Bonjour, me revoilà avec une nouvelle histoire longue qui, j'espère, vous plaira.

Comme toujours, Durarara et ses personnages appartiennent uniquement à Ryōgo Narita.

/!\ Cette histoire se situe après l'anime/le volume 13 du LN. Elle spoile donc la fin et elle prend aussi en compte certains éléments de la suite (Durarara SH et sunset with Izaya), mais rien de bien important (sauf en ce qui concerne l'état d'Izaya) puisque je fais ma propre version de la suite des évènements.

Attention, cette histoire parlera de stress post-traumatique et de dépression.

Je vous souhaite une bonne lecture !


Nouveau départ

1. Shizuo Heiwajima

« Fais-le, monstre. »

La voix d'Izaya était raillée. Ses yeux fatigués et sa respiration hachée. Tout ça, Shizuo le voyait, mais sans vraiment le voir. Il était en colère. Non, c'était pire que ça. Il était furieux comme jamais il ne l'avait été. Ses doigts se resserrèrent alors sur le distributeur qu'il avait trainé jusque-là. Il allait le faire. Au fond de lui, il savait qu'il allait le tuer. Izaya ne serait jamais capable d'esquiver un tel coup dans son état. Shizuo avait hâte. Hâte de détruire l'homme qui lui faisait face. D'ailleurs, il ne le voyait même plus comme un homme. Ce n'était qu'un sale puceron qu'il allait enfin pouvoir écraser. Sa haine état tellement forte qu'il avait même abandonné toute part d'humanité en cet instant précis. Plus rien ne comptait à part tuer. Tuer. Tuer !

Shizuo se réveilla alors brusquement. La sueur coulait de son front alors que sa respiration était rapide. Il lui fallut bien quelques secondes pour reprendre ses esprits et se rendre compte que, non, il n'était plus dans cette rue, s'apprêtant à commettre un meurtre. Il était chez lui. Tout allait bien... Les battements de son coeur se calmèrent alors lentement. Shizuo soupira. Encore ce maudit cauchemar. Pourquoi revenait-il le hanter maintenant ? Cela faisait deux ans que la puce était partie – avait disparu – peu importe le terme. Et pendant toute la première année, jamais Shizuo n'avait rêvé de lui. Alors pourquoi revoyait-il cette scène toutes les nuits depuis plusieurs mois à présent ? Au fond, il connaissait la réponse, mais il ne voulait pas y penser. Il ne voulait plus penser à tout ça. Ce qui s'était passé ce soir-là, il aimerait tellement pouvoir l'oublier.

Agacé par ce réveil en plein milieu de la nuit, Shizuo savait qu'il n'arriverait pas à se rendormir aussitôt. Il se força alors à se lever et alla chercher son paquet de cigarettes. Fumer, c'était bien la seule chose qui arrivait à le détendre après de tels rêves. S'en allumant une sans attendre, Shizuo en profita pour sortir sur son petit balcon. L'air frais sur son visage lui fit du bien. Il avait beau être trois heures du matin, il faisait bon. L'été était là. Shizuo resta presque immobile, à contempler le ciel. Il faisait tout ça pour chasser ses souvenirs de son esprit. Ça marchait bien en général. Il fallait juste attendre un peu... Inspirant profondément la fumée, Shizuo finit par sentir, au bout d'un moment, ses muscles se relâcher petit à petit. Son esprit se vida alors complètement. Il allait pouvoir reprendre sa nuit. Cette technique marchait à chaque fois, même s'il savait qu'il devrait trouver rapidement une solution plus définitive pour que tout ça s'arrête enfin. Il ne voulait plus revoir ces images, plus jamais... Ecrasant sa cigarette, il finit par se trainer jusqu'au lit. Il avait besoin de dormir encore un peu et, cette fois-ci, il espérait qu'aucun cauchemar ne vienne le perturber...

Le lendemain, malgré sa nuit entrecoupée, Shizuo ne se sentit pas trop fatigué en se levant et était même relativement de bonne humeur, comme s'il avait oublié ses mauvais rêves. C'était sa nouvelle habitude. Tout ce qui concernait ce soir-là restait bien planqué au fin fond de son esprit. Hors de question que cela vienne parasiter ses journées. C'était déjà suffisant avec ses nuits ! En plus, il faisait bon, ce n'était clairement pas un jour à être énervé. Le ciel était d'un bleu éclatant en cette matinée de mars. Le soleil trônait déjà fièrement dans le ciel de Tokyo alors que Shizuo rejoignait à peine son patron pour commencer sa journée de travail. Marchant alors dans les rues avec lui, il profitait du calme qui règne à présent dans le quartier d'Ikebukuro. Les étudiants reprenaient tranquillement le chemin de l'école et les différents gangs, qui peuplaient autrefois la ville, ne se montraient quasiment plus. Ces derniers temps, le coin avait des allures de quartier tout à fait normal. Enfin, si on exceptait une motarde sans tête et un homme à la force surhumaine et au costume de barman.

