Bonjour ! Me revoilà avec un chapitre dodu à souhait et que vous méritez depuis longtemps… J'ai la prétention de croire que ça vous plaira. ;)

Ccile : Je ne répondrai pas à ta question pour ne pas gâcher les rebondissements, mais sache seulement que tu n'as pas trop à t'inquiéter de l'issu de ce chapitre. ;) Et mes prochaines vacances? Oh là là, elles sont si loin que je préfère ne pas y penser !

Camille : Merci ! Je serais curieuse de savoir si tu auras toujours envie de qualifier le directeur de « préféré » à la fin de ce chapitre… Hin hin hin.

Cian Endoloris : Merci ! Ton commentaire m'a vraiment touchée. J'espère que la suite sera à la hauteur de tes attentes. Je vais faire un gros effort cette année pour améliorer les délais de publication, je sais très bien à quel point c'est frustrant d'interrompre si longtemps une lecture.

Shukrat, Philou, rivruskende, Prismiria, Fantomette34, Bergere, Tralapapa, Zeugma412, Mrs Elizabeth Darcy31, Mayunna : MERCI ! Vous êtes adorables.

Sur ce, je vous souhaite bonne lecture !

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Chapitre 21. Le Noël le plus improbable

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Au rez-de-chaussée, tout était silencieux.

Je respirai profondément, dans l'espoir de chasser la tension qui me nouait les épaules et cette éternelle boule d'anxiété qui avait élu domicile au creux de mon estomac depuis une semaine. La maison fleurait le vieux bois, l'air salin et les herbes. Sans trop savoir où aller, je traversai le hall et parcourus lentement le couloir.

La cuisine était vide.

Je poursuivis mon chemin jusqu'au salon que j'avais découvert la veille, prête à entendre craquer à tout moment les lattes de bois sous les pas d'un homme, à voir apparaître une imposante silhouette sombre.

Mais il n'y avait personne.

À cette heure-ci, la pièce était inondée de soleil. Je dus plisser les yeux pour observer les centaines de livres de toutes les tailles ordonnés sur leurs étagères. Cet endroit était un véritable havre. Si j'habitais ici, mon fauteuil préféré serait sans doute celui entre la cheminée et la baie vitrée. C'était l'emplacement parfait pour lire au chaud pendant des heures ou rêvasser en regardant par la fenêtre.

Je remarquai une silhouette solitaire assise dans la verrière.

Dumbledore.

Mon estomac se dénoua un peu. L'idée de ne pas revoir Rogue immédiatement avait quelque chose d'apaisant.

Je foulai le tapis moelleux et sortis dans la verrière, où régnait une agréable température tiède. La rumeur des vagues m'accueillit, plus puissante que partout ailleurs dans cottage.

- Joyeux Noël, Miss Granger.

Dumbledore offrait un tableau saisissant, tranquillement assis à lire la Gazette du Sorcier, comme si aucune pierre tombale ne portait son nom dans le parc de Poudlard. Ses robes, aussi somptueuses qu'à l'habitude, attiraient le regard avec leur couleur pourpre et leurs broderies dorées. Son teint bien rose témoignait d'une vivacité peu commune pour son âge avancé. C'était irréel de le voir en chair et en os.

J'essayai d'adopter une voix normale, en espérant que mes yeux ne paraissaient plus rougis par les larmes.

- Joyeux Noël, professeur.

Il replia son exemplaire de la Gazette et le posa sur ses genoux. La lueur bienveillante qui animait ses yeux bleus acheva de dissiper mon malaise.

- Assoyez-vous, je vous en prie.

Je tirai la chaise face à la sienne, notant la tasse de thé presque vide qui avait été abandonnée à cette place. Dumbledore, d'un mouvement de baguette, la remplaça par une tasse propre.

- Puis-je vous offrir du thé ?

- Certainement. Merci.

Il prit la théière posée sur la table et remplit ma tasse, puis la sienne. Je bus une petite gorgée de thé chaud et lançai un regard machinal à travers la vitre, guettant un mouvement dans le salon.

Où était passé Rogue ?

Lorsque je reportai mon attention sur Dumbledore, ses yeux bleus m'étudiaient avec soin.

- Severus a dû s'absenter pour un imprévu, dit-il, comme s'il avait lu dans mes pensées.

- Oh.

Je mis quelques secondes à mesurer les conséquences de ses paroles.

Rogue, absent ?

Pour combien de temps ?

Le soulagement que j'avais ressenti un instant plus tôt fut remplacé par un sentiment confus. Le poids invisible revint se nicher au creux de mon ventre.

- Ne vous en faites pas, Miss Granger, dit l'ancien directeur d'une voix qui se voulait apaisante. Severus ne risque rien.

Il se méprenait sur la raison de mon malaise, mais je gardai le silence.

Il t'a dit qu'il serait là.

Il t'a dit que vous discuteriez.

Il tient toujours sa parole.

Dumbledore rompit le silence avec douceur.

- Je présume que vous vous interrogez au sujet de mes allées et venues hors du tombeau qui porte mon nom à Poudlard.

Quelle façon poétique de dire les choses.

- En effet.

- Vu les circonstances, je ne vois pas d'inconvénient à satisfaire votre curiosité.

Il marqua une pause pour boire une gorgée de thé. Un éclat de soleil fit briller ses longs cheveux comme des filaments d'argent lorsqu'il inclina la tête. J'attendis la suite, immobile comme une pierre. Quelle explication allait-il me servir ? Toute cette histoire dépassait l'entendement.

- Severus a été chargé de la mission de m'assassiner.

J'opinai en silence, essayant de masquer mon avidité.

- Il n'a pas eu d'autre choix que de se plier à cet ordre. Le lieu et la date étaient fixés. Nous avons dû planifier un stratagème pour satisfaire à la fois Lord Voldemort et moi-même, puisque je n'avais pas l'intention de quitter la partie de sitôt.

- Comment avez-vous fait ? ne pus-je m'empêcher de demander. Au moins dix personnes vous ont vu mourir.

Dumbledore esquissa un léger sourire, comme si je ne venais pas de mentionner des gens qui avaient pleuré sa mort.

- En effet, la présence de témoins était indispensable pour donner sa crédibilité à la scène.

Il porta à nouveau sa tasse à ses lèvres, aussi tranquille que si nous commentions la météo.

- La clé du stratagème reposait dans une potion. Le philtre Remue-Mort.

Mon cœur rata un battement et les souvenirs affluèrent dans ma tête, aussi vifs que s'ils dataient d'hier.

Les plaintes argentées.

La Forêt Interdite.

Le fort lunaire.

Oh mon Dieu.

J'ouvris la bouche de surprise, puis la refermai aussitôt. Dumbledore ne savait sans doute pas que son bras droit m'avait parlé des plaintes argentées et du philtre. Encore moins que je l'avais accompagné dans la Forêt Interdite.

Ni que tu l'as rejoint dans le fort lunaire la veille de la fermeture de Poudlard.

Ni que tu as pleuré dans ses bras.

Devant les yeux trop inquisiteurs de Dumbledore, une rougeur sans équivoque me monta aux joues.

- Manifestement, vous connaissez cette potion, dit-il, une lueur amusée dans le regard.

- Je… J'ai lu à ce sujet, bafouillai-je.

S'il soupçonnait dans quelles circonstances j'avais pu apprendre l'existence du philtre, il n'en laissa rien paraître.

- Ce qui n'a rien d'étonnant, poursuivit-il, chez une personne qui a une soif de connaissance si grande.

Le ton de sa voix se voulait léger, mais je n'en étais pas dupe. Je le connaissais suffisamment pour savoir qu'il était en train de s'interroger sur la cause de mon embarras. J'enchaînai rapidement.

- Je sais que… ce philtre a des effets temporaires. Qu'il peut redonner la vie aux personnes décédées, mais seulement pour quelques heures.

- C'est exact.

Je le fixai sans comprendre.

- Dans ce cas… Pourquoi êtes-vous encore…

- Vivant ?

- Oui.

Dumbledore joignit les doigts sur ses cuisses.

- C'est parce que je ne suis pas celui qui a bu le philtre Remue-Mort, Miss Granger, ni celui que le sortilège mortel de Severus a frappé.

Je laissai un silence déconcerté ponctuer ses paroles.

Était-il devenu fou ? Plus ses explications progressaient, plus elles devenaient obscures.

- Alors qui les témoins ont-ils vu mourir, si ce n'est pas vous ? demandai-je.

Il sourit.

- Miss Granger, vous vivez sans doute dans le monde magique depuis suffisamment longtemps pour savoir que les apparences sont parfois trompeuses.

Je fronçai les sourcils. Une sensation de froid s'empara de moi.

Merlin, dites-moi que je me trompe…

Je posai la question qui me brûlait les lèvres, n'osant y croire.

- Vous voulez dire que… quelqu'un avait pris votre apparence ? Que quelqu'un est mort à votre place ?

- Pas exactement.

Voilà qui était presque rassurant.

- Une personne a effectivement pris mon apparence, mais elle était déjà morte. On peut considérer qu'elle est décédée une deuxième fois.

J'ouvris la bouche, mais aucun son n'en sortit. Une douleur désagréable et familière me vrilla la tempe gauche, comme lorsque j'essayais de lire quelques pages à la bibliothèque de l'Université de Cape Town. Mon cerveau était sur le point de déclarer forfait.

Devant mon mutisme, Dumbledore reprit la parole.

- Nous avons administré le philtre Remue-Mort à un cadavre.

- Un cadavre ?

- Oui.

- Mais où donc avez-vous trouvé un cadavre ?

- Dans une morgue moldue.

Je faillis à nouveau me décrocher la mâchoire, sans savoir si c'était le plan de Dumbledore ou son ton léger qui m'estomaquait le plus.

- Le philtre Remue-Mort a redonné vie à ce cadavre pour quelques heures. Nous avons modifié son apparence pour qu'il devienne mon sosie et modifié sa mémoire pour qu'il se croie sorcier. Nous l'avons enfin placé sous impérium pour qu'il se comporte approximativement de la même manière que moi.

J'étais sans voix. Ce stratagème était d'une moralité… discutable.

- Mais… Le cadavre…

- Il est retourné à bon port, bien sûr. Nous y avons fixé un portoloin pour qu'il réapparaisse à la morgue, dans son tiroir, une fois mon enterrement passé. Les employés ont sans doute eu quelques sueurs froides en essayant de comprendre comment un corps avait pu disparaître temporairement, mais tout s'est bien terminé, somme toute.

- C'est… inimaginable. Personne ne croira jamais à ça.

Dumbledore inclina la tête.

- Le temps n'est pas encore venu de révéler la supercherie, Miss Granger. Je suis confiant que les choses se dérouleront bien au moment opportun.

J'acquiesçai lentement et tournai mon regard vers la mer. Sous le soleil matinal, l'eau brillait comme mille diamants. Quand mes yeux éblouis se chargèrent de larmes, je cillai et portai à nouveau mon attention sur Dumbledore.

- Est-ce que… Est-ce votre maison ou celle du… professeur Rogue ?

De quel nom étais-je supposée l'affubler, maintenant qu'il n'était plus enseignant ? Monsieur Rogue ? C'était beaucoup trop guindé.

- Celle de Severus, répondit Dumbledore.

Bien sûr. Tout à l'heure, l'elfe Kari l'avait appelé « Maître Severus ».

Je méditai quelques secondes cette information. Je n'avais jamais songé à l'endroit où pouvait vivre Rogue en-dehors de Poudlard. Il cultivait soigneusement son image de mystère et d'inaccessibilité, si bien que c'était difficile de l'imaginer se livrer à des activités aussi triviales que lire la Gazette, lézarder dans le salon ou faire la cuisine.

Dans la verrière, une pile de journaux et un livre avaient été laissés près d'un fauteuil, au bord de la fenêtre, révélant les habitudes de l'occupant des lieux. De cet emplacement, on avait sans doute une vue imprenable sur ces collines aux herbes couchées par le vent et ce ciel immense qui devait devenir blanc d'étoiles les nuits de nouvelle lune.

