_-''-_
Chapitre 7
Besoin d'un temps mort
_-''-_

Après les cours, Steve, Nancy et Jonathan étaient allés au cinéma voir Police Academy 2 afin de détendre un peu l'atmosphère, ça fit un bien fou à Steve de pouvoir rire un peu. Néanmoins, quand Jonathan les ramena en voiture, le soleil s'était couché et Steve sentit son cœur se serrer en se rappelant que ça faisait aujourd'hui une semaine tout juste que lui et Billy s'était engueulé et que lui était parti se saouler à la soirée d'une étudiante de Hawkins.

Mais il prétendit l'inverse, observant la route derrière la portière tandis que Nancy assise à l'arrière racontait une anecdote rigolote à propos d'un policier que sa mère avait rencontré et qui ressemblait comme deux gouttes d'eau au personnage principal. Cependant, Steve n'arrivait plus à écouter. Sa main s'enserra autour de la poignée de la portière quand il vit qu'il s'approchait de chez les Harrington.

Jonathan s'arrêta donc devant chez Steve et coupa le moteur, mais Steve ne le regarda pas et resta un instant sans parler, et personne ne le poussa à sortir. Il eut comme un air désagréable de déjà-vu sauf que cette fois-ci il ne neigeait pas, pas se refusa d'y penser davantage. Mais il fut trop tard. Des souvenirs, encore et encore, le hantaient.

« C'était Billy, » avoua soudain Steve en brisant le silence, ses yeux fixant la voiture de ses parents toujours garée devant chez lui.

Il entendit Jonathan bouger à côté de lui, certainement lançait-il un regard à Nancy à l'arrière.

« Billy quoi ? » lui demanda finalement Jonathan d'une voix allégée, le poussant ainsi à continuer et à ne pas avoir peur.

Steve prit une plus ample inspiration et lâcha la portière pour finalement se retourner vers ses deux amis. Nancy s'était détachée et avait passé la moitié de son corps entre les deux sièges, observant Steve avec certaine tristesse dans le creux de ses yeux.

« C'était Billy Hargrove, » reprit Steve d'une voix plus forte en soutenant cette fois-ci le regard de ses deux amis, n'ayant plus réellement peur de l'avouer à présent et avait confiance en eux pour ne pas aller le crier sous tous les toits. « Mon mec. »

Jonathan garda la même expression attentive, visiblement déjà conscient de l'identité de son petit copain et Nancy hocha lentement la tête, mais parut plus inquiète.

« Est-ce qu'il… t'a fait du mal ? » hésita-t-elle, le cœur lourd.

Elle avait donc eu raison. Et même si elle l'avait compris, ses paroles la chagrinèrent. Hargrove lui avait fait du mal, elle le savait. Il avait beau peut-être avoir épanoui Steve durant ces quatre mois, l'état actuel de Steve l'angoissait au possible.

« Pas comme tu penses, Nance'. Je… Je n'ai pas envie d'en parler, finalement, » répliqua Steve la gorge soudain nouée en ouvrant prestement la portière.

Pourquoi était-ce si dur d'en parler ? Pourquoi pensait-il toujours à tous les bons moments passés avec lui dès qu'une conversation tournait de près ou de loin autour de Billy Hargrove ? Pourquoi son esprit ne le laissait pas tranquille, bon sang. C'était fini, il n'y avait pas à tergiverser.

Mais tout comme sa rupture avec Nancy en novembre, ça faisait un mal de chien.

« Steve, attends ! » s'exclama Nancy en se penchant adroitement entre les deux sièges avant pour lui attraper le tissu de sa veste.

Steve s'arrêta donc et lui jeta un bref regard par-dessus son épaule.

« Si tu veux en parler, n'hésite pas. Même s'il s'agit de Billy Hargrove, ça ne changera rien, d'accord ? » lui fit-elle en fronçant les sourcils, consciente qu'elle avait peut-être mal agi en prenant un air soucieux et peut-être sévère.

Se contentant simplement de hocher la tête à ses paroles, Steve sortit de la voiture et referma la portière derrière lui et Nancy poussa un soupir peiné. Mais soudain, Jonathan détacha sa propre ceinture de sécurité et se tourna rapidement vers sa copine.

« Attend-là, je reviens, » lui ordonna-t-il pour ensuite sortir lui aussi du véhicule.