C'était d'ailleurs une journée ordinaire qui commençait pour ce dernier. Faisant ce travail depuis plusieurs années maintenant, il y avait ses petites habitudes. Même si ce n'était pas le boulot de ses rêves, au moins, ça lui permettait de payer son loyer. En plus, Tom s'était toujours montré compréhensif par rapport à ses accès de colère. Enfin, ceci dit, depuis plusieurs mois, Shizuo s'était un peu calmé. Il était devenu plus patient et ne frappait plus aussi fort qu'avant. Il arrivait même à prendre sur lui. Pas tout le temps, mais beaucoup plus souvent qu'avant en tout cas. Il arrivait à se contrôler bien mieux qu'auparavant. Du coup, sa vie était devenue plus calme. Il avait l'impression qu'un vrai changement s'était opéré dans son quotidien depuis deux ans. Mais il lui avait fallu un peu de temps pour s'assurer que ce serait réellement permanent. Shizuo voyait un peu ça comme une nouvelle ère qui s'installait à Ikebukuro. Après les terribles événements qui avaient eu lieu deux ans auparavant, la ville avait changé petit à petit, sans non plus se transformer totalement. Les yakuzas officiaient toujours dans le coin et certaines écharpes de couleur trainaient encore ici et là. Mais rien n'était plus vraiment pareil depuis la dissolution des Dollars... et depuis son départ. Et pourtant, la vie continuait comme si rien de tout ça n'avait la moindre importance. Et peut-être que c'était normal dans le fond. Deux ans, c'était long. C'était donc tout à fait logique que la plupart des gens soient passés à autre chose. D'ailleurs, à présent, Shizuo n'entendait plus jamais parler des Dollars, ni de lui. C'était comme ça la vie. Un jour, une personne faisait partie intégrante de votre quotidien, l'autre jour, elle n'existait tout simplement plus... Mais là-dessus, Shizuo ne comptait pas se plaindre. Loin de là ! Même si... Même si quelque chose l'empêchait de tourner définitivement la page et d'aller enfin de l'avant.

« Je suis content, déclara alors Tom tandis qu'ils se dirigeaient vers une habitation quelconque, on a pas beaucoup de boulot aujourd'hui. Tu pourras sans doute rentrer plus tôt et profiter un peu du beau temps.

— Ouais, ce serait bien. »

Tom lui sourit chaleureusement. Il était sympa. Même après avoir été témoin de toute la violence qui habitait le blond, il était toujours resté à ses côtés. Shizuo pouvait vraiment s'estimer heureux de l'avoir. Il savait qu'il pouvait également se confier à lui, sans risque qu'il ne se moque. Et ce fut pour ça qu'il aborda tranquillement avec lui une idée qui lui était venue récemment.

« Tu sais Tom, maintenant que tout semble aller mieux pour moi, j'aimerais faire quelque chose de ma vie. Quelque chose de concret. J'ai même pensé à reprendre mes études, mais à vingt-sept ans, c'est sans doute ridicule.

— Ça ne l'est pas. Si tu as envie de le faire, fais-le. Ne t'en prive surtout pas.

— C'est juste que... j'aimerais avoir un métier qui me plait vraiment. Ne le prends pas mal, mais aller menacer les gens pour récupérer de l'argent, c'est pas trop mon truc.

— Ha ha, ne t'en fais pas, je comprends, rigola Tom. Qu'est-ce que tu aimerais faire alors ?

— J'ai toujours voulu travailler pour la justice. Comme détective ou un truc du genre, avoua Shizuo. Ouais, je sais, c'est stupide. Je ne suis sans doute pas assez intelligent pour ça.

— Ne dis pas n'importe quoi. Tu devrais te renseigner sur les démarches à effectuer. C'est le bon moment pour toi. Depuis quelque temps, en plus, plus personne ne cherche à entrer en conflit avec toi. C'est plutôt une bonne chose. »

Shizuo plissa légèrement les yeux en entendant ces mots. C'était vrai, mais cette phrase lui fit aussitôt penser à la puce. Evidemment, depuis qu'il n'était plus là pour envoyer des gens essayer de le blesser, voire de le tuer, Shizuo avait droit à plus de calme... Mais la simple pensée du brun rendait tout calme impossible. Le blond sortit alors une cigarette et se mit à fumer pour se calmer.

« Evidemment, répliqua-t-il. Il n'y avait que lui d'assez fou pour venir me faire chier régulièrement. »

Tom le fixa un moment. Depuis ces deux dernières années, Shizuo n'avait jamais évoqué l'informateur. Respectant son choix, Tom n'en avait également jamais fait allusion. Pourtant, ce n'était pas l'envie qui lui manquait. Non pas que le sujet l'intéressât spécialement, mais il voulait juste s'assurer que Shizuo allait bien. Tom n'avait jamais porté Izaya dans son coeur. Sans aller jusqu'à le haïr, il n'arrivait, tout simplement, pas à le comprendre. Sa mort possible était, malgré tout, étrange. Il n'en voulait pas à Shizuo, mais il se demandait comment ce dernier vivait avec ça sur la conscience. Seulement, jamais il n'oserait lui poser la question. Le mieux, pour lui, était donc de le soutenir. Parce que Shizuo n'avait pas à culpabiliser pour ça. Tom en venait même à penser qu'Izaya devait être suicidaire pour avoir attaqué à ce point Shizuo ce soir-là. Ça expliquerait d'ailleurs pas mal de choses. Parce que si Izaya avait eu envie de mourir, il ne s'y serait surement pas pris autrement...

« En tout cas, je suis content qu'il ne soit jamais revenu, déclara alors Tom, donnant son avis pour la première fois sur la question. Ça te fait beaucoup de bien qu'il ne soit plus là. Tu arrives enfin à te contrôler. Sans ce sale type, tu peux être celui qui tu veux.

