Chères lectrices, merci pour vos reviews et votre enthousiasme! =) (S'il y a un homme dans la salle, qu'il se manifeste maintenant ou se taise à jamais ! )

Bonne lecture !

Phoenix : Attends encore quelques chapitres avant de mourir d'impatience, tu manquerais trop de choses importantes. ;) Arriver à respecter le caractère des personnages, ça me faisait peur au départ, surtout dans le cas d'Hermione. Mais bon, ce n'est qu'une fic, et comme tous les auteurs de fic, j'insuffle sûrement, même malgré moi, ma petite part personnelle aux personnages. Merci pour ton commentaire !

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Course contre la montre

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La noirceur et les branchages m'entouraient de toutes parts et une grosse boule d'angoisse me nouait la gorge. J'étais morte de peur. D'une main tremblante, je pointai ma baguette sur la maison. Et si le mangemort était ici aussi, tapi à l'ombre des arbres ?

Ne pense pas à ça. Vite. Concentre-toi.

C'était maintenant ou jamais. Je lançai le sortilège.

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Trois heures plus tôt.

Lorsque je lus la phrase terrifiante derrière la publicité du cabinet de dentistes de mes parents, la panique me gagna et libéra en moi un flot d'adrénaline. La première chose que je fis, c'est monter à mon dortoir pour y cacher la publicité au fond de mon tiroir aux horreurs. Puis, je me ruai dans la salle de bain pour y vomir mon repas. Dans mon cas, la panique et un estomac plein ne faisaient pas bon ménage. Au moment où je plongeais une énième fois la tête dans la cuvette, Lavande entra dans la salle de bain en se parlant à voix haute :

- Ah, je savais bien que j'avais oublié mon gloss sur cette étagè… Oh, Hermione ! Ça va ?

- Pas vraiment, croassai-je, entre deux quintes de toux.

- Tu as besoin de quelque chose ?

- Non, j'ai juste une indigestion. Peux-tu dire à Binns que je n'assisterai pas au cours ?

- Pas de problème. Repose-toi.

Elle s'enfuit de la salle de bain avant d'avoir un haut-le-cœur à son tour. Quand mon estomac cessa de se révulser, complètement vide, les pensées se mirent à se bousculer dans ma tête.

Mes parents. Le mangemort avait identifié mes parents, tout comme il m'avait moi-même identifiée et photographiée. Il savait qu'ils étaient moldus et dentistes. Il savait où était situé leur cabinet. Comment avait-il réussi à trouver leur trace ?

Il prendra sa revanche.

Pas mes parents, Merlin, pas mes parents !

Qu'est-ce qui allait leur arriver ? Comment pouvaient se défendre deux moldus face à un mage noir sadique qui voulait se venger de leur fille ? Ils ne savaient même pas quel danger ils couraient ! Et s'il était déjà trop tard pour eux ? J'aurais voulu pleurer pour évacuer mon trop-plein d'émotion, mais le sanglot resta coincé en travers de ma gorge et mes yeux demeurèrent secs. J'étais trop effrayée pour verser la moindre larme. Tremblante comme une feuille, je sortis de la salle de bain et restai plantée dans le dortoir, le cœur affolé. Que fallait-il que je fasse ? Qu'est-ce que je pouvais faire ?

Hermione, es-tu une Gryffondor ou une lâche ?

J'étais une Gryffondor. Et j'allais protéger mes parents du péril qui les menaçait par ma faute. Je lançai un coup d'œil à l'horloge entre les lits de Parvati et Lavande. J'avais tout juste trois heures pour trouver une façon de placer mes parents en sécurité, transplaner chez eux et revenir avant que l'enceinte de Poudlard ne se verrouille pour la nuit. Je sortis du dortoir en courant.

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Protection contre le feu.

Protection contre les poux.

Protection des mains sèches.

Protection des lieux et bâtiments.

