Et voilà un nouveau chapitre ! Comme nous sommes en plein cœur de Jeux olympiques, j'ai décidé de battre mon propre record de vitesse de publication. ;) Faut dire que la majorité de ce chapitre était écrite il y a longtemps déjà.

Phoenix, mymy, manon, Fedora et tous ceux à qui j'avais déjà répondu, trois mots : Merci, merci, merci ! =)

Bonne lecture !

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Confidences et confrontations

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Le temps sembla retenir son souffle.

Immobile comme une pierre, je contemplai Rogue. Ses yeux noirs me mettaient au défi de lui désobéir. J'avais l'impression d'être un animal pris au piège devant un prédateur beaucoup trop fort. Impossible de lui filer entre les doigts. Alors je rendis les armes et lui tendis ma main droite tremblante, qui se perdit dans la sienne, deux fois plus grande. Il releva la manche de ma robe et regarda sans surprise mon bras bandé, comme s'il savait très bien ce que je cachais.

- Qu'est-ce que c'est que ça ?

- Un bandage.

Ses yeux noirs vrillèrent les miens.

- Ne jouez pas à ce petit jeu avec moi, Miss Granger. Répondez-moi.

- Je me suis simplement blessée.

- Comment ?

- Mon chat m'a griffée.

Il haussa un sourcil et répondit d'un ton doucereux :

- Vraiment ? Je ne savais pas que les lions de compagnie étaient admis dans la tour des Gryffondor. Voulez-vous que je vous arrange ces égratignures ?

Joignant le geste à la parole, il saisit entre deux doigts le coin d'une bandelette de gaze.

La panique me happa d'un coup.

- NON !

Il suspendit son geste.

- Pourquoi pas ? Vous préférez souffrir ?

- Je vais m'en occuper, professeur. J'irai voir Mme Pomfresh.

- Vous mentez comme un elfe de maison, Miss Granger, c'est-à-dire de façon lamentable. Même un sourd ne serait pas dupe.

Il tira davantage sur la bandelette.

- Professeur, vous me faites mal.

- Vous n'aviez qu'à ne pas laisser votre lion vous griffer.

À court d'arguments, je posai ma main valide sur la sienne pour l'arrêter. Cette fois, son regard devint effrayant. Il tira ma main pour m'attirer à lui et pencha son visage tout près du mien. Je me ratatinai littéralement sur place.

- De quel droit osez-vous vous opposer à mon autorité ?

Il n'avait pas élevé la voix d'un seul décibel, mais les menaces qu'elle contenait firent courir une filée de frissons le long de ma colonne vertébrale.

- S'il-vous-plaît, professeur, murmurai-je, mortifiée par ma propre audace.

- Écartez votre main. Immédiatement.

Nous nous affrontâmes du regard, puis j'obtempérai, vaincue. Il entreprit de dérouler entièrement le bandage, qui était maintenant constellé de gouttelettes de sang. La douleur me fit monter des larmes aux yeux lorsqu'il décolla la bande de gaze qui touchait directement à ma peau. Mon bras arborait maintenant un bleu encore plus foncé. Je serrai les dents.

- Comment vous êtes-vous fait cela ? demanda Rogue en contemplant la blessure.

- Je me suis brûlée.

- Je sais parfaitement à quoi ressemble une brûlure. Je veux savoir comment vous vous l'êtes infligée.

C'est le moment d'être créative, Hermione.

Pourquoi n'avais-je pas eu le bon sens d'inventer une histoire avant d'arriver ici ?!

- J'ai échappé de la salive de bubobulb sur moi au cours de botanique, bafouillai-je.

- Ne me prenez pas pour un imbécile, Miss Granger, répliqua-t-il d'un ton cinglant. Je n'en suis pas un. Seul du venin de neige peut provoquer une brûlure de ce genre. Pourquoi en avez-vous utilisé ?

- J'ai renversé la bouteille en nettoyant la réserve, vendredi dernier.

