Chers lecteurs, bonjour !
Eh non, je ne suis pas morte et je n'ai pas abandonné cette histoire ! Seulement, ma vie quotidienne a été très prenante ces derniers mois et j'ai eu un peu de mal à me remettre à l'écriture. J'espère pouvoir reprendre un rythme de publication plus rapide désormais.
Un IMMENSE merci à ceux qui m'ont laissé un commentaire : Jude-Sama, blupou, Shadow Spark 3110 (doublement !), Mlle Elea, Elsar, Nuuuf, Serelia, Tsunade85, gl1h2 et Phaidora (doublement !), Tit-Chat-Sauvage, rivruskende (doublement aussi !), Cocochon, Emy18, kowo, HeartSerenade, de même qu'aux personnes suivantes…
Demilune34 : Youppi, une nouvelle lectrice ! =) Oh là là, tu as tout lu depuis le début ?! Ça fait pas mal long, non ? Personnellement, j'ai peur de relire les premiers chapitres et, avec du recul, de les trouver archi-mauvais. ^^ Ne t'inquiète pas, je n'ai pas du tout l'intention d'écrire une fin déprimante ! Je suis même incapable de lire ce genre d'histoire ! Les chances que j'en écrive sont donc proches du néant. ;) Merci pour ton commentaire !
Sandrine : Je suis contente que tu aimes l'ambiance, car c'est très important pour moi en tant que lectrice. Je raffole de ces histoires où quelques mots suffisent à faire apparaître dans notre tête une image ou une impression très vive ! Je ne prétends pas arriver à faire la même chose, mais... j'essaie. :) J'ai pris ta réservation avec Snape Tours. Severus viendra te chercher chez toi dès qu'il aura une soirée libre. ;) (Ah que c'est beau rêver.)
Tigrou : Merci pour ton commentaire ! J'espère que tu aimeras la suite ! =)
Et maintenant, voici l'apocalypse que je vous avais promise. =) Bonne lecture !
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13. Comme un air d'apocalypse
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- Hé, les gars, regardez ça !
- Y'a cent nouveaux points chez les Gryffondor.
- Non, deux cents ! Tu sais pas compter, idiot !
- Ils ont apparu pendant la nuit, c'est bizarre. Ils avaient disparu pendant la nuit, la dernière fois.
- J'ai toujours su que les Gryffondor étaient très actifs la nuit.
- Ha ha, pas si innocents qu'ils veulent le laisser croire, les lionceaux.
Des rires me parvinrent au moment où je me rendais à la Grande Salle pour le petit-déjeuner. Je soupirai. Après avoir supporté les gueules d'enterrement des Gryffondor et les moqueries des Serpentard lorsque j'avais fait perdre une montagne de points à ma maison, voilà que je devrais encore affronter les questions de tous. Et les commentaires scabreux, d'après ce que je pouvais comprendre des éclats de voix dans le hall.
Je surgis du couloir la tête baissée et le pas léger, dans l'espoir de passer inaperçue, mais les idiots qui flânaient devant les quatre immenses sabliers remarquèrent aussitôt ma présence.
- Hé, Granger ! lança Gregory Goyle. T'as quelque chose à voir avec les deux cents points ? On dirait que t'as fait un prof heureux cette nuit.
Je lui lançai un regard glacial et répliquai avant qu'il n'ait le temps de pousser plus loin ses allusions salaces :
- Je n'ai rien à voir avec ces points.
- Et dire que je t'ai toujours prise pour une sainte-nitouche.
- Va voir dans la gueule du calmar géant si j'y suis.
Je me réfugiai dans la Grande Salle, mais faillis m'étrangler lorsque toutes les têtes des Gryffondor se tournèrent dans ma direction, comme si j'étais le seul sujet de discussion possible ce matin. Il n'y avait pas moyen d'avoir la paix, dans cette école ?!
- Tu fais pas mal parler de toi par les temps qui courent, lança une voix à ma gauche.
Je fis volteface, prête à rembarrer tout individu qui proférerait des remarques déplacées à mon endroit. Je me retrouvai nez-à-nez avec Blaise.
- Oh, c'est toi, dis-je en soupirant.
Il m'adressa un sourire amical et désigna la pile de toasts qu'il tenait à la main.
- T'as envie d'un petit pique-nique clandestin ?
Je lui souris, soudain de bien meilleure humeur.
- Je ne pourrais pas rêver mieux.
- Viens.
Il me précéda dans le hall, où Goyle et quelques Serpentard riaient encore d'une blague manifestement très drôle. Nous les ignorâmes et montâmes quelques étages plus hauts, dans un couloir inondé de lumière matinale. Je m'assis à côté de Blaise sur le rebord d'une fenêtre. Les premiers rayons du soleil me léchaient le dos, mais le vent automnal s'insinua vite dans sous mes vêtements. Je frissonnai. Le sort que Rogue avait lancé la veille me revint en mémoire.
- Caldarum, murmurai-je en pointant ma baguette sur moi.
Une brûlure fugace me traversa l'avant-bras.
- Aïe !
Blaise rigola.
- Ton sortilège n'est pas trop au point, on dirait.
- J'ai besoin d'un peu de pratique, répondis-je en rangeant ma baguette dans ma poche.
Bizarrement, Rogue était peut-être le professeur le plus glacial de l'école, mais il était tout de même beaucoup plus doué que moi pour réchauffer les gens. Enfin, façon de parler. Une légère rougeur me monta aux joues lorsque je me rappelai les détails de la soirée d'hier. Je repoussai vite mes souvenirs avant que Blaise ne remarque ma gêne. Malheureusement, il aborda le sujet de lui-même.
- Alors, c'est encore à cause de toi, cette histoire de points ? demanda-t-il en me tendant deux moitiés de toast.
Je les acceptai et mordit avidement dans l'une, le temps de réfléchir à ma réponse. Le pain avait eu le temps de refroidir, mais j'étais trop affamée pour en être déçue. Il n'y avait rien comme une promenade nocturne dans la Forêt Interdite pour se mettre en appétit.
- Oui, c'est à cause de moi, dis-je après avoir avalé ma bouchée. Mais ne t'avise pas de confirmer les rumeurs qui courent à mon sujet.
- T'inquiète pas. C'est Rogue qui t'a remis les points ?
- Pourquoi ce serait Rogue qui me les a enlevés ? répliquai-je trop vite.
- Simple supposition. Et à voir ta réaction, je déduis que j'ai raison.
