LE CHANT DE LA PLANETE
Livre I : Origines

CHAPITRE VII
Sacrifices
Partie 2 sur 3
Era 1967

« Le héros est un homme qui réalise,
au prix de n'importe quel sacrifice,
le plus haut idéal du devoir, tel qu'il le conçoit. »
Elizabeth Gaskell


Bonjour à tous ^^! Voici la partie 2 du chapitre 7 (juillet 2014 en retard)^^. Merci à Mélior Silverdjane et Lunagarden pour leur fidélité et leurs reviews^^.

Cependant, j'ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer. Pas sur la fanfic, mais plutôt d'ordre personnel.

Mon grand-père paternel, âgé de 84 ans, et dont je m'occupais en tant qu'aidante pendant 8 ans (autrement dit, on était assez proches), est décédé mercredi 18 mars à l'hôpital. La Mort a, heureusement, été assez gentille, et l'a emporté dans son sommeil. L'enterrement aura lieu mardi qui vient. J'ignore comment je me sentirai après. Pour le moment, ça va. Mon cerveau n'a pas l'air d'encaisser ce qui se passe, mais après les obsèques ... je ne garantie rien.

Je prendrai une aide psychologique, cependant, car ça fait le 6 ème décès qu'on encaisse dans la famille depuis que je suis née et ... autant dire que ça commence à faire beaucoup pour nous :/.

Voilà, voilà ...

Je vous souhaite une bonne lecture.

Xialdene.


Cosmo Canyon, galeries, même année.

Loin de se douter de qui se passait, Seto courut comme jamais il ne l'avait fait. La vitesse devait être son alliée dans cette mission périlleuse. Bien sûr, si les Gis attaquaient sur quatre fronts, l'un de leurs bataillons devait être le moins fort, mais aussi le plus sournois. Son cœur de père ne put s'empêcher d'être inquiet pour Nanaki, ainsi que pour les autres liongreaux.

Leurs ennemis devaient savoir que malgré leur supériorité numérique, leurs adversaires étaient redoutables au combat, et que le seul moyen de défaire les habitants du Cosmo Canyon, c'était d'atteindre leur point faible : les non-combattants. Si ses prévisions étaient justes, normalement, ceux qui attaquaient à l'arrière étaient les Gis chargés d'y mettre la main.

Le guerrier devait l'admettre, il n'était pas sûr d'arriver à vaincre les envahisseurs qui passaient par-derrière. Il ignorait combien ils étaient, comment ils étaient armés, car le poison dont ils enduisaient leurs lances variait à chaque fois, et il ne connaissait pas la configuration des lieux. En un mot comme en cent, il était mal… mais ses ennemis aussi. Il était impossible qu'ils aient fait un plan de la brèche en une journée après l'avoir vue.

De plus, s'ils avaient contacté un démon pour faire un état des lieux, le don demandé en échange aurait été beaucoup trop grand. Le maître des Gis ne voulait certainement pas sacrifier davantage de ses pairs. Déjà qu'ils n'étaient plus nombreux, en plus… Non seulement ils n'avaient pas une espérance de vie très élevée en raison des poisons qu'ils engloutissaient mais il fallait aussi compter la consanguinité, car les membres du clan se mariaient entre eux...

Seto savait qu'il était craint chez ces créatures, et à juste titre : il était l'un des guerriers les plus forts après Retkan. Ça lui donnait un tout petit avantage sur ces Anciens déchus : la peur, parfois, pouvait être utile. Même si les Gis ne devaient plus l'éprouver de par leur proximité avec Hadès, il pouvait les surprendre. C'était un gros risque, mais il n'avait plus rien à perdre. Il devait au moins réduire leur nombre. Alors qu'il passait devant l'échelle qui menait à la maison de Bugenhagen, il vit une ouverture dans la roche.

Il ne l'avait jamais remarqué auparavant : après tout, les liongres préféraient se déplacer en extérieur et bondir sur les plateaux plutôt que de vivre dans un endroit souterrain, sauf pour y dormir. Ce qui était étrange, c'était qu'aucun habitant humain n'en avait fait mention. Il leva ses yeux fauves au plafond, agacé par l'idiotie de ceux qu'il protégeait. Franchement… même malgré les rapports alarmants qui disaient que les Gis se rapprochaient du Cosmo Canyon, les villageois n'avaient visiblement pas jugé bon de vérifier les défenses de la ville.

