Le Chant de la Planète
Livre I : Origines
Chapitre IX
De nouvelles créations
Era 1968

« Nos enfants : C'est notre amour qui a pris
des bras et des jambes ... pour aller de par le monde. »
Anonyme


Hey, ça fait un bail^^! Désolée pour l'attente, chers lecteurs. Je pensais diffuser ce chapitre courant avril, mais j'ai eut un échec lors d'une période d'essai pour être aide ménagère (oui, je sais, métier stéréotypé de femme, mais bon ...) et ça m'a pas mal foutu le cafard. J'ai mis du temps avant de m'en remettre, me motiver à corriger le chapitre et à l'envoyer ensuite à ma bêta.

Merci à GodofDeath57 pour le favori, l'alert et le follow^^. Merci aussi à Melior Silverdjane, Lunagarden et emokami pour leurs review qui me donnent toujours un petit coup de boost là où il faut^^.

Avec un peu de chance, le chapitre X (novembre 2014 en retard, le IX étant celui d'octobre) arrivera un peu plus tôt. Courant juin, peut-être.


Kalm, maison d'Innyatima Delgato.

« Bien. Maintenant, vise la bouteille avec un sort de brasier. Rappelle-toi, la visualisation de ce que tu veux faire est importante. » conseilla Innyatima à son pupille.

La jeune femme (enfin, façon de parler…), les bras croisés, était assise confortablement dans un fauteuil à bascule, à l'ombre d'une véranda dans le jardin de sa maison. Elle regardait son élève, Vincent Valentine, tendre droit devant lui sa main ouverte pour avoir sa cible en ligne de mire. Des fumerolles vertes entourèrent le bras du jeune homme, puis se rassemblèrent auprès de la paume pour fusionner et former une boule de feu de la taille d'une balle de tennis.

Son membre tressauta et, sous l'impulsion, le sort fila sur son objectif, une bouteille de verre vide posée sur un muret. Celle-ci tomba sur l'herbe grasse, chauffa et explosa en morceaux dans un bruit cristallin.

« Bien ! » s'exclama la jeune femme, satisfaite.

Ou presque.

Grimoire Valentine n'était pas là pour constater les efforts de son fils. Ce dernier et sa protectrice, d'un simple regard entre eux, s'en désolaient. Ce n'était pourtant pas bien compliqué de déposer une demande de congé à la Shinra ! Et qu'on ne leur dise pas qu'il était interdit aux scientifiques de prendre des vacances ! Sans doute était-il encore plongé dans ses recherches obscures sur Chaos, non sans raison.

Depuis la mort de Rosalia, Grimoire Valentine n'avait plus jamais été le même. Sa compagne avait été tout pour lui, et il lui était devenu difficile de continuer à vivre dans les grottes de Nibel, car elles étaient remplies de souvenirs douloureux pour lui. Il avait alors décidé de partir s'installer à Kalm avec son fils six mois plus tard, tellement sa peine était insoutenable. Juste avant son départ, il avait convoqué le clan et lui avait demandé qui voulait le suivre.

Hormis l'ancienne déesse de la douleur, personne n'avait accepté de quitter les lieux, car ils tenaient à ce que Chaos soit toujours sous surveillance. D'ailleurs, les membres de la fratrie ne comprenaient pas sa résolution de tout laisser derrière lui; ils l'avaient engueulé, menacé et même supplié pour qu'il reste. Cependant, le patriarche avait tenu bon. Il déserta les caverne avec son fils et sa novice vers sa nouvelle vie après avoir donné le contrôle du clan à son frère, César Valentine.

Lorsqu'il arriva au village, le vampire se rendit à la mairie pour s'inscrire, ainsi que Vincent et Innyatima, sur le registre des habitants. Le maire était un ami de Grimoire. Le fils de ce dernier fut noté comme natif du hameau (qui n'était pas très développé à ce moment-là, mais tout le monde le considérait comme étant un village). Cependant, le scientifique ne resta pas très longtemps avec son héritier.

Lorsque celui-ci eut quatre ans, quand il fut en âge d'entrer à l'école maternelle, l'ancien chef des Valentine nomma Innyatima comme tutrice et repartit pour Nibelheim, au manoir Shinra. La section scientifique de la société l'avait contacté pour qu'il étudie des tablettes de pierre avec des inscriptions en Cetraïque. Celles-ci avaient attiré son attention dès qu'il reçut les photos. Le mot Chaos, l'un des rares termes qu'il était parvenu à déchiffrer sur les fresques familiales, ressortait sur ces vestiges. Peut-être trouverait-il un moyen de libérer son ancien clan de la tâche que Minerva lui avait imposée...