Je soupirai, agacée d'être aussi transparente aux yeux des deux seuls Serpentard que je côtoyais, en l'occurrence Blaise et Rogue.
- McGonagall m'a aussi enlevé mes dernières retenues, lui annonçai-je, dans l'espoir de faire paraître plus anodine la clémence de Rogue.
- Ah oui ?
Je rougis à nouveau en songeant que si McGonagall avait été si magnanime, c'était en grande partie grâce à Rogue. Mais ça, Blaise n'avait pas besoin de le savoir. Je lui glissai un demi-mensonge d'un air détaché :
- C'est sûrement McGonagall qui a demandé à Rogue de me remettre les points.
Il frotta ses cheveux déjà désordonnés d'un air pensif.
- Peut-être, convint-il. Au fait, tu ne m'as pas dit pourquoi Rogue t'avait enlevé deux cents points. C'est à propos du déménagement de tes parents ?
- Si on veut, dis-je après un moment d'hésitation. Rogue et moi nous sommes, euh… chicanés à ce sujet.
Blaise haussa les sourcils.
- Chicanés ? Rogue ne se chicane jamais avec un élève, il se contente de l'engueuler.
Il y eut un silence. J'époussetai les miettes de toast sur ma robe, ne sachant quoi répondre.
- C'est encore pire que ce que je croyais, dit soudain Blaise.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Avec toi, Rogue est tellement…
Il fut interrompu lorsqu'une marée d'élèves envahit le corridor. C'était l'heure des cours. Je fronçai les sourcils.
- Tellement quoi ? insistai-je en haussant la voix pour couvrir le brouhaha.
Pour toute réponse, Blaise m'adressa un petit sourire.
- On s'en reparle. À plus tard.
Il se leva et fendit la foule pour s'éloigner dans la direction inverse. Je le suivis des yeux, décontenancée. Qu'est-ce qu'il avait voulu dire ? Qu'avait-il bien pu comprendre de l'attitude de Rogue, alors que je n'y comprenais rien moi-même? Portée par la masse d'élèves, je me rendis à mon cours d'histoire de la magie.
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- À compter de 1783, les elfes qui occupaient alors la Normandie étendirent leur territoire jusqu'aux régions anglo-saxonnes.
Autour de moi, les élèves dodelinaient de la tête ou dormaient carrément sur leur bureau, un filet de salive au coin des lèvres (comme Seamus). Pendant ce temps, je notais l'interminable monologue de Binns. Manifestement, j'étais la seule à avoir compris qu'il suffisait de prendre des notes pendant ces cours ennuyeux pour ne pas avoir besoin d'étudier pour les examens ensuite.
Je m'étais assise à bonne distance de Harry (qui m'en voulait toujours pour le déménagement secret de mes parents) et de Ron (qui ne savait pas trop comment se comporter devant l'entêtement de Harry).
- C'est à partir de ce moment que les relations entre les elfes et les gobelins ont commencé à se détériorer, particulièrement en Irlande du Nord.
- Excusez-moi, dit une voix.
Binns s'arrêta et regarda autour de lui d'un air perdu. McGonagall avait apparu sur le pas de la porte. Elle posa un regard réprobateur sur Seamus, qui dormait toujours profondément, puis reporta son attention sur Binns.
- Désolée d'interrompre votre cours, Cuthbert. Je viens chercher Miss Granger.
Je haussai les sourcils, surprise. Qu'est-ce que j'avais encore fait de mal ?
- Miss Granger ? Mais bien sûr, répondit Binns en balayant la classe d'un regard morne. Y a-t-il une Miss Granger dans la salle ?
Je retins un reniflement agacé et me levai pour signaler ma présence au seul professeur de Poudlard qui ne connaissait pas le nom de ses élèves de septième année. Toutes les têtes se tournèrent vers moi.
McGonagall reprit la parole :
- Apportez vos affaires, Miss Granger. Le cours est terminé pour vous.
Je ramassai plumes et livres pêle-mêle, pressée d'échapper aux regards qui me dévisageaient avec curiosité, puis suivis ma directrice à l'extérieur de la classe.
- Que se passe-t-il, professeur ? lui demandai-je lorsqu'elle referma la porte derrière nous.
- Le professeur Rogue vous attend dans son laboratoire.
Je haussai les sourcils encore plus haut.
- Maintenant ? Pour quelle raison ?
- Je n'ai sûrement pas besoin de vous expliquer pourquoi Severus peut avoir besoin de ses assistants de façon urgente, Miss Granger. Vous connaissez le chemin. Je vous laisse vous y rendre.
Je la quittai et me rendis seule aux cachots, en espérant que ce n'était pas une catastrophe qui obligeait Rogue à nous convoquer à l'improviste. Quand j'entrai dans le laboratoire, mon professeur donnait déjà des directives à Blaise. Je m'approchai de leur table.
- Remplissez les fioles et laissez-les refroidir sur la deuxième étagère, disait Rogue en désignant un chaudron sur un feu éteint.
Mon regard s'attarda sur sa main plutôt que sur le chaudron. Cette main grande et forte qui m'avait empoigné la taille pas plus tard qu'hier soir. Je rougis.
Arrête. Pense à autre chose. Ce n'est vraiment pas le moment !
Les yeux sombres de Rogue se posèrent sur moi. Je retins machinalement mon souffle, comme si je ne savais pas comment me comporter avec lui depuis notre escapade dans la Forêt Interdite. Escapade dont Blaise ne savait rien. Pour la première fois, j'eus l'impression bizarre et inavouable qu'il était de trop dans le laboratoire.
- Ensuite, vous commencerez un nouveau stock de potion de cicatrisation pour madame Pomfresh, poursuivit Rogue en se tournant vers les pots d'ingrédients alignés sur un comptoir. Vous poursuivrez aussi la potion Tue-Loup que j'ai commencée. Mais avant tout, vous irez chercher de nouveaux ingrédients chez l'apothicaire.
Ses paroles me ramenèrent brutalement à la réalité. L'apothicaire. Je n'avais pas vu O'Riley depuis qu'il avait vendu mon nom au mangemort pour une poignée de gallions. Sans lui, le mangemort n'aura jamais connu mon identité. Sans lui, mes parents mèneraient encore une vie paisible là où ils avaient toujours vécu. Tout était de sa faute.
Je fixai la liste d'ingrédients que Rogue avait posée sur la table, puis pris la parole sans vraiment réfléchir :
- Je peux m'occuper des ingrédients, professeur. Comme je suis déjà allée chez l'apothicaire, ça ira plus vite. Et Blaise pourra poursuivre les potions pendant ce temps.