Ils se reposaient trop sur eux, les liongres… Comme s'ils étaient des animaux de compagnie, des chiens de garde redoutables. Ce qu'ils n'étaient pas. Ils avaient des sentiments comme les deux-pattes, Minerva toute miséricordieuse !

« La confiance des humains, je vous jure… » songea-t-il avec amertume, avant de pénétrer dans l'entrée et de humer les émanations qui s'échappaient d'un gouffre droit devant lui, prudent.

Une odeur d'humidité et de plante parvint à sa truffe, ce qui le surprit. Une senteur pareille, cela signifiait qu'il y avait la présence de la rivière de la vie dans ces grottes. Il avisa au moins trois plateformes en contrebas, mais d'autres formes rocheuses lui firent penser qu'il y en avait plus. Avec souplesse, il bondit sur la première et se laissa tomber sur la seconde non loin devant lui, de même que sur la troisième à sa droite. L'animal chercha le prochain plateau, qui était à sa gauche, où il s'y glissa.

Il manqua être déséquilibré, d'ailleurs, car l'espace sur lequel il avait atterri était assez petit, mais il parvint à garder sa stabilité. Le cinquième commençait à être baigné d'une couleur émeraude visible dans la roche, qui semblait pulser à un rythme régulier, tel les battements lents d'un coeur, signe que la rivière de la vie était présente. La sixième était, en revanche, toute à sa droite. Plus il s'enfonçait dans ce trou, plus l'odeur de la vie était forte. Ce fut avec appréhension qu'il chercha une autre plateforme, mais il n'en trouva pas et fixa le gouffre avec angoisse avant d'inspirer pour se calmer.

Non.

La peur n'avait pas sa place ici. Pas maintenant. La ville avait besoin de lui. Tant pis s'il devait se casser une patte, bien que le trou peu engageant était pourtant assez éclairé par cette lumière verdâtre. Il ferma les yeux et tomba souplement au sol, avant de soupirer de soulagement. Il n'avait pas de fracture. Il pouvait continuer à défendre ce canyon qui lui était cher, il pouvait protéger les siens ! Encouragé à cette pensée, il vit une ouverture dans la roche, où il pénétra.

Dans la salle suivante, Seto grimaça de contrariété. Bien qu'il y eût l'odeur de la rivière de la vie, dont il pouvait voir la présence sur les parois de la caverne et sous forme de brume émeraude, la fragrance des Gis se fit plus forte, signe qu'ils avançaient. Ils devaient sûrement être dans la même pièce ! Heureusement qu'il s'était équipé de son peigne Séraphin… Les humains se moquaient gentiment de leurs protecteurs quand ils remarquaient une telle arme dans leur crinière, normalement destinée à servir pour se coiffer, mais les héritiers d'Ifrit ignoraient les sobriquets. Ces objets étaient spéciaux.

Leur bois, qui provenait des rares arbres présents dans le canyon qui entourait la ville, était gravé de sorts qui pouvaient les rendre aussi redoutables qu'une lame effilée efficacement. Ils pouvaient provoquer des lésions internes à leurs victimes, leur donner l'illusion qu'elles étaient blessées. La magie pouvait leur faire croire qu'il y avait des pointes coupantes sur le manche, même si effectivement, certains d'entre eux en possédaient, comme l'arme du père de Nanaki, justement. Le côté tranchant de l'attirail était délicatement ouvragé, encastré dans le bois de l'objet. Il avait la forme de six ailes déployées, d'où son nom. Selon le panthéon Cetra, les Séraphins détenaient un nombre semblable de ces appendices.

Les yeux fauves du père de Nanaki observèrent les lieux avec attention. Il aperçut une rampe rocheuse en hauteur, légèrement à sa gauche devant lui. Celle sur laquelle il se situait était entourée de gouffres, ce qui ne le tranquillisait pas. Avec précaution, il s'avança. Son ouïe développée le titilla. C'était faible, mais il entendait des sifflements murmurés. Cependant, avec cette grotte, l'écho était important, et il était incapable d'identifier la source des bruits.