Ses yeux noirs flamboyèrent de plus belle. J'essayai de reculer, mais il resserra sa poigne sur moi.

- Allez-vous donc me débiter votre pitoyable répertoire de mensonges au grand complet ? Je ne conserve plus de venin de neige depuis au moins cinq mois. Dites-moi immédiatement la vérité. Qu'est-ce que vous fabriquiez avec cet ingrédient ?

Je déglutis. Autant rester le plus près possible de la vérité, puisque je n'arrivais pas à lui mentir convenablement.

- J'essayais simplement de… créer une potion d'invisibilité.

- Je ne me rappelle pas vous avoir demandé de préparer une telle potion.

- Vous ne l'avez pas fait, non plus.

- Depuis combien de temps faites-vous ce genre d'expérience ?

- C'était la première fois.

- Et avez-vous pris vos ingrédients ?

Je rougis quand je compris ce qu'il sous-entendait.

- Je n'ai pas volé vos ingrédients ! protestai-je. Je me suis procuré moi-même tous ceux dont j'avais besoin !

- Comme votre droiture est touchante. Et je suppose que vous avez profité de votre accès privilégié à mon laboratoire pour vous y infiltrer en douce ?

- Pas du tout ! Il ne me serait jamais venu à l'idée d'utiliser votre laboratoire en votre absence, professeur !

- Alors où donc avez-vous réalisé vos petites expériences ?

- Dans… la Salle sur Demande.

Cet aveu devait être une énormité, car Rogue me regarda comme si je sortais tout droit d'une autre planète.

- Mais pouvez-vous bien m'expliquer ce qui vous est passé par la tête ?! Si vos expérimentations avaient mal tourné, votre squelette aurait eu le temps de tomber en poussière avant que quelqu'un n'ait l'idée de faire apparaître votre laboratoire clandestin dans la Salle sur Demande.

- Mais j'ai été prudente !

- Prudente ? Vous vous isolez dans un endroit où personne ne peut vous atteindre, vous vous prêtez à des expérimentations dangereuses et vous vous éclaboussez avec des potions concoctées au hasard ? De la prudence ? Je suppose qu'en parfaite Gryffondor téméraire que vous êtes, vous n'avez mis personne au courant de vos petites expériences ?

- Euh… non.

- Typique.

- Professeur, je… j'aimerais recouvrir mon bras. C'est douloureux, exposé à l'air libre comme ça.

Mais Rogue n'était pas un homme qui se laissait facilement attendrir. Il ignora royalement ma requête.

- Qu'est-ce que vous croyez ? Que ça disparaîtra tout seul ? Depuis combien de temps avez-vous cette blessure ?

- Depuis hier soir.

Ou plutôt ce matin, aux alentours de 3 heures. Mais je n'allais sûrement pas lui avouer, en plus, que je me promenais dans le château après le couvre-feu.

- Si vous aviez encore attendu jusqu'à demain, vous auriez eu le bras complètement paralysé pendant des jours. Pourquoi n'êtes-vous pas allée à l'infirmerie, plutôt que de vous cacher bêtement avec un bandage ?

Je me mordis la lèvre, me sentant tout d'un coup complètement ridicule.

- Mme Pomfresh m'aurait envoyée vous voir.

- Alors pourquoi n'êtes-vous pas venue me voir immédiatement ?

- Je ne voulais pas que vous vous mettiez en colère.

- C'est réussi.

Il libéra enfin mon bras blessé et pénétra à son tour dans la réserve exiguë. Je me tassai contre une étagère, mais il me frôla quand même en passant à côté de moi. Il se rendit au fond de la réserve et y examina les quelques bouteilles qui y étaient soigneusement rangées. Pendant qu'il avait le dos tourné, je dansai d'un pied à l'autre, en proie à l'envie irrésistible de m'enfuir en courant.

- Est-ce que je vous ai donné l'autorisation de partir ? demanda-t-il sans se retourner, comme s'il avait lu dans mes pensées.