Le regard incisif de Rogue se planta dans le mien. Il fronça imperceptiblement les sourcils, comme si j'avais dit une bizarrerie. Je m'efforçai de subir cet examen sans broncher.
- Non, dit-il enfin.
Sa voix était catégorique.
- Vous y allez avec Zabini.
Il se détourna dans un bruissement de cape, ramassa une fiole et quelques paperasses sur son bureau, puis quitta le laboratoire d'un air pressé.
Raté.
Le silence retomba.
- Alors, on y va ? demanda Blaise en désignant l'antichambre d'un mouvement de menton.
Je ramassai la liste d'ingrédients sur la table.
- Écoute, je vais aller chez l'apothicaire, insistai-je, sans trop savoir pourquoi.
Il fallait que je parle à O'Riley. Je ne savais pas ce que je voulais lui dire, mais je devais le voir.
- Tu pourras commencer la potion pendant ce temps, poursuivis-je. Nous en avons pour tout l'avant-midi, sinon.
- T'es sûre ? Tu n'as pas besoin d'aide ?
- Mais non, je suis déjà allée chez l'apothicaire deux fois. Je connais bien la boutique. Ça ira rapidement.
- Mais pourquoi Rogue tient à ce que nous y allions ensemble ?
Je me posais la même question.
- Il a sans doute peur que je tombe en utilisant la poudre de Cheminette, dis-je en haussant les épaules.
Blaise eut un reniflement amusé.
- Fais attention où tu mets les pieds, dans ce cas.
- T'inquiète pas.
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La boutique d'O'Riley était silencieuse et vide, sans client ni apothicaire. À travers la fenêtre crasseuse qui donnait sur la rue, on pouvait lire à l'envers le mot « Fermé ». La déception me fit serrer les dents. Non, mais quelle boutique était fermée un vendredi matin ? Heureusement que j'avais pu entrer par la cheminée. Secouant la tête, je m'approchai des étalages et m'appliquai à choisir les ingrédients qui figuraient sur la liste de Rogue.
Mais qu'est-ce que tu espérais, au juste ?
Le confronter, pensai-je en écrasant avec mauvaise humeur une écorce abîmée entre mes doigts. Le confronter, cet imbécile qui vendait l'identité de ses clients à des tueurs, comme on vend de la marchandise à qui la demande. Un endroit peu recommandable, fréquenté par des gens peu fréquentables, avait dit Rogue à propos de cette boutique. À présent, je comprenais la signification de ses paroles laconiques. O'Riley ne valait pas la peine qu'on cherche des termes plus précis pour qualifier sa malhonnêteté.
- Tiens, quelle belle surprise.
Je fis volteface en entendant cette voix nasillarde inimitable. O'Riley avait apparu dernière son comptoir, silencieux comme un courant d'air. Il me sembla aussi repoussant que dans mon souvenir, avec ses bras trop grands et son visage sans grâce. À voir son air satisfait, on aurait juré que rien ne pouvait lui faire plus plaisir que ma présence ici.
J'oubliai tout : la liste de Rogue, les ingrédients que j'étais en train de sélectionner. Je m'approchai du comptoir et dardai sur O'Riley un regard dur. Son odeur écœurante d'huile de ricin me satura aussitôt les narines, mais j'essayai d'en faire abstraction.
- J'ai obtenu mes cinquante gallions, dit-il d'un ton mielleux.
Le salaud.
La colère enfla en moi, irrépressible.
- Vraiment ? sifflai-je, les mâchoires crispées. Et vous en êtes fier ? Vous êtes abject.
Il esquissa un petit sourire, nullement impressionné par mon mépris.
- Il m'en donnera le double si je lui révèle à quel moment vous venez ici.
- Vous me dites ça pour faire monter la mise ? Vous allez vendre votre silence ou vos informations au plus offrant ?
Son sourire s'élargit.
- Nous pouvons certainement arriver à trouver un terrain d'entente, mademoiselle.
- J'en doute.
- Vous avez tort d'en douter.
Je serrai la main autour de ma baguette, au fond de ma poche. L'envie me démangeait de lui lancer un sort ou de lui hurler ma façon de penser.
Arrête. Il n'en vaut pas la peine. Choisis tes combats.
Je me penchai au-dessus du comptoir.
- Il y a deux catégories de gens dangereux dans ce monde, dis-je à voix basse. Les fous qui se battent pour leurs idées et les imbéciles qui ne pensent qu'à leur petite personne. Vous êtes dans la deuxième catégorie.
- Pauvre petite idiote, ronronna-t-il en arborant toujours son insupportable sourire en coin. Ton arrogance te coûtera cher un jour, tu verras.
Je lui lançai un regard noir et m'emparai du registre des achats. Plutôt que d'y signer mon nom, je traçai un « X » en appuyant si fort que la pointe de la plume déchira la page. Je laissai tomber la plume sur le comptoir dans un geste frondeur et quittai la boutique en claquant la porte.
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Blaise et moi passâmes tout l'avant-midi au laboratoire. J'essayai de lui tenir la conversation, mais j'étais préoccupée par ma visite chez l'apothicaire, qui ne cessait de jouer en boucle dans ma tête. J'avais l'impression que la colère grondait en moi comme une chute d'eau sous la glace.
Rogue revint seulement au moment où nous rangions les chaudrons vides et les fioles remplies de potion brûlante. Je ne pus retenir un faible soupir de soulagement en le voyant de retour. Ses sorties urgentes et de plus en plus fréquentes ne me disaient rien qui vaille. Il jeta un coup d'œil critique à notre travail, puis s'éloigna, visiblement satisfait. Je réglai la température du feu où décantait toujours la potion Tue-Loup, puis ramassai mon sac, prête à partir.
- Où est le sérum de bouleau ? demanda Rogue de l'autre bout de la pièce.
Je me figeai. Pendant une seconde terrible, j'essayai de me rappeler comment mes commissions s'étaient passées chez O'Riley. Je n'avais pas fini de choisir mes ingrédients au moment où il était entré dans la boutique. Je n'y avais plus repensé ensuite. Résultat : il manquait sans doute la moitié des articles dont Rogue avait besoin.
Merde. Catastrophe à l'horizon.
Je rassemblai mon courage et me tournai vers Rogue. Il avait ouvert le sac d'ingrédients que j'avais laissé sur son bureau et nous dévisageait, un sourcil haussé.
- Nous avons dû l'oublier, s'empressa de répondre Blaise, toujours prompt à me donner un coup de main si je faisais une gaffe.