C'est alors qu'il avisa un monticule plus loin sur sa droite, avec une entrée. Il fronça les sourcils, méfiant, et, en même temps qu'il s'y dirigeait avec prudence, il huma l'air. L'odeur des Gis se fit plus présente. Son instinct lui disait que ses ennemis s'étaient cachés dans ce gros rocher qu'il avait remarqué. Lentement, il s'en approcha.

À peine fut-il arrivé près de la masse qu'une silhouette rachitique se jeta sur lui avec un hurlement suraigu de joie, qu'il esquiva rapidement. Le Gi qui venait de l'attaquer siffla de colère, sa lance bien plantée dans la roche, ce qui étonna Seto. Oulah ! Visiblement, malgré leur apparence squelettique, ces petites pestes étaient assez fortes physiquement ! Tandis que le Cetra déchu s'affairait à ôter son arme avec difficulté, une énorme boule de feu le percuta et l'embrasa violemment. L'humanoïde émit un cri perçant de souffrance, arrêta sa tentative de récupération, agita les bras en tout sens, affolé, puis en désespoir de cause, il se jeta dans le vide.

Incommodé par l'odeur âcre de chair brûlée qui flotta un moment dans l'air, le liongre grimaça. Deux autres Gis surgirent alors du monticule d'où venait leur collègue, furieux de sa perte et fermement déterminés à le venger. L'un d'entre eux prépara une magie tandis que son camarade se précipitait sur Seto, qui évita l'attaque à nouveau avant de plaquer son adversaire au sol et de lui donner un coup de patte, qui fut tellement puissant qu'il en fit voler la tête de son ennemi. Le sang jaillit du cou du cadavre comme une fontaine et macula la roche d'une teinte écarlate légèrement foncée.

Soudain, un frisson glacé parcourut son échine et fit frémir son être. Sans savoir pourquoi, il sentit qu'il était en danger de mort. Il entendait la Faucheuse tournoyer autour de lui alors qu'elle s'esclaffait de tout son saoul à l'idée de pouvoir bientôt prendre sa vie. Un rire cruel, telle une bise d'hiver piquante, qui le gelait jusqu'aux os. Il tourna brusquement son museau vers le Gi survivant, qui ricana, et le liongre comprit quelle magie lui avait été lancée : La redoutable Peine de Mort… Un talent de l'ennemi que quelques monstres possédaient en raison de leurs liens avec certains dieux ou démons. Et à ce qu'il savait, les Gis étaient assez proches d'Hadès et quelques-uns de ses mignons.

« Maudit ! » hurla-t-il, avant de répliquer par un Inferno à pleine puissance sur son adversaire.

Ce dernier esquiva dans un bond souple en arrière avec un caquètement moqueur. Cependant, il ne prit pas attention au vide derrière lui, vacilla au bord du chemin, tenta en vain de retrouver son équilibre, et tomba avec un cri de désespoir dans le gouffre. L'impression de mort imminente qui s'était emparée de l'héritier d'Ifrit se dissipa alors, ce qui fit le soupirer de soulagement. Le seul moyen d'annuler ce talent de l'ennemi redoutable, c'était de tuer le lanceur du sort.

« Saleté ! » grogna Seto. « J'ai bien fait de me méfier de ce groupe ! »

Son regard se porta sur deux autres cavités près de lui. L'une d'elles se situait à sa droite, et la seconde se trouvait plus loin, légèrement à gauche de la seconde qu'il allait vérifier, et proche d'une ouverture éclairée par une lueur rouge-orangée. Il flaira l'air et gronda dangereusement. Il y avait encore des Gis dans le coin !

« Je les tuerai tous jusqu'au dernier ! » se jura-t-il.