Pendant l'enfance de son fils, Grimoire faisait l'effort de passer une fois par semaine à Kalm, le week-end. Puis, lors de l'adolescence de son rejeton, il s'était éloigné de plus en plus, et ne vint qu'une fois par mois. Pas par haine. Pas parce que la puberté était une période difficile dans leur lignée. C'était en raison des recherches scientifiques qu'il effectuait, qui le fascinaient… et qui l'avalaient.

Le courrier était le seul contact qu'il avait avec son enfant et sa protégée. Les lettres de Vincent étaient nombreuses, deux à trois au moins étaient envoyés par semaine. Innyatima, quant à elle, lui donnait un résumé une fois par mois de l'évolution de l'éducation de son fils. Pour ce qui était de Grimoire, celui-ci n'en expédiait qu'une seule par semaine.

« Bien joué. » fit la jeune femme, satisfaite. « Tu prends de moins en moins de temps pour matérialiser le sort.

« Ça veut dire que je suis prêt ? » demanda le fils de l'ancien patriarche des Valentine avec espoir, avant de fixer son professeur avec inquiétude lorsqu'il vit une étincelle de tristesse dans son regard. « Inny ? »

Celle-ci soupira légèrement, le cœur empli de peine. Les leçons qu'elle lui donnait sur les sorts n'étaient pas anodines. Le seul ami de son disciple, un dénommé Verdot qui était de deux ans son aîné, lui avait fait une proposition alléchante. Vincent et elle assurèrent à plusieurs reprises aux habitants de Kalm qu'ils ne mordaient pas les humains, mais ils étaient toujours traités avec méfiance. Il était de notoriété publique que Grimoire était un vampire, ainsi qu'Innyatima. Les deux jeunes gens vivaient d'ailleurs isolés des autres villageois.

Que ce soit à la crèche, à l'école, au collège ou au lycée – qui se situaient à Nibelheim pour les deux derniers établissements scolaires –, le fils du scientifique avait toujours étudié en solitaire tellement il effrayait les autres, élèves comme professeurs… ou presque.

Une seule personne, un dénommé Verdot, veilla sur lui comme s'il était son petit frère, ce qui rassura la tutrice. Il ne craignait pas son pupille et ils avaient grandi ensemble. L'aîné avait fait exprès de redoubler deux fois pour pouvoir mieux protéger son cadet des brimades. Ils mangeaient ensemble, étudiaient ensemble, et malgré l'étiquette de « premiers de la classe », ils s'étaient toujours défendus avec brio face aux attaques des enfants jaloux.

Malgré l'interdiction de le voir par ses parents, Verdot leur avait rétorqué qu'il préférait mourir plutôt que de laisser son « petit frère » face à la solitude et au rejet des autres gens et que s'ils déménageaient, il fuguerait pour le rejoindre. Son père et sa mère furent alors obligés de rester, cependant touchés tout comme Innyatima, par la grandeur de leur amitié.

La vampire n'avait même pas pu trouver un travail au village en raison de sa particularité. Il lui était impossible de demeurer sous le soleil très longtemps : sa peau se fragilisait et devenait aussi vulnérable que du papier. Par conséquent, l'ombre était sa seule alliée en journée, et il n'était pas rare qu'on la voie se déplacer avec une ombrelle. Elle avait alors décidé de chasser les monstres la nuit et de rafler les gils qu'ils lâchaient pour qu'elle et son pupille puissent manger à leur faim.

Curieusement, le prix des courses avait grimpé en flèche quand ils les faisaient, alors que les autres habitants payaient moins cher qu'eux. Il fallut qu'Innyatima s'énerve pour rétablir les choses à la normale. Grimoire réglait pour eux les impôts locaux. Il pouvait se le permettre, avec le salaire qu'il touchait… c'était au-dessus de 10 000 gils !

Verdot savait que Vincent risquait de rencontrer les mêmes problèmes qu'elle et il refusait que ça se reproduise. Son cadet ne méritait pas ça.