— Ouais... »

Shizuo n'ajouta rien d'autre. Alors, c'était ce qu'ils pensaient tous ? Qu'il s'était calmé parce qu'il n'était plus là pour le faire chier ? C'était en partie vrai, mais... Ah, si seulement c'était aussi simple... Fumant toujours, Shizuo poursuivit son chemin, avec Tom, dans les rues d'Ikebukuro, silencieux. Oui, il était beaucoup plus calme maintenant qu'on ne venait plus le chercher quotidiennement, mais il n'y avait pas que ça. La vérité, c'était qu'il retenait également ses coups parce qu'il avait peur de sa force à présent. Il avait toujours détesté ce côté monstrueux, bien sûr, mais il n'avait jamais eu peur de lui-même pour autant. Pourtant, cette violence meurtrière qui l'habitait était, soudainement, devenue terrifiante...

Il ne s'était jamais rendu compte, auparavant, des dégâts qu'elle pouvait infliger. Enfin, il le savait, mais sans réellement le savoir. C'était comme si son cerveau n'enregistrait pas ce qu'il faisait. Et puis, ça n'avait pas d'importance. Chaque personne qu'il avait blessée le méritait. A vrai dire, il n'avait jamais vraiment fait face aux conséquences de ses accès de colère. Bah, il se doutait bien qu'il avait dû casser un bras ou deux, peut-être qu'il avait également provoqué quelques commotions, mais jamais rien de bien grave à ses yeux. Du moins, jusqu'à sa dernière altercation avec Izaya... Plus il y pensait, plus il avait envie de vomir. Il arrivait encore à sentir les os d'Izaya se briser sous ses poings. Ça le dégoûtait. Il se dégoûtait lui-même. Bien sûr, Izaya l'avait cherché ! Cette foutue puce avait essayé de le tuer ! Il l'avait mis hors de lui ! Shizuo n'avait pas réussi à se retenir. Tout ce qui avait compté pour lui, à ce moment-là, avait été le fait d'enfin pouvoir écraser cette vermine de merde ! Et il aurait été jusqu'au bout si Vorona ne l'avait pas arrêté.

Elle l'avait empêché de devenir un meurtrier... Enfin, en théorie. Parce que si Izaya n'était toujours pas revenu à Ikebukuro, c'était forcément que quelque chose l'en empêchait. Shizuo n'avait jamais rencontré quelqu'un d'aussi têtu – et énervant ! – que lui. Il n'y avait donc aucune raison qu'Izaya lui foute enfin la paix... Sauf s'il n'avait pas d'autres choix. Les choses étaient donc très claires dans l'esprit de Shizuo. Soit Izaya était trop blessé que pour pouvoir revenir, soit il avait succombé à ses blessures... ce qui était le plus probable, parce que si la puce était juste blessée, il aurait sûrement fait appel à Shinra à un moment ou à un autre. Et même, après deux ans, il aurait eu le temps de s'en remettre. De plus, Shizuo avait vu dans quel état il se trouvait avant même d'être poignardé par Vorona. Comment aurait-il pu survivre à ça ? Shizuo avait été monstrueux avec lui. Dans le fond, c'était Izaya qui avait raison. Il était un monstre. Alors, il s'était promis de ne plus jamais se retrouver dans ce genre de situation à nouveau. S'il était beaucoup moins violent qu'avant, ce n'était donc pas uniquement parce qu'Izaya n'était plus là pour le pousser à bout, mais bien parce que Shizuo avait peur de tuer quelqu'un (encore).

Pendant ces deux dernières années, Shizuo n'avait parlé à personne de son malaise, surtout parce qu'il espérait que ce sentiment finirait par partir. Mais rien n'y avait fait, c'était même de pire en pire. Plus le temps passait et plus Shizuo se sentait mal... La première année qui avait suivi leur combat, Shizuo s'était attendu à chaque instant à voir débarquer Izaya. Mais les semaines avaient défilé, se transformant en mois et Shizuo s'était alors dit qu'Izaya avait besoin de récupérer complètement avant de revenir. Mais la deuxième année était arrivée et Shizuo avait commencé à douter... Et si Izaya ne revenait jamais ? Ce serait bien, dans l'idéal. Pourtant, Shizuo n'arrivait pas à s'en réjouir. Il haïssait cette maudite puce, mais vivre avec son meurtre potentiel sur la conscience était bien plus dur qu'il ne l'aurait cru. C'était, d'ailleurs, au moment où il avait pris réellement conscience qu'il l'avait peut-être tué que les cauchemars avaient commencé.

Pourtant, il avait toujours pensé qu'il serait enfin heureux le jour où il n'aurait plus à supporter cet informateur de malheur, mais la vérité, c'était qu'il était dans un état bien pire que lorsque ce dernier était là. C'était l'incertitude qui était horrible. S'il savait de source sûre qu'Izaya était en vie et foutait la merde ailleurs, il en serait pleinement satisfait. Mais le fait de ne pas savoir dans quel état la puce se trouvait le rendait malade. Bien sûr, Izaya avait eu ce qu'il méritait, mais Shizuo, lui, ne pouvait pas supporter l'idée d'avoir du sang sur les mains. Ce n'était pas parce qu'Izaya était quelqu'un de mauvais que ça rendait son acte légitime, si ?

Shizuo ne regrettait pas de lui avoir fait du mal. Izaya était comme une sorte de zombie, qui revenait sans cesse vers lui peu importe les moyens déployés par le blond pour le faire fuir. Alors si en tapant plus fort, ce dernier arrivait à ses fins, il ne pouvait qu'en être content. Il se moquait de la souffrance du brun. Et pour rien au monde, il ne voulait pas le revoir à Ikebukuro. Mais... mais s'il pouvait quand même l'apercevoir, juste une seconde, pour s'assurer qu'il était en vie, ça le soulagerait. Les cauchemars partiraient et il pourrait enfin vivre sa fin comme il l'entendait.