Il se dirigea vers la cachette la plus près de lui, à savoir celle qui était à droite. Comme dans la première, il tomba sur un trio de Gis dont il s'occupa rapidement à l'aide d'un Inferno couplé à la matéria « Tout » bien placée. Il n'avait pas de temps à perdre avec le menu fretin, il avait cette maudite caverne à explorer et à sécuriser ! Le dernier groupe lui donna un peu plus de fil à retordre et attaqua les premiers. Peine de Mort fut encore lancé sur lui, ce qui le contraria. Par la Planète, il avait horreur des magies à effet chronométré !

Seto esquiva deux lances avant de répliquer avec un coup de patte au ventre d'un de ses adversaires, ce qui l'éventra. Le Gi, dans une plainte pitoyable, plaça sa main sur sa blessure béante pour empêcher ses organes de sortir, mais ne put tenir longtemps face à l'hémorragie et s'écroula au sol, raide mort. Le deuxième fut plaqué contre la paroi et se retrouva embroché par sa propre lance qu'il avait lâchée et que le liongre portait dans sa gueule. Le dernier, quant à lui, fut cueilli par un autre Inferno. Le guerrier félin huma à nouveau l'air, puis soupira de soulagement. L'odeur de ses ennemis n'était plus présente.

Il s'engagea alors dans la salle suivante, prudent. Une fragrance de soufre et des émanations de chaleur lui parvinrent à la truffe. Il identifia d'ailleurs rapidement leur origine : de la lave se trouvait en contrebas des chemins rocheux. Malgré le magma qui bouillonnait, Seto avisa encore la trace de la rivière de la vie sur certaines parois. Le passage en face de lui menait à un cul-de-sac, bien qu'un pont vers une ouverture à gauche se situait un peu avant la fin du chemin. Deux routes s'offraient à lui s'il traversait une arche proche de lui un peu plus loin sur sa gauche : une vers le nord, l'autre vers le sud de sa position. Il supposa que celle du bas conduisait à la plateforme en hauteur qu'il avait remarquée dans la salle précédente, et décida de ne pas s'y engager.

Cependant, il vit une grosse flaque de quelque chose de graisseux sur le pont naturel près de lui qui enjambait la lave et un plateau, et fronça les sourcils, méfiant. Peut-être une huile… mais ça ne signifiait pas qu'il devait manquer de prudence. Surtout que s'il y allait franco, il risquait très certainement embrasser le mur sans douceur et subir quelques dégâts. Il s'avança alors avec attention et passa avec succès le premier pont. Heureusement qu'il n'y avait qu'une seule zone huileuse…

Le second, qui menait lui aussi vers l'ouverture de la prochaine salle et en était d'ailleurs proche, possédait un escalier à son milieu qui descendait vers trois chemins. Globalement, les passages formaient un H un peu étrange. Le chemin en bas des marches se dirigeait vers la plateforme en dessous du premier pont. Pour ce qui était des deux routes suivantes, celui du haut débouchait sur un cul-de-sac. Idem pour l'autre du bas. Cependant, Seto préféra ne pas observer de près le carrefour en H et s'avança vers une nouvelle salle au nord-est de l'entrée. Surtout que son instinct lui disait qu'il ne devait pas arrêter son inspection là.

Cette pièce était… labyrinthique. De plus, d'énormes toiles d'araignées se situaient au-dessus de certains passages après un barrage de mini grottes… encore fallait-il savoir par où entrer pour pouvoir sortir à tel endroit ! Le liongre se fia à son flair. Le chemin du milieu menait vers une autre cachette. Il passa avec précaution sous la première toile, puis la deuxième un peu plus loin, vers l'ouverture. Il ne fallait pas réveiller les Piqueurs. C'étaient des araignées de couleur émeraude au corps aussi gros qu'un enfant humain allongé, mais pourvu de grandes pattes qui faisaient au moins trois mètres de haut. Elles étaient capables de causer de sérieux dégâts avec leur dard, d'où leur nom d'ailleurs.