Six mois auparavant, il était venu les voir et avait proposé à son ami de travailler à la Shinra. La société d'armement voulait créer un nouveau corps militaire, plus efficace que le SOLDIER, pour protéger ses secrets industriels. Il était au courant de ce fait par une relation professionnelle de son père, qui dirigeait ce secteur de l'entreprise, et qui l'avait recommandé. Officiellement, cette section naissante serait connue sous le nom de département de recherches administratives. Officieusement, elle s'appelait les Turks : Traqueurs Utilisés pour la Recherche, le Kidnapping, et la Sécurité. Verdot avait passé les tests avec brio dans un complexe souterrain situé près de Nibelheim.

À l'époque, la Shinra basait toutes ses installations importantes dans les environs de la ville pour pouvoir réagir rapidement en cas d'attaque sur ses infrastructures. Cependant, elles étaient assez gourmandes en Mako. Un réacteur dut y être construit une fois les montagnes plus ou moins sécurisées pour contenter tout le personnel et arrêter les frais d'importation. La Mako apportée provenait de Modéoheim. Par conséquent, ça faisait une sacrée trotte pour y aller et en revenir avec le chargement.

Par ailleurs Jenova, à l'origine stockée dans les sous-sols lugubres du Manoir Shinra, avait été déplacée dans le nouveau bâtiment, situé dans les massifs rocheux pour des raisons de sécurité. Le souvenir du massacre des médecins légistes était encore bien trop présent dans la mémoire du professeur Gast.

Sa précision, son sens de l'observation, de la stratégie et de la déduction, ainsi que ses compétences de combat propulsèrent le seul ami de Vincent au poste très convoité de directeur des Turks.

Le Président de la société, Herbert Shinra, lui avait alors ordonné de trouver des recrues, et son copain d'enfance s'était immédiatement imposé dans son esprit. Le fils de Grimoire était excellent avec un pistolet. En même temps, son ami l'avait eu comme professeur. Le père de ce dernier était chasseur, et avait montré à sa femme et son enfant le maniement des armes à feu pour se défendre en cas de cambriolage. Apprentissage que leur rejeton avait transmis à son frère de cœur.

La seule condition pour que Vincent soit intégré dans cette section, c'était qu'il puisse utiliser la magie. On ne savait jamais, en cas de blessure, de résistance voire d'invulnérabilité physique… Verdot avait demandé à Innyatima de lui enseigner les quatre sorts basiques nécessaires pour l'admission : brasier, givre, éclair et soin. Les versions évoluées (fournaise, glacier, foudre…) et les magies moins conventionnelles (Poison, Esuna…), ainsi que les invocations, son cadet les saurait plus tard dans l'unité.

Brasier avait été le sort le plus difficile à maîtriser pour Vincent, en raison de sa nature de demi-vampire. La lumière et la chaleur faisaient partie des armes des humains pour se défendre contre les suceurs de sang, en plus des talismans bénis par Alexandre, l'invocation de type sacrée. Son opposé, glacier, avait bien évidemment été plus rapide à apprendre.

« Inny ? » répéta son pupille, de plus en plus inquiet devant son silence.

Allait-elle juger qu'il n'était pas prêt ? Voulait-elle qu'il reste un peu plus longtemps avec elle ? L'ancienne déesse de la douleur sortit de ses pensées lorsqu'il l'appela pour la seconde fois et fixa son élève. Elle vit son regard, mi-soucieux, mi-empli d'espoir qu'elle accepte de le laisser partir. Elle soupira, le cœur légèrement serré dans un étau qui le lui broyait presque à l'idée que son « enfant » s'en aille.

Elle l'avait vu grandir et devenir un bien beau jeune homme. Elle l'avait pratiquement élevé comme son propre fils, comme s'il était le frère de Takaho. Bien sûr, elle ne parlait pas de ce dernier à Vincent. Le souvenir du vol de son enfant lui était encore très douloureux, et contrairement à ce que l'adage prétendait, le temps ne guérissait pas les blessures de ce genre. Seul Grimoire était au courant de son existence.

Néanmoins, elle était aussi consciente que son protégé n'aurait aucun avenir s'il restait à Kalm. Malgré toutes ces années passées à vivre là-bas, les habitants les traitaient toujours avec méfiance. Elle pouvait remercier Verdot pour son offre. Ça allait être dur de laisser son « fils » partir, mais la vampire savait qu'il lui donnerait des nouvelles. Et puis… il fallait bien qu'il grandisse sans elle, à présent. Qu'il vole de ses propres ailes. Il était majeur, après tout.

« Tu es prêt. » lâcha-t-elle avec un petit sourire, le cœur cependant encore plus serré par une main invisible lorsqu'elle prononça cette phrase.