Je soupirai.

- Venez ici.

À contrecœur, je le rejoignis au fond de la réserve, où il avait pris une bouteille d'un liquide brunâtre. On pouvait à peine distinguer la couleur de la potion à travers le verre crasseux, comme si elle y fermentait depuis des siècles. Rogue déboucha la fiole et une odeur âcre s'en échappa.

- Tendez votre bras.

Ça, sur mon bras ? Jamais de la vie.

- Je préférerais aller voir Mme Pomfresh, dis-je d'une voix incertaine.

- Et à qui croyez-vous que Mme Pomfresh demandera l'antidote ?

Je me mordis la lèvre.

- Est-ce que… ça va faire mal ?

- Aucune idée, répondit-il sèchement. Je n'attends jamais des heures avant de soigner une brûlure causée par une substance corrosive. Vous survivrez.

Peu rassurant.

Découragée, je tendis le bras, fermai les yeux et serrai les dents. Mais Rogue détourna mon attention en me posant une question au moment où il laissait couler la substance sur mon bras. Substance qui n'était somme toute absolument pas douloureuse, à peine un peu trop froide.

- En quoi une potion d'invisibilité pourrait-elle bien vous être utile ?

Je rouvris brusquement les paupières pour regarder l'homme qui me tendait une perche sans même le savoir. Il était un espion redoutable. Il était un maître de la manipulation. Il connaissait sans doute personnellement le mangemort enragé qui m'avait attaquée. Qui avait soutiré mon identité à l'apothicaire O'Riley. Qui m'avait suivie à Pré-au-Lard. De mon entourage au grand complet, Rogue était sûrement la personne la mieux placée pour m'aider.

Mais depuis quand confiait-on ses problèmes à Severus Rogue, professeur glacial, tyrannique et redouté de tous ? Depuis qu'on le côtoie dix heures chaque semaine parce qu'on est son assistante, répondit ma petite voix intérieure.

Rogue avait interrompu son geste pour me regarder dans les yeux, comme s'il avait senti le dilemme qui me tiraillait. Lorsque je me décidai enfin à répondre, un mensonge me vint plus facilement en tête que la vérité toute simple.

- Eh bien… Depuis que Vous-savez-qui est de retour, tout peut arriver. Je me suis dit qu'une potion d'invisibilité pourrait être utile. On n'est jamais trop prudent.

Rogue me contempla fixement, le regard indéchiffrable.

Passera, passera pas ?

- Et pourquoi auriez-vous personnellement besoin d'une potion d'invisibilité ?

- Parce que j'ai pour ami une catastrophe ambulante appelée Harry Potter.

La culpabilité me noua l'estomac. J'étais injuste. Il était vrai que Harry avait souvent attiré les problèmes ces dernières années, mais depuis quelques semaines, il n'y avait qu'une seule catastrophe ambulante parmi notre trio. C'était moi.

Heureusement, Rogue reporta enfin son attention sur mon bras. Je retins un soupir de soulagement. Mon explication était faible, mais elle semblait coïncider avec l'image que mon professeur devait avoir de moi : celle d'une insupportable Gryffondor impulsive et émotive, qui agissait d'abord et réfléchissait ensuite.

- Je ne peux pas tolérer que des étudiants de cette école fassent des potions ailleurs que dans ma classe et mon laboratoire, sous ma supervision, dit Rogue en refermant la bouteille crasseuse.

- Aucun règlement ne l'interdit.

- Je décide que je vous l'interdis ! Les potions sont un art délicat et dangereux, comme vous avez pu l'expérimenter. Vous n'avez ni les connaissances, ni les compétences pour vous livrer à ce genre d'exercice en solitaire.

- Ça a fonctionné, répliquai-je, piquée au vif.

- Pardon ?

- La potion a fonctionné. J'ai réussi.

Il captura à nouveau ma main, où dégoulinait maintenant le liquide brunâtre, et leva mon avant-bras à la hauteur de mes yeux.