Steve se stoppa dans l'allée à l'entente de son prénom et Jonathan trottina jusqu'à lui tout en zippant sa veste suite au froid de fin mars.

« Viens ce week-end. Samedi soir, ça te dit ? » lui proposa Jonathan tranquillement. « Tu viens à la maison, ma mère ne sera pas là et Will chez les Sinclair. On se fera un film entre mecs, OK ? »

Steve prit un air surpris, ne s'attendant pas réellement à voir aussi un élan de pitié de la part de Jonathan. Mais… Il n'avait pourtant pas l'impression que c'était simplement de la pitié. Le sourire de Jonathan était sincère et son idée était tentante. Au moins, il savait qu'avec lui il n'aurait pas à craindre une potentielle conversation concernant tout ce foutoir au lycée ou vis-à-vis de sa vie personnelle.

« Allez, si je te dis que je vais louer la trilogie Star Wars, je sais que tu ne peux plus dire non, » reprit Jonathan suite à l'absence de réponse du Harrington, petit sourire sournois sur les lèvres.

« Rah, tu me prends par les sentiments, mec, » finit par sourire doucement Steve en hochant la tête une fois.

Le Byers parut satisfait par sa réponse et frappa son épaule amicalement. Et dire que l'année passée, ils ne pouvaient pas se sentir et se tapaient sérieusement dessus.

« OK, on fait ça. Samedi dix-neuf heures ? » lui proposa Jonathan en fourrant ensuite ses mains dans les poches de sa veste.

« C'est ça, je ramène les bières. »

« Cool. »

Ce fut ainsi le cœur plus allégé qu'il regagna sa maison. Pas qu'il n'aimait pas trainer avec Nancy, loin de là, mais à partir d'aujourd'hui, il avait juste besoin d'oublier. Car une partie de lui lui hurlait de retrouver Billy et essayer d'arranger le coup, mais il savait que c'était impossible. Et Nancy cherchait à l'aider coûte que coûte.

Steve ne voulait pas avoir à nouveau de faux espoirs comme durant le mois de novembre après la fête d'Halloween, quand il pensait pouvoir reconquérir le cœur de la Wheeler. Il voulait juste… juste du repos. Car la situation était devenue trop dangereuse.

Une fois chez lui, il retira lentement ses Nike et sa veste pour s'approcher de l'escalier mais sa mère sortit à cet instant du salon et l'expression grave qu'elle portait figea Steve dans son élan. Elle portait de beaux habits et Steve sut aussitôt qu'elle avait dû sortir avec ses amis de Hawkins comme à chaque retour chez eux, pour certainement jouer au Bridge.

« Steve, tu peux venir un instant ici ? » lui demanda-t-elle d'une voix un peu incertaine.

Steve lâcha la rambarde de l'escalier et fronça les sourcils, mais n'eut pas le temps de l'interroger quant à son comportement étrange car elle était déjà reparti dans le salon, ses chaussures à talons raisonnant dans toute la maison sur le parquet grinçant.

Le jeune garçon suivit donc sa mère jusqu'au salon, espérant qu'un autre problème n'allait pas encore être engendré ici même, il n'avait pas besoin de ça.

Quand il entra dans le salon, son père était déjà assis dans le canapé, il se tenait droit, son poing fermement pressé contre son menton et il regardait à l'extérieur. Sa mère alla se presser contre l'accoudoir d'un des sièges et observait intensément son fils qui commençait à sentir que quelque chose clochait.

Sa mère paraissait bien trop hésitante, et son père… Jamais il n'avait trop su comment lire les expressions de son propre père. À cet instant, il semblait parfaitement impassible et n'apposait aucun contact visuel avec le cadet des Harrington.

« Il s'est passé… quelque chose ? » tenta donc Steve qui commença soudainement à croire qu'un malheur était arrivé dans leur famille.

Peut-être sa tante. Elle avait un cancer sérieux depuis trois ans, peut-être avait-elle passé l'arme à gauche aujourd'hui.

« C'est à toi de nous le dire, fils, » fut la réponse dure de son père en pivotant enfin sa tête vers lui.

Le sang de Steve se glaça au son de la voix tonitruante de son père, mais aussi de l'expression profondément sombre qu'il dévoilait là. Est-ce que par hasard… ils auraient appris à propos du tag, de la soirée, des rumeurs ? Sincèrement, Steve ne s'en était pas inquiété jusque-là, sachant que ses parents repartaient dimanche soir et qu'ils n'auront surement jamais ouï de tout ça.

