Chapitre 18 - La librairie Scribam

Une fois franchie l'écorce de l'arbre, Hector débouche sur une estrade semi-circulaire en bois, surplombant le rez-de-chaussée de la librairie Scribam. Devant lui, une rampe avec de fines colonnes marquetées longe le bord de l'estrade, jusqu'aux escaliers menant au rez-de-chaussée, de chaque côté d'Hector. Le long des murs, faisant le tour de la pièce, se trouvent des étagères en bois sur lesquelles sont posés des dizaines de milliers de livres, les uns à côtés des autres, bien rangés sur la tranche pour occuper le minimum de place. Aucun bout d'étagère vide ne parait nul part.

Au milieu de tous ces livres, la pièce ronde a un air tout à la fois chaleureux et solennel. Le parquet du sol est du même bois que les étagères des livres, et que la caisse située vers l'avant de la pièce. Derrière la caisse se trouvent deux tables sur lesquelles des livres sont présentés avec leurs couvertures bien visibles.

Au fond, un mage en lévitation portant un livre observe les volumes devant lui. Au bout de quelques secondes, il range le livre qu'il portait sur une étagère située à au moins trois mètres de hauteur. Puis il agite sa baguette, et un des livres posés à côté de la caisse s'envole et vient doucement vers lui.

Quand Hector se retourne, il remarque que l'entrée par laquelle il est arrivée est un tunnel. Autour de ce tunnel, deux escaliers s'entrecroisent en montant vers le premier étage de la librairie Scribam.

Acamas et Hector descendent au rez-de-chaussée, et se dirigent vers l'homme occupé à ranger les livres.

Acamas : "Les livres sont en papiers, fait à partir d'arbres, donc d'après le pre- mier principe fondamental de la magie, il est impossible de créer ou modifier magiquement des livres. Mais M. Scribam a un talent familial qui lui permet de faire exception à cette règle. Son pouvoir lui permet, entre autres, de dupliquer les livres. C'est pourquoi les tarifs sont aussi bas dans cette librairie : les clients choisissent des livres, puis M. Scribam les duplique et en vend un. Tous les livres de cet étage coûtent 50 points l'un, 200 points les 5."

Quand ils arrivent près de l'homme qui range les livres, Acamas lui demande le manuel "Histoire des mages de France - 4ème", mais également "Mathématiques - 4ème", "Manuel théorique de botanique pour débutants" et "Recueil de poèmes pour aborder la poétmancie".

M. Scribam : "Je vois ... Vous êtes en 4ème à Sortnettes? Le bizutage n'est pas trop dur? Vous êtes de quelle famille?"

Hector : "Stratèges."

M. Scribam : "Alors vous voudrez peut-être un livre de pasd'ball? Je suppose que vous avez déjà le "Manuel officiel des 1528 règles du pasd'ball français"? Si vous l'avez fait bouillir, il peut être bien d'en reprendre un exemplaire, beaucoup de gens travaillent mieux quand ils ont une version papier sous les yeux, ça peut être très utile pour élaborer des stratégies. Je peux aussi vous conseiller un livre de tactique écrit par l'entraîneur du Magic Avalon Club ..."

Hector : "Euh, non, je n'ai aucun livre de pasd'ball, mais, ça ira, je ne vais pas en prendre. Euh ..."

M. Scribam : "Vraiment? C'est dommage, vous avez besoin de 4 manuels sco- laires, et ici, c'est 50 points le livre, 200 points les 5, donc si vous prenez un livre de pasd'ball en plus, il sera gratuit."

Acamas : "On va vous prendre le "Manuel officiel des 1528 règles du pasd'ball français". Ne vous inquiétez pas, monsieur Hector, vous n'aurez qu'à me rem- bourser quand vous pourrez."

En disant cela, Acamas tire une fermeture éclair à l'intérieur de sa manche gauche, ouvrant une petite poche dans laquelle se trouve une ficelle. En tirant sur la ficelle, il sort un gros sac, dans lequel se trouve une quantité invraisemblable de bric-a-brac. Il en sort une copie transparente et vaporeuse d'un livre, sur lequel est inscrit "237 points".

Acamas : "Je n'ai pas de monnaie. On peut utiliser l'atelier de bouillissage pour compenser?"