Innyatima sentait ce que ça impliquait de dire ça. Que dorénavant, elle ne pourrait plus lui enseigner quoi que ce soit. Elle avait pris énormément de temps, mais aussi de plaisir à lui apprendre tout ce qu'il fallait pour subsister dès son plus jeune âge : la chasse, le combat au corps à corps, le déplacement vampirique à l'aide d'une cape, la maîtrise de soi (sa scolarité tendue, hélas, avait participé à cela), survivre en pleine nature, les soins de premiers secours et dernièrement, la magie. Malheureusement, les enfants, ça grandit vite, surtout quand la personne qui les élève est immortelle…

Comme il était demi-vampire, cependant, Vincent n'aurait pas la même longévité que l'ancienne déesse de la douleur. Il posséderait juste le double d'espérance de vie d'un être humain.

« Super ! » s'exclama le jeune homme, heureux et soulagé d'avoir pu achever la formation de six mois pour la magie.

Il avait sué sang et eau (enfin… surtout eau !), mais ses efforts avaient payé. Il pourrait rejoindre son meilleur et seul ami et avoir un job stable. En plus, il y avait la sécurité de l'emploi à la clé ! Que demander de plus ?!

« Verdot vient en fin de semaine, comme d'habitude. » lui rappela-t-elle. « Je te conseille de commencer à préparer tes affaires et de continuer à lancer tes sorts pour garder la main. Il est hors de question de se relâcher, il voudra certainement voir si tu maîtrises les bases.

- Oui, Inny. » souffla son pupille avec obéissance.

« Allez file, sale petit garnement. » fit la vampire avec tendresse.

Elle avait remarqué à quel point son élève semblait impatient de pouvoir partir.

« Merci Inny ! » s'écria-t-il, joyeux

Il se précipita à l'intérieur de l'habitation et ignora le « NE COURS PAS DANS LA MAISON ! » hurlé d'un ton agacé de sa tutrice. Il ne courait pas, il marchait vite ! Nuance !


Le week-end, comme prévu, Verdot frappa à la porte de la famille Valentine. Ce fut Innyatima qui lui ouvrit avec méfiance, avant de se détendre lorsqu'elle vit son invité. Des fois, elle avait affaire soit à des démarcheurs peu scrupuleux, soit à des habitants qui lui balançaient à la figure les pires horreurs, malgré près de vingt années de cohabitation sans problème notoire, pour la forcer à partir avec son « rejeton de l'Enfer ». Par la Planète, les préjugés…

« Bonjour, Verdot.

- Bonjour, Inny. » répondit l'homme, poli. « Puis-je entrer ?

- Bien sûr. » souffla la vampire, avant de s'effacer pour le laisser pénétrer dans la maison.

L'intérieur de celle-ci n'avait jamais changé depuis qu'il connaissait Vincent. Innyatima l'avait invité à prendre le goûter chez elle une fois, à ses huit ans, parce que ses parents n'étaient pas là pour s'occuper de étaient partis à la chasse pour le village. Il s'était énormément amusé avec elle et son ami au jeu de cartes. Des tableaux familiaux (les appareils photo commençaient à peine à émerger, mais ils étaient généralement utilisés pour le département publicitaire de la Shinra) étaient accrochés sur les murs de couleur crème. Il y en avait pas mal avec Innyatima et Vincent, mais très peu avec Grimoire, comme il n'était pas souvent là.

Des meubles anciens en chêne verni d'une teinte ébène étaient disposés dans le salon. Il y avait une commode sous les escaliers qui conduisaient au premier étage, une armoire accolée à une paroi et entourée de deux portes – l'une menait à la salle à manger, l'autre, à la cuisine –, et une table avec une nappe bleu marine. Les fenêtres étaient recouvertes par des rideaux de la même nuance que le tissu de la desserte.

« Comment vas-tu ? » lui demanda l'ancienne déesse de la douleur afin de rompre le silence contemplatif de son invité.

« Ça va. » lui répondit ce dernier avec un sourire poli, tiré hors de son observation. « Où est Vincent ?

- Il est dans le jardin. Il s'entraîne encore pour les sorts, comme je le lui avais conseillés.

- Je croyais qu'il pouvait tous les lancer ? » fit Verdot, les sourcils froncés de contrariété. « Ne me dis pas qu'il m'a menti ?