Cependant, c'était trop demandé. Rester dans l'incertitude était sans doute sa punition pour avoir fait autant de mal autour de lui toutes ces années avec ses accès de colère. Peut-être qu'il le méritait. Ou peut-être qu'il était juste naïf. Après tout, tout indiquait qu'Izaya était mort. Il devrait l'accepter, ça rendrait peut-être les choses plus simples. Et puis, toute cette culpabilité qu'il ressentait, était-ce vraiment justifié ? C'était Izaya qui l'avait attaqué en premier. Il avait essayé de le tuer et n'y était pas allé de main morte. Shizuo n'avait fait que gagner leur combat. Il n'avait pas à s'excuser pour ça... Izaya méritait la mort après tout et ça, Shizuo le pensait toujours actuellement... Alors, sans doute que tout ce qui comptait maintenant, c'était que le blond ne tue plus jamais personne. Peut-être qu'avec le temps, il arriverait à vivre avec ce meurtre sur la conscience... Peut-être... Il l'espérait en tout cas. A vrai dire, il était perdu. Il ne savait pas comment agir. Alors, il se cherchait toutes les excuses du monde. Pourtant, les faits étaient là. Si Izaya était mort – et tout prouvait qu'il l'était – Shizuo en était responsable. Peu importe ce qu'il disait, peu importe ce qu'il pensait...

Malgré ses sombres pensées, la journée se passa comme d'habitude. Certains clients furent plus chiants que les autres, mais Shizuo n'eut aucun mal à les faire payer, simplement en les menaçant. Il n'y avait pas à dire, sa vie était quand même beaucoup plus simple à présent sur certains points de vue.

« Bon, on a bien travaillé, déclara Tom en fin d'après-midi. Tu peux rentrer si tu veux.

— Très bien. A demain.

— A demain, Shizuo. »

Le saluant de la main, ce dernier finit par s'éloigner. Il ne savait pas trop quoi faire de son temps libre, mais comme il faisait beau, il décida d'en profiter et de marcher sans but dans le quartier. La ville était calme, presque trop calme. Shizuo devait désormais s'habituer à pouvoir se balader sans que quelqu'un essaye de le poignarder dans le dos. Ah, décidément, tout revenait toujours à lui. Izaya. Même mort, ou simplement disparu, il continuait à venir le faire chier. Mais quand même, il ne pensait pas autant à lui avant. Etait-ce l'arrivée de ces deux gamins bizarres qui avait changé la donne ?

Shizuo avait oublié leur nom. Par contre, ce dont il se souvenait très bien, c'était que l'un des deux avait une force incroyable – pas autant que lui, mais plus que le commun des mortels – et que l'autre était une sombre merde manipulatrice. Ce dernier lui avait fait directement penser à Izaya. Une colère sourde s'était alors emparée de lui. Une haine si forte qui lui prouva bien qu'il n'avait rien pardonné à l'informateur malgré l'issue de leur combat. Pourtant, l'autre garçon – celui qui ressemblait à Shizuo – l'avait protégé. Ils étaient vraisemblablement amis. Ça avait perturbé l'ancien barman. Il avait tellement l'impression de les voir, la puce et lui, en eux, que cette vision n'avait aucun sens pour lui. Mais ça le travaillait malgré tout. Il avait même fini par demander à Celty si elle pensait qu'il aurait pu s'entendre avec Izaya. Elle avait dit non. Ça l'avait rassuré. Un peu.

Mais, depuis, il repensait de plus en plus souvent à l'informateur. Les cauchemar n'arrangeaient rien en plus. C'était insupportable. Il le haïssait tellement. Encore plus maintenant que cette merde l'empêchait même de profiter enfin de son absence. Pendant dix ans, Izaya s'était comporté comme une vraie petite puce, à sauter partout autour de lui, à l'emmerder, sans que Shizuo arrive à l'attraper. Il en était devenu dingue. Il avait essayé tout et n'importe quoi, mais Izaya n'avait jamais dénié lui foutre la paix. Rien que d'y songer, les mains de Shizuo se mirent à trembler. Si Izaya était en vie, il valait mieux pour lui qu'il reste loin – très loin même – d'Ikebukuro, parce que, malgré sa crainte d'être devenu un meurtrier, Shizuo savait qu'il n'arriverait pas à garder son calme face à lui. Il le tuerait probablement pour de bon s'il osait revenir. A supposer que ce ne soit pas déjà fait, bien entendu...

Agacé de ne penser qu'à lui, Shizuo accéléra un peu l'allure, sans même s'en rendre compte. Il devait arrêter de réfléchir à tout ça ! Mort ou pas, Izaya n'était plus là de toute façon. Il était plus que temps d'en profiter enfin ! Tiens, et s'il allait chez Simon au lieu de marcher sans rien faire ? Ça lui ferait surement du bien de boire un peu, ça le détendrait. Ses pas se dirigèrent alors vers le restaurant. Mais, alors qu'il approchait, il entendit de drôle de bruits venant de la droite. Il jeta un coup d'oeil, cependant il n'y avait qu'une ruelle déserte seulement jonchée par des déchets. Le bruit se fit plus fort malgré tout. Fronçant les sourcils, Shizuo s'avança alors, les yeux trainants partout. Il lui fallut un moment pour se rendre compte que ce qu'il prenait pour un tas de détritus n'en était pas un du tout. C'était une grosse boule de poils, impossible à identifier, mais qui bougeait néanmoins.