Mais à cet instant précis, son cœur s'agita, et il prit peur. Il resta paralysé, debout au milieu du salon à soutenir de toutes ses forces le regard tranchant de son paternel en chemise blanche.

« Aujourd'hui j'ai rencontré mes amis, » commença soudain sa mère d'une voix chancelante et rapide en jouant nerveusement avec son bracelet doré. « La mère d'une des étudiantes de Hawkins m'a… parlé de choses qui se seraient déroulé cette semaine. »

Steve avait quitté des yeux son père pour scruter sa mère avec ses yeux apeurés. Merde, merde, merde. Les ragots tournaient si vite ici, surtout quand il s'agissait de mères ou femmes au foyer avides de partager un peu de leur savoir.

« Elle m'a parlé de rumeurs terribles à ton nom, » reprit-elle après un instant suite au silence de Steve à présent blême. « Tu aurais dit des choses, Steve, durant une soirée. »

Steve déglutit. Ça y est, ils étaient au courant. C'était arrivé jusqu'à ses parents, et ça viendrait surement aux oreilles de Neil Hargrove, le père de Billy qui entrerait dans une rage folle en se rappelant que Steve avait été par moments invités chez eux, et qu'il avait été le conducteur de sa fille en cas de dernier recours.

« J'étais… complètement bourré, » tenta de se justifier Steve, les mains tremblantes.

Mais sa voix trahissait sa détresse. Elle n'était pas aussi déterminée et assurée qu'il aurait voulu qu'elle soit.

« Bourré ? Et tu te mets à sortir des âneries pareilles ? » s'exclama soudain son père en tapant l'accoudoir de son poing, faisant sursauter son fils. « On sait tous les deux que tu tiens à peine l'alcool et que tu deviens un moulin à paroles après quelques verres ! »

Il n'avait pas tort, ça Steve le savait mieux que quiconque et il s'en voulait toujours pour ça, mais les choses étaient faites, il n'y avait plus de retour en arrière possible. Il osa à peine regarder son père et finalement, il baissa les yeux, fixant avec tourmente le tapis épais qui traversait toute la pièce.

« C'était une erreur, » fut tout ce que put dire Steve, la gorge serrée.

Il ne se rappelait pas quand une conversation avec ses parents avait tant pris en longueur. C'était à peine s'il se rappelait du son de leurs voix, mais à présent, il aurait aimé ne jamais les avoir entendus.

« Si au grand malheur tu aurais souhaité sortir avec d'autres garçons, fais le bon Dieu, mais jamais, tu m'entends, jamais personne ne doit entendre parler de ça ! » s'exclama Mr Harrington en se levant du canapé pour le désigner d'un geste agressif de la main.

« Quoi ? Tu as peur que je ternisse le nom Harrington ? » siffla soudain Steve, piqué au vif par les paroles de son père.

Il connaissait son père, finalement. Il le connaissait assez pour comprendre que son seul objectif était de faire perdurer sa famille et montrer aux gens leur fortune, leur intelligence et leur chance.

Steve était un putain d'inconnu pour eux. Un putain de pion dans les manœuvres de son père.

« Steve… » tenta sa mère en se détachant de l'accoudoir, visiblement chagrinée par la tournure que prenaient les événements.

« C'est quand même fou que les seules fois où vous posez des questions sur ma vie c'est quand je fais une connerie et que notre nom de famille est en péril ! » continua pourtant Steve avec colère, ses yeux envoyant de terribles éclairs à son père qui avait la mâchoire compressée, furieux.

« Je refuse de voir notre famille reliée de près ou de loin au terme pédé ! » répliqua Mr Harrington en le pointant d'un index sévère.

Ce stupide tag lui revint en mémoire, ainsi que les moqueries et insultes qu'il avait entendues. Mais entendre ce mot sortir de la bouche de son père était nettement plus terrible. Il déglutit difficilement, sentant les larmes lui monter aux yeux, mais il avait sa fierté et jamais il ne les montrerait devant son père.

Son père n'était pas Neil Hargrove, il le savait. Il n'avait pas peur. Mais la réaction de son paternel pourtant si peu présent était douloureuse.