C'était ça ! Je me hissai sur la pointe des pieds, m'emparai du livre qui prenait la poussière sur la plus haute étagère et retournai m'asseoir à une table au fond de la bibliothèque. Même si ma présence ici était inhabituelle à ce moment de la semaine, Mme Pince ne m'avait posé aucune question, mais me jetait des regards suspicieux de temps à autres. Je posai une gigantesque encyclopédie en équilibre sur la table, me cachai derrière et me mis à tourner frénétiquement les pages du livre sur la protection des lieux et bâtiments. La petite conversation que j'avais surprise un jour entre Rogue et Flitwick m'était revenue en mémoire. Ils parlaient d'un sortilège pour protéger les maisons. C'est avec ce sort que je protégerais celle de mes parents.

Je lus à toute vitesse les sections les plus importantes du livre, essayai d'en retenir l'essentiel, puis m'enfuis de la bibliothèque en laissant sur la table une immense pile de bouquins à ranger. Je sortis dehors et courus jusqu'aux grilles qui ceinturaient le parc, en priant pour que personne n'aperçoive l'élève qui fuyait l'école. Si seulement Rogue ne m'avait pas confisqué ma potion d'invisibilité ! Dès que j'eus franchis la porte de fer forgé, je me concentrai pour transplaner dans le petit recoin entre deux haies de cèdre touffues où je m'étais si souvent cachée quand j'étais petite.

Une seconde plus tard, je sentis les branchages griffus se presser contre moi. Je rouvris les yeux. J'étais de retour dans mon repère d'enfance, où je tenais maintenant très à l'étroit. Les mains tremblantes, j'écartai doucement les branches de cèdre, à peine suffisamment pour créer une petite ouverture à la hauteur de mes yeux. Un petit quartier coquet m'apparut, avec ses maisons identiques alignées comme au garde-à-vous dans la noirceur, leurs longues cours encadrées de clôtures blanches. Je me trouvais derrière la maison de mes parents. La lumière de la cuisine filtrait à travers le rideau d'une fenêtre du rez-de-chaussée. Mes parents devaient être en train de préparer le repas, sans savoir quelle catastrophe imminente leur pendait au bout du nez. Mon cœur se serra. Tout était ma faute.

Je sortis ma baguette et j'essayai de respirer profondément pour dissiper les tics nerveux qui agitaient ma main. Puis, je rassemblai toutes mes forces et lançai le sortilège qui rendrait la maison introuvable par le mangemort.

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Walden MacNair arriva à la tombée de la nuit dans le petit quartier propret où résidaient les parents d'Hermione Granger. Il eut beau chercher le numéro 14 sur toute la rue, il n'arriva pas à le trouver. Il n'y avait que les numéros 12 et 16 sans aucune maison entre les deux, même pas un espace suffisant pour qu'une résidence invisible y soit dissimulée.

Il dut se rendre à l'évidence : il avait sous-estimé Hermione Granger. La petite garce. Il s'était fait un plaisir de la terroriser, mais il n'avait pas prévu qu'elle réagisse si promptement. Elle avait pris ses menaces au sérieux. L'après-midi même où elle avait reçu la photo de ses parents, elle s'était sauvée de son collège et avait trouvé le moyen de rendre leur maison inaccessible.

Cette arrogante ne payait rien pour attendre. Il voulait qu'elle se sache traquée. Il voulait hanter ses cauchemars et obséder toutes ses pensées. Il voulait entreprendre de l'anéantir avant même d'avoir posé la main sur elle. Et quand elle serait enfin à lui, elle serait prête. Elle se soumettrait à lui, terrorisée et impuissante, reconnaissant finalement la supériorité qu'il exerçait sur elle. Il lui ferait regretter de s'être mesurée à lui.

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Ma vie devint une course contre la montre. Chaque soir, je dus m'éclipser en douce de Poudlard pour aller renouveler la protection sur la maison de mes parents. Car le sortilège que j'avais trouvé présentait un inconvénient : il était temporaire. La protection permanente, elle, exigeait d'être lancée par plusieurs sorciers en même temps. Elle canalisait l'énergie magique de chacun pour la transférer dans le bâtiment. Je n'étais sûrement pas assez expérimentée pour accomplir seule cet exploit.

Chaque fois que je me rendais à ma cachette derrière la haie de cèdre, dans la cours de mes parents, j'étais terrifiée. Je revenais pantelante et essoufflée de mes escapades. Pour ajouter à mon angoisse, je me mettais à saigner du nez dès que je rentrais à Poudlard. Au bout de trois jours, de profonds cernes noirs assombrissaient mes yeux. J'étais épuisée, comme si le sortilège répété m'affaiblissait toujours de plus en plus. Combien de temps allais-je tenir ainsi ? Même Harry et Ron, qui n'étaient pas très observateurs, finirent par me poser des questions.