- Et les graines de cachemire ? Et la salive de sirène ?
- Euh…, hésita Blaise. On les a oubliées aussi, on dirait.
Mais c'est moi que Rogue fouilla du regard, comme s'il avait deviné que j'étais la seule à blâmer. Je pâlis.
- Vous avez oublié la moitié de la liste que je vous ai donnée ? demanda-t-il sèchement en s'adressant à moi seule.
Blaise tenta une réponse.
- Professeur, nous...
Je l'interrompis. Je n'allais pas le laisser porter la responsabilité de mes erreurs.
- Non, Blaise, laisse tomber. C'est moi qui ai oublié ces ingrédients, professeur, je suis désolée.
Le regard de Rogue me glaça.
- Il me semblait vous avoir ordonné de vous rendre tous les deux chez l'apothicaire.
Le cœur battant, je cherchais furieusement une réponse intelligente quand un toussotement se fit entendre.
- Hum hum.
Nous nous tournâmes d'un même mouvement vers la porte du laboratoire, où Dumbledore avait apparu. Je l'aurais embrassé. Je ne l'avais presque jamais vu ici, mais cette fois, il tombait merveilleusement à point.
- Bonjour, Miss Granger et M. Zabini, dit-il en nous adressant un signe de tête. Vous avez une minute, Severus ? ajouta-t-il en se tournant vers le maître des potions.
Ce n'était pas une question. Dumbledore affichait un air grave et un regard moins pétillant qu'à l'ordinaire.
- Oui, Albus, répondit Rogue.
On ne pouvait pas dire non à son supérieur quand il exigeait un entretien sur le champ.
- Zabini, Miss Granger, vous pouvez disposer, dit Rogue.
J'entendis qu'il déposait le sac d'ingrédients sur son bureau, mais je n'osai pas lui glisser un regard. J'adressai un petit signe de tête à Dumbledore en passant devant lui, puis me faufilai dans le couloir, talonnée de prêt par Blaise.
- Mais pourquoi tu tenais tant à te rendre seule chez O'Riley ? demanda-t-il quand il eut refermé la porte.
Je lui adressai un petit sourire que j'aurais voulu rassurant.
- Ne t'en fais pas avec ça. C'est... compliqué.
Mais cette fois, Blaise ne se contenta pas de mes réponses évasives.
- Hermione, insista-t-il en se plantant devant moi. Ce n'est pas de mes affaires, mais tu m'as l'air d'avoir beaucoup trop de petits secrets. Fais attention, ça pourrait se retourner contre toi.
Je lui adressai un autre maigre sourire, alors que j'aurais voulu hurler ma détresse.
- Ne t'inquiète pas, Blaise, tout est sous contrôle.
C'était le mensonge du siècle.
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Je ne croyais pas réentendre parler d'O'Riley avant longtemps, mais je me trompais. Le lendemain matin, je reçus un hibou de lui, ce qui raviva aussitôt ma colère. Il n'était pas signé, mais le message était sans équivoque :
« J'ai un marché à te proposer. Il pourra sûrement satisfaire nos intérêts à tous les deux. Rejoins-moi à 13 heures. »
Nos intérêts…
Il parlait de ma vie comme si c'était une marchandise ! Cet homme me dégoûtait.
Tout l'avant-midi, je pesai le pour et le contre avant de prendre enfin une décision. J'allais retourner voir O'Riley. J'écouterais sa proposition. Et si j'avais la moindre chance de faire en sorte qu'il ne parle plus de moi au mangemort, je ne pouvais pas la laisser passer. C'était le moment ou jamais pour avoir la paix.
Je ne risquais rien. Nous étions un samedi, jour où tout le monde sortait faire ses emplettes. Il y aurait nécessairement des gens dans la boutique. Et comme O'Riley ne pensait qu'à son propre profit, il ne convierait pas un mangemort fou dans son commerce s'il y avait le moindre risque de faire fuir ses clients.
Mais comment me rendre là-bas ? La plupart des cheminées de l'école n'étaient pas connectées au réseau, sauf celles dans les appartements des professeurs, appartements qu'on ne déverrouillait sûrement pas avec un simple Alohomora. Je n'avais qu'une solution : utiliser la cheminée de Rogue, en espérant qu'il soit absent au moment où j'entrerais au laboratoire.
J'attendis fébrilement le déjeuner en faisant les cent pas dans les couloirs déserts des étages de classe. À l'heure où tout le monde était à la Grande Salle, je m'y rendis dans à mon tour et risquai un coup d'œil à l'intérieur. Miracle : Rogue était assis à la table professorale, devant une assiette bien remplie. Lui qui brillait si souvent par son absence aux repas, il était présent exactement au moment où je ne devais pas le croiser dans les cachots.
Hermione, c'est ton jour de chance.
Pleine d'adrénaline, je courus jusqu'au laboratoire et je me cachai dans l'antichambre, là où se trouvait la cheminée, et j'attendis l'heure de mon rendez-vous avec O'Riley.
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À la table des professeurs, Severus s'obstinait à mots couverts avec McGonagall à propos d'un plan de l'Ordre du Phénix, lorsqu'il sentit sa montre magique s'échauffer dans sa poche de poitrine. Le mécanisme d'alarme s'était déclenché. Severus fit mine d'écouter la directrice des Gryffondor, alors que les rouages de son cerveau tournaient soudain à plein régime. Que se passait-il ? Un mangemort était-il entré chez lui, à Spinner's End ? Ou encore à Square Grimmaurd ?
L'air de rien, Severus extirpa sa montre de ses robes et y jeta un coup d'œil discret. Les aiguilles brillaient d'une lueur verte. Il n'y avait eu aucune infraction à Spinner's End ou à Square Grimmaurd. Par contre, quelqu'un venait de pénétrer dans ses appartements. Un élève ? Severus rangea sa montre dans sa poche sans laisser transparaître son agacement. Un écervelé de Gryffondor voulait sans doute voler ses ingrédients, ou quelque chose du genre. Ce petit morveux ne payait rien pour attendre. Comment avait-il réussi à entrer ? Severus le découvrirait bien assez vite.
Il se leva en prétextant à McGonagall une formalité urgente à terminer, quitta calmement la Grande Salle et descendit dans les cachots.
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12 h 34.
O'Riley patientait. Il avait donné rendez-vous à cette Hermione Granger et il était convaincu qu'elle se présenterait à l'heure convenue. Les gens honnêtes étaient tellement faciles à manipuler.