« Philip, » tenta sa mère en faisant un pas en avant.

Mais son mari ne l'écoutait pas et s'avançant vers son fils qui lui, recula inconsciemment.

« Est-ce vrai ce qu'il y a d'écrit sur ce tableau ? Est-ce vrai tout ce que tu as osé dire à cette stupide soirée ? » lui demanda-t-il avec raideur.

Steve finit par se stopper sous le cadre de la double porte, le cœur battant. Que dire ? Que faire ? Il aurait voulu tout nier, et repartir dans sa chambre. Il aurait voulu prétendre. Mais il en avait marre de tout ça. Marre de ses parents et leur hypocrisie, de ces types à l'emmerder au lycée, de Billy Hargrove et sa lâcheté, marre de ses propres sentiments. Il voulait dire « merde » une bonne fois pour toutes.

Il voulait être qui il était, pour une fois, bon sang. Être lui-même.

« As-tu… un petit ami ? » demanda soudain sa mère avant même qu'il n'ait pu chercher quoi répondre.

Son père resta à quelques mètres de lui, secouant lentement la tête comme interdisant à son fils de répondre « oui » et sa mère paraissait mortifiée, une main contre sa bouche comme regrettant sa réponse. Et Steve sentit ses entrailles brûler d'une colère sourde. Il refusait de voir l'expression satisfaite de son père. Il refusait de se mentir à nouveau.

Merde à tout ça.

« J'avais, » lâcha soudain Steve en serrant les poings.

Il entrevit un certain dégoût tirer les traits généralement doux de sa mère, mais il l'ignora, observant son père droit dans les yeux.

« Pardon ? » dit aussitôt Mr Harrington d'une voix dure, en tant que dernière menace. « Je n'ai pas entendu, fiston. »

« OUI j'en avais un ! » lui cria-t-il sans réfléchir, le cœur en morceaux. « Oui ton fils s'est déjà tapé un mec, et oui il a AIMÉ ça ! »

Il n'attendit pas la bombe à retardement qu'était son père et fit volte-face pour se précipiter dans les escaliers. Il entendit son père hurler littéralement son nom, lui ordonnant de revenir ici, mais il refusa d'obéir et se jeta dans sa chambre pour fermer à clé derrière lui et se laisser lentement glisser le long de la porte.

Son père toqua violemment contre la porte, lui intimant d'ouvrir dans la seconde, mais Steve ne répondit pas, ses mains glissant le long de son visage pour se presser contre son crâne et presque arracher ses cheveux. Il replia ses genoux contre lui et finalement, plongea la tête dans ses mains.

« Steven ! Ouvre cette foutue porte ! » beugla-t-il en frappant toujours plus fort.

Steve laissa échapper un sanglot mais totalement inaudible suite au bruit que faisait son père derrière lui. Il voulait hurler, il voulait frapper quelque chose. Il pressa ses deux mains contre ses oreilles et laissa des larmes chaudes couler le long de ses joues pâles.

« LAISSEZ-MOI ! » hurla-t-il en retour.

Il avait besoin d'une accroche. Il avait besoin de quelque chose pour apaiser son cœur tiraillé de toute part et qui menaçait d'exploser. Il avait besoin… d'un peu d'amour.

O

9 décembre 1984

Cela faisait près d'un mois que l'Upside Down était refermé et que le monde semblait avoir repris une allure normale. Cela faisait aussi un mois –à deux ou trois jours près cette fois-ci- que Billy Hargrove était venu s'excuser auprès de lui pour son comportement violent chez les Byers.

Et Steve lui avait porté un regard hautement suspicieux, mais ne voulant pas causer une scénette sur le parking du lycée, avait accepté ses excuses bien qu'un peu sous la contrainte –Hargrove lui avait aussi foutu sous les bras un pack de bière bon prix en guise de dédommagement, apparemment une idée de « ma relou de sœur » comme lui avait dit Billy-.

Et malgré le temps passé et l'euphorie des fêtes de fin d'année qui apaisait tous les cœurs, Steve n'aurait jamais imaginé que Billy Hargrove vienne s'asseoir l'air de rien en face de lui alors qu'il prenait un café dans le restaurant le plus « branché » de Hawkins –après, c'était relatif, rien n'était très branché à Hawkins-.