Un soir, à moitié morte de fatigue, j'essayais de terminer mes devoirs dans la salle commune lorsque qu'un papillon de papier surgit de nulle part et vint voleter à la hauteur de mes yeux. Je l'attrapai, le dépliai et reconnus immédiatement la grande calligraphie élégante.

« Miss Granger,

Prière de vous présenter au laboratoire. Urgent.

SR »

- Qu'est-ce que c'est ? demanda Ron en étirant le cou pour lire par-dessus mon épaule. Une lettre d'un admirateur secret ?

- C'est Rogue. Il faut que j'aille au laboratoire.

- Encore ! s'exclama Harry. Mais tu passes tous tes temps libres là-bas !

- Harry, tu exagères.

- C'est Rogue qui exagère ! rétorqua Ron. Il te prend pour son elfe de maison.

- Voyons, les gars, chuchotai-je pour que personne d'autre ne m'entende. Vous connaissez le rôle de Rogue au sein de l'Ordre. Vous êtes bien placés pour comprendre qu'il doit régulièrement faire face à des urgences. Et que ses potions ne se fabriquent pas toutes seules pendant ce temps.

- C'est ce que je disais : il te prend pour son elfe de maison.

D'un geste las, je refermai mon manuel de métamorphose. Je n'arriverais jamais à inculquer un peu de bon sens à la piètre opinion que Harry et Ron se faisaient de Rogue.

- Je dois partir, dis-je pour couper court à leurs protestations. À plus tard.

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À mon arrivée au laboratoire, Rogue me regarda à peine. Revêtu d'une cape épaisse, il fourrageait dans un tiroir de son bureau d'un air pressé.

- Un élève a besoin d'un antibiotique pour pneumonie, dit-il sans lever le nez du parchemin sur lequel il avait mis la main. Il reste tout juste une dose à l'infirmerie. Nous avons besoin de dix nouvelles doses. Les instructions sont à côté du chaudron. Avez-vous des questions ?

- Non.

- Très bien.

Il rangea le parchemin dans une poche de sa cape, referma le tiroir d'un coup sec et sortit en coup de vent. Je jetai un coup d'œil à la liste qu'il m'avait laissée et rassemblai les ingrédients nécessaires, pressée d'aller me coucher dès que j'aurais terminé. J'étais tellement épuisée que j'aurais pu m'endormir ici, sur le dallage de pierre. Mais je réalisai bien vite qu'il manquait un ingrédient : la poudre de capucine. Pas question que j'aille en acheter chez l'apothicaire O'Riley, cette espèce d'abruti qui avait révélé mon nom au mangemort pour une poignée de gallions. Résignée, je sortis des graines de capucine pour les broyer moi-même, une corvée qui me prendrait sûrement des heures. Comment allais-je tenir debout tout ce temps?

La soirée s'annonçait interminable.

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Il faisait nuit depuis longtemps lorsque Severus regagna ses appartements. Il épousseta ses épaules pour retirer la suie et la cendre qui y avaient adhéré et abandonna sa cape sur un fauteuil. En sortant de l'antichambre, il aperçut la lueur de quelques chandelles dans le laboratoire. Sans doute Hermione Granger avait-elle oublié de les éteindre. Mais lorsqu'il entra dans la salle, il eut la surprise de voir son assistante endormie sur la table de travail, la tête appuyée sur ses bras croisés, une avalanche de boucles brunes disposées en auréole autour d'elle. Severus haussa les sourcils. Que faisait-elle donc encore ici ? On l'avait mise à la porte de la maison des Gryffondor ou quoi ?

Il s'approcha. À côté d'elle, la potion antibiotique mijotait à feu doux, impeccable, mais pas encore terminée. Un sablier ensorcelé allait sonner d'une minute à l'autre. D'un tapotement de baguette, il désactiva l'alarme et ajouta dans le chaudron l'ingrédient final : la poudre de capucine. Il éteint le feu.