- Non, en aucun cas. » souffla Inny, apaisante. « Je tiens juste à ce qu'il ne se repose pas sur ses lauriers. Le sort de Brasier a été le plus difficile à maîtriser pour lui, il a réussi à l'utiliser qu'au début de cette semaine. Je lui ai demandé de continuer à pratiquer les invocations du quatuor de sorts que tu m'as chargé de lui enseigner, histoire qu'il ne perde pas la main.

- Parfait. » répliqua-t-il, soulagé. « Puis-je le voir ?

- Bien sûr. Tu veux boire quelque chose ?

- Un café noir. Sans sucre, s'il te plait.

- Je te fais ça tout de suite. Tu peux aller le rejoindre, si tu le désires. » lui dit-elle, avant de se rendre dans la cuisine pour préparer le breuvage.

Le meilleur ami de Vincent la regarda partir, puis il alla dans le jardin, sur la terrasse. Il remarqua sa future recrue face à trois bouteilles de verre vides, concentré, les pieds campés solidement au sol, en position de combat et le bras droit tendu. Sur l'autre poignet, en repos, il pouvait voir avec joie un bracelet de mithril, un cadeau qu'il lui avait donné pour son dernier anniversaire. Au moins, il l'utilisait ! Trois matérias vertes y étaient enchâssées, et celle de gauche brillait comme une émeraude illuminée par le soleil.

Le membre de Valentine fut parcouru par une décharge électrique visible, qui fila ensuite sur la main et passa entre ses doigts tel un heg en chasse.

« Éclair ! » s'exclama-t-il d'une voix assurée, tandis que le sort s'élançait sur la cible avec un claquement, qu'elle faucha.

Calme, le jeune homme effleura une autre sphère magique – celle du milieu –. Cette fois-ci, une vapeur blanche entoura son bras tandis qu'il se concentrait sur le sort. Puis une boule de neige se forma devant sa paume.

« Givre ! »

La balle glacée percuta le récipient, qui se couvrit de blanc derechef avant de tomber au sol sous l'impact de la magie qui l'avait heurtée. Verdot dut l'admettre, pour le moment, son candidat s'en sortait bien, mais il savait que le plus dur restait à venir : le sort de Brasier. En temps normal, les habitants des villes et villages, outre le maniement des armes quand il n'y avait pas une milice qui les protégeait, s'arrêtaient essentiellement sur l'apprentissage des incantations qui pouvaient écourter un combat face à un monstre à l'aide de sa faiblesse élémentaire. La plupart des créatures de la région de Kalm étaient vulnérables au feu et à la foudre.

Cependant, l'unité des Turks se devait de connaître au moins les quatre magies indispensables pour prouver qu'ils étaient polyvalents. Il testerait lui-même Vincent sur la manipulation du sort de Soin. Le jeune homme effleura enfin la matéria à droite, qui s'activa. Ses traits se plissèrent davantage sous la concentration. Cette magie, avec celle de guérison, avait été difficile à maîtriser en raison de leurs éléments, opposés à sa nature de demi-vampire. Le feu et la vie face au froid d'un mort-vivant, forcément…

L'air se troubla autour de son bras en raison de la chaleur dégagée par son corps et qui atteignait les cinquante degrés Celsius. Il commençait à lui faire mal, comme s'il avait attrapé un coup de soleil, mais il s'obligea à tenir bon. Après tout, ce n'était pas si différent de la première fois qu'il avait lancé le sort… Une sphère enflammée apparut devant sa main et, d'une impulsion, elle partit sur la dernière cible encore debout, ce qui la chauffa avant de la faire exploser comme d'habitude. Le sourire de Verdot s'accentua. Bien, très bien… Il était au moins paré pour ces trois-là.

Il applaudit, satisfait. Le bruit attira l'attention de son cadet. Celui-ci se tourna vers lui, surpris, puis son visage s'éclaira de joie lorsqu'il reconnut son meilleur ami.

« Verdot ! » s'exclama-t-il, heureux qu'il soit venu.

« Salut, Vince ! » lui retourna son aîné, amusé. « Ça fait un bail. Je vois que tu t'entraînes dur.

- Eh bien, tu sais ce qu'il en est pour moi. » soupira le fils de Grimoire. « Je ne trouverai pas d'emploi à Kalm ou dans le coin, alors je me suis dit que faire partie des Turks serait une opportunité. Il est hors de question que je concurrence Inny dans la chasse aux monstres. En plus, ton offre pourrait certainement me permettre de croiser mon père un peu plus souvent.