« Qu'est-ce que tu fiches ? » lui lâcha donc Steve en remarquant que le frère de Max retirait déjà sa veste en cuir pour la jeter sur la banquette et s'emparait du menu déposé sur le côté de la table.

Il crut presque halluciner et cligna plusieurs fois des yeux. En effet Billy Hargrove s'était bien installé à la table qu'il occupait seul, alors qu'il avait commandé un café chaud en ce frais mois de décembre.

« J'ai la dalle et tu es assis à la meilleure place, » lui fit simplement Billy sans lever les yeux du menu, d'une voix extrêmement nonchalante.

Comme si tout ceci était normal.

Steve jeta un bref coup d'œil autour de lui, et ne comprit pas tout de suite en quoi sa table pouvait être la meilleure place du petit restaurant. La fenêtre donnait sur le parking –où il aperçut la Camaro de Billy- et donc n'offrait pas une très belle vue. Peut-être était-ce parce que les toilettes n'étaient pas très loin ? Ou que-…

« Le radiateur, » crut bon d'ajouter le Hargrove en désignant d'un bref signe de tête le fameux radiateur près du mur, qui soufflait une douche chaleur, parfait contraste avec l'extérieur glacial.

Et encore une fois, il avait dit ceci sans lever les yeux du menu et Steve fronça les sourcils. Ce n'était pas comme s'ils étaient amis à l'extérieur du lycée. Ils n'avaient jamais trainé ensemble une fois en dehors des murs de leur campus, bien que dorénavant, leurs interactions au lycée étaient beaucoup moins chaotiques qu'avant. Il y avait juste au basket qu'ils discutaient un peu parfois, ou bien devant une salle de cours. Mais ça s'arrêtait là.

Steve resta donc à le scruter, yeux plissés avec parfaite méfiance. Il vit Billy lever une main à l'égard d'une serveuse pour commander quelque chose –qui mange des frites à quatre heures de l'après-midi ? pensa Steve dans un coin de son esprit- puis Billy pressa ses avant-bras contre la table et plongea son regard clair dans les yeux de Steve.

« Et toi, tu fiches quoi ici ? Tu fais presque pitié avec pour seule compagnie, un café et la chaleur du radiateur. »

Il sentit l'ironie mordante dans les propos de Billy, mais aussi, les prémices d'une honnête question. Steve haussa donc les épaules en entourant ses doigts autour de l'anse de la tasse pour l'agiter doucement et scruter le reste du liquide noir tourbillonner.

« J'ai un entretien d'embauche ici dans une demi-heure, » lui avoua Steve pensivement sans lâcher son café des yeux.

« Pardon ? T'es un mec de riches, Harrington, pourquoi vouloir tacher tes petites mains ici ? » largua Billy, visiblement réellement surpris par la raison de sa présence ici.

« J'ai envie de gagner mon propre argent, le mériter. Tu vois, ne pas profiter de ma condition. »

Puis Steve porta la tasse à ses lèvres et but cul sec la fin de son café encore chaud, quelque peu angoissé par le futur entretien. Jusqu'à présent, il n'avait jamais essayé de chercher un petit boulot comme certains de ses camarades, s'étant trop reposé sur ses lauriers. Mais à présent il avait changé et voulait être responsable.

Même Billy bossait parfois au garage d'un des amis de son père, Max le lui avait un jour dit.

Néanmoins, curiosité quelque peu piquée par la venue de Billy alors qu'il pensait attendre les trente prochaines minutes dans le stress le plus total, Steve poussa son interrogatoire.

« Et toi, sincèrement, tu viens faire quoi ici ? »

Car il ne pouvait pas croire que Billy était sorti lui aussi seul pour prendre un morceau –à quatre heures, aurait voulu rappeler Steve- et que par pur hasard, il tombe sur Steve, lui aussi seul. Dans sa tête, ça ressemblait à une comédie romantique ridicule et il ricana amèrement à cette réalisation si risible.

« Si tu crois que je t'ai suivi à la trace, tu te fourres le doigt dans l'œil, Harrington, » grinça Billy en fronçant les sourcils. « Je ne suis pas un stalker glauque comme ton pote Byers. »

Steve allait répliquer pour sauvegarder l'honneur de son ami Jonathan mais la serveuse arrivait déjà vers eux avec les frites et l'hamburger bourratif que s'était commandé Billy et qui dégouta aussitôt Steve qui avait simplement envie de sucré à cette heure-ci de l'après-midi.

