EDIT : Chapitre réécrit (eh oui, je vous avais prévenus). Il n'y a pas d'impact là où l'histoire est rendue.

Bonjour à tous ! Et voilà un chapitre tout frais, le plus long jusqu'à maintenant. Il m'a donné pas mal de fil à retordre, mais après maintes réécritures, je l'aime bien. J'espère qu'il vous plaira aussi. =) Merci pour tous vos commentaires ! Bonne lecture !

Blupou : Et voilà ton prix de consolation pour la fin des vacances. =) Bonne lecture et bonne rentrée !

Invité : Contente que tu aimes ! Merci de me suivre ! =)

Tigrou : J'espère que tu as passé de bonnes vacances ! Malheureusement, il n'y avait sans doute pas de nouveau chapitre à lire à ton arrivée. Mais enfin, voici la suite ! =)

Lyera : Merci pour ton commentaire ! J'espère que la suite te plaira aussi !

Patouch la mouche : Ne t'inquiète pas, les cachotteries d'Hermione sont sur le point de prendre fin… Ha ha, dans ce chapitre, Rogue commettra exactement l'erreur que tu aurais envie de faire : attendre qu'Hermione se remette avant de la secouer. Je te laisse découvrir par toi-même. ;)

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11. Convalescence et conspirations

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- Voilà. Revenez me voir lundi prochain pour que j'enlève le bandage. Et allez-y doucement, sinon l'entorse va revenir.

Avec sa brusquerie coutumière, Madame Pomfresh mit à la porte son jeune patient, un étourdi de deuxième année qui avait déboulé un escalier. Elle eut à peine le temps de se rasseoir à son bureau, devant une caisse de remèdes à trier, quand le feu gronda dans la cheminée. Le professeur Rogue fendit les flammes avec un corps inerte dans les bras. Madame Pomfresh se leva en hâte, déconcertée. Ce n'était pas tous les jours qu'un collègue débarquait à l'infirmerie avec un élève inconscient.

- Par Andromède, que se passe-t-il ? Ne me dites pas qu'un autre de ces gamins écervelés a goûté à une potion d'étranglement ?

- C'est une septième année, rectifia machinalement Severus, le souffle court.

Il contourna Mme Pomfresh, pressé de déposer son fardeau sur un lit libre.

- Mais c'est Hermione Granger ! Qu'est-ce qui lui est arrivé ? J'espère qu'elle ne s'est pas battue en duel avec le sous-ministre Adam White.

- Elle s'est évanouie.

- Bon, dit Mme Pomfresh en le poussant sans ménagement. Éloignez-vous un peu.

Elle tira un rideau autour du lit et disparut derrière. Severus se dirigea vers la cheminée, mais la voix de l'infirmière l'arrêta.

- Attendez un instant ! J'aurai peut-être besoin que vous me prépariez une potion.

Severus leva les yeux au ciel en pensant à tout le travail qui l'attendait déjà dans son laboratoire. Il poussa un soupir, juste pour la forme, et revint sur ses pas. Il ne pouvait pas nier qu'il était curieux de connaître le diagnostic de l'infirmière. Qu'est-ce qui arrivait à son assistante ? Il patienta pendant que Mme Pomfresh faisait subir une batterie de tests à sa patiente. Un peu plus loin, le fils du sous-ministre Adam White dormait aussi profondément que ce matin. Les furoncles disgracieux avaient disparu de son visage, comme Severus l'avait prédit.

- Par la barbe de Merlin ! s'exclama l'infirmière.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

Le rideau s'ouvrit d'un coup sec, laissant apparaître un visage abasourdi.

- Votre assistante souffre d'un épuisement magique.

- Un épuisement magique ? répéta-t-il d'un ton surpris qui ne lui était pas coutumier.

- Il s'agit d'un affaiblissement généralisé qui survient lorsqu'un sorcier génère un flux de magie trop important au cours d'un bref laps de temps.

- Je sais ce qu'est un épuisement magique, répliqua-t-il. Seulement, j'ai du mal à croire qu'Hermione Granger puisse en être atteinte.

- C'est pourtant le cas. Les tests ne mentent pas.

- Comment croyez-vous qu'un rat de bibliothèque comme Hermione Granger ait pu faire trop de magie ?

- Pour qu'une sorcière de premier cycle épuise ses réserves magiques, il faut qu'elle ait accompli un enchantement beaucoup trop puissant pour son endurance.

- Je ne pense pas que ce soit le genre d'exercice que Jake Tisdale demande à ses élèves.

Mme Pomfresh ignora la boutade et afficha une moue pensive.

- Peut-être avait-elle trop de tâches d'assistante, suggéra-t-elle.

- Impossible. Mes assistants utilisent à peine la magie au laboratoire.

L'infirmière pinça les lèvres. Severus pouvait presque entendre tourner les rouages de son cerveau.

- Je savais que cette petite couvait quelque chose, marmonna-t-elle. Elle avait l'air épuisé.

Elle agita un doigt accusateur sous le nez de Severus.

- Vous la côtoyez beaucoup plus étroitement que n'importe quel professeur de cette école, Severus. Pourquoi n'avez-vous pas remarqué qu'elle se portait mal ?

L'espace d'une seconde, une pointe de culpabilité s'insinua en Severus, mais il la repoussa bien vite. Il pinça les lèvres, agacé que ce doute ridicule lui ait traversé l'esprit.

- J'avais bien remarqué ! Mais que vouliez-vous que j'y fasse ?

- Pourquoi ne l'avez-vous pas emmenée ici ?

- Elle y était ce matin, en compagnie de Zabini. C'est vous l'infirmière. Vous auriez dû voir que quelque chose ne tournait pas rond chez elle.