Cependant, ce qui figea son être et hérissa ses poils, c'était qu'une fragrance inconnue, mais proche de celle des Gis qu'il combattait, était présente, bien que légère. Un frisson glacé parcourut son échine, tel un heg en chasse, et ses griffes puissantes éraflèrent la roche sur le coup alors qu'il était si près de son but. S'il était humain, il aurait pâli depuis longtemps. Il déglutit, nerveux. Même s'il n'avait jamais vu le possesseur de cette odeur, Seto sentit comme une lame gelée transpercer son cœur avec lenteur et cruauté. Il n'avait pas prévu que le chef des Gis, Nattak, allait faire partie de l'expédition en personne. Visiblement, celui-ci se trouvait dans la prochaine salle.

Il ne savait que très peu de choses sur ce dernier. Nattak n'était jamais sorti des grottes d'où se terraient les Gis, à sa connaissance. D'après les très rares prisonniers qu'ils avaient réussi à capturer, les subalternes de ce Gi étaient unanimes : ce leader connaissait les sorts horribles et tortueux de la Nécromancie. Cet art était enseigné par les démons de Gaïa.

« C'est une très mauvaise nouvelle… » pensa le liongre, tendu par l'appréhension. « S'il utilise la Nécromancie, il pourrait faire revenir les nôtres à la vie et les forcer à se battre contre nous pour nous perturber ! Je dois l'en empêcher ! »

Fort de cette résolution, malgré sa peur, il pénétra dans la prochaine grotte. Il ne s'était jamais battu contre un ennemi de cette envergure, mais s'il pouvait au moins le blesser grièvement… Il ne se leurrait pas : Nattak avait certainement assuré ses arrières avec cette magie sordide. Seto savait que les Nécromanciens mettaient du temps à être de nouveau actifs une fois leur enveloppe charnelle détruite. S'il pouvait le tuer… le maître des Gis serait scellé à jamais dans cette grotte.

Les mages de mort restaient attachés à leur lieu de sépulture. C'était l'un des effets contraignants d'être un Nécromancien : Odin punissait celui qui manipulait ceux que la Mort avait fauchés. S'il vainquait, le liongre trouverait un moyen de prévenir Bugenhagen de ce qui s'était passé et lui donnerait des conseils pour éviter que les Gis morts en viennent à posséder les habitants du Cosmo Canyon.

Une fois dans la nouvelle pièce, il vit un pont de pierre suspendu au-dessus de la lave qui menait vers la sortie, s'il devait se fier au léger air frais qu'il sentait. Bloquée. Par un Gi. Par l'ennemi le plus redoutable qu'il allait devoir affronter.

Gi Nattak.

Qui souriait de toutes ses dents limées et aussi tranchantes que des rasoirs. Malgré son appréhension, Seto observa Nattak. C'était un Gi haut de deux mètres et d'une apparence colossale. À l'opposée à ses semblables, le chef des Cetras déchus avait des yeux rouges comme le sang, qui brillaient tels des rubis éclairés par les flammes. Il possédait une couronne de rémiges sur la tête, dont un cercle d'or maintenait le tout. Il avait une paire de boucles d'oreilles, très grandes, faites de pennes de cockatrices teintes en bleues. Contrairement à ses pairs, les peaux de bêtes qu'il portait étaient claires. À sa main droite, une gigantesque et grosse lance taillée dans un bois solide et de couleur écarlate, décorée de plumes sur la garde, frappait le sol par intermittence, tandis qu'un rictus cruel illuminait les traits du Nécromancien.

Soudain l'homme, malgré sa corpulence imposante, bondit avec vivacité sur Seto, lance en avant, dans l'objectif très clair de l'embrocher. Le liongre se décala sur le côté à la dernière seconde et sentit l'arme effleurer son pelage, heureusement sans l'entailler. La moindre blessure, et le père de Nanaki savait que ce serait la fin pour lui.

Sur ses gardes, il tourna autour de Nattak qui ne le lâcha pas du regard. L'espace pour combattre était malheureusement assez petit : la largeur du pont équivalait à trois personnes qui marchaient côte à côte. Les esquives allaient devoir être calculées avec une extrême précision. Il fallait aussi prendre en compte le facteur Nattak : ses sorts de Nécromancie pouvaient être assez redoutables. Cela, il ne devait pas le négliger.