Pourquoi Hermione Granger avait-elle mis tout ce temps à préparer la potion ? En lui lançant un regard agacé, Severus remarqua le pilon et le mortier posés à côté d'elle. Il comprit qu'elle avait préparé la poudre elle-même. Quel idiot ! Il venait tout juste de recevoir de Londres un paquet de cette poudre, rangé bien en évidence sur son bureau. Il avait oublié de le lui dire.

Il prit le mortier et observa les restes de poudre : elle était aussi fine que de la farine et semblait concoctée dans les règles de l'art. Mais manifestement, Hermione Granger s'était fait des ampoules en la broyant, à en croire le mouchoir souillé de sang coagulé qu'elle tenait à la main droite. Veillant à ne pas la réveiller, il extirpa doucement le tissu de ses doigts et examina sa paume. La peau était lisse et sans blessure visible. Même la brûlure bleu foncé qu'elle s'était infligée avec du venin de neige avait complètement disparu. Alors d'où provenaient ces taches de sang ?

Severus fronça les sourcils et jeta un coup d'œil au visage de son assistante, éclairé faiblement par la lueur mouvante des bougies. C'est alors qu'il comprit. Elle ne s'était pas écorché la main, elle avait saigné du nez. Une gouttelette sombre perlait encore au bord de ses narines. Étrange. La fatigue, peut-être. Parce que oui, son assistante était fatiguée. Ces derniers temps, elle avait semblé constamment blême et tendue. Il l'avait vue se ronger les ongles et sursauter pour des riens, comme si elle craignait une fin du monde imminente. La période des ASPIC était pourtant encore très loin. Il n'y avait pas de quoi paniquer, d'autant plus qu'elle aurait pu réussir ces examens haut la main des mois à l'avance. Sans même étudier. Mais Hermione Granger appartenait à une espèce aux mœurs très difficiles à comprendre pour le commun des mortels.

Il tendit la main vers son épaule pour la réveiller, mais suspendit son geste quand elle poussa un léger soupir dans son sommeil. Pour une rare fois depuis des semaines, elle paraissait… paisible. Alors, sans trop savoir pourquoi, Severus se ravisa. Il contempla quelques instants son visage fin, les cernes foncés sous ses yeux, la ligne de ses arcades sourcilières et de son nez, le tracé délicat de ses pommettes et de ses lèvres. Puis il s'éloigna. Avant de quitter le laboratoire, il agita la main en direction des chandelles, qui s'éteignirent, puis de la cheminée, où les braises refroidies rougeoyèrent à nouveau, propageant doucement leur chaleur dans la pièce froide.

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Un cauchemar me réveilla en sursaut. La nervosité m'assaillit dès que j'ouvris les paupières et aperçus le mur de pierre devant moi, plutôt que le rideau de mon lit à baldaquin. Où étais-je donc ? Toute perdue, je relevai vivement la tête et regardai autour de moi. Les potions et fioles alignés sur les murs, le bureau de bois sombre, les tables de travail, le feu qui ronflait tranquillement dans la cheminée.

J'étais dans le laboratoire de Rogue. Manifestement, j'étais tombée endormie. Mais où était la potion antibiotique ? L'avais-je donc ratée ? Mes souvenirs se remirent soudain en place. Je me rappelai que j'avais ensorcelé un sablier de façon à me réveiller à temps pour la dernière étape. Rogue avait dû désactiver l'alarme et terminer la potion lui-même. Pourquoi ne m'avait-il pas réveillée et chassée de son laboratoire ?

Perplexe, je me levai et quittai la salle sans bruit. Lorsque je refermai la porte derrière moi, j'eus l'impression d'être avalée par les ténèbres glaciales du couloir. J'attendis quelques secondes que mes yeux s'habituent à la noirceur, puis, en proie à une peur irrationnelle, je courus jusqu'à la tour des Gryffondor.