Surpris, Shizuo s'accroupit et se rendit enfin compte qu'il s'agissait d'un animal. Il supposait que c'était un chien, même si, vu sa taille, ça pouvait être un loup, mais que ferait un loup à Ikebukuro ? Le blond essaya de repérer une quelconque blessure. La bête était clairement mal en point. Ses poils étaient emmêlés et sales, ce qui lui donnait un horrible aspect boueux. Du sang séché était présent sur ses pattes arrière, comme s'il se les était prises dans un piège. Shizuo serra les poings à cette vue. Qui avait osé faire ça ?! Le blond avait toujours bien aimé les chiens. Que quelqu'un puisse faire du mal à cet animal sans défense le rendait malade. Mais il avait plus important à faire que de s'énerver actuellement. Avec des gestes contrôlés, il s'approcha de la bête, qui se mit aussitôt à grogner.

« Hey, n'aie pas peur, je ne vais pas te faire de mal, marmonna Shizuo. Je vais t'emmener chez un ami, il te soignera. »

N'étant nullement impressionné par les grognements de plus en plus forts, Shizuo le souleva le plus doucement possible. Il fit attention à ne pas aggraver ses blessures. L'animal commença alors à trembler, ce qui fit davantage froncer les sourcils du blond. Qu'avait-il dû vivre pour en arriver là ? Plus qu'agacé, Shizuo se précipita chez Shinra. Il ne connaissait aucun vétérinaire et il doutait qu'il existe des urgences pour animaux. Le médecin illégal saurait surement l'aider.

« Je sais que je pratique parfois des expériences étranges, mais là, tu vas trop loin Shizuo, rigola Shinra une fois que ce dernier eût enfin rejoint son appartement.

— Ferme-là ! Et occupe-toi de lui !

— Tu sais, quand même, que je ne suis pas un vétérinaire, n'est-ce pas ? Il y a une différence flagrante entre s'occuper d'un humain ou d'un animal.

— Fais-le !

— D'accord, d'accord. Suis-moi. »

Ils se dirigèrent vers la pièce d'à côté, qui regroupait tout le matériel du médecin. Ce dernier lui demanda de déposer la bête sur la table. Seulement, quand il voulut l'approcher, il faillit se faire mordre.

« Ah, c'est bien pour ça que je préfère les humains, se plaignit Shinra. Tu as vu la taille de ses crocs ?

— Fais ton boulot et tais-toi.

— Techniquement, ce n'est pas mon boulot.

— Shinra...

— Oh, un peu d'humour Shizuo. Bon, je vais devoir l'endormir, ce sera plus simple.

— Bien, je te laisse t'en charger.

— Tu t'en vas déjà ?

— Ouais, j'ai fait tout ce que je pouvais. Occupe-toi bien de lui et ne va pas le foutre à la fourrière derrière.

— Ha ha, comme si c'était mon genre. »

Shizuo préféra ne pas répondre et quitta l'appartement sans attendre, ne voyant pas, de toute façon, ce qu'il aurait pu faire de plus. Et puis, il ne s'attardait que très rarement chez Shinra ces derniers temps... En marchant à nouveau dans la rue, il se sentit un peu mieux. Il avait fait quelque chose de bien aujourd'hui. Au moins, il pouvait être fier de ça. Il espérait que l'animal s'en sortirait. Et il espérait aussi qu'il ne tomberait jamais sur l'humain qui lui avait fait ça, sinon il ne donnait clairement pas cher de sa peau ! Enfin, il avait bien agi en tout cas. Il pouvait enfin aller rejoindre Simon au restaurant à présent. Il y passa d'ailleurs une bonne partie de la soirée. Boire n'avait jamais été un problème pour lui. Il avait la descente facile et tenait bien l'alcool. Quand il finit par partir du restaurant, le ciel commençait déjà à se noircir. Il avait tellement discuté avec Simon qu'il n'avait pas vu le temps passer. D'un pas lent, il rentra alors chez lui. Mais alors qu'il était presque arrivé, il vit, un peu plus loin, un homme portant une horrible veste à fourrure...

Son sang ne fit qu'un tour. Putain ! Il était là ! Sans même réfléchir une seule seconde, il s'élança, choppa le type par l'arrière et le plaqua violemment contre le mur de brique.

« Enfoiré ! Cette fois-ci, je ne vais pas te louper ! »

Il croisa alors le regard terrifié du jeune homme. Le bras en l'air, prêt à frapper ce dernier, il lui fallut de longues secondes pour que son cerveau alcoolisé comprenne qu'il ne s'agissait pas d'Izaya. En y regardant de plus près, ce n'était même pas la même veste... La main de Shizuo retomba alors le long de son corps. Il relâcha l'homme qui ne se fit pas prier pour déguerpir en vitesse. Un sentiment désagréable s'infiltra alors dans la poitrine de Shizuo. Il n'était pas guéri. Sa putain de violence était toujours aussi forte qu'avant. Et il était toujours autant aveuglé par la haine. Il était prêt à le tuer... Si ça avait été réellement Izaya, il l'aurait tué en l'écrasant contre le mur. Tout était allé tellement loin entre eux. Shizuo ne voyait pas comment faire marche arrière. Mais cette haine intense le mettait dans un état de rage qu'il redoutait maintenant...

Serrant le poing, il se força à s'éloigner et à rentrer chez lui. Comment pouvait-il espérer avancer s'il pétait un câble à chaque fois qu'il croisait quelqu'un qui lui rappelait la maudite puce ? Ça n'allait pas, ça n'allait vraiment pas. Mais que devait-il faire à la fin pour enfin faire disparaitre Izaya de sa vie ?! Il s'attendait trop à le voir revenir, parce qu'il revenait à chaque fois. C'était peut-être pour ça que Shizuo n'arrivait pas à imprimer que, cette fois-ci, il était plus que probable que l'informateur ne soit jamais de retour.