Cet endroit était à l'image de Severus Rogue. Isolé mais fascinant. Rude mais majestueux.

Dumbledore bougea sa tasse dans un léger tintement qui me tira de ma rêverie.

J'hésitai longuement avant de poser la question qui me hantait.

- Est-ce que… Comment ai-je pu arriver ici la… première fois ?

Même si je n'avais évoqué l'agression qu'en termes très vagues, mon cœur s'accéléra. En cet instant précis, j'étais soulagée que les yeux pénétrants de Rogue ne soient pas là pour sonder les miens.

Dumbledore demeura un instant silencieux.

- Severus a eu connaissance que vous vous trouviez en mauvaise posture, dit-il d'une voix douce.

Tu vois ?

C'est bel et bien lui qui t'a sauvée.

C'était l'évidence même.

Je serrai les mains autour de ma tasse pour les empêcher de trembler.

- Severus vous a donc amenée ici et a modifié votre mémoire pour que vous ne vous souveniez pas de lui. Vous connaissez la suite.

Je le dévisageai. C'était tout ? Comment pouvait-il évoquer cette soirée horrible avec un tel détachement ? Il ne semblait même pas savoir à moitié ce qui m'était arrivé. Ou encore, il s'en foutait comme de sa première paire de chaussures.

Je me mordillai la lèvre, en proie à un malaise grandissant.

- Severus a pris de grands risques pour vous tirer d'embarras, poursuivit Dumbledore. Connaissant votre discernement habituel, je présume que vous consentirez de bonne foi à limiter ces risques.

Quoi ?

De quoi parlait-il ?

La sensation de froid s'empara à nouveau de moi.

- Qu'est-ce que vous voulez dire ? demandai-je.

- Sans doute serez-vous d'accord avec moi sur le fait qu'il serait plus sage de vous amnésier à nouveau.

Mon cœur tomba dans ma poitrine. Je dévisageai Dumbledore, me sentant perdre toute couleur.

- Je… M'amnésier ?

Il esquissa un sourire aussi tranquille qu'incongru.

- Vous n'êtes pas sans savoir que ma situation et celle de Severus ne doivent en aucun cas être ébruitées. Et la meilleure façon de garder un secret est de réduire le nombre de témoins au minimum. Or, il se trouve que vous êtes un témoin, Miss Granger.

D'un geste calme, il déposa sa baguette sur la table.

Un haut-le-cœur me fit frémir.

Oh, merde.

Merde, merde, merde, merde.

Je n'avais aucune échappatoire. Dumbledore ne me laisserait m'enfuir. Qui plus est, la baguette de dépannage que j'avais ramassée à mon lever était maintenant piquée dans mon chignon, trop loin de mes mains pour que je l'attrape de façon subtile.

Que faisait Rogue ?

Pour la première fois ce matin, j'aurais voulu qu'il soit à mes côtés, j'aurais voulu que sa voix grave prononce à nouveau mon prénom, j'aurais voulu que ses yeux d'onyx désespérément perspicaces puissent capter la peur dans les miens.

Une grosse boule me noua la gorge.

Je déglutis.

- V-vous… Vous allez effacer mes souvenirs ?

Dumbledore acquiesça. La bienveillance dans ses yeux bleus me paraissait maintenant déplacée.

- Seulement ceux de la nuit dernière et de ce matin, bien sûr. Soyez sans crainte, le processus sera indolore.

Aurait-il vraiment le culot de me lessiver la mémoire avant le retour du maître des lieux ? Oh, bon sang, Rogue m'avait épargné une mort atroce et je ne l'avais même pas remercié. Ça ne pouvait pas se passer comme ça. C'était trop bête. Dumbledore n'avait pas le droit de faire ça.

- Nous nous reverrons à la fin de la guerre, Miss Granger, en des circonstances plus heureuses. Vous connaîtrez la vérité à nouveau.

Il prit sa baguette.

Incapable de regarder la suite, je détournai la tête et serrai les dents. Mes paupières s'emplirent de larmes de colère et de désespoir. Je clignai des yeux pour voir clairement la magnificence de la mer et des collines verdoyantes, comme pour imprimer ce paysage à jamais sur mes rétines, et j'attendis le moment fatidique où mon esprit se viderait de ses souvenirs, emportant avec eux Severus Rogue et son havre de paix.

Mon champ de vision s'obscurcit et mon thé tiède se renversa sur mes cuisses, mais la sensation d'inconscience que je redoutais n'arriva pas. Les bourrasques de vent qui soufflaient au-dehors se firent plus fortes, traversèrent les murs de la verrière pour me secouer les cheveux et siffler à mes oreilles.

Puis ma chaise se déroba sous mes fesses.

Puis ce fut le vide.

Puis le néant me recracha brutalement et je m'écroulai sur un sol meuble et brûlant.

Du sable.

Aussitôt, une température infernale s'abattit sur moi. J'ouvris les yeux mais les refermai bien vite, éblouie par le soleil étincelant, le sable blanc et la mer turquoise où Blaise et moi nous étions plusieurs fois amusés à chasser les vagues.

Par la barbe de Merlin, qu'est-ce qui se passe ?

Je laissai tomber sans cérémonie ma tasse de thé déjà à moitié renversée, tâtai d'une main tremblante ma baguette encore coincée dans mon chignon et tentai de trouver sur moi la preuve d'une crise de folie passagère.

Aucune explication ne me vint à l'esprit.

Je m'étais bel et bien enfuie en Afrique du Sud, sous le nez et la barbe d'Albus Dumbledore.

Joyeux Noël, monsieur le Directeur.

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D'un geste brusque, Severus se débarrassa des habits sombres qui lui avaient ravi son innocence et ses illusions, il y a très longtemps. Ses habits d'assassin.

- Evanesco.

Il ferma les yeux pour se vider l'esprit des silhouettes encapuchonnées qui y grouillaient, des yeux rouge sang du Seigneur des Ténèbres qui voulaient scruter son âme, des voix sardoniques qui sifflaient leurs méchancetés. Il aurait vendu son âme au diable pour pouvoir se soustraire à cet univers infernal, si seulement la transaction n'avait pas déjà été signée dix-neuf ans plus tôt. Lorsqu'il avait l'âge d'Hermione.

Comment un monstre de son acabit pourrait avoir le pouvoir de la protéger de la noirceur ?

Un goût d'amertume désespérément familier lui emplit la bouche.

Ne pense pas à tout ça.

Fais seulement de ton mieux.

Concentre-toi sur elle.

Il expira lentement, comme pour chasser de ses poumons une bouffée d'air vicié, puis sortit de sa chambre. Une pénombre paisible régnait dans le couloir qui ceinturait l'escalier. Severus le parcourut, les lattes de bois gémissant sous ses pas, et s'arrêta à bonne distance de l'autre chambre, dont la porte avait été laissée grande ouverte. Il scruta le mur clair qu'on apercevait à l'intérieur, guetta un bruit ou un mouvement.

L'occupante des lieux se trouvait sans doute avec Dumbledore.

Severus avança jusqu'au pas de la porte et contempla le tapis où s'était affalée Hermione, le lit qu'elle avait méticuleusement refait, le plateau chargé d'aliments qui trahissait l'obsession de son elfe à vouloir gaver toute créature pourvue d'un estomac.

- Kari, appela-t-il d'une voix calme.

L'elfe se matérialisa devant lui en un craquement sec.

- Qu'est-ce que Maître Severus désire, Monsieur ?

- Hermione était-elle…

Il ne savait pas comment formuler sa question.

- Allait-elle mieux ?

- Kari peut difficilement répondre à cette question, dit l'elfe en agitant les oreilles, signe qu'elle allait s'emporter dans une tirade qui aurait le don d'exaspérer son maître. Kari doit d'abord savoir si le fait de pleurnicher est synonyme d'aller mieux pour Maître Severus.

Severus sentit sa façade de stoïcisme se muer en un froncement de sourcils alarmé.

- Quoi ?

- Kari a dit que Kari doit d'abord savoir si le fait de pleurnich…

- Oui, oui, je ne suis pas sourd, coupa Severus. Es-tu certaine qu'elle pleurait ?

- Évidemment. À moins que Maître Severus connaisse une autre activité qui implique beaucoup de larmes et de la morve au nez.

Severus la fixa, en proie à l'incompréhension la plus totale. Quelle maladresse avait-il commise pour provoquer l'émoi d'Hermione ? L'avait-il brusquée d'une quelconque façon ? Oh, bon sang, il s'y prenait comme un pied avec elle.

- Maître Severus n'aurait pas dû amener Miss Hermione à la maison juste parce que Maître Severus trouve Miss Hermione jolie, enchaîna l'elfe à toute vitesse. Miss Hermione n'apportera que des problèmes à Maître Severus.

Il lui renvoya un de ces regards qui avaient le pouvoir de faire fondre en larmes les élèves de première année, mais l'elfe ne broncha pas. Elle était immunisée depuis longtemps.

- D'ailleurs, Kari a vu des humaines beaucoup plus jolies que Miss Hermione. Miss Hermione a des cheveux qui ressemblent à de la paille, et des bras tout maigrichons, et des yeux de crapaud quand Miss Hermione pleure.

- Kari.

L'elfe ignora le ton menaçant de son maître et poursuivit sans reprendre son souffle.

- Miss Hermione a un corps peu vigoureux et un caractère faible. Kari est déçue. Kari croyait que Maître Severus avait plus de goût.

- Kari !

- Mais il n'est pas trop tard pour retourner Miss Hermione d'où elle vient.

Severus sentit la moutarde qui lui monter au nez. Dieu que cette elfe était insupportable et insubordonnée. Pourquoi faisait-elle exprès de lui casser les couilles dès qu'elle en avait l'occasion ?

- J'espère que tu n'as pas fait part de tes réflexions à Hermione, dit-il d'une voix qui ne laissait rien présager de bon.

- Bien sûr que non, Kari a seulement fait remarquer à Miss Hermione que Miss Hermione avait une chevelure peu agréable à regarder, une corpulence inquiétante, un appétit déficient et aucune raison valable de pleurnicher le matin de Noël. Mais Kari peut parler franchement à Miss Hermione si Maître Severus le désire…

- Silence. Ne t'avise plus de dire des bêtises de la sorte à Hermione. Je te l'interdis. Maintenant, disparais de ma vue.

- Oh, d'accord, Kari peut dire des mensonges enjolivés à Miss Hermione si c'est ce que Maître Severus souhaite.

- Je t'ai dit de disparaître !

- Très bien, Kari laisse Maître Severus réfléchir à ce que Kari lui a dit.

Severus roula des yeux, tourna les talons et descendit au rez-de-chaussée en espérant qu'Hermione ne s'était pas laissée intimider par la diablesse qui lui servait d'elfe de maison.

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Le soleil dardait ses rayons brûlants à travers le ramage du palmier sous lequel je m'étais réfugiée. Je m'essuyai le front d'une main tremblante, puis la plaçai en visière au-dessus de mes yeux pour pouvoir contempler la plage qui se remplissait peu à peu de baigneurs armés de serviettes colorées et de planches de surf.

Je scrutai chaque visage, chaque corps bronzé, prête à voir apparaître à tout moment une haute silhouette revêtue d'habits pourpres et dorés.

Il ne viendra pas.

Il n'aura jamais le culot d'apparaître sur une plage bondée de monde.

Il ne sait peut-être même pas où tu es.

Je me mordis les lèvres.

Comment avais-pu m'échapper de la propriété de Rogue sans le vouloir ?

Il m'était déjà arrivé de transplaner involontairement, dans un accès de panique, le jour où Walden MacNair m'avait plaquée au sol dans la ruelle adjacente à l'Allée des Irlandais. Seulement, ce jour-là, j'avais au moins ma baguette à la main.