Et puis quoi encore ? D'abord Minerva qui semblait le tenir responsable de la disparation d'Hermione Granger, et maintenant Mme Pomfresh qui l'accusait de l'avoir conduite à l'épuisement. Severus lança un regard furieux à son élève inconsciente. Son visage était aussi pâle que les draps immaculés du lit.

- Pourquoi ne se réveille-t-elle pas ?

À son tour, Mme Pomfresh contempla la jeune femme.

- Elle dort, dit-elle d'un ton plus calme. Elle sera sans doute incapable de faire de la magie pendant des jours. J'aurai besoin de lui administrer une potion énergisante, Severus.

Il tiqua.

- C'est une potion longue à réaliser. J'ai déjà beaucoup à faire ce soir.

Et comble de malheur, il ne pourrait pas demander l'aide de Zabini, qui était encore en retenue. Décidément, tout son programme de la soirée tombait à l'eau.

- Je sais que vous menez un train de vie impossible, Severus, mais j'ai bien peur de devoir insister. Le plus tôt sera le mieux.

Severus se détourna du lit. La potion attendrait. Il avait d'autres urgences à gérer. Hermione Granger n'avait qu'à ne pas se surmener.

- Je vous apporterai la potion demain midi, dit-il en s'éloignant.

- Très bien, répondit Mme Pomfresh dans son dos.

Il regagna le laboratoire avec mauvaise humeur. En arrivant devant sa table de travail, il jeta un coup d'œil à la liste interminable de potions qu'il avait à préparer, toutes plus pressantes les unes que les autres. Il hésita un instant, puis commença par la potion énergisante dont son assistante avait tant besoin.

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Un léger tintement me tira du sommeil. J'ouvris mes paupières lourdes. Dans la noirceur, deux rangs de lits blancs s'alignaient comme des soldats. L'infirmerie.

- Tiens donc, vous avez terminé votre petite sieste ? murmura une voix grave.

Je sursautai. La grande silhouette de Severus Rogue bougea près de ma table de chevet, se découpant de la pénombre. Je le fixai en essayant de me rappeler pourquoi j'étais couchée à l'infirmerie en pleine nuit, mais mon cerveau était vide.

- Qu'est-ce que je fais ici ?

Ma voix était enrouée.

- Parlez moins fort, vous allez réveiller tout le monde.

J'ignorai le reproche. Si je me trouvais à l'infirmerie, quelque chose de grave s'était sans doute produit. Alarmée, je repoussai les draps et m'assis dans mon lit.

- Où croyez-vous aller comme ça ?

Je devinai plus que je ne vis le regard exaspéré de mon professeur.

- Qu'est-ce qui se passe ? insistai-je. Il y a eu une attaque, c'est ça ?

- Une attaque ?

- Mais oui, une attaque de mangemorts !

Rogue me fixa, immobile. Pourquoi ne comprenait-il pas ?

- Vous délirez, Miss Granger. Je vous ai apporté une potion qui vous remettra sur pied.

Je jetai un regard au gobelet qu'il avait posé sur ma table de chevet, puis levai les yeux vers lui.

- S'il n'y a pas eu d'attaque, pourquoi suis-je ici ?

Rogue me jaugea comme s'il me soupçonnait d'avoir perdu la tête.

- Vous souffrez d'un épuisement magique, Miss Granger. Ce qui signifie que vous avez réussi, par je ne sais quel exploit incroyable, à épuiser vos réserves d'énergie magique. Vous avez dû accomplir un sortilège trop harassant pour votre endurance faiblarde d'étudiante de premier cycle.

Un sortilège harassant ?

À ces mots, les pièces du puzzle se remirent en place. Le déménagement de mes parents. Les sorts de protection. Le transplanage. La maison en Suisse. Plus la mémoire me revenait, plus la panique s'emparait de moi. Qu'est-ce que je pourrais inventer pour justifier mon état ?

- Alors ? Comment avez-vous bien pu vous épuiser ?

À ce ton doucereux, je sus qu'il valait mieux ne pas improviser.

- Je ne sais pas, professeur.

- Comme c'est curieux. La mémoire phénoménale de Miss Je-Sais-Tout aurait donc failli ?

- Je suis seulement… fatiguée.

- Vous n'êtes pas fatiguée, vous êtes surmenée. Et vous avez forcément surestimé votre maturité magique en posant un geste trop difficile.

J'essayai de garder un visage impassible, mais je savais que l'as de l'espionnage qui me surplombait n'était pas dupe de mon déni.

- Je vous assure qu'il n'y a rien !

Ma voix grimpa dans les aigus. Aussitôt, un grincement se fit entendre au fond de l'infirmerie. Rogue et moi tournâmes la tête d'un même mouvement vers le seul autre lit occupé. Celui du fils d'Adam White.

C'était la diversion parfaite.

Réveille-toi réveille-toi réveille-toi, priai-je de toutes mes forces.

Mais le malade ne fit que se tourner dans son sommeil. Le silence retomba. Je posai les yeux sur mes couvertures, incapable d'affronter le regard pénétrant de Rogue. Même dans la noirceur, j'avais l'impression qu'il pouvait déceler les martèlements de ma poitrine contre mes vêtements.

Des pas feutrés se firent entendre, puis un gobelet fumant se présenta sous mon nez, encerclé par les doigts interminables du Maître des potions. Comment des mains pouvaient-elles être si longues ?

La voix sèche de leur propriétaire mit fin à mes interrogations futiles.

- Buvez.

Je m'approchai du gobelet sans y toucher et examinai le liquide foncé qui l'emplissait. Des effluves de mangue me taquinèrent le nez. Bonne nouvelle : ce n'était pas du Veritaserum.

- Je n'ai pas l'intention de rester à votre chevet toute la nuit, Miss Granger.