MacNair avait exigé de savoir quand elle se présenterait à la boutique. O'Riley le ferait, mais pas dans l'immédiat, évidemment. Qu'est-ce que MacNair croyait ? S'il était déterminé à mettre la main sur elle, pourquoi O'Riley n'en profiterait pas un peu lui aussi ? L'occasion était trop belle, trop facile. C'était obtenir le beurre et l'argent du beurre, une activité pour laquelle O'Riley était doué.
La fille était un peu maigre, mais il ne ferait pas le difficile. De la chair fraîche demeurait de la chair fraîche, même en petite quantité. Et cette intello ferait changement des idiotes sans grâce et quasi-analphabètes qu'il avait pour habitude de ramasser au bord des trottoirs, dans les quartiers ouvriers de Londres.
12 h 42.
Elle arriverait bientôt.
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De longues minutes passèrent, alors que je patientais dans l'antichambre sombre en me rongeant les ongles. Le tic-tac incessant d'une horloge mettait mes nerfs à rude épreuve. La fébrilité me nouait l'estomac. J'aurais vendu mon âme pour m'enfuir des appartements de Rogue et oublier l'existence d'O'Riley et du mangemort. Mais je n'avais pas le choix. Si je donnais à l'apothicaire l'argent qu'il voulait, me laisserait-il tranquille ? Pourquoi fallait-il que je sois encombrée d'un tel abruti, alors que j'étais déjà bien assez préoccupée par un mangemort sadique ?
Tout d'un coup, la porte du laboratoire grinça. Je fis un sursaut monstre. Rogue revenait déjà ! Il fallait absolument que je parte avant qu'il ne me trouve ! Le cœur dans la gorge, je m'approchai de la cheminée, y jetai une poignée de poudre de cheminette d'une main tremblante, m'engouffrai dans l'âtre et murmurai ma destination.
Le message d'O'Riley, que j'avais relu cinquante fois, m'échappa des mains lorsque je me mis à tournoyer à toute vitesse. Tant pis. Il brûlerait dans le feu, et ce serait aussi bien.
Mais au moment où je disparaissais, le morceau de parchemin virevolta au-dessus des flammes et s'échappa de l'âtre. Je ne le sus pas.
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Severus referma doucement la porte du laboratoire. Il resta un instant immobile, tous ses sens aux aguets. Il n'y avait aucun bruit, hormis le glougloutement habituel d'une potion sur le feu. La porte de la réserve était close. Rien ne semblait avoir été déplacé. Severus examina le chaudron de Tue-Loup de plus près. Tout était normal. Pourtant, quelqu'un était bel et bien entré ici.
Severus traversa le laboratoire, passa devant l'antichambre sombre et s'arrêta devant la porte close de ses appartements. Les protections n'avaient pas été forcées. En revenant sur ses pas, Severus jeta un deuxième coup d'œil rapide dans l'antichambre. Personne non plus. À l'intérieur de la réserve, maintenant ?
Il allait poursuivre son chemin, mais s'arrêta net. Ce parfum. Des effluves frais de thé vert et de melon. Il avait déjà senti cette odeur, et un maître des potions n'oubliait jamais une odeur. Mais sur qui ? À la recherche d'un souvenir, il balaya le laboratoire d'un regard circulaire. Quand ses yeux se posèrent sur le chaudron de potion Tue-loup qui bouillonnait doucement, il comprit.
Hermione Granger était venue dans cette pièce.
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Il n'y avait personne.
Dressée sur la pointe des pieds, j'avais beau me presser le nez contre le petit carreau crasseux de la porte, je ne voyais pas âme qui vive dans la boutique. Il n'y avait que l'apothicaire lui-même, immobile derrière son comptoir, visiblement en train de m'attendre. Comment pouvait-il garder son maudit commerce ouvert s'il n'y avait jamais un client dans les parages ?!
Je reposai les talons au sol et hésitai à ouvrir la porte, une main sur la poignée et l'autre sur ma baguette. Derrière moi, dans le petit antre sombre, la cheminée était éteinte. Si quelqu'un arrivait pendant ma conversation avec O'Riley, j'entendrais le grondement soudain des flammes et je m'enfuirais par la porte qui donnait sur la rue avant même que l'intrus ait le temps d'entrer dans la boutique.
Je réfléchissais encore à mes stratégies de fuite quand la porte s'ouvrit toute seule, dans un grincement sinistre. Je sursautai. O'Riley se tenait devant moi et esquissait un petit sourire mystérieux.
- Je savais que tu viendrais.
- Y a-t-il beaucoup d'autres choses que vous êtes convaincu de savoir ?
Il éluda la question, mais une lueur malsaine avait éclairé son regard.
- Entre, dit-il en s'effaçant.
Je le suivis en embrassant la boutique d'un coup d'œil. À travers la vitrine, un écriteau indiquait « ouvert ». Des clients pourraient entrer pendant notre discussion. Très bien. Je ne craignais rien.
Je me plantai devant O'Riley, en gardant une certaine distance pour ne pas être incommodée par son odeur désagréable d'huile de ricin.
- Qu'est-ce que vous voulez ? demandai-je sans m'embarrasser de la moindre politesse.
- Inutile d'être si brusque. Nous avons tout notre temps.
- Parlez pour vous. Si vous me faites perdre le mien, je m'en vais.
- L'homme qui te recherche est prêt à y mettre le prix. C'est une offre que je ne peux pas refuser.
Je levai les yeux au ciel.
- Vous ne m'avez sûrement pas demandé de venir ici pour me dire ça. Combien vous voulez ?
- Je ne veux pas de ton argent. Il en a sans doute bien plus que toi. En revanche, il y a des choses qu'il ne pourra jamais m'offrir. Toi si.
- Ah oui, comme qu…
La question mourut sur mes lèvres. En guise de réponse, O'Riley baissa les yeux et me détailla de la tête aux pieds, comme si j'étais une pièce de viande fraîche et particulièrement alléchante. Ma bouche s'assécha.
- N'y pensez même pas.
Son regard terne revint se planter dans le mien.
- Inutile de jouer les vierges effarouchées. Je ne suis sûrement pas le premier à vouloir profiter de tes charmes.
- Encore quelque chose que vous êtes convaincu de savoir à mon sujet, je suppose ?
Il eut un reniflement amusé.
- Je connais Rogue. Je sais très bien qu'il n'est pas du genre à accorder des privilèges à une petite assistante sans exiger quoi que ce soit en retour. Et il n'y a qu'une chose que tu aies à offrir pour le contenter.