Pendant une seconde, des yeux bleu de glace et lourds de haine se matérialisèrent dans mon esprit. Je me fis violence pour les remplacer par d'autres prunelles, noires comme deux flaques d'encre fraîche, dont la vision suscitait en moi des sentiments aussi forts mais très différents.

Comment Rogue réagirait-il quand il apprendrait que j'avais faussé compagnie à Dumbledore ?

Peu importe.

L'important, c'est que tu as pu conserver tes souvenirs.

Serait-il en colère ?

Il avait fait des pieds et des mains pour sauver ma peau, et moi, en guise de remerciement, je m'enfuyais avec ses secrets. C'était tellement ingrat.

Tu te fais du mal inutilement.

N'importe qui aurait essayé de fuir devant un Albus Dumbledore sur le point de lancer un sortilège d'amnésie.

Mais n'importe qui n'avait pas une dette immense envers Severus Rogue.

Arrête.

Il peut sûrement comprendre.

Incapable de freiner la culpabilité qui s'insinuait en moi, je ramassai la cape de Harry sur laquelle je m'étais assise, la secouai pour en chasser les grains de sable et me levai. Mes genoux étaient faibles, mon estomac dangereusement noué, mes muscles à nouveau douloureux.

Pour me rassurer, je tâtai le flacon de médicaments miniaturisé dans la poche de ma robe et retirai ma baguette de mon chignon pour transplaner.

Les Zabini m'attendaient.

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Lorsque Severus poussa la porte de la verrière, le puissant roulement des vagues indiquait que la marée avait atteint son paroxysme. Il se figea pendant une fraction de seconde, puis balaya rapidement la pièce des yeux. Aucune trace d'une brunette vêtue d'une robe verte.

Où était-elle passée ?

Il se tourna vers Dumbledore, qui avait pour une raison obscure perdu son air guilleret, et haussa un sourcil interrogateur.

Le vieil homme s'éclaircit la gorge et prit la parole avec cette insupportable voix douce qui annonçait toujours des mauvaises nouvelles.

- Il semblerait que nous ayons un problème, j'en ai bien peur.

Severus plissa les yeux. Ces paroles sibyllines ne lui disaient rien de bon.

- Où est-elle ? demanda-t-il, aussi sec qu'une feuille morte.

- Miss Granger nous a faussé compagnie.

Oh, Circée. Mais qu'est-ce que c'était que cette histoire ?

- Pour aller où ?

L'air pensif, Dumbledore joignit les doigts sous son nez, sans se formaliser de l'énervement de son cadet.

- Albus, qu'est-ce qui se passe ?

- Severus, vous devriez vous asseoir, dit-il d'un ton désespérément calme.

Severus vint se planter devant lui et croisa les bras. Les deux hommes se jaugèrent.

- Vous me paraissez passablement énervé, mon cher, dit l'aîné. Je ne pensais pas qu'un cas si anodin que celui d'Hermione Granger avait le pouvoir de vous faire perdre votre calme.

Severus dut réprimer une expression de répulsion.

Le visage d'Hermione apparut dans son esprit. Ses grands yeux bruns posés sur lui, fous d'effroi. Son corps à feu et à sang. Dumbledore n'avait rien vu de ce carnage, il n'avait sans doute jamais vu qui que ce soit mourir ailleurs que dans une chambre aseptisée de Ste-Mangouste ou dans un duel à coups d'Avada Kedavra bien propres.

Severus était demeuré très laconique au sujet d'Hermione, se contentant de relater qu'elle avait été capturée par les mangemorts et qu'il l'avait tirée de son geôle, incognito. Dumbledore avait consenti à jouer le rôle du moldu, mais n'avait posé aucune question, demandé aucune précision. Il préférait ne rien savoir. Et c'était aussi bien, parce que Severus n'avait jamais eu l'intention de lui révéler le moindre détail sordide. Ç'aurait été un affront à la dignité d'Hermione.

- Pardonnez-moi si je ne manifeste pas plus d'enthousiasme à l'idée d'aller chercher Hermione Granger je ne sais où. Ce petit jeu ne m'amuse pas du tout.

- Vous vous êtes vous-même imposé ce que vous qualifiez de petit jeu, Severus.

Par les couilles de Merlin, il pouvait être encore pire que Kari.

- Je serais enchanté de poursuivre cette discussion sans suite, Albus, mais ce sera pour une autre fois. Qu'avez fait d'Hermione Granger ?

Dumbledore poussa un soupir las.

- Severus, s'il-vous-plaît, assoyez-vous. Nous devons agir rapidement et nous énerver ne nous mènera nulle part.

Severus capitula et tira la chaise libre. Du thé avait été renversé sur le coussin. Il le fit disparaître d'un geste vague et s'assit.

- Elle s'est enfuie, reprit son ancien directeur d'une voix posée.

- Pourquoi ?

- Sans doute a-t-elle été choquée par l'idée de voir sa mémoire amputée. Il ne me serait jamais venu à l'esprit qu'une étudiante de premier cycle pouvait avoir suffisamment de puissance pour transplaner sans baguette. Je n'ai pas pu la retenir. Je porte entièrement le blâme de sa fuite.

La culpabilité s'abattit sur Severus comme un grand poids. Pas plus tard que la nuit dernière, il avait tenté de rassurer Hermione en lui disant qu'elle était en sécurité chez lui, que personne ne lui ferait du mal. Il ne pensait pas se gourer à ce point.

- Vous vouliez l'amnésier, énonça platement Severus, alors qu'il se sentait bouillir.

Les yeux bleus se rivèrent aux siens.

- C'est ce qui devait être fait, Severus, vous le savez autant que moi.

- Bon sang, nous avons déjà suffisamment joué dans la tête d'Hermione Granger. Laissez-lui sa mémoire intacte. Elle ne dira rien.

- Ce n'est qu'une hypothèse, Severus. Vous n'en savez rien.

- C'est une hypothèse fondée. Je connais Hermione Granger.

- Vous ne la connaissez qu'en surface.

- Albus, par Circée ! Après toutes ses frasques de l'automne dernier, ne comprenez-vous pas quel genre de personne elle est ? Cette fille est une vraie tombe. Elle garde ses petits secrets pour elle. Tous. Peu importe la situation.

- Elle a peut-être un tempérament réservé, mais elle est aussi nerveuse et imprévisible. Nous ne pouvons pas présumer de ce qu'elle fera. Ou ne fera pas.

- Hermione Granger, imprévisible ? Vous voulez rire ? Elle est tout ce qu'il y a de plus prévisible.

- Je ne qualifierais pas de prévisible une jeune personne qui a eu une réaction des plus surprenantes en se retrouvant face à vous la nuit dernière, Severus.

- Mais quelle réaction ?

- Justement. Je parle de son absence de réaction. Ne trouvez-vous pas étrange qu'elle soit demeurée si stoïque en voyant apparaître devant elle un mangemort recherché pour meurtre ?

Pendant une fraction de seconde, Severus fut pris au dépourvu. Il ne s'attendait pas à cette remarque. Dumbledore n'avait sans doute pas tort. Seulement, il ne savait pas qu'Hermione s'était réfugiée dans ses bras d'assassin un soir de novembre. Dans les circonstances, ce n'était pas étonnant qu'Hermione n'ait pas hurlé de terreur en voyant Severus dans la cuisine la nuit dernière, mais qu'elle l'ait plutôt jaugé longuement, l'air de se demander s'il pouvait ou non lui vouloir du mal.

Somme toute, les retrouvailles n'avaient peut-être pas été si terribles. Hermione s'était laissé convaincre plutôt rapidement de boire la potion de sommeil et de s'en remettre au bon vouloir de Severus, malgré ses craintes et ses incertitudes. Pour n'importe quel observateur extérieur, cette scène aurait eu de quoi faire sourciller. Une chance que Dumbledore n'y avait pas assisté.

Severus le contredit d'une voix soigneusement neutre :

- Elle n'était pas stoïque, elle était effrayée et sous le choc. Les choses sont loin de s'être déroulées aussi facilement que vous ne le croyez, Albus.

- Dans ce cas, vous avez accompli un véritable exploit durant la nuit, car c'est une Hermione Granger très calme et confiante qui est venue me rejoindre ici ce matin, dit-il d'un ton léger dont Severus n'était pas dupe.

Il renvoya à son aîné un regard dénué d'émotion. Dumbledore avait-il autre chose que des intuitions pour flairer quelque chose de louche ? Avait-il pu savoir d'une quelconque manière que Severus avait rencontré une étudiante dans la Forêt Interdite la veille de la fermeture de Poudlard, alors qu'il était le sorcier le plus recherché au pays ?

Impossible, vraiment impossible.

- Je vais considérer votre remarque comme un compliment, Albus.

- C'en est un, mon cher. Mais tout cela ne règle pas notre problème. Hermione Granger nous a échappé en emportant des secrets qu'elle ne doit pas connaître.

- Je n'ai nullement l'intention de la pourchasser jusqu'en Afrique du Sud pour l'amnésier. Et vous ne le ferez pas non plus, parce que vous êtes supposé être mort et que vous avez d'autres chats à fouetter.

Dumbledore le dévisagea. Severus n'aimait pas ce regard pensif. Il lui renvoya une expression impassible. Voilà à quoi ressemblait un échange entre deux Legilimens qui ne voulaient pas se laisser percer à jour l'un par l'autre.

- Méfiez-vous, Severus, dit le vieil homme d'une voix douce.

Severus haussa un sourcil, attendant la suite.

- Vous ne devriez pas prendre vos décisions en fonction de qui en sera affecté.

- Soyez moins clair, Albus, j'ai justement envie de me casser le crâne avec vos charades.

- Si l'objet de notre conservation était une autre personne qu'Hermione Granger, refuseriez-vous également de l'amnésier ?

- Là n'est pas la question.

Dumbledore se pencha en avant.

- Pour quelle raison avez-vous sauvé Hermione Granger la semaine dernière, Severus ? demanda-t-il gravement.

Severus n'avait pas de réponse toute prête pour cette question et aucune répartie facile ne lui vint à l'esprit.

Oui, pourquoi ? Pourquoi avait-il risqué sa peau pour sauver celle d'Hermione ?

Parce qu'elle avait été son élève ?

Jamais de la vie.

Parce qu'elle était jolie ?

Encore moins.

Parce qu'elle avait été son assistante ? Parce qu'elle avait eu le culot de réaliser une potion destinée à sauver les professeurs et aurors atteints du maléfice d'Endormissement fatal, et dont les instructions avaient été écrites de sa main de meurtrier ?

Peut-être.

Mais ce n'était pas tout à fait ça.

C'était surtout parce qu'il y avait eu quelque chose entre eux. Un je-ne-sais-quoi d'incongru et d'effronté qui avait fait son nid, malgré eux, et que Severus s'était inconsciemment appliqué à neutraliser à coups de sarcasmes et de regards réfrigérants. Un je-ne-sais-quoi qui avait refusé de se laisser étouffer par un cadre scolaire rigide et un rapport hiérarchique très inégal.

Autant se l'avouer, à présent.

Ajoutez à tout ça une brunette entêtée qui s'était empêtrée dans la merde jusqu'à l'os et un ex-mangemort qui se vouait corps et âme à racheter le prix monumental de ses erreurs. Le tableau était complet. Hermione était venue s'ajouter à l'équation de son interminable rédemption. L'arracher aux mains de ce salopard de MacNair n'avait pas été un coup de tête ni un plan foireux, mais un geste naturel. Une certitude.

Severus échappa aux prunelles bleues qui le sondaient, n'ayant ni mensonge ni faux-semblant à leur faire miroiter pour les distraire de la vérité toute nue. Il porta son regard au loin à travers la vitre, là où l'océan s'unissait aux cieux en une mince ligne éblouissante.