Je me décidai à prendre le gobelet, mais hésitai à en boire.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Une surprise.

- C'est Madame Pomfresh qui vous a demandé de préparer cette potion ?

Rogue roula des yeux.

- Qu'est-ce que vous croyez, que j'essaie de vous empoisonner ?

- Combien de temps dois-je rester ici ?

- Je ne suis pas votre infirmière. Vous demanderez à Mme Pomfresh.

Réprimant un soupir excédé, je baissai les yeux et remarquai que je ne portais plus mon uniforme. Mme Pomfresh m'avait enfilé une mince robe de coton mal coupée, comme celles qu'on voyait à Ste-Mangouste. Je tirai les couvertures pour me couvrir.

- Buvez la potion, s'impatienta mon professeur. Et adossez-vous aux oreillers. Le remède a un effet sédatif très puissant, je n'ai pas envie de vous cueillir encore une fois sur le plancher.

J'essayai de me rappeler à quoi il faisait référence, mais mon cerveau me bombardait seulement de fragments de mon après-midi fou entre la Suisse et la Grande-Bretagne.

- Je n'ai aucune idée de quoi vous parlez, dis-je le plus honnêtement du monde.

Le bref silence qui suivit mon aveu me laissa croire que Rogue hésitait.

- Vous vous êtes évanouie, dit-il, laconique. Au laboratoire.

J'ouvris la bouche, mais Rogue parla avant moi, d'une voix de velours et d'acier.

- Poursuivez encore votre petit interrogatoire et je continuerai aussi le mien.

Je piquai du nez vers le gobelet chaud. À bien y penser, il valait mieux dormir que d'affronter les questions insistantes de Rogue.

Je m'adossai aux oreillers comme il l'avait recommandé et bus la potion d'une traite. Puis ce fut le néant.

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Severus récupéra le gobelet avant qu'il ne tombe au sol. Il jeta un coup d'œil à Hermione Granger pour s'assurer qu'elle dormait vraiment et qu'elle ne quitterait pas l'infirmerie dès qu'il aurait le dos tourné. La lueur fantomatique de la lune s'infiltrait par une fenêtre et illuminait son visage, qui semblait plus vulnérable que jamais. Il la contempla, ne sachant plus quoi penser.

Il aurait fallu être le pire Legilimens de l'histoire sorcière pour ne pas voir qu'elle mentait.

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Quatre jours plus tard, Minerva McGonagall était assise à son bureau et réfléchissait, la plume en suspens au-dessus d'un parchemin. Pour la troisième fois, elle s'apprêtait à écrire une lettre à Robert et Jane Granger pour les informer de l'état de santé de leur fille. Les deux autres lettres n'avaient pas reçu de réponse. Pourquoi ? Hermione Granger avait pourtant dû expliquer à ses parents comment confier leur courrier à un hibou, depuis le temps ! Cette fois, Minerva utiliserait un autre oiseau, au cas où le précédent aurait eu des troubles d'orientation en territoire moldu.

Mais au fond, elle avait l'intuition que le hibou n'y était pour rien.

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Severus s'extirpa de la cheminée dans laquelle il venait d'apparaître et abandonna ses habits de mangemort sur un fauteuil. Il poussa un soupir et inclina la tête de tous les côtés pour délier les nœuds invisibles qui lui serraient la nuque. Une douleur persistante lui mitraillait les tempes. La soirée avait été pénible. Comme toutes les soirées où il devait jouer le rôle d'un homme qu'il n'était plus.

Lorsqu'il entra dans son laboratoire, la salle lui parut étrangement inhabitée, comme si personne n'y avait mis les pieds depuis des lustres. Pas de bouillonnement de liquides sur le feu, pas de volutes de fumée, pas d'effluves d'herbes et de fleurs odoriférantes. Un amoncellement de cendres refroidies reposait dans la cheminée. L'air de rien, Severus s'était habitué à trouver une présence en ce lieu, une présence bienvenue quand il revenait d'une mission, exténué et débordé.

Il s'approcha de la table de travail, cette même table où Hermione Granger s'était endormie quelques jours plus tôt. Ce soir, quatre chaudrons vides et des ingrédients de toutes les couleurs patientaient au garde-à-vous, mais rien n'avait été commencé. Comble de malchance, les potions étaient délicates à concocter. Severus ne pouvait pas demander l'aide de Zabini, qui n'était pas assez patient pour réaliser des recettes où la plus infime imprécision provoquait des catastrophes. Et qui, de surcroît, ne savait rien de son rôle d'espion. Comme tous les Serpentard, Zabini avait sans doute entendu raconter que Severus était un mangemort, mais sans jamais avoir pu connaître la vérité sur ces rumeurs.

Hermione Granger présentait un net avantage sur ce point : non seulement elle avait une minutie à toute épreuve, mais en plus, elle connaissait la double-vie de Severus. Avec elle, il n'avait pas besoin d'inventer quoi que ce soit pour justifier ses absences répétées.

Il s'attela à son labeur, l'air sombre. Il avait toutes les difficultés du monde à se l'avouer, mais… il aurait aimé voir son assistante dans son laboratoire ce soir.

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Je passai une semaine entière à l'infirmerie. Tout ce temps, Mme Pomfresh essaya de savoir comment j'avais bien pu m'infliger un épuisement magique. Je lui tins le même discours qu'à Rogue : je ne me souvenais de rien. Harry et Ron vinrent me rendre visite quelques fois, mais comme leur niveau de connaissances médicales frôlait le néant, ils ne se méfièrent pas de mes mensonges.