Le souvenir déstabilisant des mains de Rogue sur ma taille me revint à l'esprit, mais je le chassai bien vite et je serrai ma baguette. Rogue n'aurait jamais profité de moi d'aucune manière et je n'aurais jamais donné quoi que ce soit à un maître des potions pour devenir son assistante. O'Riley avait tellement l'esprit tordu qu'il imaginait que tout le monde était aussi mauvais que lui.
- Mais pour qui me prenez-vous ?! m'insurgeai-je.
- Pour une idiote qui devrait me remercier de lui donner une chance plutôt que de jouer les difficiles.
- Vous êtes dégoûtant.
Brusquement, O'Riley sembla sortir de ses gonds.
- L'homme qui te cherche a parfaitement raison, aboya-t-il en s'approchant beaucoup trop près. Tu es trop arrogante pour ton propre bien. Est-ce que je t'ai attaquée ? Est-ce que je t'ai menacée ? Non. Je t'ai permis d'accepter librement ma proposition, mais tu as choisi de m'obliger à utiliser la force. C'est ça que tu aimes, la force ?
Le cœur battant, je pointai ma baguette sur sa poitrine.
- Éloignez-vous de moi.
Sa colère disparut aussi rapidement qu'elle avait apparu. Il esquissa encore ce petit sourire mystérieux et me dévisageant intensément.
Une peur terrible s'insinua en moi, mais je n'eus pas le temps de réagir. Ma baguette me glissa des doigts, mes jambes se dérobèrent sous moi et je sentis le plancher s'approcher à toute vitesse, incapable de faire le moindre mouvement pour retenir ma chute. Je m'écroulai lourdement et me cognai la tête. Le visage contre la céramique froide, j'essayai de remuer. Mes membres semblaient peser des tonnes, mes muscles s'étaient changés en beurre, tout mon corps n'était plus qu'un poids mort.
Par Merlin, qu'est-ce qui se passe ?!
J'entendis le ricanement d'O'Riley au-dessus de moi.
Il m'avait lancé un sortilège informulé.
- Tu vois, ça ne servait à rien de te presser. Nous avons tout notre temps, maintenant.
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Où était-elle ?
Severus serra les dents en contemplant le feu qui crépitait dans la cheminée. Une fine traînée de poudre de cheminette ornait le dallage de pierre, au pied de l'âtre. Manifestement, Hermione Granger avait quitté Poudlard en catastrophe. Mais pour aller où, bon sang ?!
En temps normal, il se serait fait un devoir d'attendre le retour de son assistante pour lui enlever trois milles points et il aurait été furieux qu'elle ait profité de son accès privilégié au laboratoire. Pas cette fois. Il ressentait à peine une pointe de colère. Il était trop occupé à comprendre où était passée son élève, trop préoccupé par ce qui pouvait bien la faire courir depuis des semaines.
Pourquoi ne l'avait-il pas forcée à avouer ce qu'elle cachait quand il en avait eu l'occasion ? Il en aurait pourtant été parfaitement capable. Mais non, il s'était laissé déstabiliser par sa fatigue et sa vulnérabilité. Il l'avait laissée tranquille, il avait préféré acheter la paix. À quoi bon ? Maintenant, il était trop tard. Elle avait disparu, une fois de plus. Pour faire quelle bêtise ? Qu'y avait-il de pire que d'amnésier et déménager ses parents contre leur gré ?
Son regard tomba sur un morceau de parchemin dissimulé dans la pénombre d'un fauteuil. Severus le ramassa, les sourcils froncés. Il ne laissait pourtant jamais traîner de lettres ou de notes personnelles dans cette pièce. Il déplia le parchemin et lut le message succinct qui y était inscrit :
« J'ai un marché à te proposer. Il pourra sûrement satisfaire nos intérêts à tous les deux. Rejoins-moi à 13 heures. »
Severus jura entre ses dents. Voilà qui augurait mal. Il contempla fixement la petite calligraphie désordonnée. Encore une fois, il eut une impression de déjà-vu. Il huma le bout de parchemin. Son nez exercé de maître des potions y décela des senteurs poussière, de cuir et… d'huile de ricin.
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La panique me comprima la poitrine quand O'Riley fit léviter mon corps inerte à travers la boutique. Impuissante, la tête renversée vers l'arrière, je promenai un regard terrifié sur le couloir exigu où nous passâmes. J'aurais voulu hurler et me débattre, mais le maléfice qui m'avait touchée m'empêchait de remuer et de proférer le moindre son.
O'Riley me porta dans une petite pièce sombre et encombrée de boîtes poussiéreuses. Le sort de lévitation prit fin et je m'écroulai au sol une deuxième fois. La douleur me fit littéralement exploser la tête.
- Finite incantatem. Maintenant, sois docile. Ça serait dommage de devoir t'abîmer.
Dans tes rêves, salaud.
Le sort qui m'entravait disparut, mais seul un gémissement étranglé s'échappa de mes lèvres tellement j'étais assommée par le choc. À l'odeur de poussière et de moisissure se mêla celle d'O'Riley, rance et désagréable. Dans le noir, je sentis ses mains vicieuses me pétrir les seins à travers le tissu de mes vêtements. Son souffle chaud sur mon visage me souleva le cœur.
Par Merlin, n'importe quoi, mais pas ça !
J'essayai de le repousser et de le griffer. Il brandit un poing et je tentai de me protéger le visage, mais pas assez vite. Le coup vint, inouï, et les étoiles dansèrent devant mes yeux, aveuglantes et étourdissantes. O'Riley en profita pour emprisonner mes poignets d'une main et déchirer les boutons de mon chemisier de l'autre. La bile me monta dans la gorge lorsque ses mains entrèrent en contact avec ma peau nue.
Je vais y passer. Il est plus fort que moi, je ne pourrai jamais me défendre.
Pendant que je subissais les attouchements de l'apothicaire, horrifiée et désespérée, un souvenir lointain me traversa l'esprit : je me revis assise dans un vaste gymnase au sol matelassé, en compagnie de jeunes à peine adolescents. C'était au cours d'autodéfense que mon père m'avait obligée à suivre, quelques semaines avant mes douze ans. Tout d'un coup, je m'en souvenais comme si c'était hier.
Règle numéro un : surprendre l'agresseur.
Une seule seconde suffit à me décider. Je redressai les genoux et donnai un grand coup derrière les cuisses d'O'Riley, qui avait profité de mon étourdissement pour se glisser entre mes jambes. Déséquilibré, il lâcha mes poignets pour prendre appui sur le plancher.