Il ne voyait qu'une seule solution : le maintenir à distance avec Inferno. Ça allait être assez pratique, car avec l'environnement brûlant autour d'eux, l'enchantement serait sûrement amplifié. L'ennui, c'était qu'il fallait deux à trois secondes pour se concentrer afin de lancer la magie, et il pouvait se passer beaucoup de choses durant ce laps de temps ! Les deux combattants s'observèrent avec intensité. L'un cherchait la faille dans la garde de l'autre. De temps à autre, ils échangeaient des attaques qui échouaient la plupart du temps. Aucun d'entre eux n'était blessé à chaque joute, ce qui les énervait.

L'humanoïde se jeta à nouveau sur le liongre, mais cette fois-ci, l'animal était prêt : il bondit sur le côté de son assaillant et donna un coup de queue à la jambe de l'homme. Le Gi hurla de souffrance, mais Seto n'en resta pas là et lui lança un sort d'Inferno à bout portant. Sous la violence de l'impact, le corps du Nécromancien, touché par l'énorme boule de feu qu'il ne put esquiver, valsa en arrière et en lâcha sa lance avant de s'écraser lourdement au sol, inconscient. Son ventre présentait une vilaine brûlure noirâtre, assez grande, et des parcelles de chair étaient visibles.

Seto profita du fait que son adversaire était à terre pour pousser à l'aide de son museau et de ses pattes son corps dans la lave. Cependant, Nattak eut un sursaut lorsqu'il sentit la chaleur atrocement haute du magma s'approcher de sa peau. Pour le Gi, il était hors de question qu'il meurt ainsi, ce pour quoi ses yeux paniqués cherchèrent sa lance du regard. Lance qui n'était hélas plus à portée de main pour qu'il puisse la planter avec plaisir dans le corps du liongre. Il siffla de colère. Il avait complètement sous-estimé l'héritier d'Ifrit, et il allait le payer de sa vie !

Une douleur atroce au niveau de ses pieds le sortit brutalement de ses pensées et il émit un hurlement perçant de souffrance, qui se répercuta en écho dans la salle. Ça brûlait ! Ça rongeait ses chairs, tels des rats affamés qui avaient détecté un morceau de viande bien juteux, et qui fondaient dessus comme des rapaces ! La lave dévora la peau, la chair, les muscles, les articulations, les ligaments, les nerfs et les os en un éclair dans un « tschhhhh… » couvert par les cris d'agonie de sa victime.

Une odeur âcre d'épiderme carbonisée s'éleva alors dans l'air. Horriblement piquante. Au point d'en faire frémir d'inconfort la truffe de Seto qui éternua, incommodé par la puanteur insoutenable. Nattak, affolé par le destin qui l'attendait, tenta de s'accrocher au liongre, mais ce dernier lui mordit les bras pour lui faire lâcher prise, horrifié. Il était hors de question qu'il grille avec ce Cetra déchu ! Cette ordure n'avait eu que ce qu'il méritait !

Le Gi hurla alors des mots incompréhensibles pour le guerrier félin, cramponné avec désespoir au bord du pont. Bien que l'animal ne saisît absolument rien au charabia que l'autre lui beuglait en pleine gueule, il sentait que ce n'était certainement pas des félicitations. Peut-être des malédictions et des insultes, voire une promesse de revenir tourmenter le Cosmo Canyon, allez savoir…

Le corps de Nattak glissa inéluctablement vers la lave bouillonnante et avide de cette chair à laquelle elle venait de goûter. Contrairement aux êtres vivants, elle ne faisait pas la fine bouche sur le fait que ce qu'elle « dévorait » était empoisonné ou non, comestible ou pas. Le magma prenait ce qu'on lui donnait, mais ne rendait rien. Les jambes du Gi connurent le même sort et les flammes montèrent jusqu'au bassin de l'homme.

Cependant, elles n'allèrent pas plus loin : le corps de leur victime était tombé sur une plateforme près de la lave. Nattak n'avait pas pensé à regarder sur les côtés, mais en haut de ses pieds, et n'avait donc pas remarqué le plateau à sa gauche qui l'aurait sûrement sauvé d'une mort certaine. La partie supérieure de son enveloppe charnelle, bien plus lourde que le reste, ne glissa pas dans la rivière enflammée.