Mme Pomfresh limitait les visites et refusait qu'on m'apporte mes devoirs. Je passai le plus clair de mon temps à somnoler ou à penser à mes parents. Quand allais-je les revoir ? Dans quatre mois ? Dans deux ans ? Je me sentais orpheline, mais j'étais convaincue d'avoir agi pour le mieux en les forçant à s'exiler. Pour la première fois depuis plusieurs semaines, j'avais la tête un peu plus tranquille. La menace d'un mangemort anonyme pesait toujours sur moi, mais elle ne visait plus ma famille.

Je repris lentement mes forces grâce à la potion énergisante de Rogue. Au bout de quelques jours, l'infirmière m'autorisa à utiliser ma baguette à nouveau. Je parvins tout juste à lancer un sort pour remplir un verre d'eau et me sentis épuisée, si bien que je ne m'aventurai plus à faire de la magie avant d'avoir retrouvé mon énergie habituelle.

Lorsque j'eus enfin le droit de quitter l'infirmerie, j'étais encore blême et fatiguée, mais j'avais hâte de retourner à mes cours et de rattraper la montagne de devoirs qui m'attendait. Le retour à la routine me fit le plus grand bien, mais mon soulagement fut de courte durée.

Le soir même, McGonagall vint me chercher à la salle commune pour me convoquer dans son bureau.

- Maintenant ? lui demandai-je, surprise.

- Oui, répondit-elle avec une expression rigide qui n'augurait rien de bon.

L'heure du couvre-feu approchait. Qu'est-ce que McGonagall avait de tellement important à me dire qu'elle ne pouvait pas attendre à demain matin ? En proie à l'appréhension, je la suivis à travers les couloirs sombres du château.

Lorsqu'elle ouvrit la porte de son bureau et s'écarta pour me laisser entrer, je sourcillai. Dumbledore, Rogue et Jake Tisdale se tenaient à l'intérieur. Ils s'immobilisèrent en nous apercevant. Le directeur et mon professeur de Défense contre les forces du mal semblaient inhabituellement graves. Quant au Maître des potions, il affichait son expression coutumière : regard indéchiffrable, visage de marbre. Jake et lui formaient un étrange contraste : autant l'un était blond, trapu et amène, autant l'autre était sombre, grand et tout drapé de mystère. Ils étaient le jour et la nuit.

Qu'est-ce qu'ils faisaient tous ici ?

- Assoyez-vous, Miss Granger, dit McGonagall.

Je répondis d'une voix mal assurée.

- Merci, mais je préfère rester debout.

Ma directrice referma la porte derrière nous, contourna son bureau et prit place dans son fauteuil. Il se passa un long moment avant qu'elle ne prenne enfin la parole. J'attendis, de plus en plus nerveuse.

- J'aimerais savoir comment se portent vos parents, Miss Granger.

Mes parents. C'était donc ça. Ils avaient découvert la disparition de mes parents.

La culpabilité s'abattit sur moi comme une chape de plomb. Qu'est-ce que j'étais supposée répondre ?

- Mes parents vont bien.

- Ont-ils vendu leur maison dernièrement ?

- Non.

- Avez-vous reçu des nouvelles d'eux récemment ?

- Qu'est-ce que vous entendez par « récemment » ?

McGonagall fronça les sourcils, puis reprit d'un ton brusque :

- Miss Granger, ce que j'ai à vous annoncer n'est pas facile. J'ai envoyé plusieurs lettres à vos parents pour les aviser de votre séjour à l'infirmerie. Je n'ai jamais reçu de réponse. J'ai finalement demandé à un auror d'aller patrouiller chez eux. Il a trouvé leur maison vide. Vos parents ne sont plus là. Leurs effets personnels non plus.

Dumbledore prit la parole pour la première fois, d'une voix douce :

- Avez-vous la moindre information à nous fournir à leur sujet, Miss Granger ?

Disparue, la lueur joyeuse dans ses yeux bleus.

Je le contemplai, ne sachant quoi répondre.

- Nous craignons le pire, poursuivit McGonagall. Il n'est pas impossible que Vous-Savez-Qui les ait…

- Non, coupai-je.

Il était temps d'assumer mes actes.

Mais combien de règlements de l'école avais-je enfreints ? Combien de fois avais-je quitté Poudlard en douce pour poser des protections sur la maison familiale ? Était-ce un crime dans le monde sorcier que de forcer sa famille à déménager ? Ou encore, de faire transplaner des gens stupéfixés ? Je me sentais soudain comme un hors-la-loi.

Tu as fait ce que tu devais faire.

Tu le sais.

- Vous-Savez-Qui n'a rien à voir avec la disparition de mes parents, dis-je d'une voix que j'aurais voulu plus ferme. Je sais très bien ce qui s'est passé. Mes parents sont à l'étranger. Ils se portent à merveille.

- Miss Granger, le moment est mal choisi pour que vos parents soient en vacances dans un endroit isolé. Ils pourraient devenir des proies faciles.

- Pas du tout. Ils ne risquent plus rien là où ils sont.

- Mais sont-ils ?

- Je ne peux pas vous le dire, professeur. Ils sont en sécurité. Ils vivront là-bas désormais.

Le visage de McGonagall afficha l'incompréhension la plus totale.

- Que signifient tous ces mystères, Miss Granger ? Expliquez-vous.

Mon cœur se serra. J'aurais voulu échapper à cette épreuve.

- J'ai fait transplaner mes parents à l'étranger, débitai-je, résignée. J'ai vidé leur ancienne maison. J'ai modifié leurs mémoires. Ils n'ont plus aucun souvenir de notre monde ni de moi. J'ai placé des protections sur leur nouvelle demeure. Personne ne pourra retrouver leur trace ni s'en prendre à eux.

On aurait entendu une mouche voler. McGonagall était assommée. Quant à Dumbledore, Jake et Rogue, je n'osai même pas leur jeter un coup d'œil.