Règle numéro deux : cibler un point faible.
De toutes mes forces, je lui assénai le tranchant de ma main contre la gorge. Il poussa un cri rauque et perdit carrément l'équilibre. Je le repoussai et m'extirpai de sous son corps. Le temps qu'il retrouve son souffle, je m'étais déjà enfuie de la pièce.
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En empruntant la cheminée à son tour, Severus serrait et desserrait les doigts avec impatience autour de sa baguette. Il avait un mauvais pressentiment, et toutes ses années d'espionnage lui avaient appris à toujours se fier à son intuition. Elle lui avait sauvé la vie mille fois.
Sans savoir pourquoi, il repensa à Hermione Granger, lorsqu'elle s'était tournée vers lui, les plaintes argentées délicatement posées dans ses bras et le visage éclairé par leur lueur fantomatique. Elle lui avait semblée tellement paisible, plutôt que tendue, blême et nerveuse, comme elle l'était depuis des semaines.
Severus ne savait pas ce qu'elle fabriquait avec O'Riley, mais ça ne pouvait être que mauvais. Il allait la ramener à Poudlard au plus vite et lui faire cracher le morceau une bonne fois pour toutes. Il voulait tout savoir : le pourquoi de sa présence chez O'Riley, du déménagement de ses parents, de sa bizarrerie en général. Elle lui en voudrait sans doute, mais tant pis. Il n'avait plus de temps pour les ruses subtiles et la persuasion habile.
Quand il arriva dans l'antre de l'apothicaire, il constata que la porte de la boutique était verrouillée. Il eut à peine le temps de brandir sa baguette qu'un cri de femme lui transperça les tympans, aigu et insupportable.
Il n'avait jamais entendu Hermione Granger hurler, mais il savait que c'était elle.
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Je traversai la boutique à toutes jambes, le souffle précipité, et je ramassai au passage ma baguette restée sur le plancher.
- Salope ! rugit O'Riley quelque part derrière moi.
Je ne me retournai pas et je me ruai sur la porte de l'antre, là où se trouvait la cheminée. Elle ne s'ouvrit pas. Je fis volteface et courus vers la sortie qui donnait sur la rue. Cette porte était verrouillée, elle aussi. Un désespoir insupportable m'étreignit le cœur.
- Stupéfix !
Le jet de lumière me frôla juste au moment où je me jetais derrière une étagère. Une douleur brutale me donna l'impression que je m'étais cassé les rotules. Réprimant un gémissement, je me redressai tant bien que mal et je visai O'Riley à travers les étalages.
- Experlliarmus !
Des bocaux d'ingrédients volèrent en morceaux. Je poussai un cri et me couvris les yeux juste à temps pour me protéger des éclats de verre. Lorsque je regardai à nouveau devant moi, O'Riley était affalé au sol, mais avait toujours sa baguette à la main. Je réalisai avec horreur que je n'avais pas encore retrouvé toute ma puissance depuis mon épuisement magique tout récent. J'avais lancé peu de sorts complexes depuis ma sortie de l'infirmerie. Si seulement Jake Tisdale avait consenti à me laisser m'entraîner comme les autres, pendant les cours de défense contre les forces du mal !
Tu dois le battre, Hermione. Tu n'as pas le choix.
Je me levai et pointai à nouveau ma baguette sur O'Riley. Il fit exactement la même chose, dans un synchronisme parfait. Nous nous immobilisâmes. Le temps sembla soudain suspendu, jusqu'à ce qu'une déflagration nous fasse sursauter. La porte de l'antre fut expulsée de ses gonds et claqua violemment contre le mur. Aussitôt, un halo aveuglant de lumière verte inonda la pièce. Je voulus me protéger les yeux, mais une force invisible me clouait sur place.
Severus Rogue entra dans la pièce d'un pas impérial et balaya un regard terrifiant sur O'Riley et moi, comme pour évaluer la situation. Des sentiments contradictoires m'étreignirent la poitrine, un mélange de soulagement, de frayeur et de honte.
- Experlliarmus.
Rogue attrapa nos baguettes au vol, puis agita la sienne. Le halo de lumière disparut et je retrouvai l'usage de mes membres, mais cette fois, c'étaient la surprise et la peur qui me tétanisaient.
- Qu'est-ce qui se passe ici ?
Le ton de sa voix fit chuter la température d'une dizaine de degrés.
- Monsieur Rogue ! répondit aussitôt O'Riley avec une colère feinte. Votre assistante casse mes bocaux d'ingrédients sans le moindre remord ! Je ne peux pas tolérer une…
- Silence.
L'ordre sonna aussi sec qu'un coup de fouet. Les yeux sombres de Rogue se plantèrent dans les miens.
- Expliquez-moi.
Blême comme la mort, je soutins son regard de peine et de misère. Lui expliquer quoi ? Que j'étais carrément venue me livrer en pâture à O'Riley et qu'il en avait profité pour essayer de me violer ? L'étendue de ma bêtise me donna envie de hurler de désespoir.
Mon Dieu que je suis stupide.
Je réalisai seulement à cet instant précis que mon chemisier était toujours ouvert. Les mains tremblantes, je ramenai les deux pans ensemble, sous le regard glacial de Rogue. Si l'humiliation avait pu tuer, je serais morte sur le champ.
- Je vais vous expliquer ce qui s'est passé, recommença l'apothicaire. Votre assistante est venue ici pour me demander de…
Je ne voulus pas en entendre davantage. Sans crier gare, je m'élançai tête baissée vers la porte défoncée, les mains serrées sur mon vêtement, comme si me sauver aurait pu me permettre d'échapper à la honte cuisante qui me tenaillait. Mais une poigne de fer me cueillit au passage. Je me retrouvai emprisonnée contre la poitrine de Rogue, le nez enfoui dans le tissu épais de ses robes. Une odeur troublante et familière m'emplit les narines, mélange de terre humide, de feuilles mortes et de forêt. Oubliant ma tenue déchirée, je me débattis inutilement pour me libérer de l'emprise de mon professeur, jusqu'à ce qu'un bruit retentisse du côté d'O'Riley. Rogue me lâcha et lança un sort dans sa direction.
Je m'enfuis de la boutique et me ruai dans la cheminée, le cœur dans la gorge. Après un interminable tour de cheminette, je m'écroulai contre un fauteuil, dans l'antichambre de Rogue, en m'étouffant avec les cendres que j'avais respirées. La tranquillité et le confort de la pièce me parurent irréels.
Vite, vite !
