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Chapitre 6 - Escapade forcée
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Lorsque j'apparus dans la cheminée de l'apothicaire O'Riley, dans le but de m'acheter un nouveau couteau, j'étais à la fois soulagée et exaspérée.
Soulagée de ne pas être obligée de retourner chez McMarsh. Pour l'instant, je me sentais incapable de remettre les pieds sur l'allée des Irlandais. Le souvenir de l'attaque était encore trop frais dans ma mémoire, précis, tenace, effrayant. Je n'étais pas encore prête à affronter mes démons.
Et exaspérée, parce que ce O'Riley était un drôle de personnage (pour être polie), et même carrément un personnage détestable (pour être honnête). Je n'avais pas du tout envie de compter personnellement parmi ses clients en achetant mon couteau dans sa boutique. Mais tant pis. Je choisirais le moins cher et je m'en procurerais un autre de meilleure qualité… un jour.
J'entrai dans la boutique d'un pas vif, bien décidée à revenir à Poudlard au plus vite. Comme à ma première visite, une odeur écœurante d'huile de ricin m'emplit les narines. La boutique était déserte et silencieuse. Quelques rayons de soleil traversaient tant bien que mal la vitrine crasseuse et projetaient leur lumière faiblarde sur les particules de poussière en suspension et les bocaux alignés sur les étagères.
- Il y a quelqu'un ? lançai-je d'une voix claire qui tomba quand même à plat dans la petite boutique exiguë.
- Bonjour, mademoiselle, dit une voix nasillarde juste derrière moi.
Je sursautai et fis volteface. L'apothicaire O'Riley avait apparu je ne sais trop comment derrière son comptoir, sans doute averti de ma présence par le grincement de la porte. Il me donna exactement la même impression que la dernière fois, celle d'un homme chez qui tout était repoussant, de ses allures de bandit à ses manières mielleuses mais sans charme. Il posait encore sur moi ce regard de loup affamé devant un amas de viande fraîche.
Dégoûtant personnage, à bien y penser.
- Bonjour, répondis-je, décontenancée par son expression. Je viens pour acheter un couteau.
- Mais bien sûr, dit-il d'un ton trop affable pour être sincère. J'en ai plusieurs modèles. Peut-être que vous voulez les essayer. Y'a pas de problème.
- Je vous remercie, mais n'importe lequel fera l'affaire. Je suis pressée.
Sans se laisser démonter par mon attitude peu engageante, il déposa ses différents modèles de couteau sur le comptoir et me servit un petit sourire (presque) digne de la Joconde, version masculine et malpropre.
Je m'approchai du comptoir. De près, les yeux d'O'Riley me répugnaient encore plus, semblables à deux marais sales. Je reportai mon attention sur les couteaux, gênée par l'odeur d'huile de ricin, plus tenace que jamais. Son odeur à lui.
- Permettez-moi de vous suggérer ce modèle, dit O'Riley en désignant un couteau noir et luisant.
Je lus l'étiquette : 35 gallions.
- Ou encore celui-ci, en aluminium, très pratique pour les…
- Je vais prendre celui-là, l'interrompis-je en pointant le modèle de base à 15 gallions.
O'Riley ne parut même pas déçu et conserva son petit sourire agaçant.
- Très bien, dit-il en emballant le couteau.
Je lui tendis les gallions.
- Merci. Votre nom, mademoiselle ?
- En quoi ça pourrait vous être utile ?
- C'est à votre avantage. J'envoie des rabais à tous mes clients trois fois par année.
- Hermione Granger, répondis-je sèchement.
Comme si j'allais revenir ici pour faire mes achats !
Mais mon impatience se changea en surprise quand je remarquai que son sourire incongru s'était étiré, inexplicablement.
- Hermione Granger, répéta-t-il, comme pour lui-même. Hermione Granger. Granger.
Ça y est, il est frappé de folie. Est-ce qu'il faut que je le traîne à Sainte-Mangouste ?
- Je sais qui vous êtes, dit-il soudain.
Un silence tomba sur nous, comme si ses paroles résonnaient encore dans la pièce en un écho fantôme. Mais où cet hurluberlu voulait-il en venir ?
- Surprenant, répliquai-je. C'est peut-être parce que je viens de vous le dire.
Oh, Merlin, avais-je la berlue ou le caractère sarcastique de Rogue était en train de me contaminer ?
- Je sais qui vous êtes, répéta-t-il. Et je sais qui vous recherche.
Une sensation de froid m'envahit soudain la poitrine.
Qu'est-ce qu'il voulait dire ? Se pouvait-il que… Non, il ne pouvait pas savoir. C'était impossible.