- C'est ce que vous appelez réussir ? Ai-je besoin de vous apprendre que votre bras n'a pas disparu ?

- Je me suis éclaboussée avec une potion ratée, professeur. Mais il y en a une autre que j'ai réussie.

- Voilà une victoire qui devrait faire enfler votre ego si… minuscule.

- Et qui devrait en faire prendre un coup au vôtre, répliquai-je d'un ton outré, avant même de penser à me retenir.

- Et pourquoi donc, je vous prie ?

- Parce que vous ne me pensiez pas capable de réussir. Mais j'y suis pourtant arrivée.

- Avez-vous au moins testé la potion, avant de prétendre avoir réussi ?

- Mais si !

- Sur vous ?

- Non, sur une… boulette de papier.

Il eut un petit reniflement moqueur.

- Si vous aviez davantage d'années d'expérience derrière vous, Miss Granger, vous sauriez qu'un simple morceau de papier ne réagit pas du tout de la même manière au contact d'une potion que le corps humain, dont l'équilibre est extrêmement complexe. Et fragile. Heureusement pour vous, je vais vous débarrasser de cette potion avant que vous n'ayez la bêtise de vous empoisonner en l'ingérant.

Vous imaginez quoi, que je vais vous la donner ? Pfff.

- Quelle quantité avez-vous produite ?

- Seulement une petite fiole.

Ou plutôt sept.

- Si peu? Ce serait surprenant.

- C'est la vérité.

- C'est ce que nous allons voir. Actio potion d'invisibilité d'Hermione Granger.

Je devins écarlate, à la fois d'embarras et de colère.

- Mais… ! Vous ne pouvez pas faire ça ! m'insurgeai-je. Rien ne vous autorise à me confisquer ma potion ! Je n'ai rien fait de répréhensible, j'ai seulement eu la maladresse de me brûler !

- Silence ! Depuis une demi-heure, vous m'avez menti un nombre vertigineux de fois. J'ai eu la bonté de ne pas les comptabiliser.

Il claqua des doigts et les bandes de gaze redevinrent d'une propreté éclatante.

- Je crains que ce ravissant bandage ne doive faire partie de votre tenue vestimentaire pour quelques jours encore, dit-il en me le mettant entre les mains.

Il claqua à nouveau des doigts en regardant par-dessus mon épaule. Je me retournai et constatai que mes précieuses fioles de potion d'invisibilité avaient apparu dans la réserve, flottant dans l'air à la hauteur de mon visage.

- Dites au revoir à votre potion. Et retournez dans votre salle commune.

Je lui lançai un regard noir et quittai la réserve.

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Le lendemain matin, à l'heure du petit-déjeuner, Rogue était absent de la Grande Salle. Je regardai sa place vide d'un air sombre. À cause de lui et de ma maladresse, j'avais perdu ma précieuse potion d'invisibilité, réduisant à néant toutes les heures de travail acharné que j'avais passées à la Salle sur Demande. Dans mon empressement, j'avais négligé de noter quelle avait été la recette gagnante. Tout serait à recommencer. J'étais de retour à la case de départ.

Je jetai un coup d'œil maussade à mon bras droit, dont le gros bandage était soigneusement dissimulé sous la manche de ma robe. Au moins, la mixture brune et dégoutante de Rogue avait fait effet : ma brûlure ne me faisait plus souffrir et les goulettes de sang avaient cessé de couler, mais ma peau était toujours bleue et cireuse, et un étrange liquide bleuté en suintait. Quand je me servis un verre de lait, ma manche eut le malheur de se retrousser sur mon bras blessé.

La voix de Ron me fit sursauter :

- Qu'est-ce que c'est que ça ?!

Il fixait mon bandage d'un air stupéfait, sa cuillère pleine de gruau en suspens à trois centimètres de sa bouche.

Meeeerde...

- Oh, ça… C'est un bandage.

- Pour quoi faire ?