- Ne précipite pas trop les choses, Vince, tu n'as pas tout fait. Il te reste le sort de soin à lancer. » lui rappela Verdot.

« C'est vrai… » marmonna le plus jeune, la mine un peu renfrognée lorsqu'il y pensa. « Mais je n'ai pas de bouteille endommagée sous la main pour la soigner. » acheva-t-il, plaisantin.

Son meilleur ami rit légèrement à la remarque comique.

« T'as pas besoin d'une bouteille ébréchée. Surtout que vu comment tu les traites, à mon avis, si elles pouvaient parler, elles hurleraient un truc du genre (il adopta une voix haut perchée et assez féminine) : NE CHERCHEZ MÊME PAS A ME SOIGNER, MEURTRIER ! ASSASSIN DE RÉCIPIENTS SANS DÉFENSE ! BOUTEILLOPHOBE ! »

Vincent s'esclaffa, amusé par la manière théâtrale qu'avait son futur chef – du moins, il l'espérait – de tourner son carnage de bouteilles en ridicule. Il était vrai qu'il avait perdu le compte d'objets explosés au bout de vingt…

« De plus, le sort de soin n'agit que sur des cibles vivantes. » fit son ami, après avoir repris son sérieux. « Tu as de la chance, tu en as une juste devant toi.

- Toi ? » fit le demi-vampire, étonné, avant de remarquer des éraflures sur la main de son interlocuteur.

« Comment tu t'es fait ça ?

- En arrivant au village. C'était volontaire. » le rassura le plus vieux. « Je sais très bien que les vampires ne peuvent se soigner qu'avec une potion, et que malgré le fait que vous n'ayez rien commis de répréhensible pendant près de vingt ans, les habitants refuseront certainement de se blesser par crainte que vous les vidiez de leur sang, même pour t'aider.

- Oui, hélas. » grommela le fils de Grimoire, toujours aussi agacé par la méfiance des Kalmois.

« Donc, je me propose comme cobaye. » fit-il, amusé.

« Et si je te vide de ton sang ? » ironisa Vincent.

« Tu ne le feras pas. J'ai confiance en toi. On est potes, pas vrai ? Normalement, les vampires ne mangent pas leurs amis. De plus, tu ne m'as jamais mordu.

- Tu as raison. » acquiesça le jeune homme.

Il prit une matéria de soin et l'intégra à son bracelet après avoir ôté celle du feu.

« Allez, présente-moi ta pauvre mimine blessée, ô ami humain suicidaire du clan des suceurs de sang ! » fit le candidat aux Turks, sarcastique.

« Oui, ô héritier dudit clan des suceurs de sang. » ironisa Verdot, le regard aussi amusé que celui de son comparse, avant de s'exécuter. « Je remets le destin de ma main cruellement éraflée entre les vôtres guérisseuses !

- Je veillerai à ce que le remboursement de votre dette soit léger, ô, mon ami.

- J'espère que vous ne me volerez point de sang, ô mon guérisseur.

- Cela serait contraire aux lois de mon clan, ô mon ami. » répliqua le fils Valentine alors qu'il se prenait au jeu, intérieurement hilare.

Par la Planète… Il n'y avait que son copain d'enfance qui arrivait à passer outre sa carapace réservée pour révéler son côté un peu cabotin. Inny avait un peu plus de mal, par contre. Vincent positionna légèrement sa main au-dessus de la blessure, puis se concentra pour imaginer une peau sans dommages. Sa paume brilla d'une lueur verte, puis les éraflures de son « patient » semblèrent être recouvertes d'une substance fluorescente qui se dissipa petit à petit tandis qu'elles se refermaient. Cela prit près de dix secondes, certes, mais les résultats étaient là.

« Impecc' ! » fit Verdot avec un claquement de langue satisfait. « T'es prêt à devenir un Turk.

- Vraiment ? » souffla son ami, touché.

« Vraiment. Nettoie ton bazar et rejoins-nous.

- Oui chef.

- Je m'en doutais que tu dirais ça. »

L'ancienne déesse de la douleur, qui venait d'apparaître, prononça cette phrase d'un ton neutre, en portant un plateau avec trois tasses de café. Elle le posa sur la table de la terrasse, avant d'y placer les récipients.

« Tu le sentais, de toute façon. Tu savais qu'il partirait.

- Hm. J'aurais juste souhaité qu'il s'en aille un peu plus tard. » admit-elle.