Je lui renvoyai un regard glacial.
- Je ne sais pas de quoi vous parlez.
- Sais-tu combien il est prêt à me donner pour connaître ton nom ? Cinquante gall…
La panique me happa brusquement.
-Je n'ai aucune idée de quoi vous parlez !
Cette fois, j'avais crié.
Il ne dit plus rien, se contentant de me fixer d'un air goguenard, avec dans les yeux la lueur vicieuse de ceux qui sont convaincus d'en connaître plus que les autres.
Je ramassai mon couteau et m'empressai de quitter la boutique.
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- Je vais te trouver, sale garce.
Terrorisée, je me pelotonnai derrière un immense tronc d'arbre, priant le ciel pour que le mangemort ne me repère pas. La lumière de sa baguette transperçait la noirceur de la Forêt Interdite.
-Tu ne peux pas te cacher de moi. Je vais te trouver, où que tu sois, quoi que tu fasses.
La voix était toute proche.
Sauve-toi, Hermione ! Cours entre les arbres, il n'arrivera pas à te viser !
Mais la peur me clouait sur place.
Tout un coup, un visage argenté et fantomatique surgit devant moi. De grosses mains m'empoignèrent la gorge. Les yeux bleus, lourds de haine, me contemplaient sans ciller. Je n'arrivais pas à me débattre, je suffoquais, j'allais mourir.
BANG !
J'ouvris les yeux et la lumière du jour m'éblouit en même temps qu'une douleur sourde irradiait mes genoux.
J'étais tombée à plat ventre à côté de mon lit, le cœur affolé, mes draps entortillés autour de mon cou.
Un cauchemar. Ce n'est qu'un cauchemar.
Je retins ma respiration et tendis l'oreille. Ni Lavande ni Parvati ne semblaient s'être réveillées à cause de ma chute. Des vraies marmottes, ces deux-là. Sans faire de bruit, je me dépêtrai de mes couvertures et me remis debout. J'allais filer dans la salle de bain lorsque je me rappelai soudain quel jour nous étions.
Samedi. Jour de sortie à Pré-au-Lard. Jour où je devais faire semblant d'être malade.
Oh, Merlin…
Ma visite de la veille chez O'Riley me revint à l'esprit. Ma courte conversation avec lui ne cessait de jouer en boucle dans un coin de ma tête, comme une musique entêtante.
Je sais qui vous êtes, je sais qui vous recherche.
Ces paroles étaient trop précises pour que je les considère comme une simple coïncidence.
Comment O'Riley avait-il appris qu'un mangemort me cherchait ? Était-il lui-même un larbin de Voldemort ? Si le mangemort de Londres était prêt à acheter mon nom, nul doute qu'O'Riley le lui offrirait sur un plateau d'argent. Chaque fois que j'en venais à cette conclusion, mon estomac se nouait.
Que je le veuille ou non, le mangemort était bel et bien à ma poursuite. Dans les circonstances, était-ce sécuritaire que je me promène en plein jour à Pré-au-Lard, en compagnie de toute l'école, de surcroît ?
Non. Moins que jamais.
Va pour la migraine. C'est ce qui m'empêcherait de sortir aujourd'hui. Un prétexte simple, efficace et facile à feindre. Même Mme Pomfresh ne pourrait pas savoir si je disais vrai ou non.
Je m'engouffrai dans la salle de bain, l'esprit un peu plus tranquille.
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Je réussis à accrocher McGonagall au hasard d'un corridor, juste après le petit-déjeuner. Plusieurs élèves surexcités se préparaient déjà à sortir de Poudlard. Je me composai un air maladif, ce qui ne fut pas difficile vu ma nervosité et mon manque de sommeil.
- Professeur, dis-je d'une voix faiblarde. J'aimerais vous parler.
- Je vous écoute, Miss Granger.
- C'est que…
Je m'interrompis net en remarquant qui accompagnait ma directrice.
Rogue.
Oh non !
Manifestement, il n'avait pas du tout l'intention de s'éloigner quelques instants, mais semblait plutôt attendre que j'aie terminé pour continuer à discuter avec McGonagall.
Je les regardai alternativement, ne sachant que faire.
- Eh bien, Miss Granger ? me pressa McGonagall.
Je pouvais certainement lui raconter des salades, à elle, mais pas devant lui ! Il y avait quelque chose de particulier dans le regard de Rogue, quelque chose de vif et de pénétrant. Quelque chose qui vous mettait à nu, vous défiait de proférer le plus minuscule mensonge.
J'arrachai mes yeux des siens, mal à l'aise.