Enervé et dépité, Shizuo se laissa pratiquement tomber sur son lit en rentrant. L'alcool aidant, il s'endormit presque aussitôt. Il fit à nouveau des cauchemars, mais, cette fois-ci, cela ne le réveilla pas. Les images s'enchainèrent toute la nuit: il frappait Izaya avec ce grand poteau de construction, l'envoyant voler dans les airs comme une vulgaire balle de base-ball, Izaya avançait péniblement pour essayer de s'enfuir, Shizuo le rattrapait et le frappait pour la première fois, les os des bras de l'informateur volèrent en éclats sous son coup, Shizuo s'approcha de lui. Il n'y avait pas de distributeur à portée de main, mais il s'en fichait. Izaya était trop faible pour rester debout. Sans peine, le blond l'étala sur le sol et grimpa sur lui. Sans attendre, ses mains se resserrèrent sur son cou. Izaya lui lança alors un regard terrifié qui ravit Shizuo. Ce dernier serra sa nuque et sourit férocement lorsqu'il la sentit céder sous ses doigts...

Quand le réveil le sortit de ces affreuses images, Shizuo pouvait encore sentir la peau d'Izaya sous ses doigts. D'un geste, il se releva et alla vomir tout le contenu alcoolisé de son estomac dans les toilettes. Merde, ce n'était vraiment plus possible ! Comment pouvait-il être aussi horrible... Ce matin-là, il prit plus de temps que d'habitude pour s'apprêter, essayant de faire passer ce terrible goût de bile de sa gorge. Mais les images, elles, restèrent fixement accrochées à ses rétines.

La journée au travail fut, du coup, moins fructueuse que le jour d'avant. Il ne parla pas beaucoup. Heureusement, Tom ne semblait pas lui en tenir rigueur et respecta son envie de calme. Vers seize heures, alors que Shizuo se dirigea vers le bureau après avoir vu le dernier client, il reçut un appel de Shinra. Se souvenant de l'animal qu'il avait déposé chez lui la veille, il décrocha directement.

« Ouais ?

— Bonjour Shizuo. J'ai pensé que ça t'intéresserait de savoir que j'ai fini de soigner le chien que tu m'as ramené, commença directement le médecin. Il n'est pas encore en grande forme, mais il va survivre. J'ai fait appel à une connaissance qui s'y connait bien en animaux, elle a pu me guider de loin pour certaines choses. Après tout, l'anatomie du chien n'est pas tout à fait la même que la nôtre. Enfin bref, il est réveillé. Oui, parce que, au fait, c'est un mâle. Je voudrais bien le laver, avant d'essayer de le donner, mais il refuse que je l'approche. Il a même essayé de m'attaquer plusieurs fois. Je ne veux pas qu'il bouge trop, il va rouvrir ses points de suture sinon.

— ... Tu parles beaucoup trop, soupira Shizuo. Donc, en gros, tu m'appelles non pas pour me donner de ses nouvelles, mais pour que je vienne t'aider, c'est ça ?

— Euh, je dirais pas les choses comme ça, mais... oui si on veut...

— ... Je passerai après le boulot. »

Sans même le saluer, Shizuo raccrocha. Shinra était quand même gonflé, il pouvait bien demander à Celty, non ? Mais bon, au moins, ça occuperait le blond. Et ça lui éviterait de penser à n'importe quoi. Bien qu'il ait remarqué qu'il aimait de moins en moins voir Shinra. Ce n'était pas à cause de sa personnalité bizarre, mais, encore une fois, de la puce. Shizuo savait qu'ils avaient été amis – bien qu'il n'eût jamais compris pourquoi. Il se demandait souvent si Shinra était triste de la mort – du départ ! – d'Izaya. Est-ce qu'il lui en voulait pour ça ? Il n'en avait jamais rien montré, mais ce n'était pas impossible pour autant. C'était difficile de savoir. Shinra n'avait pas changé depuis ces deux dernières années, comme si rien ne s'était passé. Il continuait d'être heureux avec Celty. Peut-être qu'il n'avait besoin que d'elle. Peut-être qu'il s'enfichait de la mort d'Izaya. Après tout, la puce avait manigancé des trucs vraiment pas nets avec la tête de Celty.

Enfin, dans tous les cas, Shizuo enviait Shinra. Il arrivait à continuer à vivre tout simplement. Le blond aurait aimé pouvoir en faire de même. Tout le monde avait repris le cours de sa vie. Même Vorona ne semblait pas perturbée pour le fait d'avoir poignardé Izaya. Elle était retournée vivre en Russie, comme elle l'avait toujours prévu. Elle lui avait proposé de se revoir, mais Shizuo n'avait jamais donné suite. Parce que, à chaque fois qu'il pensait à elle, il revoyait inlassablement ce qui c'était passé ce soir-là. Foutue puce de merde ! Il avait même réussi à foutre en l'air son amitié avec Vorona ! Enervé, il fallut beaucoup d'efforts à Shizuo pour arriver à se calmer et à se concentrer sur la tâche qu'il devait accomplir. Son boulot était plus important que ces souvenirs pénibles...

Une fois son travail terminé, il se rendit donc chez Shinra. Ce dernier semblait vraiment soulagé de le voir. Le prenant par le bras, il l'emmena directement près du chien qui, effectivement, se mit à grogner dès qu'il aperçut le médecin.

« Je crois qu'il ne m'aime pas, soupira Shinra.