Quand un Legilimens détournait les yeux, c'est qu'il s'avouait vaincu. Dumbledore avait gagné. Il avait raison. Severus avait servi ses propres intérêts en rescapant Hermione de ce cachot infect.

Mais nom de Dieu, il n'était qu'humain, après tout, et c'était justement parce qu'il était humain que son engagement dans la guerre était aussi grand, parce que la culpabilité lui rongeait les tripes comme un cancer s'il ne risquait pas sa peau jour et nuit pour sauver celle des autres. Si Dumbledore s'attendait à ce qu'il ne manifeste jamais la moindre faiblesse, il se fourrait le doigt dans l'œil.

Mais Albus Dumbledore n'était pas ce qu'on pouvait qualifier de normal. Sous son vernis

de vieux patriarche angélique se planquait un esprit rationnel à l'extrême, un stratège doté d'une capacité effarante à faire abstraction d'empathie et de bons sentiments, à manipuler les gens comme des pions. Pour lui, la fin justifiait les moyens. Et à l'échelle de sa vaste tactique savamment orchestrée, une vie humaine – celle d'Hermione par exemple – valait peu.

La voix douce de Dumbledore le tira de ses pensées.

- Elle aurait dû mourir, n'est-ce pas ?

Ses paroles résonnèrent longuement dans le silence.

- Pardon ?

- Hermione Granger. Elle aurait dû mourir ce jour-là, de la main des mangemorts. Elle n'aurait été ni la première, ni la dernière. Malheureusement.

Severus arracha son regard de l'horizon pour le planter dans les yeux bleus.

Il était si facile de prétendre qu'une personne devait mourir quand on ne la voyait pas se vider de son sang, quand ses cris d'horreur ne nous transperçaient pas les tympans, quand on passait son temps tranquillement planqué à l'abri pendant que d'autres se tapaient les basses besognes, devaient tuer les grand-mères la veille de Noël et trouver le moyen d'épargner les enfants pour ne pas les voir torturés à mort.

- Vous avez commis une erreur, Severus. Mais elle sera sans conséquence, car nous agirons rapidement. Nous devons retrouver Hermione Granger.

Les prunelles bleues étaient graves.

Severus les contempla longuement, en proie à un dilemme tenace.

Peut-être que Dumbledore n'avait pas tort, au fond.

Peut-être que Severus avait multiplié les bourdes, aveuglé par son sens du devoir en béton armé.

Les choses avaient dérapé.

Il était grandement temps de rectifier le tir.

- Puis-je compter sur vous, Severus ?

Il laissa à nouveau son regard fuir vers l'horizon lumineux.

Et il céda.

- Oui.

- Ai-je votre parole ?

Il se leva calmement et regarda Dumbledore droit dans les yeux.

- Vous l'avez. J'aurai retrouvé Hermione Granger avant la nuit.

.

oOoOoOo

.

- Joyeux Noël, Hermione !

Lorsque je me perdis sous les étreintes et les embrassades des Zabini, j'essayai de respirer normalement. L'odeur de nourriture qui embaumait la maison aurait pu être alléchante, mais elle m'avait prise à la gorge dès que j'étais entrée.

- Viens, le déjeuner est prêt, nous t'attendions pour nous mettre à table.

- As-tu passé un beau Réveillon ?

J'étais de retour dans mon refuge du bout du monde, mais la première fois depuis le début de mon séjour, je regrettai de ne pas être ailleurs.

.

oOoOoOo

.

- Es-tu prête, Hermione ? demanda Blaise à travers la porte de la salle de bain.

Je recrachai l'eau avec laquelle je me rinçais la bouche dans l'espoir de chasser la brûlure tenace de la bile.

- Presque. Donne-moi trois minutes.

J'attrapai le pot de protection solaire, m'en enduisis copieusement le corps et me frottai en vitesse. Dans le miroir, le bleu sombre de mon bikini faisait ressortir la blancheur de ma peau. À côté des Zabini, j'avais l'air d'un fantôme.

Je ralentis distraitement mes mouvements circulaires, comme hypnotisée.

Il m'avait vue comme ça.

Blafarde.

Maigrichonne.

Avec des seins trop petits.

En plus, je n'étais pas épilée.

Avec les traces des sévices de MacNair, l'ensemble devait être répugnant.

Manipuler mon corps avait dû le dégoûter. Comment avait-il seulement réussi à me toucher ?

L'abnégation.

Severus Rogue était un homme de devoir. Il accomplissait ce qu'il devait accomplir, coûte que coûte.

Heureusement qu'il n'avait pas vu le squelette que j'étais devenue, sous le mirage du sortilège de Désillusion.

- Ça va, Hermione ?

- Oui, oui, répliquai-je avec plus d'impatience que je ne l'aurais voulu. Toi aussi, tu mettrais du temps à te préparer si ta peau brûlait instantanément au soleil.

J'enfilai un débardeur et un short, puis rejoignit Blaise dans le couloir.

.

oOoOoOo

.

Le soleil de plomb me chauffait le dos pendant que mon ami glissait sur l'eau avec sa planche jaune vif. Je couvris mes yeux clos d'une main pour me protéger de la lumière trop forte et écoutai le roulis des vagues.

Avec un gros effort, on pouvait presque imaginer que cette mer chaude était grise et agitée par des bourrasques incessantes, que le sable était un tapis moelleux, qu'il faisait nuit, que les joyeux cris d'enfants étaient plutôt une seule voix, grave et rassurante.

Je soupirai.

Si je n'avais pas voulu boire la potion de sommeil si vite, nous aurions pu parler plus longuement. Mais la nausée et les étourdissements étaient si insupportables que j'avais déclaré forfait.

Allais-je le revoir un jour ?

Peut-être, si la guerre se terminait. D'ici là, c'était hautement improbable.

J'aurais au moins voulu lui dire merci, même s'il se foutait de mes remerciements. J'aurais voulu lui jurer que je ne dirais rien à personne.

Que pensait-il de moi, à présent ?

J'enfouis mes mains dans mes cheveux, dans un geste d'abattement total.

Au fond, il aurait peut-être mieux valu que Dumbledore m'amnésie.

.

oOoOoOo

.

- Je suis passé à travers les derniers chapitres d'Histoire de la magie ce matin, dit Blaise en farfouillant dans son sac à dos.

- Belle façon de s'occuper le matin de Noël, commentai-je en m'éventant avec un magazine plié en deux.

Il régnait une chaleur épouvantable dans la chambre de Blaise, mais contrairement à moi, son occupant ne semblait pas incommodé. J'agitai mollement ma baguette pour démarrer le ventilateur fixé au plafond et me levai du plancher trop chaud sur lequel j'étais étalée.

- Oh, évidemment, fit Blaise, j'aurais mieux aimé commencer à lire L'Encyclopédie des langues mortes que mes grands-parents m'ont offert, mais bon, chaque chose en son temps.

- Tu m'étonnes, Blaise, dis-je observant l'immense tableau périodique moldu épinglé sur son mur. Qu'est-ce que tu as fait de tes aptitudes invraisemblables pour la procrastination ?

- Les vacances me rendent plus sage, on dirait. N'empêche, j'ai hâte que le 3 janvier soit passé, que je puisse enfin m'intéresser à autre chose que les ASPIC. Au fait, est-ce qu'ils ont fini par t'envoyer ta convocation ?

- Non, répondis-je d'un ton vague, en m'intéressant à la carte sismologique mondiale affichée sur un autre mur.

Tant d'eau avait coulé sous les ponts depuis que nous avions fait le pari fou de passer nos ASPIC cet hiver. La Hermione Granger qui s'était déguisée en Rosie Buckley et qui avait apprivoisé sa vie d'adulte avec enthousiasme appartenait maintenant à une autre époque.

Je me fichais des ASPIC.

Je me fichais du délai interminable du Ministère à répondre à ma demande.

Je me fichais de beaucoup de choses, pour tout dire.

- Peut-être que la convocation a été expédiée chez toi à Londres plutôt qu'ici ? suggéra Blaise.

- Hmmm, peut-être.

J'examinai les cercles rouges lumineux qui indiquaient une activité sismique d'une magnitude de 1,2 dans la région de Jakarta. Pendant ce temps, Blaise renversa carrément son sac sur son lit pour mettre enfin la main sur le livre qu'il cherchait. Des vêtements roulés en boule tombèrent au pied de son lit.

- Ah, le voilà, dit-il. Métamorphose. Il me reste quatre chapitres à avaler, mais j'ai amplement le temps encore.

Je contournai les vêtements froissés qui jonchaient le plancher pour regarder la bibliothèque, dans laquelle dictionnaires de latin, livres d'alchimie et bandes-dessinées cohabitaient dans un joyeux désordre. Un atlas de la Grande-Bretagne attira mon attention. Je l'extirpai de sa tablette en veillant à ne pas provoquer l'écroulement de ce qui ressemblait à un baladeur moldu en pièces détachées.

- Les derniers chapitres du manuel sont plutôt faciles, commentai-je distraitement. Métamorphoses de corps gazeux et liquides, ce genre de trucs. Tu devrais pouvoir mémoriser tout ça sans trop te fatiguer.

Je feuilletai l'atlas, repérai machinalement l'index et le parcourus du bout du doigt.

- Ouais, je vais m'y mettre ce soir, dit Blaise sans grande conviction. Surtout qu'il me reste encore la moitié du bouquin d'Arithmancie à gober.

- Quoi, tu n'as pas encore commencé l'Arithmancie ? Tu as gardé le plus difficile pour la fin.

- Je ne m'appelle pas Blaise Zabini pour rien.

Je fronçai les sourcils en scrutant les mots minuscules qui s'empilaient en une colonne bien serrée.

Bon sang, comment ça s'appelait, déjà ?

Talamaigh ?

Non, c'était plus long.

Talamadoraigh ?

Ce n'était pas ça non plus.

Traigh-Traigh, alors ?

Tamataigh ?

J'épluchai soigneusement l'index, puis dus me rendre à l'évidence : Talaigh-Talaigh existait pour Severus Rogue seul. À croire que cet endroit était un mirage.

Je refermai l'atlas d'un coup sec et le rangeai sur sa tablette en m'autorisant une mimique découragée que Blaise ne put pas voir.

.

oOoOoOo

.

Dans la torpeur tranquille du salon, je n'étais pas la seule à dodeliner de la tête. Les conversations s'étiraient sans conviction.

- On pourrait retourner flâner au centre-ville demaaaaÂÂÂÂÂÂÂaaaai…

Les paroles de Blaise se perdirent en un énorme bâillement.

Clara Zabini lui lança un regard perçant.

- Jusqu'à quelle heure tes cousins et toi avez veillé la nuit dernière ? demanda-t-elle, même si elle avait les yeux aussi cernés que son fils.

- Aucune idée, répondit Blaise en se frottant le visage. Mais le soleil était levé depuis longtemps, si c'est ce que tu te demandes.

- Tu devrais aller te coucher plutôt que de nous dormir au nez.

- Hmmm.

Je me levai du fauteuil de cuir moite dans lequel j'étais en train de prendre racine.

- Je vais dormir aussi, mon Réveillon a également été assez mouvementé, dis-je d'un ton dégagé.

Les Zabini n'avaient aucune idée à quel point.

Après les échanges de bonne nuit, Blaise me suivit comme un somnambule dans l'escalier et nous nous séparâmes à l'étage. Je n'avais plus qu'une envie : avaler ma dose d'analgésique et prendre une douche fraîche pour me débarrasser de la pellicule collante de lotion solaire qui m'enduisait encore la peau et des grains de sables qui y avaient adhéré.

Je marchai d'un pas lourd jusqu'au bout du couloir, poussai la porte de ma chambre et tirai un pan de mon débardeur pour le passer par-dessus ma tête, quand une voix profonde comme une caverne surgit de nulle part :

- Je vous conseille de le garder, vous en aurez besoin.