- Euh… j'aimerais vérifier certains détails des déplacements des surveillants, m'entendis-je répondre à McGonagall.
Mais qu'est-ce que je suis en train de faire ? La migraine, Hermione, la migraine !
- Au courant de l'avant-midi, poursuivis-je, incapable de m'arrêter, qui patrouillera sur l'allée Principale pendant que je serai dans l'est du village ?
Je n'écoutai même pas la réponse de McGonagall. Je me contentai de la remercier, osai glisser un minuscule coup d'œil à Rogue, qui semblait vraiment se demander ce que je fabriquais, puis repartis en me retenant à grand peine de courir.
Raté.
Un à zéro pour Severus Rogue.
Pourquoi fallait-il que je me dégonfle devant lui ?
Maintenant, mon plan pour éviter la sortie était tombé à l'eau. Je n'avais plus le choix d'aller à Pré-au-Lard, à moins que je me casse une jambe d'ici les cinq prochaines minutes (perspective qui, je dois dire, ne m'enchantait guère). Maudissant ma gaffe, je montai rejoindre Harry et Ron à la salle commune.
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Yeux bleus. Poids approximatif : 120 kilos. Trop lourd. Et trop grand, de toute façon.
Couleur des yeux : trop loin pour les voir. À peu près 60 kilos. Beaucoup trop maigre.
- Hé, Hermione, qu'est-ce que tu en penses ?
Je me tournai vers Ron, un peu perdue.
- Que… Quoi ?
- Je disais à Harry qu'on devrait passer chez Zonko avant d'aller rejoindre les autres aux Trois balais.
- Bon, d'accord, je vous suis, mais je reste dehors pendant que vous entrez dans le magasin.
- Parfait. Comme ça, tu ne seras pas obligée de nous retirer des points si tu nous vois acheter des Pastilles bleuissantes.
- Comme tu me connais bien.
Nous partîmes en direction de la boutique de farces et attrapes.
Jusqu'à maintenant, la journée à Pré-au-Lard se déroulait plutôt bien, mis à part le fait que j'étais constamment sur mes gardes, sans doute beaucoup plus que tous les professeurs et préfets réunis. Je me sentais vulnérable, à me promener en pleine rue à visage découvert. J'avais l'impression qu'un ennemi invisible me guettait, dissimulé sous les traits du quidam le plus quelconque.
Je saluai mes amis lorsque nous arrivâmes en face de chez Zonko. (Au même moment, un homme passait devant la boutique : yeux pâles, taille moyenne, mais beaucoup trop maigrichon.)
- À plus tard, Hermione !
- Soyez sages.
- Comme toujours.
Je déambulai jusqu'à un petit parc, de l'autre côté de la rue, m'échouai sur un banc et me mis à surveiller les alentours avec attention. Un vieillard passa devant moi.
Trop petit, trop maigre, trop voûté.
Pour la première fois de ma vie, je les voyais tous. Les hommes. Et je n'avais jamais remarqué qu'il y en avait autant. Des petits, des grands, des vieux, des jeunes… Comment deviner lequel était le mangemort dans le lot ? Je n'avais aucune idée de son âge, et encore moins de la couleur de ses cheveux !
Tu deviens paranoïaque, ma vieille. Qu'est-ce qui te fait croire que le mangemort sera vraiment là aujourd'hui ?
Je soupirai et écartai mes cheveux de mon visage d'une geste brusque. Parce que oui, j'avais laissé ma tignasse détachée, pour la première fois depuis des années, simplement pour paraître méconnaissable au cas où le mangemort me croiserait.
N'importe quoi, Hermione. C'est un mangemort. Il a sûrement autre chose à faire que de pourchasser une insignifiante élève de septième année.
Ça y est, j'étais en train de devenir folle.
Furieuse contre moi-même, je fis apparaître un élastique et nouai mes cheveux en chignon, puis me levai et marchai à la rencontre de Harry et Ron qui sortaient tout juste de chez Zonko, les mains vides. Mauvais signe. Ils avaient sans doute acheté quelques bidules interdits et les avaient cachés dans leurs poches pour que je ne puisse pas les voir.
- Bonjour Ron, bonjour Harry ! lança une voix.
Je tournai la tête et remarquai Jake Tisdale, notre professeur de Défense contre les forces du mal, qui marchait vers eux.
Oh non, pas lui ! Ma journée était déjà bien assez pénible comme ça.
- Salut Jake ! répondirent mes amis avec bonne humeur.
J'étais en train de réfléchir à la possibilité de me sauver en douce, ni vue ni connue, mais Ron m'aperçut par-dessus l'épaule de Jake.