— Ce ne serait pas étonnant. Bon, tu as de quoi le laver ?

— Oui, j'ai préparé une bassine d'eau. Evite de trop mouiller ses blessures.

— Ça va, je ne suis pas stupide non plus. »

Retroussant ses manches, Shizuo s'approcha de l'animal. Ce dernier était clairement dans une position défensive, pourtant il le laissa le toucher. Avec des gestes les plus doux possible, le blond commença à le laver. C'était étrange. Jamais il n'avait dû être aussi délicat avec qui que ce soit. Ça le rendait un peu nerveux. Pourtant, le fait que ce soit un animal le mettait plus à l'aise malgré tout. Au plus la saleté partait, au plus Shizuo pouvait enfin admirer son pelage qui semblait être entièrement blanc.

« Il semble bien t'apprécier, fit alors remarquer Shinra qui était resté près de la porte.

— Ouais, je sais pas. Il a peut-être juste peur que je lui fasse du mal.

— Sans doute, soupira le médecin. Visiblement, il a été maltraité. Et ça durait depuis un moment, vu l'état de ses pattes. Il ne doit plus avoir confiance en l'homme. Mais tu l'as sauvé quand même. Je suis sûr qu'il s'en souvient.

— Je ne pense pas que les animaux puissent être reconnaissants, tu sais. »

Tout en disant ces mots, Shizuo finit de le laver. Ce n'était pas encore parfait, mais c'était déjà pas mal. Le chien n'avait pas bougé tout le long. Shizuo avança alors à nouveau sa main vers lui, le laissant la renifler, avant de le caresser doucement, presque du bout des doigts. Le chien se mit à trembler aussitôt, le regardant presque avec détresse. Cela toucha bien plus Shizuo qu'il ne l'aurait cru.

« Hey, ne t'inquiète pas. Je ne vais pas te faire de mal. »

Et c'était bien l'un des seuls qui pouvait le croire sur parole quand il disait ça. Petit à petit, le chien semblait accepter ses caresses, même s'il restait attentif au moindre geste suspect de sa part. Son ventre bougeait rapidement sous l'effet de sa respiration. Le sentant encore fort stressé, Shizuo décida d'arrêter de le toucher. Il lui en demandait surement trop.

« Que vas-tu en faire ? demanda-t-il alors à Shinra. Il faudrait trouver un maître capable de prendre soin de lui et de lui redonner confiance.

— Peut-être que tu pourrais t'en occuper.

— Quoi ? grogna Shizuo tout en se tournant vers lui.

— Eh, pourquoi pas ? Ça pourrait être une bonne idée, je trouve.

— Je ne trouve pas. De toute façon, je n'ai pas la place pour ça.

— Si tu sors tous les jours avec lui, ça devrait aller.

— Shinra, franchement, tu me vois m'occuper d'un chien ? Je ferai encore n'importe quoi.

— Au contraire, moi, je pense que ça te ferait du bien. En plus, il a l'air de t'accepter. Tu pourrais peut-être t'en charger, au moins le temps qu'il récupère de ses blessures. Je t'avoue que j'arrive à peine à m'approcher de lui, alors... »

Shizuo le fixa longuement. A vrai dire, même s'il aimait beaucoup les animaux, il n'avait jamais songé à en prendre un. Déjà parce qu'il n'en avait pas forcément les moyens, et puis parce qu'il avait toujours cru qu'il était incapable de prendre soin de qui que ce soit. Mais il ne pouvait nier qu'il se sentait seul. Peut-être qu'arriver à sauver cet animal rattraperait aussi le mal qu'il avait pu faire. Il voulait tant avoir son nouveau départ... Et si ça commençait par arrêter de se préoccuper uniquement de lui et par prendre sous sa responsabilité quelqu'un d'autre ?

« Bon d'accord, finit-il par souffler. Mais si ça ne marche pas, ...

— Ne t'en fais pas, je trouverai quelqu'un qui veut bien de lui dans ce cas.

— Parfait...

— Bien, sourit alors Shinra. Tu peux le reprendre avec toi maintenant si tu veux.

— Quoi ? Déjà ? Mais, et ses blessures ?

— Elles vont bien. Je devrai juste vérifier les fils dans une semaine. En attendant, il peut bien aller chez toi.

— Je ne sais pas, rien n'est prêt.

— Shizuo... Tu t'es déjà très bien occupé du chat de ton frère, non ? Il n'y a donc pas de raison de t'en faire.

— Ouais... J'imagine. Est-ce qu'il peut marcher ?

— Il vaut mieux ne pas lui faire faire de grands trajets pour l'instant. Ah, il faudra bien l'hydrater aussi, même s'il ne veut pas boire.

— Tu es sûr que tu ne veux pas le garder encore un peu ? demanda le blond

— Oh non. Et puis, je ne suis pas vétérinaire, moi. J'ai fait ce que j'ai pu, mais je ne vais pas le garder ici. »

Shizuo acquiesça puis se tourna vers le chien. Il se pencha et le porta en douceur, comme pour l'allée. Au moins, c'était plus simple et ça évitait à l'animal de forcer sur ses pattes. Shinra lui donna encore quelques recommandations avant qu'il ne s'en aille, mais le blond n'en retint que la moitié. Quand il s'y mettait, le médecin pouvait débiter un nombre impressionnant d'informations à la seconde. Shizuo essaya, ensuite, de ne pas trop trainer en chemin, se doutant que la position ne devait pas être des plus confortables pour le chien. Rentré chez lui, il le posa le plus délicatement possible sur le fauteuil du salon.