« Tu es consciente qu'il ne restera pas ton petit protégé toute sa vie. Il doit affronter le monde, et non pas minuscule morceau que tu lui as montré pour le préparer.

- Je suis au courant, et plutôt deux fois qu'une !" grogna la vampire d'un ton agacé. Mais tu n'ignores pas à quel point je tiens à lui. C'est mon fils de cœur.

- Un jour, les enfants quittent le cocon familial, Inny. » souffla Verdot d'une voix ferme. « C'est le moment pour Vincent. Tu n'y peux rien.

- Je sais. » soupira-t-elle, avant de le fixer avec inquiétude. « Tu me promets de veiller sur lui ?

- Voyons, Inny, je le fais depuis l'école primaire… » fit-il, amusé. « Évidemment que je garderai un œil sur lui.

- Merci, Verdot. » dit-elle, soulagée.

Vincent les rejoignit cinq minutes plus tard après avoir descendu sa valise. Ils s'installèrent autour de la table de la terrasse du jardin et discutèrent du contrat de travail. Comme prévu, Valentine n'avait pas le droit de divulguer quoi que ce soit au sujet de la Shinra. Tout ce qu'il devait délivrer en rapport avec celle-ci, c'était à son supérieur hiérarchique, ses collègues, le Président, et le Vice-Président. Il n'était cependant pas autorisé à quitter la compagnie, à moins d'être totalement incapacité par la vieillesse… ou qu'il parte les pieds devant.

La société, en échange, prendrait tout en charge : sa formation complète en tant que Turk, l'équipement, le logement, son ameublement, les factures, les frais de déplacement, l'alimentation, les soins médicaux… Il avait aussi droit à une prime d'installation et de risques, et pouvait voir Innyatima une fois par semaine. Ses vacances en dureraient trois.

Malgré tous ces avantages, la vampire ne put s'empêcher d'être méfiante. La Shinra achetait littéralement ses employés.

« Je me demande si c'est une si bonne idée que ça, en fin de compte. » soupira-t-elle. « Autant de choses couvertes, ça cache quelque chose.

- La Shinra est une société d'armement, Inny. » lui rappela Verdot. « Il faut bien que les salariés aient des privilèges considérables pour éviter les fuites des secrets industriels.

- Certes, mais techniquement, il ne peut pas prendre sa retraite. » releva-t-elle. « Et je doute que même s'il ne peut plus être utile à la Shinra, elle le laisse partir comme ça, sans surveillance.

- C'est vrai, mais…

- Comment veux-tu qu'il se trouve quelqu'un un jour s'il lui dissimule ce qu'il fait dans son travail ? » fit-elle, affligée, tandis que Vincent clignait des yeux, surpris par le changement de sujet soudain. « Elle va croire qu'il la trompe, même s'il lui assure que c'est à cause de la clause de confidentialité de la Société. »

Verdot rit doucement, amusé.

« Mais non. Au pire, je serai là pour assurer à sa compagne qu'il ne la trompe pas.

- Je ne sais pas si ça va l'aider… »

« En tant que chef des Turks, je me dois de tout savoir sur l'emploi du temps de mes employés, que ce soit pour la vie professionnelle ou personnelle.

- Merci pour le respect de l'intimité des gens. » grogna-t-elle.

« La Shinra ne veut pas de problèmes.

- Hmf. Je n'y bosserai jamais. » grimaça-t-elle avant de fixer son pupille. « Voilà, Vincent. Tu as les côtés positifs et négatifs de ce boulot. Que décides-tu ? »

« Je prends. » répondit-il, ferme.

« Tu en es sûr ? Il n'y aura pas de retour en arrière. »

« J'en suis sûr, Inny. »

La vampire soupira. Son fils de cœur semblait être déterminé à avoir ce travail. Elle pouvait le convaincre de renoncer, mais son instinct lui disait que ce ne serait pas une bonne idée. Ce métier allait lui apporter quelque chose. Autant se fier à ses impressions… même si elle n'était pas tranquille.

« Très bien. Fonce, alors. » souffla-t-elle.

« Vraiment ?! » s'exclama Vincent, agréablement surpris qu'elle le laisse partir.

« Vraiment. Si ça te branche, vas-y. Tout ce que je veux, c'est de tes nouvelles et que tu sois heureux. » répliqua-t-elle dans un soupir.

Par la Planète, ce que ça faisait cliché … mais Grimoire ne voulait pas que son fils soit malheureux. Elle non plus.