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Le lendemain, je me levai très tôt pour échapper aux cauchemars qui envahissaient sans cesse mon sommeil. J'attrapai une pomme dans la Grande Salle et sortis me promener dans le parc, en quête de tranquillité et d'air pur. Il faisait si froid que l'herbe s'était recouverte d'un givre hâtif pendant la nuit. Je serrai les pans de ma cape autour de moi pour me protéger de l'air mordant. Lorsque j'arrivai aux abords du lac, une chouette grise vint se poser sur mon bras, une lettre à la patte. Aussitôt, l'angoisse perpétuelle qui me rongeait se raviva davantage. Et si c'était encore une photo de la part du mangemort ? Mais l'enveloppe provenait de mes parents. Je l'ouvris.

La panique me souleva le cœur quand je lus le deuxième paragraphe :

« Ton père a eu un accident de voiture des plus bizarres hier soir, au retour du travail. Il a totalement perdu le contrôle des freins, alors que nous venions tout juste d'en faire poser de nouveaux ! Heureusement, il a pu s'arrêter en fonçant dans un bosquet. C'est un véritable miracle qu'il s'en soit sorti avec seulement quelques égratignures ! »

La bile me monta à la gorge. Le cœur battant, je déglutis et m'efforçai de respirer lentement pour dissiper mon haut-le-cœur.

Un accident, mon œil. C'est le mangemort qui avait saboté la voiture de mon père. Je devais me rendre à l'évidence : mes parents ne seraient jamais en sécurité, en dépit des protections que je plaçais sur leur maison. Que pouvais-je faire ? Demander l'aide de Dumbledore et le laisser nous expédier en Antarctique ? Non. Ma place était ici, nulle part ailleurs. Je ne pouvais pas fuir. Mon monde, c'était le monde de la magie. Et un seul lien rattachait mes parents à ce monde qui leur était plus hostile que jamais : c'était moi. Alors soit. J'allais faire disparaître la magie de leur vie.

En quelques minutes à peine, je pris une décision qui allait bouleverser ma vie : aujourd'hui même, mes parents seraient en sécurité à l'étranger. Sans moi. Seulement, ils n'accepteraient jamais de s'exiler en me laissant courir des dangers de mort ici. J'allais devoir les forcer.

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Lorsque j'arrivai au laboratoire, quelques instants plus tard, Blaise y était déjà.

- Woah, Hermione ! s'exclama-t-il en me regardant avec des yeux ronds.

- Quoi ?

- Es-tu malade ? Tu as un air épouvantable !

- Merci, Blaise, répondis-je d'une petite voix que j'aurais voulu plus ironique. Rogue n'est pas là ?

- Il nous rejoindra plus tard. Sérieusement, as-tu dormi un peu depuis une semaine ?

- Pas beaucoup. Qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui ? demandai-je, pressée de changer de sujet.

- On renouvelle les stocks à l'infirmerie. Qu'est-ce qui t'arrive ?

- S'il-te-plaît, Blaise, je n'ai pas envie d'en parler.

- Comme tu veux, Hermione, répondit-il, pas vexé le moins du monde. Viens, les potions sont là-bas.

Je poussai un faible soupir en le suivant dans la réserve. Il était tellement facile à vivre que c'était reposant de le côtoyer. Nous sélectionnâmes les potions dont Mme Pomfresh avait besoin et les montâmes à l'infirmerie, quatre étages plus haut. J'essayai tant bien que mal de me concentrer sur notre travail, mais la peur grugeait toute mon énergie comme un cancer sournois. J'avais beau faire des efforts pour contenir mes pensées, elles se remettaient toujours à vagabonder sur mes parents en danger, sur un mangemort anonyme au regard effrayant.

Alors que nous faisions le tri des préparations périmées dans l'armoire des médicaments, un homme sortit soudain en coup de vent de la section réservée aux malades. Mme Pomfresh le talonnait, les lèvres pincées en une moue réprobatrice. Lorsqu'il nous aperçut, il nous apostropha cavalièrement :

- C'est vous qui faites les potions, dans cette école ?

Interloquée, je dévisageai l'homme. Il avait les yeux bleus. Des yeux qui ressemblaient à s'y méprendre à ceux du mangemort qui m'avait jetée sur la chaussée de l'allée des Irlandais, la cruauté en moins, la condescendance en plus. Mais ça ne pouvait pas être lui. Cet homme ressemblait à un grand fouet, avec sa silhouette maigre et élancée. Le mangemort, lui, était trapu et costaud. Je restai saisie une seconde, puis répondis :

- Oui, c'est nous qui faisons les potions. Mais que…

L'homme se mit à vociférer.