- Pour protéger une blessure.

Harry souleva ma manche.

- Ne touche pas, c'est sensible !

- Oups, désolé. Comment tu as trouvé le temps de te blesser alors que tu es toujours à la bibliothèque ou aux cachots ?

Je m'efforçai de masquer mon malaise. Manifestement, Harry avait écouté les prétextes que j'avais invoqués pour justifier mes disparitions répétées dans la Salle sur Demande.

- Justement, je me suis blessée au laboratoire.

C'était le mensonge le plus plausible.

- Quoi ?!

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

- Je me suis juste éclaboussée avec une potion. Pas de quoi en faire tout un plat.

Je me levai et ramassai mon sac.

- Éclaboussée ? répliqua Harry en sortant de table à son tour. Allons, Hermione, tu as un bandage jusqu'au coude !

Il souleva encore ma manche pour approuver ses dires.

- Arrête de toucher ! Je t'ai dit que ça faisait mal !

- Pourquoi Rogue ne prépare pas lui-même ses potions dangereuses ? demanda Ron.

Je remarquai avec agacement que toutes les têtes commençaient à se tourner dans notre direction.

- Je suis son assistante ! Je suis là pour ça.

- Pour faire ses potions dangereuses à sa place ?

- Mais non, pour l'aider.

- Je suis certain qu'il a fait exprès pour qu'elle se brûle ! dit Ron à Harry. Si ça se trouve, il essaie de se débarrasser d'elle !

Harry retroussa une énième fois ma manche, comme pour mieux évaluer l'hypothèse de Ron.

- Ron, tu dis n'importe quoi ! Harry, lâche-moi !

Au moment où nous allions sortir de la Grande Salle, Blaise y entra, les cheveux en l'air et la cravate nouée n'importe comment.

- Oh, salut Hermione ! dit-il d'une voix tout ensommeillée.

Ses yeux s'ouvrirent deux fois plus grand quand il remarqua mon bandage.

- Qu'est-ce que c'est que ça ? As-tu essayé de dompter les scroutts à pétard de Hagrid ?

- Je me suis brûlée avec une potion, répondis-je sèchement.

Combien de fois serais-je obligée de répéter les mêmes mensonges ?

- Pourquoi il ne sait pas ce qui t'est arrivé ? demanda Ron en parlant de Blaise comme s'il n'était pas là.

- Parce qu'il n'était pas au laboratoire hier soir ! répondis-je.

Il ne digérait toujours pas que je me sois liée d'amitié avec un Serpentard. Son entêtement avait le don de m'horripiler. Blaise, lui, semblait plutôt s'en amuser. Il faisait même exprès de dire des énormités pour faire bondir Ron.

- Eh non, intervint Blaise d'un ton philosophe. Seule la crème des assistants a le privilège de préparer les potions les plus délicates en compagnie de Rogue.

- Hein ? fit Ron en regardant enfin Blaise en face. Tu veux dire qu'Hermione passe plus de temps que toi avec Rogue ?

- Oui.

- Mais pourquoi ?

- Parce qu'elle est mignonne et moi pas, répondit Blaise du tac-au-tac.

- Quoi!? s'insurgèrent Harry et Ron en affichant le même air scandalisé.

Je devins cramoisie.

- Blaise, franchement !

- T'es pas sérieux ?! s'exclama Ron.

- Je suis toujours sérieux, répondit Blaise, pince-sans-rire. Et je ne suis pas idiot. Je sais très bien que si j'étais une assistante adorable comme Hermione, Rogue tolérerait beaucoup mieux ma présence dans son laboratoire.

- Non, répliquai-je. Il suffirait seulement que tu récoltes moins de retenues dans tes autres cours.

Il m'adressa un petit sourire innocent.

- Bon, si vous voulez bien m'excuser, dit-il d'un ton enjoué. Il ne me reste que trois minutes pour engloutir mon petit-déjeuner et courir à l'autre bout du château pour mon cours de métamorphose. Hermione, tu me raconteras plus tard comment tu t'es blessée... et aussi comment Rogue a soigné ton bras.