- Ah, tu es là, Hermione. Veux-tu venir aux Trois balais avec nous ? Fred et Georges devaient arriver à l'avance pour nous montrer leurs dernières inventions.
- Merci, les gars, mais je vais plutôt aller acheter de nouvelles plumes. On se voit plus tard.
- Tiens, intervint Jake, Nous pourrions y aller ensemble, Hermione. C'est aussi à la papeterie que j'allais.
Si ça continue, je vais vraiment avoir une migraine !
- Bien sûr, pourquoi pas ? lui répondis-je en lui servant mon sourire le plus faux.
De toute façon, avais-je un prétexte décent pour refuser ?
- Amusez-vous bien, tous les deux ! lança Ron avec un sourire goguenard.
Ni lui ni Harry n'étaient dupes de ma bonne humeur forcée. Au contraire, ils connaissaient mon aversion pour Jake, si bien que c'était devenu leur sujet de taquinerie préféré. D'ailleurs, Ron se faisait un devoir de me rappeler régulièrement la liste exhaustive des points forts de Jake par rapport à Gilderoy Lockhart (j'avoue qu'ils étaient nombreux).
Je regardai partir mes deux amis, résignée à passer une partie de la journée avec mon professeur.
Au bout d'un moment, nous aperçûmes la haute silhouette sombre de Rogue au détour d'une rue. Il semblait souverainement agacé de devoir jouer les surveillants un samedi à Pré-au-Lard. Il y a un an, son attitude m'aurait amusée, mais maintenant que je connaissais de plus en plus son emploi du temps, je ne pouvais que le plaindre. C'était ridicule qu'il doive se plier à toutes les tâches professorales les plus banales. Il n'était pas qu'un simple enseignant. Il était également un maître des potions et un espion. Il avait tellement plus important à faire que des patrouilles au village.
-Bonjour Severus, lança Jake avec entrain. Belle journée, n'est-ce pas ?
Rogue lui répondit par un monosyllabe indistinct. Je retins un sourire. Soit Jake faisait exprès pour être détestable, soit il ne réalisait même pas que sa mythique bonne humeur agaçait Rogue au plus haut point. Je penchais pour la deuxième option.
-Vous vous joignez à nous, Severus ? s'enquit Jake.
Cette fois, je faillis pouffer de rire. Se balader avec nous, c'est bien la dernière chose que Rogue ferait. Autant lui demander de décorer la Grande Salle pour Noël.
-Non, je dois malheureusement aller à la papeterie, répondit le maître des potions.
Merveilleux.
Jake et Severus allaient à la même boutique. L'occasion était trop belle pour que je n'en profite pas pour prendre la poudre d'escampette. Je me tournai vers Jake :
- Tiens, c'est justement là que vous vouliez vous rendre. Pourquoi n'accompagnez-vous pas le professeur Rogue ? Je vais vous laisser y aller ensemble.
Rogue me dévisagea en plissant les yeux. Je me mordillai la lèvre. Évidemment, il voyait bien que je n'avais qu'une envie : fuir Jake.
- Non, je dois patrouiller dans l'est de Pré-au-Lard avant d'aller à la papeterie, objecta-t-il. Et je préfèrerais que vous ne partiez pas toute seule, Miss Granger. N'oubliez pas que vous êtes blessée. Je serais plus tranquille de vous savoir en sécurité avec le professeur Tisdale.
Je manquai m'étouffer avec ma salive.
- Mais… ?
- Blessée ? s'étonna le jeune auror. Vous êtes blessée, Hermione ?
- Oui, à la main gauche, répondit Rogue avant je puisse placer un mot.
Je jetai un coup d'œil machinal au ridicule petit pansement avec lequel Rogue avait enveloppé mon index, la veille. Vraiment, mon professeur avait un don pour me faire sentir parfaitement stupide.
- Restez auprès d'elle, Tisdale, ce serait préférable, poursuivit-il. Il ne faudrait pas qu'il arrive malheur à notre préfète en chef.
- Soyez sans crainte, Severus, je vous rapporterai votre fidèle assistante en un seul morceau.
- Ce n'est absolument pas nécessaire, Jake, lâchai-je, les dents serrées.
- Mais non, Hermione, ça me fait plaisir. Je suis votre homme.
Il m'adressa un clin d'œil.
Je lançai un regard outré à Rogue, qui affichait maintenant un petit sourire satisfait.
- Vous aviez raison, Tisdale, c'est une très belle journée. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, j'ai à faire, dit-il en passant derrière nous.
Bouche bée, je restai plantée sur place.
Deux à zéro pour Severus Rogue.