- Des élèves. Ils font faire des potions médicales par des élèves. C'est inadmissible.

- Ça vous pose problème ?

Il explosa littéralement.

- Oui, ça me pose problème, espèce d'écervelée !

Je clignai des yeux, éberluée de me faire ainsi insulter.

- Pardon ?

- Vous avez préparé la mauvaise potion à mon fils !

- Allons, monsieur ! protestèrent en chœur Blaise et Mme Pomfresh, mais beaucoup trop timidement pour impressionner un père furieux.

L'homme ne leur accorda pas un regard. Il avait trouvé son souffre-douleur, et j'étais l'heureuse élue.

- Êtes-vous seulement capable de vous servir de la table des matières de votre livre de recettes ?! Mon fils a une pneumonie ! Si sa maladie s'aggrave, ce sera entièrement votre faute !

- Monsieur, sachez que la potion que j'ai préparée pour votre fils était absolument parfaite, répondis-je, piquée au vif, en repensant à l'antibiotique qui avait occupé toute ma soirée de la veille.

- Parfaite ?! Reconnaissez donc vos torts quand vous en avez, mademoiselle !

- Je n'ai aucun tort.

- Avez-vous la moindre idée des représailles que je pourrais vous faire subir ? Le Ministère donne des amendes à des gens pour beaucoup moins que ça.

- Voilà qui pourrait m'effrayer, convins-je d'un ton pas du tout convaincu.

Les narines de l'homme frémirent de colère.

- Savez-vous seulement qui je suis, mademoiselle ?

- Bien sûr, monsieur. Vous êtes un homme épouvantablement grossier. Nous n'avons pas besoin de faire plus ample connaissance.

- Je suis Adams White, le sous-ministre à l'éducation magique ! rétorqua-t-il avec une condescendance digne d'un roi.

Imbécile. S'il y avait quelque chose qui ne m'impressionnait pas, c'était bien un rang hiérarchique.

- Et je suis la Fée clochette, répliquai-je platement.

L'homme amorça un mouvement vers moi, le regard flamboyant. Sans crier gare, mille images terribles, mille sensations fantômes s'imposèrent brutalement à moi : des grosses mains sur ma gorge, des yeux bleus chargés de cruauté, le brouhaha d'une foule paniquée, des jets de lumière, du sang, des cris de fillette prise au piège. Tout mon sang-froid m'abandonna, laissant place à une fureur soudaine, une fureur qui me commandait d'attaquer avant d'être attaquée.

- Espèce de petite sott…

L'homme n'eut pas le temps de terminer l'insulte. Je dégainai ma baguette à la vitesse de l'éclair et hurlai comme je n'avais jamais hurlé de ma vie :

- NE ME TOUCHEZ PAS !

Un silence de mort tomba sur l'infirmerie. Ma colère me déserta aussitôt, me laissant aussi hébétée qu'Adams White, Blaise et Mme Pomfresh, qui me contemplaient avec des yeux écarquillés de surprise.

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Lorsque Severus entra dans l'infirmerie pour rejoindre ses assistants, il se demanda d'abord s'il était bien réveillé. Le sous-ministre à l'éducation magique, Adams White, était en train de parlementer avec Hermione Granger. Ils affichaient le même air furieux, lui la surplombant d'une tête, elle paraissant étonnamment fragile devant lui, avec sa taille de ballerine et son ossature délicate. Lorsque White eut le malheur de faire un pas de trop dans sa direction, elle pointa sa baguette sur lui et se mit à crier. Une scène pour le moins déconcertante. D'ailleurs, Severus n'aurait jamais soupçonné qu'un minuscule bout de femme comme son assistante pouvait crier si fort.

Il se composa une expression réfrigérante et s'avança vers le groupe avec une prestance on ne peut plus convaincante.

- Que se passe-t-il ici ? Miss Granger, baissez immédiatement votre baguette.

Mais Hermione Granger était aussi pétrifiée que le jour où elle avait croisé la route du Basilic, des années plus tôt. Zabini dut baisser lui-même son bras tendu. Adams White la désigna d'un doigt accusateur.