Mon propre hurlement faillit me transpercer les tympans. Je laissai retomber mon vêtement sur mon ventre, fis volte-face et poussai à nouveau un cri en apercevant la silhouette d'homme confortablement installée dans un fauteuil, les jambes croisées.

Quand je reconnus le nez aquilin et la mâchoire anguleuse dans la noirceur, je plaquai les mains sur ma bouche, réalisant une seconde trop tard que le clan Zabini allait se précipiter ici pour tomber face à face avec un mangemort recherché pour meurtre.

Severus Rogue se leva calmement, comme si je ne venais pas d'alerter la moitié de Cape Town. Je le contemplai les yeux écarquillés.

- Je me félicite d'avoir insonorisé cette pièce.

Oh, Merlin.

Je tendis l'oreille. Blaise continua à se brosser les dents dans la salle de bain. La rumeur lointaine des voix de Clara et Owen Zabini ne se troubla pas.

J'exhalai le souffle que je retenais prisonnier et posai une main sur mon cœur.

Rogue s'approcha avec une lenteur mesurée, assez près pour que j'avale une bouffée de son odeur de forêt, et étira le bras pour fermer la porte. Je le laissai faire, pétrifiée.

- Co-comment avez-vous fait pour me trouver ?

- Je ne vais sûrement pas vous révéler si facilement les meilleurs trucs du métier, Miss Granger.

Même dans la pénombre ambiante, son regard pénétrant donna l'impression de fouiller le mien.

- C'est D-Dumbledore qui vous envoie, n'est-ce pas ?

C'était plus une constatation qu'une question, mais Rogue inclina quand même la tête pour confirmer mes craintes.

Oh non.

- Je vous suggère de vous montrer collaborative. Vous serez vite de retour ici, à Cape Town.

Je piquai du nez vers le plancher, n'osant y croire. Je n'aurais jamais imaginé que Dumbledore et Rogue me pourchasseraient jusqu'au bout du monde !

Tu te faisais des illusions.

Te retrouver a sans doute été une véritable promenade de santé pour un sorcier de la trempe de Severus Rogue.

Oh, bon sang, mais pourquoi n'avais-je pas eu la présence d'esprit de noter par écrit tout ce que je savais ? Je n'aurais eu qu'à relire le récit des derniers événements pour retrouver la mémoire. Pourquoi cette idée me venait en tête maintenant qu'il était trop tard ?

Une grande main élégante me présenta un mouchoir sombre, que je regardai sans bouger.

- Un portoloin, précisa Rogue, laconique. Je vous suivrai dans un instant. Je n'ai pas le loisir d'entrer en Europe aussi facilement que vous.

Je pesai le pour et le contre, incapable de me résoudre à toucher le mouchoir. Avais-je encore la moindre échappatoire ?

Il ne cèdera pas, Hermione.

Sans doute pas. Il était en mission. Il ne me laisserait pas lui filer entre les doigts, mais il avait au moins la décence d'attendre un geste volontaire de ma part.

Alors, soit. J'avais perdu la partie. Dumbledore et lui avaient gagné.

Je pris le mouchoir du bout de doigts, appréhendant la sensation de tourbillon qui allait suivre.

La dernière image que je vis avant de disparaître fut ces yeux sombres qui me scrutaient dans la noirceur.

.

oOoOoOo

.

Boum !

Le mouchoir me glissa des doigts et j'atterris sur un tapis épais qui eut le mérite d'atténuer la douleur me vrillant les rotules. Je retins un gémissement et scannai des yeux le salon où j'étais apparue, à la recherche d'une haute et mince silhouette, d'habits colorés et luxueux, de longs cheveux argentés.

Aucune trace de Dumbledore.

Je sautai sur mes pieds malgré mes muscles qui crièrent grâce, faillis me tordre le cou pour jeter un regard dans la verrière vide et sombre, et me précipitai dans le couloir aussi obscur.

Il n'y avait pas âme qui vive.

Un soupir m'échappa même si je n'étais pas vraiment soulagée. Je revins dans le salon, tremblant de froid et de nervosité. Il faisait au moins quinze degrés de moins qu'à Cape Town et je me sentais complètement déplacée avec mes shorts minuscules et mon…

Oh, merde.

J'écarquillai les yeux en voyant que mon débardeur mince ne laissait pas beaucoup place à l'imagination quant au format du bikini qui se profilait dessous. Bikini dont les bretelles bleues dépassaient effrontément, d'ailleurs. Sur une plage de Cape Town, cette tenue était des plus banales, mais ici, elle me paraissait outrageusement déplacée.

Du calme, il t'a déjà vue moins habillée que ça.

Pas du tout habillée, en fait.

Le rouge me monta aux joues. Je m'enveloppai de mes bras et observai la pièce, en quête d'un chandail abandonné sur un fauteuil, une cape, un rideau tant qu'à y être. Mais il n'y avait rien.

Alors je m'assis du bout de fesses sur le fauteuil le plus près du feu, celui que j'avais identifié comme mon préféré pas plus tard que ce matin, et attendis l'arrivée de Rogue avec une nervosité grandissante.

Nous y voilà.

J'étais de retour dans ce cottage à la fois rustique et douillet, prête à m'y faire laver le cerveau par les bons soins de l'homme qui avait eu la bonté de sauver ma peau. Finalement, je n'avais eu droit qu'à quelques heures de sursis entre les révélations de Dumbledore et le moment où je perdrais la mémoire.

C'était donc maintenant ou jamais.

C'était ma seule chance de remercier Rogue pour les risques qu'il avait daigné courir pour moi. Après, mes souvenirs seraient perdus. Celui qui hantait mes pensées depuis la fin de Poudlard disparaîtrait à nouveau de ma vie.

Mais qu'est-ce que je devais lui dire, au juste ?

J'essayai de formuler une phrase courte et sensée, mais les mots se bousculèrent dans ma tête, mon angoisse monta en crescendo, la nausée me prit.

Oh, Merlin.

Je n'y arriverais jamais.

Pop !

Au moment où Rogue se matérialisait dans le salon, je me levai d'un bond comme si le fauteuil m'avait électrocutée. Dans l'éclairage tamisé, l'illusion que j'avais connue la nuit dernière me prit à nouveau : cet homme aux cheveux cours et à la barbe nette n'était plus le Severus Rogue que j'avais côtoyé. Ses cheveux semblaient plus noirs que noirs, sa peau surnaturellement pâle.

Le mirage se dissipa quand les prunelles sombres, magnétiques et si familières capturèrent les miennes, ne leur laissant plus aucune chance d'évasion. J'aurais voulu qu'elles ne puissent pas détecter mes craintes et mon angoisse, mais c'était sans doute peine perdue.

Rogue ouvrit la bouche pour parler, mais je lui coupai la parole comme si j'avais attendu ce signal pour me jeter à l'eau.

- S'il-vous-plaît, attendez, je comprends très bien que vous devez effacer mes souvenirs et que je n'aurais jamais dû m'enfuir ce matin, je n'ai pas vraiment fait exprès, c'était involontaire, et je vous jure que cette fois je ne vous compliquerai pas la tâche, mais c'est juste que je voudrais vous parler avant, c'est très important pour moi, je vous promets que ça ne sera pas long et que je ne vous importunerai plus après et je…

Ma voix se cassa net.

Je repris mon souffle.

Une expression fugitive passa dans le visage de Rogue, mais elle disparut vite sous le vernis flegmatique qui lui était coutumier.

- Qu'est-ce qui vous fait croire que je vais vous amnésier ? demanda-t-il, très calme.

La question me laissa décontenancée.

- Mais… Vous avez dit que Dumbledore vous envoyait.

- Ça ne signifie pas que je venais pour la raison pour laquelle il m'a envoyé. Je n'ai nullement l'intention d'effacer vos souvenirs, Miss Granger.

Je le regardai, en proie à l'incompréhension la plus totale.

- Mais… pourquoi?

- Devrais-je donc vous amnésier ?

Je fus à nouveau sans voix.

- D'autres situations auraient exigé que je modifie votre mémoire et je ne l'ai pas fait. Jusqu'à présent, vous ne m'avez donné aucune raison de regretter ma décision.

Je n'eus pas besoin de lui demander à quoi il faisait référence. Pendant un moment, le fantôme d'une étreinte volée flotta entre nous. Mon regard glissa sur ces grands bras qui m'avaient enveloppée, dans la noirceur complice du fort lunaire. À une époque où Walden MacNair ne m'avait pas encore stigmatisée.

Je serrai les lèvres et piquai du nez vers mes mains. Ces mains dont Rogue avait sans doute dû nettoyer le sang et la saleté. Oh, Merlin, tout mon corps était devenu un symbole de souillure. J'aurais voulu pouvoir disparaître sous le plancher.

- A-alors… Pour quelle raison m'avez-vous amenée ici ?

- Je vous avais promis des explications que je n'ai pas eu l'occasion de vous donner ce matin, par un malheureux concours de circonstances que vous connaissez.

Sa voix était aussi solide que la mienne était tremblante.

Tu vois ?

Il t'avait donné sa parole.

Un enchevêtrement de sentiments s'empara de moi, quelque chose de confus et de puissant qui se situait dans une zone grise entre le soulagement et la panique. Je priai pour ne pas pleurer ni vomir. Cette discussion s'annonçait déjà suffisamment éprouvante.

La voix de velours s'éleva en douceur.

- Votre accoutrement est peu… adéquat pour la température.

Son regard m'enveloppa de la tête aux pieds.

Mon visage s'embrasa.

- Je vais chercher de quoi vous couvrir, dit-il, avant de s'éclipser.

Ne sachant quoi faire, je me rassis dans le fauteuil près de la cheminée pour profiter de la chaleur diffuse qui émanait des cendres mourantes.

Un autre soupir nerveux s'échappa de mes lèvres.

Rien ne se passait comme je l'avais prévu.

J'étais de retour chez Rogue le jour même où je m'étais juré de ne plus jamais le voir. Contre toute attente, il n'avait pas l'intention de détruire mes souvenirs. Je n'avais aucune idée de l'issu de cette soirée. Tout était embrouillé en moi. Je n'étais plus certaine de rien.

Tout ira bien.

Aie confiance.

Rogue revint, avec dans les bras une grosse couverture. Je l'acceptai avec soulagement et m'emmitouflai dedans en veillant à faire disparaître la moindre parcelle d'épiderme nu. À l'intérieur de ce cocon de laine piquante, je me sentis un peu plus à mon aise.

- Vous prendrez certainement une tasse de thé ?

Le ton de la question n'invitait pas à refuser, mais j'hésitai néanmoins.

Ce n'était pas supposé se dérouler comme ça. Je devais lui adresser mes remerciements, puis lui ficher la paix au plus vite. Il avait déjà gaspillé tellement de son temps pour moi.

- Eh bien…

Rogue coupa court à ma piètre tentative de réponse.

- Vous pouvez difficilement refuser du thé lorsque vous avez les orteils bleus.

Je jetai un coup d'œil embarrassé à mes pieds nus et les empilai l'un sur l'autre, à la fois pour les cacher et les réchauffer.

Rogue esquissa un geste élégant de la main. Une théière et des tasses se matérialisèrent sur la table basse. Il les manipula avec des gestes posés qui détonnaient avec mon état d'anxiété.

Pendant un moment, le silence fut uniquement ponctué par les entrechoquements délicats de la porcelaine et l'écoulement tranquille du thé chaud, auxquels se joignirent quelques bourrasques et une rumeur de vagues beaucoup plus lointaine que ce matin. La marée avait baissé.

Rogue vint déposer une tasse fumante entre mes mains, me laissant le temps de capter le reflet des braises rougeoyantes dans ses yeux. Il s'éloigna ensuite pour raviver le feu. Bientôt, les flammèches dansèrent dans l'âtre et les crépitements du bois sec se mêlèrent au bruit du vent dans une mélopée apaisante. Je respirai un peu plus librement, réconfortée par la protection de la couverture épaisse et la brûlure agréable de la porcelaine contre mes paumes.