- Vous avez amnésiés vos parents, répéta ma directrice, sous le choc.

- Je… Oui.

Tu n'es pas une criminelle.

- Et vous les avez amenés à l'étranger.

- Oui.

Tu as fait de ton mieux.

- Et vous avez placé des protections sur leur refuge.

- Eh bien… oui.

McGonagall haussa les sourcils par-dessus ses lunettes rectangulaires.

- Ce qui explique votre épuisement magique tout récent, je présume, dit-elle sèchement. Avez-vous seulement idée des risques que vous avez courus en lançant un sort aussi puissant ? Vous auriez pu vous écrouler.

C'était en effet ce qui m'était arrivé, mais je n'allais sûrement pas le lui avouer.

- Ce que vous avez fait est inimaginable, enchaîna-t-elle. Je ne comprends pas. Quelle est la raison de vos actes ?

C'était le moment que je redoutais. Le moment où je devais raconter des salades à McGonagall, Dumbledore, Rogue et Jake réunis. Mais avais-je vraiment le choix ? Si je disais la vérité, Dumbledore m'expédierait en Suisse avec mes parents pour me mettre à l'abri du mangemort fou.

Je pris la parole, la gorge sèche.

- Vous n'êtes pas sans savoir que les familles des nés-moldus sont sérieusement menacées par les mangemorts, professeur.

- Vos parents n'ont reçu aucune menace de cette nature, à ce que je sache.

- Devais-je attendre que ça n'arrive ? Vous savez comme moi qu'il aurait peut-être été trop tard pour agir.

- Ce que vous avez fait n'a aucun sens. Vous avez mis en danger votre vie et celle de vos parents.

- Sauf votre respect, professeur, je crois que c'est plutôt le contraire.

Cette remarque fut de trop. Ma directrice recula brusquement son fauteuil et se leva, me faisant sursauter.

- Ça suffit. Vous transgressé non seulement les règlements de Poudlard, mais aussi les principes les plus élémentaires du bon sens. Je suis… déçue, Miss Granger. Très déçue. Vous avez toujours été une élève exemplaire. Je ne vous aurais jamais cru capable d'une telle chose.

Je cillai pour chasser les larmes qui me montaient aux yeux.

- En pareilles circonstances, n'importe quel élève se mériterait de graves sanctions, poursuivit-elle. Vous n'y ferez pas exception. Le fait d'être une élève modèle ou d'avoir cru votre famille en danger ne vous excuse en rien.

J'attendis mon châtiment, les joues brûlantes de honte et le cœur battant à tout rompre.

- Vous ferez perdre 40 points à votre maison. Vous aurez 20 heures de retenue. Vous serez également assignée à votre salle commune chaque soir après l'heure du dîner, et ce, jusqu'à nouvel ordre.

J'encaissai le coup. Je savais que McGonagall ne me ferait pas de cadeau, mais je ne pensais pas que les représailles seraient si grandes.

Mon professeur ouvrit la bouche pour reprendre la parole, puis elle se ravisa et plissa les lèvres en une ligne mince, comme si elle ne pouvait se résoudre à aborder le prochain sujet.

Je devinai aussitôt ce qui allait suivre. C'était l'évidence même, ça me pendait au bout du nez. Les martèlements se précipitèrent dans ma poitrine, mes yeux s'embuèrent à nouveau. J'aurais voulu ne pas avoir Dumbledore, Rogue et Jake en guise de spectateurs.

- Votre comportement n'est pas digne d'une préfète-en-chef, dit ma directrice.

- Je l'admets.

J'attendis que le couperet tombe.

- C'est toujours une fierté pour moi de voir un élève de ma maison accéder à un poste de préfet-en-chef. Et je vous connais suffisamment bien, Miss Granger, pour savoir que ces fonctions sont aussi pour vous un grand privilège. Vous conviendrez qu'il serait honteux pour vous et pour notre maison que Gryffondor voie sa préfète-en-chef démise de son titre. Si je dois me résoudre à cette éventualité, je le ferai, mais je vous serais reconnaissante de m'éviter cette corvée.

Au fond, elle avait peut-être raison. C'était vaguement moins humiliant de claquer la porte que d'être mise à la porte. Alors je détachai mon insigne d'une main tremblante et prononçai des mots que je n'aurais jamais cru entendre sortir de ma bouche :

- Je démissionne.

McGonagall inclina la tête.

- J'accepte votre démission. Je vous ferai parvenir demain avant 8 heures le détail de vos sanctions. Vous pouvez disposer.

J'opinai, la gorge trop nouée pour parler, et quittai le bureau sans oser regarder les trois autres adultes silencieux.

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Lorsqu'Hermione Granger referma la porte derrière elle, il y eut un silence pesant. Minerva se rassit dans son fauteuil, les lèvres pincées, l'air sombre.

- Eh bien, messieurs, votre présence n'est plus requise, annonça-t-elle sans les regarder, les mains jointes sur son bureau. Le mystère est résolu.

On n'avait pas besoin d'être un génie pour comprendre que la directrice de Gryffondor venait de subir l'humiliation suprême : la déchéance de sa plus brillante élève.

Severus aurait voulu lancer un sarcasme pour faire perdre leur tête d'enterrement à Albus, Minerva et Tisdale, mais rien ne lui vint à l'esprit. Car, oui, il y avait de quoi être déconcerté par le comportement d'Hermione Granger. De prime abord, son histoire atteignait des sommets de stupidité, mais Severus était bien placé pour savoir que s'il y avait une tare dont son étudiante n'était pas atteinte, c'était bien la stupidité. Au contraire, elle était brillante, logique, raisonnable.

