« C'est un vrai cauchemar, cette fille-là. »

Les larmes aux yeux, Hermione n'arrivait pas à penser à autre chose que ces mots qu'elle venait d'entendre.

« Ça ne m'étonne pas qu'elle n'ait aucun ami. »

Et pourtant, elle avait eu tant d'espoir. Pendant toute son enfance, elle n'était jamais parvenue à se faire de vrais amis. Elle voyait ses camarades de classe, ses voisins, se regrouper entre eux, jouer et s'amuser ensemble, mais elle-même réussissait rarement à s'immiscer dans un de ces groupes. Et quand elle y parvenait, c'était pour se rendre compte qu'il n'y avait aucun atome crochu entre eux, alors elle finissait bien vite à nouveau seule dans son coin.

Quand la professeure McGonagall lui avait annoncé qu'elle était sorcière et continuerait sa scolarité à Poudlard, Hermione y avait vu une seconde chance. Un endroit où personne ne la connaissait, où tout le monde serait comme elle. Elle pourrait repartir de zéro.

Mais dès son arrivée, ses deux camarades de dortoir, Parvati et Lavande, avaient jugé qu'Hermione n'avait aucun intérêt pour elles, avec ses cheveux touffus, son nez toujours fourré dans un livre et son insistance pour faire ses devoirs le jour où on les donnait.

Alors elle avait regardé du côté des garçons. Sans qu'elle ne sache trop pourquoi, Ron Weasley et Harry Potter avaient attisé sa curiosité, dès leur première rencontre dans le Poudlard Express. À cause de tout ce qu'elle avait lu sur Potter avant la rentrée, bien sûr, mais aussi pour d'autres raisons qu'elle n'arrivait pas à s'expliquer.

Voilà pourquoi les mots de Ron à son endroit l'avaient tellement blessée. Ils semblaient avoir coupé son dernier espoir.

Peut-être aurait-elle dû suivre le premier conseil du Choixpeau magique et se laisser répartir à Serdaigle. Pour une fois dans sa vie, elle avait voulu être définie par autre chose que par son cerveau. Regretterait-elle cette décision ?

Soudain, Hermione entendit la porte de la salle de bains s'ouvrir. Elle fronça les sourcils ; c'était l'heure du souper dans la Grande Salle, qui pourrait-ce bien être ? Avant qu'elle ne puisse dire un mot, l'odeur la frappa de plein fouet. Une odeur de déchets, d'égouts, et de quelque chose d'encore plus dégoûtant ajouté par-dessus. Elle ouvrit la porte de la cabine dans laquelle elle s'était réfugiée, et tomba face à face avec des genoux gris et fripés. Surmontés d'une serviette sale, d'un ventre rebondi, d'un torse velu et d'une petite tête moche et ronde. Au bout des longs bras de la créature pendant une énorme massue.

De derrière le troll vint le bruit reconnaissable entre tous d'une porte qu'on barre.

Hermione hurla.

Le troll lui répondit en soulevant sa massue au-dessus de sa tête. Se disant que finalement ses problèmes ne dureraient plus bien longtemps, la jeune fille se jeta sous les éviers, évitant de peu d'être écrasée.

Pendant que la créature la cherchait de ses petits yeux stupides, la porte de la salle de bain s'ouvrit à toute volée. « Un professeur, pitié, faites que ce soit un professeur ! » pensa Hermione désespérément. Mais ce furent deux garçons de onze ans qui se précipitèrent dans la pièce. Elle reconnut Harry et Ron, et son cœur fit un bond. Elle qui croyait qu'ils n'auraient même pas remarqué qu'elle n'était pas au souper, voilà qu'ils venaient lui sauver la vie !

Ron cria quelque chose et le troll se tourna pour avancer d'un pas lourd vers Harry.

Enfin, essayer de lui sauver la vie.

Malgré la situation plutôt désastreuse, Hermione ne put s'empêcher de sourire. Jamais de sa vie n'avait-elle été jugée assez importante par ses congénères pour quoi que ce soit, et maintenant elle avait deux camarades prêts à se mettre en danger pour elle. Peut-être n'était-ce pas encore le moment d'abandonner tout espoir, après tout.

Harry sauta sur le dos du troll et lui enfonça sa baguette dans le nez. Reculant en hurlant, la créature faillit marcher sur Ron.

Le sourire d'Hermione disparut. Bon, premièrement, il fallait sortir d'ici en un morceau. Elle penserait au reste plus tard.