Seto voulut s'assurer que son ennemi était décédé. Il se pencha au-dessus du bord et grimaça de dégoût. Le Cetra déchu, étendu sur la plateforme sur le ventre, ne bougeait plus, les yeux rouge carmin écarquillés de souffrance et d'horreur. Ce qui écœura le plus le liongre, ce fut la colonne vertébrale à vif et visible, complètement blanchie. Apparemment, le magma avait tout rongé jusqu'au bassin, et les flammes s'étaient engagées vers le centre de l'épine dorsale avant de s'éteindre, faute de source de chaleur suffisante pour les faire perdurer. De toute évidence, Nattak était mort.

L'héritier d'Ifrit soupira de soulagement. Sans leur chef, les Gis n'étaient rien. Il pouvait rentrer au canyon et aider les…

TCHAC !

« AH ! »

Seto se retourna brusquement, avant de gronder de fureur tandis qu'il tâchait d'ignorer la douleur brûlante de sa plaie à l'épaule. Vers la sortie de la caverne que Nattak gardait, quelques ennemis étaient encore là. Ces derniers le foudroyaient du regard, haineux, car le liongre venait de tuer leur roi. Ils se devaient de le venger ! Silencieux, le vainqueur du duel les contempla, montra les crocs avec un grognement sourd et de mauvais augure, rugit et bondit sur le petit groupe téméraire. Terrorisé, celui-ci jeta ses lances sur l'animal fou de rage.

Cela n'arrêta pas le guerrier qui, bien qu'il sentît les lames des armes qu'on lui lançait pénétrer dans sa chair, donna des coups de patte et projeta des Inferno à tirelarigot sur les fidèles du Nécromancien. Les adeptes, blessés, piaillèrent de peur et s'éparpillèrent tels des chocobos affolés lorsqu'un combat avait lieu vers eux. Seto les poursuivit jusqu'à la sortie de la grotte et émit un autre hurlement puissant pour convaincre les lâches de partir; ce qu'ils firent, terrifiés par la perte de leur maître et de la force de leur adversaire. Afin de s'en assurer, le liongre grimpa sur un promontoire avec un peu de difficultés : il avait l'impression d'avoir des fourmis dans les pattes…

Une fois en hauteur, il contempla avec bonheur les fuyards qui couraient et se trébuchaient dessus les uns sur les autres, satisfait. Son objectif était atteint. Cosmo Canyon était hors de danger. Il avait sauvé la ville. Les humains. Son peuple. L'animal soupira de soulagement et ferma doucement ses yeux fauves, heureux de sa réussite. Il pouvait se détendre…

Combien de temps resta-t-il là, à observer la lune rousse qui éclairait le canyon ? Cinq minutes ? Dix minutes ? Un quart d'heure ? Une demi-heure ? Une heure ? Il n'aurait su le dire, mais sa nuque douloureuse le rappela à son bon souvenir et il grimaça d'inconfort. Assez rêvassé ! Il devait s'assurer que la ville était en sécurité, et les envahisseurs repoussés ! Il tourna pour descendre de son perchoir… ou du moins, essaya. Pourquoi ses membres ne répondaient-ils plus ?! Il baissa la tête et glapit de surprise : ses pattes… se durcissaient et se recouvraient lentement de pierre !

« Malédiction ! C'est ça, leur nouveau poison ?! » songea-t-il, affolé.

Il ne pourrait plus retourner en ville !

« Oh non… Kenmei… Nanaki… » souffla-t-il, horrifié et désespéré à l'idée de ne pas pouvoir revoir les siens avant de se transformer complètement en statue.

Les Gis avaient peut-être perdu la bataille… mais ils avaient réussi à piéger l'un des guerriers liongres les plus redoutables à la fin de celle-ci !

« Maudits soient-ils encore plus ! » pesta-t-il, contrarié.

En réalité, il était plus furieux contre lui-même d'avoir rêvassé plutôt que d'avoir été blessé par les Cetras déchus. Il venait d'accélérer sa propre fin, et il le savait…