Décidément, il était en train de me battre à plate couture sans même savoir à quelle compétition imaginaire il se livrait.
- Vous venez, Hermione ? dit Jake, qui s'éloignait déjà. Et si vous me racontiez comment vous vous êtes blessée ?
Je le suivis en soupirant.
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L'après-midi s'acheva sans que je revoie Harry et Ron. Manifestement, ils s'étaient fait un malin plaisir de m'abandonner avec Jake, mais ils furent bien les seuls à s'en amuser, car toutes les filles de l'école qui nous aperçurent me regardèrent avec divers degrés de jalousie, de l'envie à la haine profonde.
C'est cependant Pansy Parkinson qui aurait mérité le prix citron de l'animosité. Lorsque je la croisai dans le hall de l'école, juste après avoir quitté Jake, elle me contempla le nez froncé, comme si j'empestais le purin à des kilomètres à la ronde.
- Je n'arrive pas à y croire, lâcha-t-elle. Tu cours après Jake pendant que tu fricotes avec un Serpentard. C'est répugnant. Y'a que des sang-de-bourbes pour faire des choses aussi dégoûtantes.
Mais quel Serpentard ? Ah oui. Blaise, bien sûr.
- Je te retire 5 points pour tes insinuations, Pansy. Fiche-moi la paix.
Elle poussa une exclamation de dédain.
- Enlève-moi les tous les points que tu veux. Ça ne changera rien au fait que tu es une sale déverg…
- C'est ça, c'est ça, la coupai-je avec indifférence. Tu n'as rien de mieux à faire, Pansy ? Arroser des plantes vertes ? Apprendre la cornemuse ? Rédiger ton autobiographie ? Allez, amuse-toi bien.
- Demeurée.
Je l'ignorai royalement et regagnai la tour des Gryffondor.
Outre quelques désagréments, la journée avait somme toute été ni si exécrable, ni si périlleuse que je le craignais. J'avais fini par faire abstraction de ma peur. De toute façon, depuis quand un mangemort s'invitait-il aux sorties à Pré-au-Lard, quand le village grouillait de professeurs et de préfets aux aguets ?
Mon escapade m'avait fait croire que je pouvais reléguer le mauvais souvenir de l'attaque dans un coin de ma tête et reprendre ma vie exactement là où elle était avant mon passage à Londres. Je ne sais pas ce qui avait traversé l'esprit tordu de O'Riley lors de ma visite impromptue, hier, mais je m'étais sans doute inquiétée pour rien. Le mangemort avait sûrement d'autres chats à fouetter que traquer une étudiante qu'il ne connaissait ni d'Ève ni d'Adam.
Mais je me trompais. J'apprendrais qu'un mangemort assoiffé de vengeance n'abandonnait pas si facilement.
L'accalmie allait très bientôt prendre fin.
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Le lendemain, le soleil entrait à flots par les fenêtres lorsque je mis les pieds dans la volière. La torpeur du dimanche matin régnait encore dans le château. C'était le moment parfait pour donner enfin de mes nouvelles à mes parents. Je m'assis sur le bord d'une grande fenêtre, rédigeai une lettre et la confiai à un hibou.
Puis, je demeurai assise du bout des fesses sur la pierre froide, savourant la chaleur des premiers rayons de la journée sur mon dos. Jusqu'à ce que quelque chose vienne troubler la quiétude de l'aube.
Une espèce de masse informe me heurta de plein fouet.
-Crâaâaâh ! fit une bestiole tout près de mes oreilles.
- Aïe !
J'eus tout juste le temps de me couvrir la tête de mes mains quand des coups de bec se mirent à pleuvoir sur moi.
Qu'est-ce que c'est que ça ?
-Crâaâaâaâh ! Crâaâaâaâah ! CRÂAÂH !
Je m'enfuis de la fenêtre et me retournai juste à temps pour apercevoir l'énorme corbeau qui fondait à nouveau sur moi dans un bruissement de plumes. J'essayai de lui attraper les ailes, mais il m'évita et se mit à tournoyer dans la volière, semant l'agitation parmi les hiboux ensommeillés. Je remarquai confusément que ses serres étaient enfoncées sur une lettre.
Drôle d'oiseau postal. Mais d'où elle sort, cette bête enragée ?
Quand le corbeau plongea encore sur moi, je pointai ma baguette sur lui :
-Expelliarmus !
Tout se passa en un clin d'œil.
La porte de la volière s'ouvrit, assommant le corbeau qui s'éloigna en croassant de protestation.
Mon sort fila droit sur l'homme qui entrait.
C'était Rogue.
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Hi hi hi. La suite bientôt!
