C'était le premier matin d'Hermione dans son nouveau poste. Elle s'assit dans le fauteuil confortable, celui qui avait été ensorcelé pour s'adapter à son occupant, et observa son bureau. Des murs en brique, dont l'un était occupé par une immense cheminée ; deux grandes fenêtres ornées de jolis rideaux dorés qu'avait installés son assistante ; et un lourd bureau, encore vierge, libre du désordre et des montagnes de dossiers qui l'occuperaient sans doute bientôt.
Libre de toute personnalité, aussi. Hermione tira de son sac deux photos encadrées, qu'elle posa sur un coin, où elle les verrait tous les jours.
La première montrait sa famille, sur le quai neuf et trois-quarts, le jour de la troisième rentrée de Hugo et de la cinquième de Rose. Elle sourit tendrement en regardant Ron ébouriffer les cheveux de leur fils en riant. Avoir des enfants adolescents, voilà qui ne les rajeunissait pas du tout !
La seconde était une photo toute récente, prise à peine un mois auparavant. Elle montrait Hermione encadrée de Ron et Harry, tous trois vêtus de noir, des sourires tristes sur le visage. Elle avait été prise à l'enterrement de Kingsley Shacklebolt. Dennis Crivey, photographe de la Gazette du sorcier, lui en avait donné une copie avant qu'elle ne soit imprimée dans l'édition du lendemain, au-dessus de la légende « Les sauveurs du monde sorcier – et celle qui aidera à donner forme à son futur ? »
Ron avait trouvé étrange le désir de sa femme d'afficher cette photo dans son bureau, là où elle l'aurait tout le temps sous les yeux. Elle lui rappellerait de mauvais souvenirs, disait-il. Mais Hermione y tenait, parce que, même si elle illustrait le décès de son mentor, elle servait aussi à lui rappeler ce qu'elle faisait là, sur ce fauteuil confortable.
Tout s'était passé si rapidement. Quand elle avait accepté le poste au département de la justice, c'était avec l'optique d'y rester plusieurs années, une décennie peut-être, avant que Kingsley prenne sa retraite et la recommande pour le remplacer, si tel était toujours son désir. Il serait toujours là, dans l'ombre, prêt à aider et à conseiller Hermione si elle en avait besoin.
Rien n'avait suivi ces plans. Tout juste après le troisième anniversaire d'Hermione dans son nouveau département, le décès soudain du ministre de la Magie avait été annoncé, plongeant le ministère – et le monde sorcier – dans le choc. Puis, tout avait déboulé : les supérieurs d'Hermione, conscients des désirs de leur ancien patron, l'avaient sélectionnée pour le poste, et le premier vote de confiance du gouvernement l'avait élue, à quatorze voix contre cinq.
Alors la voilà qui se retrouvait dans la position pour laquelle elle aurait aimé pouvoir se préparer un peu plus. Elle avait certes le soutien de sa famille, de ses amis et de tous les contacts qu'elle avait fait pendant sa carrière, mais sans Kingsley à ses côtés, elle ressentait quand même un vide.
Enfin. Comme lui répétait Ron chaque fois que quelque chose la faisait paniquer, « tu as déjà sauté sur le dos d'un dragon sans lui demander son avis ; ça, à côté, c'est rien ! »
Alors Hermione reposa le cadre et détourna le regard, tirant à elle le seul dossier posé sur le bureau, le seul que le ministère n'avait pas pu fermer en l'absence d'un ministre de la Magie en bonne et due forme.
Elle en était à la moitié de sa lecture – une histoire d'augmentations de salaire qui poireautait depuis des années au point de demander son attention – quand une série de coups polis se fit entendre à la porte. Une jeune femme entrouvrit la porte et glissa sa tête par l'embrasure.
— Oui, Em ? demanda Hermione à son assistante, qui travaillait avec elle depuis huit ans déjà.
— Il est presque dix heures.
Hermione plaça une plume dans le dossier et le referma avant de se lever, passant ses mains sur son costume pour le lisser en avançant vers la porte. Quand elle passa devant son assistante, celle-ci dit avec un grand sourire :
— Prête pour ta première journée, Madame la Ministre ?
Hermione lui répondit par un clin d'œil.
— Parfaitement.
