Chapitre 4

Matériel scolaire

En sortant du bureau du directeur, Hector se rend à la cantine pour y déjeuner. Le réfectoire est situé au centre de l'école. Les huit tours forment un octogone. Dans cet octogone se trouve une cour. Au milieu de la cour, un dôme vitré. Et sous ce dôme, il y a la cantine. C'est la plus grande salle de l'école, la seule pièce pouvant contenir tous les élèves et même le personnel de l'école en plus. Ce jour-là, comme les jours ordinaires, les tables sont disposées par tablées de huit réparties dans toute la pièce, sauf sur une estrade le long du bord nord où se trouve une grande table, réservée aux professeurs. Aujourd'hui, la pièce est presque vide, seule une vingtaine de personnes sont présentes, des élèves de 11 à 20 ans. Hector ne comprend pas trop comment fonctionne cette cantine, mais il décide de s'asseoir à une table vide, avec l'idée d'espionner ses voisins pour voir comment ils se procurent de la nourriture. À peine s'est-il assit qu'une assiette remplie de salade, une fourchette, un couteau, du pain, un verre et un broc d'eau plein apparaissent sur la table, devant lui. Hector glisse un morceau de pain dans sa poche pour Tatouille et commence à manger.

Quand il a fini sa première bouchée, il se dit : "J'aurais du poser plus de questions sur cette école."

Quand il a fini sa deuxième bouchée, il se dit : "J'aurais du poser plus de questions sur la magie."

Quand il a fini sa troisième bouchée, il se dit : "J'aurais du poser plus de questions sur mes parents."

Et c'est cette idée qui l'obsède pendant qu'il finit son assiette : il va bientôt vivre dans cette école, et découvrir tout ce qu'il voudra savoir sur elle. Il va suivre des cours ici et des professeurs parleront de magie toute la journée jusqu'à l'assom- mer d'ennui avec toute sorte de détails inutiles. Mais quand aura-t-il de nouveau l'occasion de poser des questions sur ses parents? Les Potiers ne lui ont pour ainsi dire jamais parlé d'eux, ils ne sait rien sur eux. Et Hector aimerait tant savoir qui ils étaient, à quoi ils ressemblaient, comment ils sont morts ...

Soudain, ses pensées sont interrompues par une voix derrière lui.

Damastor : "On peut se mettre là?" Hector : "Euh, oui."

Trois personnes s'installent à sa table, deux garçons d'une quinzaine d'année et une fille de l'âge de Hector. Leurs assiettes et leurs couverts apparaissent devant eux.

Damastor : "Je m'appelle Damastor, ma sœur Euryclée rentre en 4ème. Je suppose que toi aussi?"

Hector : "Euh, oui. "

Dolios : "Et moi, c'est Dolios"

Dolios et Damastor sont évidement jumeaux. Ils ont tous les deux la peau de la même couleur café au lait, les cheveux crépus et les yeux noirs. Ils font la même taille. La seule différence entre eux semble être les motifs brodés sur leurs chapeaux. Damastor a un dessin représentant une poignée de main, et Dolios arbore une étoile à 7 branches. Ceci mis à part, ils sont vêtus de la même façon, robe noire et chapeaux pointus. Euryclée porte également une robe noire, mais elle n'a pas de chapeau.

Damastor prend sa fourchette, et la fait tournoyer autour de ses doigts dans un mouvement adroit, fluide et gracieux.

Damastor : "Je vous souhaite un agréable repas. Tu viens d'une famille moldue?" Hector : "Euh, oui."

Damastor : "C'est tes vêtements, on voit tout de suite que ce sont des vêtements moldus. Tu devrais te changer. Tu n'as pas de robe?"

Hector : "Euh, oui."

Dolios : "Ça ne marche pas, il fallait répondre soit "non" soit "si". On t'intimide tant que ça? J'imagine que c'est stressant d'arriver à Sortnettes, surtout si tu viens d'une famille moldue, mais ne t'inquiète pas, on ne va pas te manger."

Damastor : "Bah, il n'a pas l'air tellement plus intimidé qu'Euryclée, elle n'a pas dit un mot depuis tout à l'heure. Tu devrais apprécier, d'habitude c'est une vraie jaspinelle, elle parle tout le temps, tu n'auras sans doute plus l'occasion de la voir aussi silencieuse. Vous allez être dans la même classe, j'imagine que ça doit être insupportable d'avoir une affreuse bavarde à ses côtés toute la journée ... "

Euryclée : "Ta gueule Damastor, je suis même pas bavarde, d'abord."

Dolios : "Bah, bravo, tu lui as rendu la parole, on ne va plus pouvoir en placer une, maintenant. Agréable repas."

Euryclée jette un regard noir à Dolios, qui fait tournoyer sa fourchette et com- mence à manger sans lui prêter la moindre attention.

Hector : "Vous êtes frères et sœurs? "

Dolios : "Oui. Damastor et moi, on rentre en 5ème. Et Euryclée rentre en 4ème, comme toi. On est internes tous les trois, on vient de Martinique. Et toi?"

Hector : "Je suis interne aussi. Je m'appelle Hector." Damastor : "Tu joues au pasd'ball?"

Hector : "Le pasd'ball? C'est quoi?"

Euryclée : "Quoi? Tu ne connais pas le pasd'ball? Mais comment c'est possible, c'est le meilleur jeu du monde!"

Dolios : "Ils ne jouent pas au pasd'ball chez les moldus, ils n'ont même pas de baguettes magiques. Il n'en a sûrement jamais entendu parler, il ne doit même pas connaître les règles."