Qu'est-ce qui lui avait pris ? Protéger ses parents de la violence contre les moldus, quelle idée saugrenue. Ce qu'elle avait raconté à McGonagall n'était qu'un tissu de mensonges. Que cachait-elle ? Pourquoi avait-elle jugé indispensable d'amnésier et de cacher sa famille ?

Minerva aurait dû être plus ferme. Son interrogatoire avait été trop mou, trop axé sur l'honneur idiot de Gryffondor plutôt que sur le principal : le déménagement des Granger. Or, pour tirer les vers du nez à une personne têtue comme Hermione Granger, il fallait parfois des méthodes un peu plus… musclées.

Severus s'excusa auprès de ses collègues, quitta le bureau et prit la direction de la tour des Gryffondor.

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- Est-ce que tu t'es chicanée avec Ron ?

- Non.

Ma voix était étouffée par l'oreiller sous lequel je m'étais enterrée. J'aurais voulu disparaître six pieds sous terre. Ou à n'importe quel autre endroit où je n'aurais pas eu à répondre aux questions de mes camarades de dortoir.

- Alors qu'est-ce qui se passe ? insista Parvati.

- C'est compliqué.

- Pourquoi tu ne portes pas ton insigne de préfète-en-chef ? demanda Lavande.

Oh, Merlin. Qu'est-ce que j'allais leur raconter ?

- Euh… excusez-moi de vous déranger, dit une voix fluette en provenance de l'entrée du dortoir. Je dois parler à Hermione Granger.

Je fronçai les sourcils, mais n'ôtai pas l'oreiller qui cachait mon visage. Qui c'était ?

- Le moment est mal choisi, répondit Parvati à ma place. Hermione ne va pas très bien.

- Salut ! claironna encore une nouvelle voix, cette fois celle de Ginny. Qu'est-ce qui se passe ici ? Est-ce qu'Hermione est malade ?

Pourquoi fallait-il que le transplanage soit impossible entre les murs de Poudlard ? J'aurais voulu partir sur-le-champ sur une île déserte.

- Je dois lui parler en premier ! couina la jeune fille, qui semblait soudain au bord des larmes. C'est très important !

- Qu'est-ce qui se passe ? répéta Ginny.

- Y'a un professeur qui m'a demandé d'aller la chercher. Il attend devant le portrait de la Grosse Dame.

- Quel professeur ? demanda Lavande.

- Rogue.

- Quoi ? croassai-je.

Je lançai l'oreiller à terre et m'assis d'un bond sur mon lit, faisant sursauter les quatre filles.

- Je vous jure que c'est vrai ! lança la jeune Gryffondor en se tordant les mains. Rogue a dit que si tu n'arrivais pas au bout de cinq minutes, il te mettrait en retenue pendant 40 heures ! Il doit être furieux !

Lavande, Parvati et Ginny me lancèrent le même regard scandalisé.

- Qu'est-ce qu'il te veut encore, celui-là ?

- Tu passes déjà suffisamment de temps avec lui, il n'a pas à venir te harceler.

- L'heure du couvre-feu est passée, en plus.

- N'y va pas, il n'a pas le droit de faire ça.

Je me levai, le cœur battant à toute vitesse.

- Tu ne devrais pas, Hermione.

- Laissez-moi passer.

Mes camarades s'écartèrent de l'entrée du dortoir, l'air inquiet. Je dévalai l'escalier et m'engouffrai à travers le portrait de la Grosse Dame sans porter attention aux élèves qui bavardaient dans les fauteuils de la salle commune.

La sombre et imposante silhouette de Rogue m'attendait de l'autre côté du tableau. La lueur mouvante des torches du corridor projetait des ombres sur son nez busqué, sa mâchoire anguleuse, ses yeux glacés. J'aurais voulu lui demander pourquoi il m'avait convoquée, mais j'étais sans voix. Il était effrayant.

- Suivez-moi.

Je lui emboîtai le pas avec quatre secondes de retard. Il ouvrit une porte au hasard, la première que nous croisâmes, puis s'écarta pour me laisser entrer.

- Après vous.

La marque de politesse sonnait plutôt comme un ordre.

J'hésitai sur le pas de la salle de classe vide. Il faisait tout noir à l'intérieur. Allais-je vraiment m'enfermer là-dedans en compagnie d'un Severus Rogue furieux ? Il allait me découper en petits morceaux, c'était clair.

La voix de velours et d'acier s'éleva à nouveau.

- Je vous conseille de ne pas mettre ma patience à l'épreuve, Miss Granger.

Je rassemblai mon courage, fis un minuscule pas dans la classe et me tournai vers Rogue dans une attitude qui aurait pu paraître frondeuse si je n'avais pas été aussi blême. Le Maître des potions plissa les yeux, puis prit le parti de m'imiter. Il referma la porte et resta planté à un pied de moi, m'obligeant à renverser la tête pour le regarder dans les yeux.

Oh, Merlin. L'affrontement s'annonçait inégal.

Dans cette proximité incongrue, une odeur de forêt et de terre humide que je n'avais encore jamais perçue vint me taquiner les narines. Le visage de Rogue était baigné par la lueur bleutée de la lune qui s'infiltrait par les fenêtres. Quelque chose flamboyait au fond de ses prunelles sombres, quelque chose qui me mettait à nue. J'aurais voulu regarder ailleurs, mais j'en étais incapable.

- Professeur, q-quel est le but de… tout ça ?

- Votre directrice vous a donné congé pour le moins rapidement, Miss Granger. J'estime que l'interrogatoire n'était pas terminé.

- Le professeur McGonagall m'a déjà donné les sanctions qui s'imposaient.

- Vous venez de faire perdre dix points à Gryffondor pour m'avoir contredit. Je n'ai que faire des sanctions de votre directrice. Estimez-vous heureuse de ne pas appartenir à ma maison. Vous auriez eu droit à beaucoup plus que de simples retenues.