« Ouais, désolé, j'ai pas grand-chose d'autre à te proposer pour l'instant... Merde, faut que j'achète de la bouffe pour chiens. Où est-ce qu'on trouve ça ? »

Préparant mentalement une liste de tout ce qu'il devait acheter, son regard croisa alors celui de l'animal. Malgré ses blessures, il était vraiment beau. Son pelage blanc avait encore besoin d'être soigné, mais il avait l'air d'être doux au toucher. Shizuo ne savait pas dire à quelle race il appartenait, ni même s'il appartenait à une race. Ses oreilles un peu tombantes lui donnaient, en tout cas, un air sympathique aux yeux du blond.

« Je vais trop vite, hein ? Il faudrait déjà que je te trouve un nom. Bon... Que penses-tu de Shiroi ? »

Il pouvait entendre sans peine Shinra se moquer de son manque d'imagination, mais qu'importe. Ça lui plaisait à lui. Ses yeux étaient rivés sur le chien qui ne bougeait toujours pas, le regardant juste avec crainte. Soupirant, le blond s'accroupit près de lui, tout en ne le touchant pas.

« T'en as vécu des choses, hein ? Ne t'en fais pas, c'est fini maintenant. Tu vas t'en sortir. Je suis sûr que tu es assez fort pour ça. »

Il essayait d'être rassurant, mais il ne se sentait pas très convaincant. Il ne savait pas trop comment s'y prendre en plus. Secouant la tête, il décida de ressortir immédiatement pour aller chercher ce qui lui manquait. Ça lui semblait être l'étape la plus importante. En tout cas, il espérait qu'il arriverait à bien s'occuper de lui...

Et est-ce qu'en même temps, ça pourrait l'aider lui ? Pouvait-il réellement aller de l'avant ? Tous ces projets qui lui tendaient les bras... Etait-il seulement capable d'avoir une vie normale, comme les autres ? Il pensait à l'avenir qu'il voulait, à l'avenir qu'il aurait voulu avoir s'il n'avait pas eu tous ces problèmes de colère. Il voulait un vrai métier, une situation stable et un foyer accueillant. Que des choses banales en soi. Pourtant, il n'y avait jamais cru avant. Mais, maintenant, peut-être qu'elles lui étaient enfin accessibles.

Dans le fond, Shizuo savait qu'Izaya n'était pas le seul responsable de sa vie merdique. C'est sa faute aussi s'il n'arrivait pas à contrôler ses sautes d'humeur. Tout aurait été tellement plus facile pour lui s'il avait eu une personnalité calme et conciliante... Mais on ne pouvait pas changer le passé.

C'était peut-être ça le plus dur à accepter pour Shizuo. Il restait trop enfermé dans un passé sombre et peu réjouissant. Mais tout ce qui l'entravait avait disparu à présent. Izaya n'était plus là. Shizuo ne pouvait donc plus tout lui remettre sur le dos. Le moment était venu pour lui de prendre un peu sa vie en main et de faire face à ses responsabilités. Mort ou pas, il ne pouvait – voulait – rien faire pour la puce. Il appartenait au passé. Et ce passé, le blond devait vraiment arriver à le mettre de côté. Il voulait avancer. Maintenant, ça ne tenait plus qu'à lui. Il n'avait plus aucune excuse s'il n'y arrivait pas. Et s'il était réellement un meurtrier, eh bien... A lui de vivre avec ça... Parce qu'il ne pouvait plus s'empêcher de vivre à cause de l'informateur. Il avait des projets à présent. Il voyait le bout du tunnel. Il savait ce qu'il voulait faire de sa vie.

Souriant légèrement, il finit alors ses achats dans l'animalerie avant de rentrer chez lui. Aujourd'hui, pour la première fois depuis bien longtemps, il se sentait bien. Quelqu'un l'attendait, quelqu'un avait besoin de lui. S'il allait aider Shiroi à s'en remettre, l'inverse serait peut-être aussi vrai. Il avait de nouveaux objectifs en tout cas. Et, même si l'incertitude concernant le sort d'Izaya était encore comme un boulet accroché à son pied, il n'allait plus le laisser l'arrêter. Il porterait ce fardeau, tout en continuant d'avancer.

De retour chez lui et fier de cette résolution, il s'assit près de Shiroi et le regarda longuement. Il semblait nerveux, mais moins que chez Shinra malgré tout. Cependant, ça faisait de la peine à Shizuo de voir un animal si méfiant. La peur était clairement visible dans ses yeux jaunes.

« On va y arriver, lui dit-il alors. Tous les deux. On ne laissera pas ces enfoirés continuer à nous gâcher la vie, ils l'ont assez fait comme ça. Tes anciens maîtres, Izaya, c'est du pareil au même. A partir de maintenant, ils ne seront plus un problème pour nous, d'accord ? »

Il se doutait bien qu'il devait avoir l'air d'un idiot pour parler à son chien comme ça, mais qu'importe. Il avait envie de le rassurer, de se rassurer. Bien sûr, ce ne serait pas si simple, cependant il voulait y croire, au moins pour une soirée. Il était plus que temps pour tous les deux de prendre un nouveau départ et d'essayer de laisser les fantômes du passé loin derrière eux...


Merci de m'avoir lue ! J'espère que ça vous a plu. N'hésitez vraiment pas à me laisser une review pour me donner votre avis, ça n'en serait que plus motivant pour moi ! Je pense poster le chapitre suivant d'ici 15 jours. Ah, et pour ceux qui se poseraient la question, Shiroi veut dire blanc en japonais.

A suivre: Izaya Orihara