Rogue s'assit à son tour, dans le fauteuil en face du mien. Nous nous dévisageâmes avec une attention identique. Le feu découpait ses traits et projetait un jeu de lumière dansant dans ses cheveux et sa barbe noir d'encre. La façon dont il plantait ses yeux pénétrants dans les miens, sans pudeur, avait toujours eu le don de me troubler, mais après toutes ces semaines de distance, je ne fus pas capable de leur échapper.

Ou je ne le voulus pas.

Sa voix grave gronda doucement par-dessus les craquements du feu.

- Vous souhaitiez m'entretenir d'un sujet important.

Pendant une seconde, je fus sans voix. Maintenant que mon sentiment d'urgence s'était dissipé, les mots m'échappaient.

- Je… Je voulais seulement vous remercier pour… ce que vous avez fait pour moi.

Ce qui m'apparaissait si compliqué semblait finalement tenir en très peu de paroles. Je me mordis les lèvres. C'était ridiculement insuffisant. De simples remerciements ne pourraient jamais effacer la dette que j'avais envers Rogue.

Mais aucun commentaire sardonique ne vint gratifier mes paroles. Rogue inclina la tête en signe d'assentiment, le regard grave. Un autre silence s'installa, comme si nous regarder longuement sans rien dire était devenu une forme de dialogue qui se suffisait à elle-même.

Lorsqu'un coup de vent produisit un craquement quelque part dans la maison, je sursautai et glissai un coup d'œil en direction du couloir.

Rogue devina mes appréhensions :

- Dumbledore n'est pas ici, si c'est ce que vous vous demandez.

- Est-ce que… Vit-il ici ?

- Non.

- Où sommes-nous, au juste ?

Comme l'avait fait Dumbledore sous les traits du marin roux, Rogue prononça le nom bizarre qui brillait par son absence dans l'atlas de Grande-Bretagne de Blaise.

- À Talamhcríochnaigh.

Encore une fois, la fin du mot m'échappa. Mon interlocuteur ne rata pas mon expression d'incompréhension.

- Talamhcríochnaigh, répéta-t-il tranquillement.

Talamhcríochnaigh.

C'était étrange comme ce nom compliqué pouvait sonner agréablement dans sa voix soyeuse.

- Là où la terre finit, énonça-t-il. Connaissez-vous quelques mots d'irlandais, Miss Granger ?

- Non, aucun.

Je fronçai les sourcils.

- Vous voulez dire que… nous sommes en Irlande ?

- En effet. Dans une zone incartable, à quelques milles de Dingle. Dans le comté de Kerry. L'océan qui s'étend derrière vous est l'Atlantique.

J'assimilai lentement cette révélation.

- Mais… La… première fois, le bus m'a conduite en Écosse en une heure ou deux à peine.

Je n'eus pas besoin de préciser à quoi la première fois faisait référence.

- Là est la beauté du monde magique, commenta Rogue.

Son ton se voulait soigneusement neutre, mais il tranchait avec la gravité qui assombrissait son regard déjà si obscur.

Mon cœur se serra. Je regrettai d'avoir mentionné, même à mots couverts, le jour horrible qui hantait mes cauchemars.

Vous allez bien devoir en parler.

Si tu ne le fais pas, lui le fera.

Je déglutis.

À mon soulagement, Rogue changea de sujet.

- La performance à laquelle vous vous êtes livrée ce matin a eu le mérite d'impressionner Dumbledore.

Je mis quelques secondes à comprendre de quoi il parlait.

- Oh. Le transplanage ? Je ne sais pas ce qui s'est passé, avouai-je, confuse. Je ne tenais pas ma baguette.

Ses yeux d'onyx dérivèrent quelques centimètres plus haut, pour se poser sur ma baguette encore une fois piquée dans mon chignon, comme ce matin dans la verrière.

Un reniflement ironique échappa à Rogue.

- Effectivement, je doute que le sommet de votre tête soit aisé à atteindre lors d'une situation qui exige un minimum de subtilité.

Je me mordillai les lèvres.

- Dumbledore a cru que vous aviez transplané intentionnellement, dit-il. Je devine à votre perplexité que ce n'est pas le cas.

- Je… Non. Je n'ai pas essayé de m'enfuir. Je ne comprends pas ce qui s'est produit. C'est sans doute cette baguette. Ou alors c'est moi qui deviens complètement…

Je laissai la phrase en suspens, craignant d'en avoir trop dit. Je ne voulais pas étaler devant Rogue la détresse qui me grugeait.

Il reprit la parole, d'un ton patient qui indiquait que mon transplanage n'avait rien de mystérieux pour lui.

- Sans doute avez-vous déjà expérimenté ces manifestations de magie incontrôlée qui accompagnent certaines sautes d'humeur, particulièrement durant l'enfance. Elles tendent à se raréfier à mesure qu'un jeune sorcier vieillit et parfait sa capacité à user de magie avec précision, mais elles ne deviennent pas impossibles pour autant.

- C'est vrai. Mais quand même… Transplaner en Afrique du Sud est une manifestation de magie incontrôlée peu… banale.

- Sans doute était-elle d'égale intensité à l'émotion qui l'a provoquée.

J'ouvris la bouche, mais ne trouvai rien à répondre. Rogue devinait-il à quel point sa remarque était juste ? Pouvait-il seulement imaginer quel émoi m'avait envahie à l'idée de perdre le souvenir de notre tête-à-tête chez lui la nuit de Noël ?

Pour la première fois ce soir, je fuis ces yeux noirs qui sondaient les miens avec leur aplomb troublant.

- Alors… Pourquoi Dumbledore n'a-t-il pas envisagé cette possibilité lui aussi ? demandai-je dans un murmure, en m'adressant à ma tasse.

Rogue sembla choisir ses mots avec ses soins.

- Lui avez-vous donné la moindre raison de soupçonner l'ampleur votre agitation intérieure ?

Je fixai les parcelles de feuilles de thé qui s'étaient glissées au fond de ma tasse.

Il avait raison. Dumbledore ne savait sans doute rien du lien particulier que j'avais établi avec Rogue, pour reprendre les mots de Blaise. Il ne savait pas à quel point la réapparition soudaine du Maître des potions avait été à la fois une source de soulagement et de désarroi, ni que la perspective de le perdre me bouleversait de la même manière.

Rogue, lui, pouvait sans doute percevoir le trouble qui m'habitait.

Il eut la délicatesse de ne pas attendre une réponse de ma part.

- Cela étant dit, reprit-il, vous avez raison de penser que la baguette a joué un rôle dans votre évasion inespérée. Sans doute est-elle beaucoup trop réactive pour… l'état dans lequel vous vous trouvez.

Ce simple mot renfermait tant de non-dits. Impossible d'oublier que l'homme qui se tenait devant moi était le même qui m'avait ramassée à la petite cuillère une semaine plus tôt. La boule d'anxiété fit une pirouette désagréable au fond de mon estomac.

- Une baguette de dépannage, comme son nom l'indique, devrait être réservée à un usage occasionnel, poursuivit Rogue. Ce n'est pas l'instrument le plus approprié pour effectuer des transplanages inter-continents.

- Je sais, soufflai-je.

La baguette n'était qu'une des nombreuses préoccupations qui avaient transformé mon quotidien en calvaire. Tout m'angoissait. Je ne m'étais jamais sentie aussi dépassée auparavant.

- Par ailleurs, les ratés que vous avez connus à Elgin montrent aussi qu'il est impératif de remplacer votre baguette.

J'osai rencontrer son regard pénétrant à nouveau.

- Elgin ? Qu'est-ce que c'est ?

- La ville où vous avez transplané par erreu 50 la nuit dernière.

Ah oui. Le transplanage raté en me rendant à mon auberge miteuse d'Inverness. La rue inconnue. L'idiot saoul et en manque de distraction qui avait jugé bon de me provoquer en duel. Et finalement, Rogue qui avait surgi dans une ruelle.

Oh, Merlin.

Mais qu'est-ce que c'était encore que cette histoire ? Pourquoi Rogue connaissait-il mes faits et gestes de la nuit dernière ? Je n'avais plus eu le temps de cogiter sur ce mystère tant la journée avait été riche en révélations plus fracassantes les unes que les autres.

Une pointe de douleur me vrilla la tempe gauche, signe d'une fatigue mentale trop grande.

- Je ne comprends pas, dis-je. Comment pouvez-vous savoir que j'ai transplané à Elgin, alors que je ne connaissais même pas le nom de cette ville moi-même ? Comment pouvez-vous savoir que j'étais là ? Et comment pouvez-vous savoir que j'ai raté mon transplanage ?

Devant cette accumulation de questions, Rogue choisit de répondre à la dernière, et de la façon la moins pertinente qui soit.

- Pourquoi seriez-vous allée à Elgin, si ce n'est pas erreur ?

- C'était effectivement une erreur.

- J'aimerais comprendre par quelle fêlure du crâne votre illustre partenaire a jugé bon de vous laisser batifoler au fin fond de l'Écosse au milieu de la nuit, avec pour seule compagnie une baguette de dépannage.

Je cillai, aussi surprise par son ton mordant que par la teneur de ses propos.

- Mon… partenaire ? Mais de quoi parlez-vous ?

Rogue haussa un sourcil qui me mettait au défi de le prendre pour un imbécile. Je n'en fus que plus confuse.

- Je parle de Blaise Zabini, dit-il sèchement.

Je le regardai, complètement décontenancée. D'où lui venait cette idée ? Avais-je pu laisser croire que j'étais engagée envers Blaise d'une quelconque manière ?

- Blaise est homosexuel, dis-je, sans trop savoir pourquoi je ressentais le besoin de me justifier.

Je me pinçai les lèvres. Je n'avais pas l'habitude de révéler les confidences qu'on me faisait, mais mes paroles avaient fusé d'elles-mêmes.

Pendant une fraction de seconde, la façade flegmatique de Rogue se fissura.

Il y eut un silence.

Un silence surpris.

- Les préférences sexuelles de Zabini n'expliquent pas ce que vous fabriquiez seule en pleine nuit, répliqua-t-il avec cinq secondes de retard.

Pourquoi une telle véhémence ?

- Je vous ai dit que j'étais arrivée là-bas par erreur, répondis-je, inquiète à l'idée de devoir argumenter avec lui.

Je n'en aurais jamais la force. Surtout pas ce soir. La fatigue qui m'avait rivée au canapé des Zabini un peu plus tôt était en train de se muer en épuisement. Qui plus est, je n'avais pas encore eu l'occasion d'avaler ma dernière dose d'analgésique de la journée.

- Où aviez-vous l'intention de vous rendre ? insista Rogue. À la même auberge que la dernière fois ? Pourquoi pas plutôt à Cape Town ?

Quoi ?

Pourquoi connaissait-il tous ces détails ?

Bon sang, il était sorcier, pas devin !

- S'il-vous-plaît, soupirai-je d'un ton que j'aurais voulu moins désespéré, expliquez-moi. Je ne comprends rien à rien. Comment pouvez-vous savoir tout ça ? Comment pouvez-vous savoir que j'étais à Elgin, et à…

Le nom d'Inverness resta coincé dans ma gorge, avec son lot de souvenirs effrayants. C'était là-bas que les images du cachot m'étaient revenues en mémoire, là-bas que la douleur m'avait enflammé le corps.

Rogue laissa un silence lourd de sous-entendus planer sur mes paroles inachevées. L'élan de fougue qui avait enflammé ses yeux noirs s'éteignit, remplacé par une expression grave.

Mon cœur rata un battement.

Oh, merde.

Merde, merde, merde.

Ça y était.

C'était maintenant.

Le moment où le sujet maudit devait tomber dans la conversation.

Je détournai la tête, incapable de regarder mon interlocuteur en face.

Je ne voulais pas parler de ce soir horrible où ma routine banale avait basculé dans le cauchemar. Je ne voulais pas en entendre parler non plus. J'aurais voulu me soustraire à cette discussion, mais je ne savais pas comment faire.