M. Scribam : "Bien sûr, c'est gratuit pour les clients. Je vais vous faire un bon d'achat."

Une feuille à en-tête "Librairie Scribam" appairait dans les mains d'Acamas. Les inscriptions "bon d'achat : 37 points" apparaissent sur la feuille. Acamas emmène Hector vers le premier étage.

Acamas : "Ce système de monnaie n'est pas toujours très pratique, surtout pour les petites sommes. Je n'avais pas d'œuvre d'une valeur de 200 points, donc il aurait fallu que M. Scribam me rende des œuvres pour une valeur de 37 points. Mais ça n'existe pas, les œuvres qui valent moins de 50 points ne sont pas suffisamment artistiques pour être prises en compte par le système qui gère les points. Après, en général, on se s'embête pas trop pour des sommes aussi petites."

Dans les minutes qui suivent, Hector est tellement occupé à remercier Acamas pour les livres, qu'il ne prête aucune attention à son environnement. Ils montent jusqu'au 4ème étage. L'escalier y donne sur un couloir, avec une porte de chaque côté. Acamas prend la porte de gauche, et entre dans une petite pièce au milieu de laquelle se trouve un grand chaudron. Sur les murs, des étagères vides, et quelques ustensiles suspendus les uns à côtés des autres. Trois fauteuils à côté du chaudron. La pièce est assez petite, et d'aspect confortable, mais les étagères sans livres donnent une impression de vide à cet endroit qui parait assez impersonnel à Hector.

Acamas : "Bon, il vaut mieux bouillir les livres un par un, si vous buvez trop de livres à la fois, les connaissances risquent de se mélanger. On ne va faire que le manuel d'histoire."

Hector a déjà vu certains de ses camarades de première année faire bouillir des livres avec leurs parrains : c'est un processus long et compliqué. Il lui semble complètement incroyable qu'Acamas soit prêt à l'aider à ce point là. C'est vrai- ment une chance inespérée. D'autant plus que Hector se rend rapidement compte que Acamas est bien plus efficace que les élèves de seconde pour faire bouillir des livres. Il allume un feu magique sous le chaudron du premier coup, en un simple mouvement de baguette, puis d'un mot, il fait apparaître de l'eau bouillante dans le chaudron. Il sort quelques ingrédients de son sac, et les ajoute au mélange, prend une louche sur le mur, et touille pour homogénéiser le tout. Puis il plonge le manuel d'histoire dans le chaudron, et lance un sort sur la louche, qui se met à touiller toute seule. Acamas s'assied dans un fauteuil, en face d'Hector.

Acamas : "Plus qu'à attendre. Hum ... Pardonnez moi si je me montre indiscret, mais ... Vous avez un rat de compagnie?"

Hector : "Oui, je l'appelle Tatouille. Je l'ai trouvé dans les égouts, il y a quelques temps, et il m'aime bien, alors on reste ensemble. Pas tout le temps, bien sûr, il va souvent se promener. Il s'entend plutôt bien avec les rats de Sortnettes."

Acamas : "Il n'y a pas de rats à Sortnettes."

Hector : "Bah, si, il y a Tatouille, déjà, dans mon dortoir. Ensuite, il y a une colonie de rats dans les égouts, et au moins deux dans le MEM. Il y en a peut-être d'autres."

Acamas : "Alors vous parlez vraiment aux rats? Euh ... Je ne voulais pas insinuer que ..."

Hector : "S'il vous plaît, est-ce que ..."

Acamas : "Vous préféreriez que vos camarades ne l'apprennent pas?"

Hector : "Oui, voilà. Les profs non plus."

Acamas regarde Hector, d'un air extrêmement sérieux. Il sort sa baguette et la pointe vers son cœur.

Acamas : "Je vous promet que je ne parlerai ni de votre identité, ni de vos pouvoirs à quiconque sans votre permission. Sur ma vie."

Un fil brillant sort de la baguette d'Acamas et entre dans sa poitrine. Hector voit une lumière luire à travers la robe d'Acamas et remonter jusqu'à sa bouche, puis un fil lui sort de la bouche rejoint celui qui entre dans la poitrine d'Acamas, formant un nœud. Le fil brille encore un instant, puis disparaît. Hector reste stupéfié.

Acamas : "Je pense cependant que vous avez tort de ne pas en parler à vos amis, et à vos professeurs. Ils pourraient vous aider. Et ils seraient certainement heureux de savoir. Il finiront bien par l'apprendre, ne croyez-vous pas qu'ils seront déçus que vous leur ayez caché qui vous êtes?"