je viens à ta rencontre pour écouter ta requête, Héritier Retkan.

- Je vous salue, Sire Ifrit. » répondit le liongre, respectueux envers leur dieu protecteur.

« Notre patrie est attaquée par les ouailles d'Hadès. Le problème, c'est que nous perdons, et je n'ai pas beaucoup d'espoir de voir la situation changer, à moins de faire appel à vous, ce pour quoi je vous ai invoqué. Les Gis sont trop nombreux. Notre destruction risque fort d'être totale.

- Hadès doit être peiné de constater à quel point ses fidèles se conduisent mal. » soupira Ifrit, affligé.

« - Il sait que le massacre complet n'amène rien de bon, si ce n'est du désespoir, de la tristesse et de la haine. Il faut laisser une plante exister, un être vivre, pour que la Vie perdure… C'est la base même de la loi de Gaïa : parfois, la destruction est nécessaire, mais à petite dose, afin que la vie puisse renaître et jaillisse, plus belle et plus forte.

- Je le sais.

- Tu as fait appel à moi par le Rite de Sacrifice. Es-tu bel et bien prêt à m'offrir ce que tu as promis dans l'Appel ? » lui demanda le dieu, tandis que ses pupilles rouges fixaient Retkan avec intensité pour juger de sa détermination.

Il ne fut pas déçu de la réponse de son Héritier. Claire, nette, sans hésitation.

« Oui, je suis prêt. » répliqua le liongre, assuré. « Je vous donne ma vie sans doute ni peur. Je dois protéger les miens pour que la Vie perdure, pour que notre sagesse reste.

- Qu'il en soit ainsi. » conclut Ifrit d'une voix puissante, tandis que son esprit se dirigeait droit sur celui de Retkan qui se laissa faire, bien que son cœur exprimât quelques regrets à utiliser cette solution.

Cependant, il n'avait pas le choix. C'était ça, ou la perte de leur patrie et de ses pairs. Il s'y refusait.

Il eut la sensation qu'une chaleur intense parcourait son corps comme s'il était piégé dans une immense fournaise. De la lave semblait circuler dans ses veines, ce qui le fit siffler de douleur. Ses griffes rentrèrent avec force dans la terre battue tandis que sa silhouette s'agrandissait petit à petit. Il grimaça lorsqu'il sentit ses os se déplacer dans son être, puis, soudain, il se dressa instinctivement sur ses pattes arrière, qui supportèrent étrangement son poids plus lourd qu'à l'accoutumée. Son museau se réduisit jusqu'à se transformer en un faciès plus ou moins humain. Son pelage tomba au sol. Ses membres postérieurs étaient chaussés de sabots, tandis que celles de devant avaient plus l'allure de bras humains.

Kenmei haleta, tout aussi horrifiée que les autres liongres, lorsqu'elle vit leur Alpha se métamorphoser peu à peu en Ifrit. Avec les crevasses remplies de lave qui se formaient autour de la zone de combat et isolaient les attaquants des défenseurs, il était impossible de l'approcher, car il était sur une plateforme entourée par un bouclier !

« RETKAN ! NOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOON ! » hurla-t-elle de détresse.

Un rugissement effroyable, qui fit vibrer la terre où elle était, fut sa réponse à son cri désespéré. Des flammes jaillirent de la Bougie Cosmo pour rejoindre le corps du dieu du Feu. Ce dernier sembla se protéger en se roulant en boule, tandis que l'élément rentrait dans sa peau, pénétrait ses veines et son sang alors qu'Ifrit se gorgeait de sa propre puissance.

Une fois revigoré à l'aide de son élément, l'invocation se redressa de toute sa hauteur et déclencha une première onde de choc enflammée qui embrasa les Gis pétrifiés de stupeur les plus proches de lui. Les hurlements d'agonie ne durèrent pas bien longtemps tandis qu'il observait le reste de ses ennemis ciblés avec une posture colossale. Impressionnante. Bien sûr, il était un peu moins grand et musclé que Titan, mais sa stature pouvait être aussi imposante que celle du Dieu de la Terre. Il ferma alors ses mains griffues, serra les crocs, et bondit haut dans les airs avant d'atterrir au beau milieu des assaillants, le poing droit posé sur le sol.

Il pressa ensuite légèrement ce dernier sur la roche sur laquelle il s'était positionné, ce qui créa avec facilité des fissures de lave autour de lui; comme si la pierre obéissait à son injonction de se gonfler et de se craqueler pour que le magma sorte. Les brèches se dirigèrent sur toutes ses cibles attitrées. Le dieu émit alors un rugissement, puis, soudain, les crevasses s'embrasèrent.

Il se rua sur les ennemis de ses héritiers droit devant lui tout en lançant quatre traînées de feu dans son sillage, le corps entouré de flammes d'une température presque aussi proche que celle du magma. Les fissures derrière lui se chargèrent d'assurer ses arrières et brûlèrent les Gis qui étaient dans la zone d'attaque finale. Ceux-ci piaillèrent et hurlèrent de souffrance, leur être en proie au feu, et s'agitèrent en tout sens pour l'éteindre, en vain. Ils tombèrent tous au sol sous un nuage de cendres, l'expression horrifiée juste avant leur chute.

L'invocation disparut alors dans une tornade de flammes, et le corps de Rekan apparut. Il resta un moment debout, à quatre pattes, puis ses yeux se révulsèrent et il s'effondra avant de ne plus bouger.

Il était mort.

Mort pour les siens.

Mort pour sa terre.

Mort pour les protéger.