Lorsque Rogue parla à nouveau, sa voix avait retrouvé son onctuosité, mais un accent d'amertume pointait sous ce velours lisse.

- J'ai peut-être commis l'erreur de vous livrer à vous-même ce jour-là, mais en revanche, je ne l'aurais pas fait sans me donner les moyens de vous suivre à la trace.

Je serrai les dents très fort.

Devant mon mutisme, Rogue poursuivit.

- Lorsque vous avez quitté Talamhcríochnaigh pour la première fois, vous portiez un objet qui m'a permis de connaître votre localisation avec précision.

Je plaquai machinalement la main sur le bouton de manchette suspendu à sa chaîne, sous mon débardeur et l'épaisse couche de laine. Un geste qui ne pouvait pas échapper à Rogue.

- Votre bouton de manchette, bafouillai-je, le rouge me montant aux joues.

Les prunelles obscures sondèrent les miennes.

- Vous l'avez reconnu, constata-t-il.

- Je… oui.

- Et vous l'avez gardé.

Ce n'était pas une question. Tant mieux, parce que je n'avais pas la réponse.

Oh, bon sang, qu'allait-il penser ?

Que devrait-il penser ?

Pourquoi as-tu gardé le bouton ?

Je ne le savais pas moi-même. Le geste s'était imposé de lui-même.

Rogue sembla attendre une explication supplémentaire, mais je n'en avais aucune à lui fournir.

- Ravi qu'il vous plaise, dit-il enfin.

Mes oreilles s'enflammèrent à leur tour. Je baissai les yeux, consciente du ridicule de la situation.

Rogue feignit de ne pas remarquer mon embarras et enchaîna :

- C'est donc ce bouton qui m'a indiqué que vous avez bourlingué sur une distance passablement grande ces derniers jours.

- C'est pour ça que vous saviez que j'étais à Cape Town, murmurai-je au bout d'un moment.

- Exact.

- Et à cette ville... Elgin.

- Oui.

Ce simple bouton de manchette n'expliquait sans doute pas toute l'histoire, mais j'étais trop assommée de fatigue pour réfléchir aux détails manquants. Et je tenais à éviter coûte que coûte tout sujet qui comportait un cachot effrayant, du sang et un psychopathe.

Seulement, Rogue ne l'entendait pas de cette oreille.

- Pourquoi vouliez-vous retourner à Inverness la nuit dernière ?

Je me mordillai la lèvre.

- Je… J'avais dit aux Zabini que je dormirais chez les Weasley. Seulement, je n'en avais plus envie, je préférais être… seule. Alors j'ai eu l'idée de retourner… là-bas. À Inverness.

Présenté de cette façon, mon projet m'apparaissait maintenant saugrenu. Rogue eut le bon goût de ne pas le commenter.

- Vous ne leur avez rien dit, n'est-ce pas ? Aux Zabini.

Il n'eut pas besoin d'expliciter sa question, question qui n'en était d'ailleurs pas vraiment une. Il pouvait sans doute deviner que non, je n'avais rien dit de l'agression aux Zabini.

- S'il-vous-plaît, dis-je, sans pouvoir empêcher une note implorante de percer dans ma voix tremblante. Je préférerais ne pas parler de… tout ça. C'est trop…

Éprouvant.

Horrifiant.

Douloureux.

Tout ça à la fois.

Je serrai les mains autour de ma tasse pour les empêcher de trembler.

- Je ne peux pas, achevai-je, incapable de trouver les bon mots.

Je fixai mon thé, appréhendant ce qui allait suivre.

Rogue reprit la parole d'une voix tranquille mais ferme.

- Vos questions sont légitimes. En revanche, j'estime que les miennes le sont aussi.

Qu'y avait-il à répliquer à ça ? C'était le bon sens même. Mes yeux devinrent humides. N'avais-je donc aucun moyen d'échapper à ce pénible retour en arrière ?

Il n'abdiquera pas, Hermione.

Tu le connais.

Je pris mon courage à deux mains.

- Que voulez-vous savoir ? demandai-je dans un murmure.

- Comment vous sentez-vous ?

Pendant un long moment, on entendit seulement le crépitement des flammèches et des bûches qui se fissuraient. Les flammes dorées léchaient l'âtre dans un ballet hypnotique. Leur lumière orangée me réchauffait le visage.

- Je vais bien, dis-je enfin.

Rogue laissa échapper un petit reniflement qui n'avait pas grand-chose d'amusé.

- Je crois vous avoir déjà dit ce que je pensais de vos tentatives de mensonges.

Je le regardai. Si sa remarque pouvait sembler ironique, ses yeux noirs ne l'étaient pas. Ils donnèrent l'impression de m'envelopper comme la lueur réconfortante du foyer.

- Je ne vous pose pas cette question par politesse, dit-il. Vous pouvez être franche.

- Je ne sais pas quoi vous dire, répondis-je, la voix aussi vacillante que les flammes qui réchauffaient la pièce.

- Je ne vous apprendrai sans doute pas que vous devez voir un médicomage.

Je le dévisageai. Bizarrement, cette idée ne m'avait pas encore traversé l'esprit, malgré le lot de douleurs et de malaises qui assombrissaient mon quotidien. Je n'aurais jamais le courage de nommer l'innommable devant qui que ce soit, même un médicomage.

- N'est-ce pas ? insista Rogue.

- Je suppose que vous avez raison.

- Le plus tôt sera le mieux.

La gorge trop nouée pour parler, j'opinai et attendis la prochaine question… qui ne vint pas. Le sujet avait été à peine effleuré, mais je sentis à la façon dont Rogue me regardait qu'il ne pousserait pas la discussion plus loin. Je devais projeter une image pitoyable pour qu'il cède si facilement.

Il sembla attendre que je parle à nouveau et j'attendis la même chose de sa part. Nous nous trouvâmes finalement à nous observer en silence, jusqu'à ce que cet instant d'immobilité devienne étrangement confortable.

Je bus une gorgée de thé pour me donner contenance. Le liquide avait tiédi juste assez pour laisser ses arômes de bergamote se déployer pleinement dans ma bouche.

- Je… Je voulais vous dire que je suis vraiment désolée pour la nuit dernière.

- De quoi êtes-vous désolée ?

- Je me suis comportée comme… une hystérique.

- Vous n'étiez pas dans les meilleures dispositions qui soient, et moi non plus. Vous n'avez pas à être désolée.

- Mais j'ai essayé de vous… poignarder.

Il eut un reniflement amusé.

- Il serait plus exact de dire que vous avez observé mon bloc de couteaux avec intérêt.

- Et je vous ai frappé.

- Vous aviez peur.

- Je sais, mais…

- Hermione.

Je me tus, encore surprise de l'entendre s'adresser à moi de cette façon. C'était tellement… différent. Comme si mon simple prénom avait le pouvoir de réduire instantanément en poussière les barrières austères qui nous avaient toujours tenus à distance.

- Vous n'avez rien à vous reprocher, dit Rogue.

Je déglutis.

Ce ton grave avait le don de me remuer.

- Vos craintes étaient naturelles. Vous étiez désarmée et vous avez tenté de vous protéger comme vous avez pu. Néanmoins, votre tentative de m'assassiner à mains nues était vouée à l'échec.

Je ne pus m'empêcher de glisser un regard furtif à ces épaules imposantes, à ces longues mains découpées dans la lueur dorée de la cheminée, à ses interminables jambes croisées qu'on devinait vigoureuses sous les épaisses robes noires.

Effectivement. Je n'avais sûrement pas la moindre chance de faire du mal à mains nues à un adversaire de ce gabarit.

- Je suis désolée quand même, murmurai-je.

S'ensuivit un autre instant suspendu où nos regards donnèrent l'impression de s'ancrer l'un à l'autre. J'aurais voulu questionner encore Rogue, mais je n'arrivais plus à penser. La pointe de douleur ne voulait plus cesser de darder ma tempe. Mes paupières me brûlaient de fatigue. Mes muscles me faisaient mal. Je n'en pouvais plus.

À la manière dont Rogue me dévisageait, je sus qu'il pensait précisément la même chose.

- J'ai suffisamment abusé de vos forces pour aujourd'hui, dit-il. Je vais vous raccompagner à Cape Town.

Tu vois ?

Ce n'était pas si terrible que ça.

- Je… merci d'avoir répondu à mes questions.

- Vous étiez parfaitement en droit de les poser.

Je hochai la tête, un gros nœud me serrant la gorge.

Était-ce déjà fini ?

Était-ce ainsi que tout allait se terminer ?

J'allais quitter Talamhcríochnaigh et Severus Rogue pour poursuivre ma propre route ?

Tant mieux.

Ce n'est pas ce que tu voulais ?

J'ouvris la bouche pour parler encore, mais rien ne me vint en tête. Alors je posai ma tasse et me levai. Rogue en fit de même.

Mes yeux devinrent humides. Je battis des paupières et regardai mon interlocuteur, ne sachant plus quoi faire. Qu'est-ce que j'étais supposée lui dire ? Bonne chance ? Adieu ?

Le nœud enfla dans ma gorge.

Tu veux qu'il disparaisse de ta vie ou non ?

En fait, je n'en étais plus sûre du tout.

Alors dis-le-lui.

Lui dire quoi ?

Qu'être avec lui m'inspirait un joyeux chaos de honte et d'apaisement ?

Que j'avais peur de ne plus le revoir ?

Oui.

Dis-lui tout ça.

Mais l'émoi s'empara de moi pour de bon. Mes paupières s'emplirent d'eau et la grande silhouette sombre de Rogue devint brouillée. Refusant de me donner en spectacle devant lui, je me détournai et pinçai les lèvres le plus fort que je pus, dans une piètre tentative de contenir la peine qui ne demandait qu'à jaillir. Je réussi à ravaler un sanglot, mais pas mes larmes.

Une grande main pâle vint me présenter un mouchoir de soie noire identique à celui qui m'avait servi de portoloin un peu plus tôt.

Je serrai un bras autour de moi pour retenir la grosse couverture de laine, pris le mouchoir et m'en épongeai les yeux. C'était doux.

- Merci, bredouillai-je. J-je suis désolée, excusez-moi.

- Cessez de vous excuser, gronda doucement Rogue.

D'autres larmes traîtresses roulèrent sur mes joues. Je m'empressai de les faire disparaître.

- Êtes-vous certaine que je devrais vous ramener à Cape Town ? demanda-t-il.

Au ton de sa voix, d'autres larmes menacèrent de déborder. Cette simple question renfermait tant de sous-entendus.

Je respirai profondément pour reprendre mes esprits. Rogue restait patiemment à côté de moi, mais il n'avait pas à subir des épanchements de ce genre. Je me tournai vers lui et renversai la tête pour le regarder en face, me surprenant encore de sa grande taille.

- Ça ira, dis-je d'une voix tremblotante. Je dois partir. Les Zabini croient que je suis chez eux.

Rogue ne recula pas d'un poil et je m'efforçai d'en faire autant. Notre proximité avait quelque chose de dérangeant. D'aussi près, il ne pouvait rien manquer de mes yeux rougis et enflés. Qui plus est, j'avais le sentiment irrationnel qu'il pouvait deviner qu'un squelette se cachait sous le sortilège de Désillusion. Je me forçai à soutenir son regard pénétrant. Je ne voulais pas lui laisser croire que je me méfiais de lui ou que sa présence m'incommodait. Ce n'était pas vraiment ça.

- Quand allez-vous vous procurer une nouvelle baguette ? demanda-t-il.

La question me prit au dépourvu.

- Euh… Bientôt.

- Cette réponse me semble évasive.

- Je n'ai pas encore décidé quand.

- Quel fabricant visiterez-vous ?

Mais pourquoi cette insistance soudaine ? Où voulait-il en venir ?