Euryclée se lance alors dans une longue explication assez embrouillée des règles du pasd'ball, des exploits des plus grands joueurs et des matchs légendaires qui ont ponctué l'histoire. Hector coupe ses explications de nombreuses questions. En parlant de son sujet préféré, Euryclée semble de meilleure humeur, plus à l'aise qu'au début du repas. Hector, lui, se sent toujours aussi perdu, et malgré ses ques- tions il a du mal à se faire une idée de ce qu'est ce jeu, mais il se sent moins seul.

À la fin du repas, une femme vêtue d'une robe noire (et portant un chapeau pointu noir) monte sur l'estrade et demande le silence.

Mme Rapiam : "Bonjour à tous et bienvenue aux élèves de première année. La plupart de vos camarades arriveront demain, mais en les attendant, je vais vous installer dans des chambres de l'internat et vous donner votre matériel. Pour cette nuit, exceptionnellement, vous aurez une chambre chacun. Veuillez me suivre."

Hector, Euryclée et un autre garçon se lèvent pour la suivre et elle les emmène au 5ème étage de la tour Ouest.

Mme Rapiam : "Nous sommes dans l'aile réservée aux filles. Hector, Hermès, vous ne reviendrez plus dans cette aile à l'avenir, mais pour aujourd'hui on a pré- féré laisser les 4ème ensembles. Vous n'êtes que trois, et votre première nuit à Sortnettes sera déjà assez intimidante sans qu'on vous sépare. Deux autres élèves de 4ème seront internes, mais elles ne sont pas là ce soir. Vos bagages seront livrés dans une heure. Pour demain, les garçons, vous emballerez vos affaires avant le petit-déjeuner et elles seront livrées dans votre nouveau dortoir avant l'heure du coucher. Euryclée, vous déménagerez vos affaires vous-même. N'oubliez pas que le dîner est servi à 16 toquantes ce soir, et le petit déjeuner à 6 toquantes demain matin."

Elle leur montre trois chambres mitoyennes, et leur laisse à chacun un gros sac : le matériel que l'école fournit à chaque nouvel élève.

Mme Rapiam : "Le matériel est offert par l'école, vous pourrez tout garder, à l'ex- ception des livres, qui sont prêtés par la bibliothèque et vous devrez les rendre à la fin de l'année. Ils ont été imperméabilisés et traités contre le bouillage, les déchirures, et les griffonnages. Et ils sont équipés d'un sort d'alarme : si un élève s'approche d'un livre de la bibliothèque avec des intentions malveillantes, les bi- bliothécaires sont immédiatement prévenus. Sur les 472 élèves qui ont été exclus de Sorteria Nectam depuis sa création, 428 l'ont été pour tentative de dégradation de livres de la bibliothèque, donc je vous conseille d'être extrêmement soigneux avec vos manuels scolaires."

Après le départ de Mme Rapiam, les trois nouveaux se regroupent dans la chambre d'Euryclée et ouvrent son paquet pour voir ce qu'ils ont reçu.

Euryclée : "Des plumes, de l'encre, des cahiers, des feuilles, des livres ... bah, c'est que du matériel scolaire, en fait."

Hermès : "Non, regarde, il y a des robes. Tu devrais en mettre une, Hector, tu as l'air bizarre avec tes vêtements moldus."

Euryclée : " Oh! un pyjama! C'est assez ... original, un pyjama noir comme ça. Le tissu est un peu étrange, c'est sûrement du synthétique. Je crois pas que je mettrai le mien."

Hermès : "Et des gants. Ils sont supers épais, mais ils n'ont pas l'air très chauds." Euryclée : "C'est des gants de protection pour les cours de potion et de botanique. J'imagine qu'il y a des lunettes avec ..."

Hector : "Oui, là! On ne risque pas d'avoir l'air ridicule si on doit porter ces gants et ces lunettes en cours?"

Euryclée : "C'est pas tout le temps, juste quand on manipule des trucs dangereux." Hermès : "Du savon, une brosse à dents, un peigne ... Ils croient qu'on a oublié nos valises ou quoi? "

Euryclée : "Ça arrive que des élèves arrivent sans rien. La direction de l'école en- voie un chaméléon pour aller chercher les élèves qui ne connaissent pas le chemin, et parfois ils n'emportent pas grand chose. Mais bon, il faudrait être un peu bête pour suivre le chaméléon et ne même pas prendre une brosse à dents."

Hermès : "Regarde, là! Il y a une baguette magique! Je vais chercher la mienne, papa m'a jamais laissé essayer de jeter des sorts!"

Cinq minutes après, Hector, Euryclée et Hermès tentent de mettre en œuvre les instructions du manuel "Sortilèges basiques pour mages débutants". Hector est heureux de constater que bien qu'il vienne d'une famille moldue et qu'il n'a ja- mais entendu parler de magie avant aujourd'hui, il n'est pas plus mauvais que ses deux camarades. Même si aucun des trois ne parvient réellement à lancer de sort avant le dîner, Hector et Euryclée font plusieurs fois jaillir des étincelles du bout de leurs baguettes.

Ce soir là, en écoutant les ronflements de Tatouille, Hector se demande s'il est vraiment en train de s'endormir dans un lit avec un vrai matelas, de beaux draps blancs et un oreiller moelleux dans une chambre dénuée de toute trace de pous- sière et d'humidité, ou si tout cela n'est qu'un rêve.