« Je te le promets. » lui assura-t-il, un sourire heureux aux lèvres sous le regard attendri de Verdot devant ce tableau familial absolument charmant.

« Bien, ceci étant réglé et nos tasses vidées, il est temps de filer, Vince.

- Déjà ?! »

« Nibelheim, ce n'est pas la porte à côté. Le Président tient à ce que je ramène mes nouvelles recrues le plus vite possible.

- Je vois… » fit le plus jeune, un peu triste à l'idée de partir tout de suite. « Dans ce cas… au revoir, Inny. Merci d'avoir pris soin de moi pendant toutes ces années.

- Ce n'est rien. » répliqua la vampire tandis qu'elle se massait la nuque, un peu gênée. « Par contre, promets-moi une chose.

- Oui ?

- Fie-toi toujours à ton instinct. Si tu as l'impression qu'il y a un problème, préviens Verdot ou moi, même si je ne travaillerai jamais pour la Shinra. Je ferai au mieux pour t'aider.

- Idem. » jura Verdot. « Va mettre ta valise dans la voiture. Je dois parler à Inny seul à seule.

- Très bien. » acquiesça-t-il avant d'obéir.

Une fois isolés, le chef des Turks et l'ancienne déesse de la douleur se fixèrent, silencieux. Puis…

« Si j'ai le sentiment qu'il est en danger, sois assuré que je me rendrai au siège de la Shinra pour trouver des réponses. Tant pis si je dois te botter les fesses. » fit la vampire, ferme.

« Je n'en attends pas moins de toi. » répliqua l'humain, un sourire amusé aux lèvres. « Tu as pris la bonne décision, Inny.

- Je sentais que ce serait dur… mais je n'imaginais pas que ça serait à ce point-là. » souffla-t-elle, la gorge nouée de tristesse.

« Il doit bien…

-… quitter le nid un jour ou l'autre, oui, j'en suis consciente… » soupira-t-elle, le cœur serré. « Mais entre le savoir et le fait que ça se produise, il y a un monde.

- C'est vrai. Rassure-toi, je ne vais pas laisser Vinnie tout seul. Je veillerai sur lui pour toi, je te le promets.

- Je l'espère bien… » rétorqua-t-elle, le regard un peu sombre.

« Hm. Je me sauve.

« Je viens. »

Ils se retrouvèrent devant la voiture garée à l'ombre, un 4x4 noir aux vitres teintées de la même couleur. Vincent étreignit sa nourrice qui le serra un peu fort, les yeux fermés et plissés de tristesse. Son cœur semblait s'arracher de sa poitrine tandis qu'elle réalisait que son fils partait. Pourtant, ce dernier ne fit aucune remarque, conscient que c'était dur pour elle. Pour lui aussi, d'ailleurs.

« Prends soin de toi. » murmura-t-elle à son oreille. « Et fais attention aux signes que ton instinct t'envoie.

- Oui, Inny. » répliqua-t-il sur un ton semblable.

Elle avait l'impression que sa cage thoracique menaçait d'exploser tellement elle contenait ses émotions alors qu'il s'en allait. S'il haussait la voix, il lui montrerait à quel point la séparation lui était douloureuse. Le chuchotement était mieux pour eux deux. Ça rendait les choses un peu moins difficiles. L'étreinte fut rompue à regret. Les iris aux reflets sanguins s'accrochèrent une dernière fois. Des éclats de tristesse, mais aussi d'encouragement s'y tapissaient.

« Au revoir, Inny. Merci pour tout. »

« C'est normal, Vincent. Au revoir. » lui répondit-elle sur le même ton.

Vincent s'installa ensuite dans le véhicule, côté passager, le cœur lourd. Verdot salua Innyatima, puis s'assit à la place du conducteur.
« C'est bon ? »

« Oui. Merci de m'avoir laissé lui dire au revoir.

- Je t'en prie, c'est naturel, et je ne suis pas sans pitié au point de te faire partir comme un voleur… » soupira son aîné, légèrement agacé qu'on pense qu'en tant que patron, il kidnappait immédiatement ses subalternes. « On y va, dans ce cas. »

Son cadet hocha la tête. Le chef des Turks démarra, puis le véhicule tout terrain partit calmement sous le regard soucieux de la vampire.

Son instinct lui soufflait qu'un jour, elle allait effectivement devoir se rendre au siège de la Shinra… et ce ne serait pas en tant que visiteuse.