- Espèce de Serpentard, marmonnai-je dans son dos.

- Je prends ça pour un compliment.

Il m'adressa un clin d'œil et disparut dans la Grande Salle.

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Harry et Ron me lancèrent des œillades suspicieuses pendant tout le cours de défense contre les forces du mal. J'essayai tant bien que mal de les ignorer, mais je finis par me défendre, excédée.

- Voyons, les gars ! leur soufflai-je le plus discrètement possible. Vous ne croyez quand même pas aux bêtises de Blaise ?! Il essayait juste de vous faire réagir. Et ça marche drôlement bien.

- Il y avait peut-être une part de vérité dans ses bêtises, chuchota Ron.

- Mais pourquoi tu défends autant Rogue ? demanda Harry, les sourcils froncés.

- Parce que c'est insultant pour moi qu'on prétende qu'il m'a choisie pour ma beauté plutôt que pour mes compétences ! sifflai-je, furieuse.

Manifestement, j'avais parlé trop fort, parce que toutes les têtes se tournèrent vers moi. Jake Tisdale interrompit son exposé sur les boucliers magiques.

- Il y a un problème, tous les trois ? demanda-t-il en étirant le cou pour nous voir au fond de la classe.

- Oui, c'est à cause de Rogue qui…

- Tais-toi, Ron ! le coupai-je aussitôt. Il n'y a aucun problème, Jake. Excusez-nous.

Le jeune auror me lança un regard surpris.

- Très bien, si vous le dites.

Il poursuivit son cours. J'adressai un regard glacial aux quelques élèves qui me regardaient toujours avec curiosité, puis essayai d'écouter mon professeur sans ruminer ma mauvaise humeur.

L'heure du déjeuner venue, je me dépêchai d'avaler mon repas, puis je me réfugiai dans un endroit calme du parc de Poudlard pour essayer de rattraper les devoirs que j'avais négligés ces derniers jours, trop accaparée par ma potion d'invisibilité. Ce n'est pas parce que j'avais la réputation d'un rat de bibliothèque que j'étais incapable d'identifier les vraies priorités. Et ma plus grande priorité, depuis peu, ce n'était plus ma réussite scolaire. C'était ma sécurité.

Je m'assis sur un coin d'herbe réchauffé par le soleil et j'essayai de me concentrer sur l'immense chapitre que je devais terminer de lire pour cet après-midi (j'étais sûrement la seule élève qui se donnerait la peine de le faire), mais c'était peine perdue. Je soupirai et déposai mon livre à côté de moi. Au même moment, un hibou passa au-dessus de moi, laissant tomber une lettre dans l'herbe. Sûrement de la part de mes parents. Je m'étirai le bras pour la prendre.

Ce n'était pas une lettre. C'était un carton publicitaire.

Quelle idée d'utiliser un hibou postal pour livrer des publicités !

En examinant le carton de plus près, je réalisai qu'il y était question d'un cabinet de dentistes, celui de mes parents. Je souris. Mes parents avaient sans doute voulu me montrer leur nouvelle publicité, mais ils avaient oublié de joindre leur lettre à l'envoi. Ou alors, mon père était tellement nerveux d'attacher une lettre à la patte d'un oiseau de proie qu'il avait effrayé la pauvre bête. J'irais à la volière ce soir et je leur enverrais une chouette plus docile. Je glissai le carton entre les pages de mon livre d'histoire de la magie.

- Des rumeurs courent à votre sujet, madame la préfète en chef, lança quelqu'un derrière moi.

Je reconnus la voix de Blaise.

- Vraiment ? répondis-je sans me retourner. Lesquelles ?

Le Serpentard apparut devant moi et s'assit en indien dans l'herbe.

- Rogue aurait intentionnellement répandu du Fondutin sur toi pour se venger de la victoire de Gryffondor sur Serpentard, au dernier match de Quidditch.