- Je ne sais pas exactement, répondis-je.

- Quand le saurez-vous ?

Un soupir de découragement s'échappa de mes lèvres.

Voilà le Severus Rogue que je connaissais, avec son stoïcisme imperturbable mais aussi son caractère d'acier. Je l'avais suffisamment côtoyé pour savoir qu'il avait une idée derrière la tête et qu'il ne me laisserait pas me défiler devant ses questions. Alors je rendis les armes. J'étais beaucoup trop patraque pour lui tenir tête ce soir.

- Je ne sais pas quoi faire, avouai-je. J'avais pensé… me rendre chez Ollivander, mais je ne suis pas certaine que ce soit… prudent.

- Il y a d'autres fabricants de baguettes.

- Je sais… Seulement, Ollivander est considéré comme le meilleur et je n'en connais pas d'autres. Et de toute façon, je n'aurai pas le choix de… me rendre à Londres pour aller à Gringotts. Mais…

Mais j'ai peur.

Je frémissais à la perspective de retourner dans ces rues où je m'étais baladée déguisée pendant des semaines, ignorant que je me tenais dans la mire d'un fou furieux.

- Vu les circonstances, dit Rogue, je ne crois pas non plus qu'il soit sage pour vous de retourner à Londres avant un certain temps, en particulier à des endroits aussi prévisibles que Gringotts ou le commerce d'Ollivander.

Je fus soulagée qu'il partage mes réticences, mais ça ne réglait pas le problème de la baguette.

- Si vous le souhaitez, dit Rogue, je peux vous accompagner chez un autre fabricant.

La proposition me laissa décontenancée.

- Mais… Vous ne pouvez pas faire ça.

- Non ?

- Eh bien… Avec tous ces aurors qui vous traquent pour le meurtre de Dumbledore... Je ne veux pas que vous vous mettiez en danger pour une baguette.

- Je ne suis pas en mesure d'entrer dans les commerces britanniques, qui sont protégés par des détecteurs de Marque des Ténèbres, mais en revanche, je suis libre de mes allées et venues à l'extérieur du pays.

Je me mordillai la lèvre.

Rogue inclina légèrement la tête et m'observa d'un œil attentif.

Oh, bon sang, il jouait. Me tirer les vers du nez était un jeu d'enfant pour lui. J'avais horreur de ce petit manège.

- Je suis curieux de connaître la nature exacte de vos réticences.

- C'est juste que… Vous vous êtes déjà donné suffisamment de mal pour moi.

- Dois-je vous rappeler que l'objet de cette conversation est une simple baguette ? Vous accompagner chez un fabricant n'a rien d'un exploit.

Qu'est-ce qu'il pouvait être tenace !

Alors dis oui.

- Je ne sais pas, murmurai-je, à bout d'arguments.

- Avez-vous un autre plan ? Manifestement, non.

- C'est que…

Je rougis d'embarras.

Pourquoi était-ce si humiliant ?

Rogue réclama la suite d'un haussement de sourcil.

- Je n'ai pas d'argent pour acheter une baguette, avouai-je, les joues en feu.

- Je la paierai pour vous.

- Mais…

- Vous me rembourserez lorsque vous le pourrez. Ce n'est qu'un détail.

Je soupirai, ne sachant plus quoi dire.

Dis oui, nom d'un hippogriffe.

- Vous vous trouvez dans une position délicate qui ne doit pas s'éterniser, dit Rogue. Vous avez été chanceuse, la nuit dernière, d'apparaître en un seul morceau à Elgin. Les conséquences auraient pu être désastreuses.

- Je n'étais pas au meilleur de ma forme.

Quel euphémisme.

Rogue eut un reniflement ironique.

- Pardonnez-moi de vous le rappeler si platement, mais vous n'avez sans doute pas été au meilleur de votre forme depuis un certain temps, et vous devrez patienter encore avant de l'être à nouveau. C'est pourquoi j'insiste sur la nécessité de vous procurer une baguette sécuritaire le plus rapidement possible.

La boule d'anxiété fit encore une pirouette au creux de mon ventre. Devant ces prunelles sombres qui tutoyaient les miennes sans détour, toutes mes faiblesses semblaient mises à nue. Heureusement que Rogue ne pouvait pas voir mon véritable état.

Il haussa un sourcil, attendant le prochain argument. Je ne trouvai rien à redire. Mes paupières étaient brûlantes de fatigue. Tout mon corps me faisait mal. J'étais épuisée comme jamais.

- C'est donc réglé, conclut Rogue. Quand serez-vous en mesure de fausser compagnie aux Zabini ?

- Je… Je ne sais pas trop.

- Demain ?

- Non ! m'emballai-je à l'idée de devoir inventer si vite une défaite à servir à Blaise.

Je repris d'une voix qui se voulait plus posée :

- Je ne pense pas.

- Dans deux jours, dans ce cas ?

J'essayai tant bien que mal de réfléchir. Qu'étais-je supposée faire, dans deux jours ? Depuis l'agression, je ne voyais pas plus loin que le bout de mon nez, trop préoccupée que j'étais par des problèmes immédiats : manger, combattre la nausée, vomir en secret, avaler des analgésiques au bon moment.

- Je suis confiant que vous arriverez à trouver un prétexte adéquat d'ici là.

- Je suppose, murmurai-je.

- Vous aurez besoin d'un moyen de me contacter au moment opportun. Il ne serait pas prudent que vous transplaniez à nouveau sur une grande distance avec votre baguette actuelle. J'ai cru comprendre que vous aviez le bouton de manchette en votre possession.

Il attendit, l'air interrogateur.

-Je… En effet.

Je plongeai une main sous ma carapace de laine rêche et en extirpai le petit losange noir et luisant à la lueur du feu. Rogue m'arrêta lorsque j'attrapai le fermoir de ma chaîne pour la détacher.

- Ça ira comme ça.

Il tendit une main. La longueur de la chaîne m'obligea à avancer d'un pas, assez près pour humer les effluves de terre et de forêt humide qui émanaient de lui.

Un sentiment confus m'étreignit.

Oh que cette odeur me manquait.

Je me sentis happée des semaines en arrière, à l'époque où nous travaillions côte-à-côte devant les chaudrons fumants, où notre proximité était si familière. Comment ce temps pouvait-il paraître si loin ? J'avais l'impression d'avoir changé pour toujours, d'avoir atteint un point de non-retour.

La gorge nouée, je déposai le bouton au creux de sa paume ample. Il le tapota de sa baguette.

- Lorsque les circonstances vous le permettront, vous n'aurez qu'à tenir le bouton et à vous adresser à moi pour que je vienne vous rejoindre. J'aurai connaissance de vos paroles.

- D'accord.

- Vous me contacterez donc le jour convenu, dit-il en me rendant le bouton.

Je reculai d'un pas pour pouvoir le regarder en face.

- Entendu.

- Ai-je votre parole ?

- Je… Oui, vous l'avez.

- Une sage décision. Le cas échéant, vous m'auriez vu dans l'obligation de débarquer à l'improviste pour venir vous chercher. Vous savez maintenant que j'en suis parfaitement capable.

Oh, ça, je le savais très bien. Il était capable de n'importe quoi.

Je hochai vaguement la tête. Il ne m'avait pas vraiment donné le choix, mais j'avais confiance en lui.

Il me contempla. Je soutins son regard en songeant que cet homme-là n'avait pas besoin de légilimencie pour sonder mon âme.

- Êtes-vous en mesure de tenir deux jours ?

- Avec la baguette de dépannage ?

- Non, je parle de vous.

Impossible de ne pas comprendre le sens caché de ses paroles. Mes yeux devinrent à nouveau mouillés.

- Ça ira.

- En êtes-vous certaine ?

- Oui, assurai-je de la voix la moins assurée du monde.

Le désarroi qui pointait dans ma réponse ne pouvait pas échapper à Rogue.

- Votre état de fatigue n'est pas des plus rassurants. N'hésitez pas à me contacter si vous en ressentez le besoin.

Comment cette voix de velours souvent si froide pouvait-elle prendre un tel accent d'indulgence ?

Je fis oui de la tête, les lèvres serrées.

Rogue me tendit une main.

- Êtes-vous prête ?

Je fixai sa grande paume ouverte.

- Euh… C'est que… je n'ai jamais fait ça. Je veux dire, transplaner avec quelqu'un d'autre.

- Vraiment ? La petite escapade avec vos parents ne compte donc pas ?

La boutade me mit mal à l'aise.

J'avais en effet eu le culot de faire transplaner mes deux parents inconscients l'automne dernier, et ce, sans trop savoir comment m'y prendre. La manœuvre avait réussi, mais l'expérience globale avait été traumatisante. Je ne voulais pas me retrouver écartelée loin de Rogue de la même manière que je l'avais été entre mes parents. D'autant plus que je ne me sentais pas particulièrement solide sur mes jambes.

- Prenez ma main et ne pensez à rien, dit Rogue avec un calme qui dissipa ma gêne. Je vous conduirai.

J'hésitai, ne sachant pas comment me débarrasser de l'épaisse couverture sans avoir l'air de me livrer à un strip-tease devant lui. Comme il me regardait droit dans les yeux, je retirai la couverture sans cérémonie et la laissai sur un bras d'un fauteuil.

Avait-il compris que le vêtement qui paraissait sous mon débardeur était un maillot de bain et non un soutien-gorge ? Si ça pouvait rendre la chose plus décente…

Je déposai enfin ma main dans celle de Rogue. Elle était agréablement chaude, ni moite ni sèche. Ses mains me plaisaient. De même que les grands bras solides qui y étaient attachés.

Je baissai la tête, embarrassée par la trajectoire de mes pensées.

Le pouce de Rogue se posa avec légèreté par-dessus mes doigts. Mon cœur s'emballa. C'était comme ça qu'il allait nous faire transplaner ? Est-ce qu'il espérait se débarrasser de moi en me lâchant dans le néant ?

Tout devint noir, puis blanc, puis de toutes les couleurs. Je fermai les yeux et ne pus m'empêcher d'agripper à deux mains celle de Rogue, à m'approcher tout près de lui jusqu'à pouvoir percevoir son odeur d'herbes et de terre. Une autre grande main chaude et rassurante vint recouvrir les miennes.

Il n'y eut aucun balancement, aucune secousse, aucune bourrasque de vent. On aurait juré que nous nous tenions encore immobiles dans le salon.

- Nous sommes arrivés, murmura Rogue.

Déjà ?

La chaleur de Cape Town s'abattit sur moi, confirmant ses paroles.

J'ouvris les yeux pour me retrouver tout près d'une grande poitrine sombre. Gênée, je reculai d'un pas, me sentant ridicule d'avoir appréhendé un transplanage qui s'était déroulé avec la légèreté qu'un battement de cils.

Mais le regard que Rogue posa sur moi fit taire mon embarras.

- Deux jours, Hermione ?

C'était étrange comme mon prénom pouvait sembler naturel dans sa bouche, comme il prenait soudain une sonorité différente lorsqu'il était prononcé par cette voix basse et onctueuse. Dans la noirceur, les yeux de Rogue fouillèrent les miens en quête de mon assentiment. Lorsque j'ouvris la bouche pour répondre, j'eus peur que ma voix me fasse défaut.

- Deux jours.

Il inclina la tête et me libéra les mains, qui m'apparurent glacées malgré la température caniculaire de l'Afrique du Sud.

Je clignai des paupières et me trouvai à fixer le mur vide de ma chambre, là où Severus Rogue venait de disparaître.

.

oOoOoOo

.

Ouf.

Je ne suis pas fâchée de mettre un point final à ce mastodonte.

Pour ceux qui trouvent les faits et gestes de Severus un peu nébuleux, ne vous en faites pas, il sait très bien ce qu'il fait.

Quand la suite ? Je n'en ai pas la moindre idée. Je mettrai régulièrement mon profil à jour pour vous tenir au courant de mon avancement.

À bientôt !