Je me remis debout et me précipitai vers le laboratoire. Mais les flammes rugirent à nouveau et la porte se referma dans un violent fracas, juste sous mon nez. Je m'escrimai à tourner la poignée dans tous les sens, en vain.
Je suis cuite.
- Où croyez-vous aller ?! tonna Rogue dans mon dos.
Après les attouchements et les coups de l'apothicaire, je n'aurais jamais le courage d'affronter un Severus Rogue qui avait perdu son sang-froid.
- Laissez-moi partir, dis-je en m'adressant à la porte.
- Il n'en est pas question.
- S'il-vous-plaît.
Ma voix se brisa.
- Non.
Un sanglot monta en moi, irrépressible. Des pas s'approchèrent. Je restai obstinément plantée devant la porte close, tremblant de tous mes membres. Deux grandes mains se posèrent sur mes épaules et Rogue me tourna d'autorité vers lui, me laissant tout juste le temps de refermer mon chemisier à nouveau. Incapable de le regarder en face, je fixai le bout de ses chaussures, les yeux aveuglés de larmes.
- Expliquez-vous.
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Elle ne disait pas un mot. Le sang coulait de sa lèvre inférieure et un formidable hématome était en train de se former autour de son œil, passant du rose au pourpre profond de seconde en seconde. Son chignon en bataille et sa chemise déchirée ne laissaient planer aucun doute sur le corps-à-corps auquel elle venait de se livrer avec O'Riley. Mais à voir le reste de sa tenue intact, Severus devina qu'elle avait échappé à l'apothicaire avant que les choses ne dégénèrent. Néanmoins, il ne l'avait pas manquée.
Elle ne disait toujours rien.
Severus lui prit le menton pour l'obliger à le regarder. Elle sursauta et les larmes se mirent à couler de plus belle sur ses joues. D'accord, ce n'était pas le geste le plus délicat qu'on pouvait poser sur une femme quand un homme venait tout juste d'essayer de la prendre de force. Severus la lâcha, se maudissant d'être celui qui devait lui tirer les vers du nez, alors qu'elle était déjà suffisamment secouée.
- Pourquoi êtes-vous allée voir O'Riley ?
Elle ferma brièvement les yeux, comme pour se donner du courage. Quand elle les rouvrit, elle posa sur lui un regard différent, plus dur et plus calculateur. Cette fille était tellement transparente.
- Pourquoi devrais-je vous le dire ? Je ne veux pas subir votre mépris. Enlevez-moi mille points si vous voulez et laissez-moi tranquille.
Severus se sentit perdre son calme. Comment osait-elle lui dire ça alors qu'il venait de lui sauver la peau ? Elle ne manquait pas de culot.
- Êtes-vous assez bête pour croire que je vais vous laisser vous en tirer aussi facilement ? Mais qu'avez-vous entre les deux oreilles, à part une encyclopédie ?! Vous ne sortirez pas de cette pièce tant que je ne saurai pas tout ce que je veux savoir.
Elle sembla vouloir disparaître sous le plancher, mais tint bon.
- Je ne vous dirai rien.
Il soupira. Ces femmes Gryffondor étaient épouvantables.
- Comme vous voudrez.
Aux grands maux les grandes potions. Il claqua des doigts et la porte s'ouvrit si brusquement qu'Hermione Granger faillit tomber à la renverse. Un flacon fila dans le vide et s'arrêta entre eux. Severus l'attrapa et le brandit sous le nez de son assistante.
- Choisissez.
La bouche entrouverte de surprise, elle examina la potion limpide comme de l'eau, puis blêmit quand elle la reconnut. C'était du Véritasérum.
- Vous n'avez pas le droit de faire ça !
- Et vous, aviez-vous le droit d'entrer ici en mon absence pour utiliser ma cheminée ? De surcroît, pour aller vous faire tripoter par le premier venu ?
Le mot la fit tressaillir.
- Dites-moi immédiatement pourquoi vous alliez rejoindre O'Riley et je ne vous obligerai pas à boire de Véritasérum.
Elle regarda fixement le petit flacon, comme si elle pesait le pour et le contre.
- O'Riley et moi avions conclu un marché.
- Dans quel but ?
- Ai-je vraiment besoin de vous expliquer pourquoi un homme comme O'Riley voudrait conclure un marché avec une femme ?
Severus eut un reniflement ironique. Hermione Granger, élève perfectionniste et coincée, essayait de lui faire croire qu'elle s'était vendue à un pervers pour un marché quelconque. Ça, c'était la meilleure. Elle n'avait même plus l'air bouleversé, elle était trop occupée à réfléchir à son prochain mensonge. Ce n'était plus un aveu, c'était un jeu, un jeu où l'un devait deviner les manigances de l'autre avant d'être dupé.
Alors soit, il jouerait, et en bon joueur. Il glissa le flacon de Véritasérum dans une poche de sa redingote. C'était trop facile, et Severus n'aimait pas gagner en utilisant la solution la plus lâche. Il n'avait pas besoin d'une potion pour découvrir la vérité.
Il s'approcha de son assistante jusqu'à la frôler, la surplombant de toute sa hauteur.
- Vous voulez vraiment jouer à ce petit jeu avec moi, Hermione Granger? demanda-t-il à voix basse. Vous croyez être de taille? Savez-vous seulement à quel adversaire vous avez affaire?
Manifestement, elle le savait, car elle perdit toute couleur et ferma les yeux, comme si ça avait pu la protéger d'un homme devant qui elle ne faisait pas le poids.
Qui ne dit mot consent.
- Très bien. Vous l'aurez voulu.
Lui empoignant les épaules, il l'écarta d'un geste qu'il aurait voulu plus autoritaire, mais il était difficile d'être trop autoritaire avec une Hermione Granger toute frêle et tétanisée de peur. Elle semblait tellement fragile qu'elle aurait pu trébucher à la moindre poussée. Elle se laissa docilement éloigner de son passage, la bouche ouverte de stupeur et le regard troublé.
Severus quitta l'antichambre et verrouilla la porte derrière lui.
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Hé hé hé… Je vous jure, c'est vraiment à cet endroit que je devais couper ! Plus loin, nos protagonistes auraient été trop occupés. ;)
Pour me faire pardonner, je vous donne deux indices sur le prochain chapitre. Il s'intitulera La fugitive et l'espion et… Severus y apprendra la couleur et la texture de tous les sous-vêtements qu'Hermione a en sa possession. Devinez comment ? Je vous laisse à vos hypothèses. =) À bientôt !