- Du Fondutin ? Le nettoyant qui sert à déboucher la plomberie sale ?

- Eh oui. Alors, les rumeurs sont-elles vraies, Votre Grandeur ?

- Elles sont fausses.

- Rogue n'a même pas essayé de se venger sur toi ? Je le croyais plus sadique que ça.

- Eh non, c'est moi qui suis sadique. Je me suis brûlée moi-même avec du venin de neige.

- Du venin de neige ?! Je ne pensais pas qu'il y en avait au lab.

- Il n'y en a pas, non plus. Je faisais simplement une petite expérience, expliquai-je très honnêtement.

On pouvait confier n'importe quoi à Blaise. Il ne posait jamais de questions indiscrètes et n'était pas du genre à commérer ensuite.

- Ha ha ! s'exclama-t-il. J'ai déjà fait la même chose, l'année dernière.

- T'es-tu brûlé ?

- Euh, non.

- T'es-tu fait prendre ?

- Non plus.

- J'en conclus que c'est moi qui ne suis pas douée, dis-je d'un air sombre.

- T'inquiète pas, Hermione. Rogue va te faire la gueule pendant une semaine, puis il retrouvera sa bonne humeur. Si je peux m'exprimer ainsi.

- Pfff.

- Qu'est-ce qu'il t'a donné comme retenue ?

- Euh… Rien du tout.

- Il ne t'a pas donné de retenue ? Alors combien de points il t'a enlevé ?

- Eh bien… aucun. Il a dû oublier.

Blaise rigola.

- Oublier ? Il fallait vraiment qu'il soit préoccupé par ta survie pour oublier de te punir. C'était une brûlure grave ?

- Disons que je n'étais pas à l'article de la mort.

- Pauvre assistante chouchou.

- Arrête ça, protestai-je en lui poussant l'épaule. Au fait, Harry et Ron ont gobé tes bêtises sans se poser de questions. Ils sont idiots.

- Mais non, juste un peu influençables, dit-il avec indulgence.

Il se leva et épousseta à moitié les brins d'herbe collés à son uniforme.

- Je te laisse. Je dois aller tester… quelque chose qu'une préfète en chef ne doit pas entendre.

- Pendant que tu devrais être à un cours de divination, j'imagine ?

Il m'adressa un clin d'œil.

- Exact. Tu devrais renouer avec la divination, Hermione. Ça te donnerait trois heures de temps libre chaque semaine. Que du plaisir !

- Si c'est pour récolter également trois heures de retenue pour absentéisme, je ne vois pas l'avantage.

- Je n'ai jamais eu de retenue en divination. Trelawney ne remarque même pas mon absence. C'est décidément ma matière préférée.

Je lui envoyai la main et le regardai disparaître entre les arbres avec un sourire. Il avait une manière inimitable de tourner n'importe quel drame à la blague. Il n'y avait que lui pour me redonner ma bonne humeur lorsque je n'avais pas la tête à rire. Je jetai un coup d'œil à ma montre et me levai à mon tour. C'était l'heure du cours de Binns. Quand je ramassai mon manuel, la publicité du cabinet de mes parents s'en échappa, virevolta sous un souffle de vent et tomba dans l'herbe. À l'envers. Je me penchai pour la récupérer.

Le sourire qui planait encore sur mes lèvres dégoulina comme neige au soleil.

À l'endos de la publicité, il y avait une inscription manuscrite. Cinq mots, rédigés à l'encre bleue.

Je cessai de respirer.

Cinq petits mots inoffensifs, mais qui, mis ensemble, revêtaient pour moi une signification terrible.

« Je sais qui ils sont. »

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Un petit indice pour le prochain chapitre : il s'intitulera « Course contre la montre ». Beaucoup de problèmes en perspective ! Hermione n'a pas fini de courir, et Rogue n'a pas fini de la trouver louche…

À très bientôt !