- Cette hystérique a préparé la mauvaise potion à mon fils. Il est plein de gros boutons ! Il a une pneumonie, professeur ! C'est une maladie grave ! Ce…

- Monsieur White, coupa Severus d'une voix aussi soyeuse que glaciale. Sachez que je supervise personnellement le travail de mes assistants. Si vous avez le moindre reproche à formuler sur leurs potions, c'est à moi que vous devez l'adresser.

Adams White sembla se dégonfler. Manifestement, l'idée d'accuser un maître des potions revêche lui paraissait peu souhaitable.

- La potion antibiotique de votre fils a été spécialement préparée d'urgence hier soir, poursuivit Severus. Elle répondait aux critères de qualité les plus exigeants.

- Alors pourquoi mon fils a-t-il le visage couvert de boutons ?

Severus passa à côté de lui, entra dans le dortoir et repéra le lit de White junior. Le jeune homme somnolait, le visage effectivement couvert d'énormes boutons rouges. Severus prit la fiole de potion posée sur sa table de chevet et la huma.

- C'est une potion de furoncles, dit-il d'un ton implacable à Adams White, qui l'avait suivi. Quelqu'un a échangé les étiquettes. Sans doute une délicatesse de la part d'un petit… camarade. Mais ce n'est plus de mon ressort. Mme Pomfresh, pouvez-vous aller chercher le directeur ?

Ce n'était pas une question. Mme Pomfresh se hâta de quitter l'infirmerie.

- J'ai d'autres fioles d'antibiotique en réserve, ajouta-t-il à l'intention du père. Votre fils recevra toutes les doses nécessaires. Quant aux furoncles, ils auront disparu dans moins d'une heure. Si vous voulez m'excuser, monsieur White, j'ai à faire.

Devant salutation aussi sèche, Adams White ne trouva rien à répondre. Severus le planta sur place et rejoignit ses assistants.

- M. Zabini, Miss Granger, venez avec moi.

Il passa devant eux et leur tint ouverte la porte de l'infirmerie, attendant qu'ils sortent dans le corridor. Hermione Granger était toujours tétanisée, les muscles tendus, le poing encore crispé sur sa baguette. Zabini dut la tirer par le bras pour qu'elle se mette à bouger. Il semblait lui aussi déconcerté par la réaction extrême de sa comparse. Depuis quand se comportait-elle aussi bizarrement ? D'abord cette histoire farfelue de potion d'invisibilité, et maintenant cette altercation incongrue avec le sous-ministre… Mais qu'est-ce qui lui prenait ?

Severus les suivit dehors.

- Qu'est-ce que c'était que ce cirque ?! demanda-t-il d'une voix basse et furieuse, en les regardant tour à tour.

Zabini prit la parole, soudain beaucoup plus bravache qu'il ne l'avait été avec le fonctionnaire :

- Le sous-ministre s'en est pris à nous sans raison, professeur. Il s'est mis à nous accuser d'être incapables de préparer des potions correctes. Hermione n'a fait que nous défendre.

Severus posa son regard sur son assistante, haussa un sourcil et attendit qu'elle dise quelque chose. Mais elle restait obstinément silencieuse et le fixait avec de grands yeux hébétés et terrifiés.

- Très bien, dit-il de sa voix la plus froide. Partez, Zabini.

Si Hermione Granger refusait de collaborer, soit. Elle essuierait seule sa colère. Après tout, c'est elle seule qui avait hurlé contre Adams White et pointé sa baguette sur lui.

- Professeur ! insista Zabini en regardant sa collègue avec inquiétude. M. White criait contre Hermione. Il était agressif et il…

- Je l'ai entendu aussi, répliqua Severus. Je ne suis pas sourd.

- Mais…

Severus lui lança un regard noir.

- Retournez dans votre salle commune, Zabini. Immédiatement.

Son étudiant n'eut pas le choix de lui obéir. Alors il jeta un dernier coup d'œil décontenancé à Hermione Granger, puis partit, impuissant. Severus ouvrit la porte d'une salle de classe vide et regarda son assistante dans les yeux. Ses grands yeux hagards.

- Entrez, dit-il d'un ton qui ne présageait rien de bon.

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À suivre… bientôt !