Et des points en moins et un couvre-feu, eus-je envie de préciser.

- Mais malheureusement pour vous, poursuivit Rogue, vous êtes aussi mon assistante et vous m'avez menti. Vous devriez savoir que j'ai de bonnes raisons de ne pas tolérer les menteurs.

- Je ne vous ai…

Le reste de la phrase resta coincé dans ma gorge. Rogue darda sur moi un regard perçant.

- Avez-vous le culot de le nier, Miss Granger ? Niez-vous m'avoir menti ?

Il avait raison. Combien de fois avais-je essayé de me soustraire à ses questions ? Rogue ne savait pas à quel point la liste de mes mensonges était longue. Je me sentis pâlir davantage, si c'était possible.

- Répondez-moi.

- J-je ne le nie pas.

- Professeur.

- Professeur.

- Vous avez transgressé un nombre sidérant de règlements de cette école. Très édifiant. Surtout de la part d'une élève qui donne des leçons aux autres sur la bonne façon de se comporter.

- Vous êtes injuste, professeur, ne pus-je m'empêcher de répliquer. Quand m'avez-vous donc vue donner des leçons de bonne conduite à qui que ce soit ?

- Encore dix points de moins pour votre impolitesse.

- Mais je…

- Et dix autres points pour vos protestations.

Je lui lançai un regard scandalisé.

- Je vous suggère de peser soigneusement chacun de vos mots. Maintenant que vous vous tenez tranquille, nous allons pouvoir tirer certaines choses au clair.

- Le professeur McGonagall m'a déjà posé toutes les questions nécessaires.

- Encore dix autres points. À qui croyez-vous vous adresser ? Je suis aussi votre professeur. Vous allez répondre à toutes les questions que je juge nécessaires.

Je me forçai à respirer par le nez, consciente que j'allais marcher en terrain miné.

- Que voulez-vous savoir ? demandai-je.

- Comment avez-vous appris à lancer un sort de protection ?

- Je… Dans un livre.

- Dix points de moins pour ce mensonge.

- Mais c'est la vérité !

- Dix points de moins pour votre entêtement. Je refuse de croire que vous avez tenté de lancer un sort aussi puissant sans aucune préparation. Vous auriez pu faire exploser la maison de vos parents et vous n'êtes sûrement pas suffisamment idiote pour avoir couru ce risque.

- Peut-être que vous vous trompez à mon sujet.

- Dix points pour laisser entendre que j'aurais pu choisir une idiote pour assistante. Je vous donne quatre secondes pour me donner des explications plausibles, sans quoi le sablier de votre maison poursuivra sa descente vertigineuse.

- Je… J'ai déjà lancé le sort auparavant.

- Je vous ai demandé des explications, Miss Granger. Pas une phrase de sept mots.

- J'ai lancé le sort sur l'ancienne maison de mes parents ! Je… je veux dire, une protection temporaire. J'étais prête à essayer la protection permanente ensuite.

- Combien de fois avez-vous placé une protection temporaire sur la maison ?

- Je… je ne sais p…

- Combien ?

- Six fois.

- Ce qui signifie que vous êtes sortie de Poudlard en douce à six reprises.

Je le fixai, incapable de me résoudre à avouer mes méfaits.

- Répondez-moi.

- Je… oui.

- Dix points pour votre impolitesse.

- Oui, professeur.

- C'est mieux. À ce rythme, nous allons peut-être réussir à vous inculquer quelques bonnes manières ce soir. Vos petits comparses Potter et Weasley ont-ils participé d'une quelconque façon à vos frasques ?

- Non !

- Je devine à votre véhémence que vous ne leur avez rien dit du tout.

Il haussa un sourcil devant mon silence.

- Répondez.

- Je… non.

- Formulez vos réponses de manière précise, je vous prie.

- Je ne leur ai rien dit.

- Professeur.

- Professeur !

- Dix points de moins pour vos manières.

Je fermai les yeux, à bout de nerfs.

- S'il-vous-plaît, arrêtez.

- Encore dix points de moins. Regardez-moi lorsque vous m'adressez la parole, Miss Granger.

Je déglutis et m'exécutai. Il était épuisant, j'en avais le tournis. J'aurais voulu pouvoir retourner me terrer dans mon dortoir.

- Dans quelles circonstances avez-vous décidé de faire déménager vos parents ?

Je cillai. Rogue venait de mettre le pied sur un terrain dangereux.

- Vous avez cinq secondes pour formuler une réponse sensée. Et dites-moi la vérité.

Je le fixai, le cœur dans la gorge, ne sachant pas quoi dire.

- Je…

- Il vous reste deux secondes.

- Je me suis déjà expliquée dans le bureau de ma directrice !

- Vous allez le faire à nouveau.

- C'est que… Je l'ai déjà dit. Je craignais pour la sécurité de mes parents. Parce qu'ils sont moldus, et… et tout ça.

- Dites-m'en davantage, c'est très spirituel.

- J'ai simplement voulu… les protéger.

- Les circonstances, Miss Granger. Je veux savoir dans quelles circonstances vous avez pris cette décision.

- C'était… il y a deux semaines.

- Dix points de moins pour votre imprécision.

- Je ne me souviens plus de la journée ! C'est… Je ne sais pas quoi vous dire.

- Peut-être que dix autres points vous aideront à vous montrer plus collaborative ? Quel est le lien entre Adam White et le déménagement de vos parents ?

La question me surprit.

- Quel lien pourrait-il y avoir ?

- Votre altercation farfelue avec le sous-ministre a eu lieu le jour même du déménagement. Il y a forcément un lien.