Il ignora royalement le petit clin d'œil inévitable que Billy offrit à la jeune serveuse, cette dernière répondant par un large sourire charmeur. Levant les yeux au ciel face au petit manège habituel, Steve reporta un regard vers le parking. Il vit sa voiture garée près de l'entrée… Est-ce que Billy l'avait vu en conduisant et-… ? Non, c'était ridicule.

C'était un hasard, une pure coïncidence, c'est tout.

« Tu me répugnes… » lâcha soudain Steve avec une grimace de dégout, en voyant Billy manger avec envie le burger si gras.

PAS EN PLEIN APRES-MIDI ! hurlait Steve intensément dans sa tête. Il se demanda même comment l'autre homme pouvait conserver un corps aussi bien sculpté que le sien en mangeant ainsi. Le sport n'était pourtant pas le seul facteur à prendre en compte.

Mais étrangement, alors qu'il disait tout haut ce qu'il pensait quant à l'alimentation de Billy, leur conversation dévia vers des sujets plutôt normaux, presque banales, mais loin de toutes moqueries –quoi que parfois il y eut des ricanements des deux côtés- ou loin de toute violence verbale.

Ils discutèrent ainsi de tout et de rien pendant une vingtaine de minutes –et ce fut bien la première fois qu'ils se supportaient aussi longtemps- et quand Steve vérifia sa montre, il vit Billy sortir un feutre noir de sa veste en cuir toujours déposée sur la banquette et écrire quelque chose sur l'une des serviettes en papier. Steve retint un énième levé d'yeux au ciel, comprenant que Billy avait la ferme intention d'offrir son numéro à la serveuse qu'il avait pas mal reluquée durant leur discussion et qui plus est, semblait être paré à ce genre de situation puisqu'il avait un foutu feutre caché dans sa veste.

Finalement, Billy s'était levé, récupérant ses affaires.

« Bonne chance pour ton entretien Harrington, hâte de te voir en jupe, » ricana alors Billy.

Pour toute réponse, il n'avait obtenu d'un doigt d'honneur dirigé tout droit vers Billy. Puis, le blond s'était rapproché de la table.

« Oh, et nettoie un peu ta face avant que le recruteur ne se tape des barres, » lui fit-il en tirant devant Steve une serviette blanche carrée non-utilisée.

« Dégage, Hargrove, » marmonna Steve qui savait pertinemment que l'autre idiot se fichait de lui, puisque quelques minutes auparavant il était allé aux toilettes et avait vu dans le miroir que ses cheveux étaient encore bien coiffés et que son visage vierge de toute tache de café.

Eh non, il n'était pas allé se refaire une beauté pour Billy, ça va pas ?

Puis, après un autre ricanement, Billy avait tourné les talons pour quitter le restaurant et s'enfoncer dans le froid mordant de cette fin d'automne. Poussant un second soupir encore quelque peu surpris par le temps qu'il avait passé avec Billy, il récupéra la serviette pour la mettre dans l'assiette vide en face de lui afin qu'elle rejoigne les déchets, mais quelque chose le figea.

Un frisson électrique passa dans tout son corps et il écarquilla les yeux, totalement ahuri. Là, en feutre noir, de l'autre côté de la serviette que lui avait donnée Billy, était inscrit en lettres grasses le numéro d'un téléphone avec rajouté à la va-vite une tranche horaire régulière à respecter –peut-être à cause de son père que Max a toujours dit, était sévère ?-

Mais… Steve déglutit, le cœur battant, ses yeux englués sur le numéro de téléphone. Qu'est-ce que ça voulait dire ? Ce genre de petite attention, un numéro de téléphone sur une serviette en papier, c'était destiné surtout à une personne qu'on souhaitait… conquérir, non ? Steve était persuadé que la serveuse serait la réceptionniste de ce message.

Était-ce une blague de mauvais goût ? Une erreur ? Steve était totalement stupéfié et lorsqu'il leva brusquement la tête vers le parking, il vit simplement la Camaro de Billy quitter les lieux.

Et son cœur battait douloureusement contre sa poitrine.


Un peu de douceur dans cette fic, alors il y aura quelques flashback entre Steve et Billy, avant et pendant leur couple.

Merci d'avoir lu et merci au reviews anonymes !

Kiss à tous !