Ses paroles me tirèrent une semaine en arrière. Tant de choses s'étaient passées depuis ce matin à l'infirmerie où j'attendais de finir mes tâches pour me rendre au plus vite à la maison. Où la vue de cet homme aux yeux bleu pâle m'avait donné froid dans le dos. La ressemblance avec le mangemort était si frappante.

- Il n'y a pas vraiment de lien, professeur, dis-je d'une voix tremblante.

C'était vrai.

- Pourquoi avez-vous perdu la tête de la sorte devant White ?

- Il a été très… accusateur.

- Et alors ? Je suis imbuvable avec vous depuis un quart d'heure et vous n'avez pas encore hurlé contre moi comme vous l'avez fait avec le sous-ministre.

- Je… J'ai eu peur.

- En quoi cet homme avait-il le pouvoir de vous faire peur ?

- Ça ne s'explique pas. C'était un réflexe.

- Continuez à jouer les idiotes, vous allez peut-être réussir à m'attendrir.

- Je n'ai rien d'autre à vous dire ! C'est… personnel.

- Dix points de moins pour votre mauvaise foi. Le jour du déménagement, vous avez quitté l'école au milieu de l'avant-midi. Pourquoi une telle urgence ? Pourquoi ne pas avoir attendu une période libre ou un jour de congé ?

Encore une fois, je fus sans voix. Rogue avait le don de tomber pile-poil sur les questions qu'il ne fallait pas poser.

- Eh bien…

Je dus m'éclaircir la gorge.

- J'ai jugé bon d'agir à ce moment-là.

- Dix points de moins. Je vous ai demandé pourquoi.

- Pourquoi attendre ?

- Cette réponse me confirme que le déménagement devait être effectué d'urgence. Qu'est-ce qui a causé cette urgence ?

Des larmes me montèrent aux yeux. Je n'en pouvais plus. Je ne faisais pas le poids devant cet espion redoutable, qui savait aussi bien duper les sorciers les plus intelligents que voir clair dans les manigances des plus viles. Comment en étais-je arrivée là, à fuir l'homme qui aurait été le plus apte à m'aider ?

J'ouvris la bouche, en proie à une hésitation terrible. Si je me confiais à lui, il saurait quoi faire. Mais il raconterait aussi mes mésaventures à Dumbledore. Et en bout de ligne, ce serait Dumbledore qui aurait le dernier mot, qui prendrait la décision de me planquer à l'étranger pour me protéger. Rogue ne pourrait rien faire pour moi.

- Je ne peux pas vous le dire, lâchai-je enfin.

- Je plains vraiment vos petits camarades de Gryffondor qui découvriront leur sablier dans le négatif demain matin.

J'eus l'impression que quelque chose se rompait en moi, quelque chose comme le peu de sang-froid qui me restait. Les mots fusèrent de ma bouche sans que je puisse les retenir :

- Je vous déteste.

L'écho de cette petite phrase incongrue plana entre nous. Je fixai Rogue jusqu'à ce que ma vue s'embrouille, sans comprendre pourquoi j'avais les yeux plein d'eau, encore moins pourquoi j'avais prononcé ces paroles assassines. Je fermai les yeux pour cacher mes larmes.

Un reniflement moqueur se fit entendre et une grande main me souleva le menton. Je rouvris les paupières pour me retrouver tout près du visage sardonique du Maître des potions, si près que nos souffles se mêlèrent.

- C'est votre dernier argument, Miss Granger ?

Son ton était doucereux, condescendant, tellement méprisant. Des larmes brûlantes s'échappèrent de mes paupières.

- C'est ainsi que vous croyez vous tirer d'embarras ? En disant que vous me détestez et en pleurnichant ?

Ses longs doigts glissèrent avec une douceur trompeuse sur ma joue, là où des gouttes salées avaient tracé leur chemin. Je tressaillis. Le contact aurait pu être agréable s'il n'avait pas été accompagné de sarcasmes.

- Pauvre petite Gryffondor fragile et sensible.

Ma vue se brouilla. Le visage de Rogue disparut dans une pénombre indistincte. Sa grande main chaude quitta mon visage. La porte s'ouvrit et mon professeur s'évanouit dans la nuit.

Je me surpris à fondre en sanglots dans la salle de classe vide et froide. Au bout d'une longue minute, je sortis dans le couloir à mon tour, les mains plaquées sur ma bouche.

- A-ad honorem, bredouillai-je devant le portrait de la Grosse Dame.

- Pardon ? Articulez un peu, ma chère.

Je me mis à hurler, la voix cassée.

- AD HONOREM !

- Oh, par Andromède, qu'avez-vous fait de votre savoir-vivre ?

- Foutez-moi la paix.

J'entrai dans la salle commune. Harry et Ron tombèrent aussitôt sur moi.

- Hermione !

- Ginny nous a dit que Rogue était venu te chercher !

- Pourquoi tu pleures ?

- Qu'est-ce que McGonagall voulait tout à l'heure ?

- Qu'est-ce qui se passe ?

Une colère incongrue enfla en moi, irrépressible. J'essuyai mes larmes d'un geste brusque.

- Vous voulez savoir ce qui se passe ? Alors écoutez bien, je n'ai pas l'intention de le répéter encore une fois. J'ai amnésié mes parents et les ai envoyés à l'étranger pour les protéger des mangemorts, j'ai épuisé mes réserves magiques à cause de ça et je suis en retenue jusqu'à mes 70 ans. Maintenant, laissez-moi tranquille.

Je les plantai sur place et m'enfuis dans l'escalier menant au dortoir des filles.

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oOoOo

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Ne désespérez pas, Hermione et Severus ne seront pas en froid trop longtemps ! D'ailleurs, le titre provisoire du prochain chapitre va comme suit : Promenade nocturne. Devinez qui va se balader avec qui ? =)