Chapitre 24 - Lévitation
Le soir, de retour dans la tour Ouest, Hector fait face aux questions de ses camarades, et il leur explique tout. Euryclée est outrée.
Euryclée : "Tu nous a menti! On croyait que t'étais un sans-pouvoir d'une famille quelconque, et en fait, tu es un Loquarexibo!"
Calypso : "En même temps ... Vu sa situation, c'est pas très étonnant qu'il ai menti. Tu imagines? Quand il est arrivé, il ne savait même pas qu'il était un Loquarexibo! Et quand il l'a découvert, ben ... Le BHEPM a refusé de lui donner son héritage, et le bureau d'état civil a refusé de lui reconnaître son nom. Il est l'héritier de la famille la plus riche de France, et il ne possède que 53 points. Il fait partie de la famille la plus célèbre du monde, et il est inscrit à l'école sous un autre nom. Va expliquer ça sans te lancer dans des explications interminables à chaque fois."
Euryclée : "Bon, je comprend qu'il préfère rester discret, en fait. Mais, nous, quand même, on est tes amis!"
Hector : "En vrai, si j'ai rien dit, c'est surtout parce que ... tout le monde déteste les Loquarexibo. Vous allez me détester, maintenant?"
Léto : "Bien sûr que non! On est tes amis!"
Hermès : "Ce n'est pas vrai que tout le monde déteste les Loquarexibo. Ma mère était très amie avec Thétis Loquarexibo, et son mari. Je ne sais plus comment il s'appelait. Ils ont été tués tous les deux par Glaucos Loquarexibo il y a 10 ans, mais c'était des gens très bien, il parait."
Hector : "C'est vrai? Mes parents ont été tués par Glaucos Loquarexibo?" Hermès : "Oui. Je connais pas trop les détails. Mon père doit en savoir plus, mais ... c'était quand ma mère est morte ... Ça l'a rendu un peu fou, il ne vaut mieux pas trop lui poser de questions à ce sujet. Je sais quand même que tes parents ont été tués par Glaucos Loquarexibo, un peu avant la mort de ma mère."
L'air semble soudain s'alourdir, et après un instant de silence, Léto décide de changer de sujet.
Léto : "Sinon, Calypso, tu as découvert quelque chose en interrogeant les profs?"
Calypso : "Pas grand chose. Le Sceptre Noir est vraiment à Sortnettes. Et il n'est pas dans la tour Est."
Léto : "Donc, tour Sud-Est ou couloir entre les deux?"
Calypso : "Je ne pense pas que ce soit le couloir entre les deux, et la tour Sud- Est ... Franchement, quand M. Marseille l'a dit, j'ai eu l'impression que c'était vraiment loin de la tour Est, genre à l'autre bout de l'école. Mais c'est peut-être qu'une impression, peut-être que c'est dans la tour Sud-Est."
Marie : "Dans tous les cas, c'est mieux qu'on n'en sache pas trop à ce sujet, moins il y a de personnes au courant, moins il y a de risques que Moldumask trouve le Sceptre Noir."
Léto : "Ouais, pas faux."
Léto sort de sa poche un petit ourson en peluche, avec une fermeture éclair dans le dos. Elle commence à l'ouvrir, et à mesure qu'elle tire sur la navette, l'ourson s'agrandit, et la fermeture éclair s'allonge. Quand elle parvient enfin au bout, la peluche est plus grande que le cartable d'Hector.
Euryclée : "Les 4èmes n'ont pas le droit d'utiliser de sac extensibles pendant le bizutage. On est censés se traîner nos cartables avec tous les bouquins dedans, pendant que les grands se baladent les mains dans les poches."
Léto : "Oui, bah, je me traîne mon gros cartable avec tous les livres de cours toute la journée. Mais là, on est en dehors des heures de cours, et j'ai besoin d'un truc."
Elle fouille dans la patte avant droite de la peluche, et en sort une carte de Sortnettes.
Léto : "Bon, la tour Est est là, et évidement, l'endroit le plus loin de la tour Est, c'est la tour Ouest, où on est actuellement."
Euryclée : "Franchement, ça m'étonnerait. Avec le pouvoir Audiam, je l'entendrais s'il se passait des trucs bizarres dans la tour Ouest."
Léto : "Sur le plan, ils mettent les murs qui sont isolés phoniquement. Apparemment, on ne peut pas entendre ce qu'il se passe dans les dortoirs quand on est à l'extérieur, ni au foyer, ni dans les salles de travail. Et la "salle polyvalente" est aussi isolée phoniquement."
Euryclée : "Oui, je sais qu'il y a des endroits isolés phoniquement, mais on entend tout ce qu'il se passe dans les couloirs, alors je le saurais si des profs venaient souvent dans la tour."
Marie : "C'est la tour des élèves, le seul endroit de l'école où les adultes ne viennent quasiment jamais ... Le Sceptre Noir n'est sûrement pas ici."
Calypso : "Tant que tu regardes le plan de la tour Ouest, il n'y aurait pas un endroit où on pourrait s'installer pour faire la potion Périclès discrètement? Je crois qu'on a tous les ingrédients, maintenant."
Marie : "Non, il nous manque la poudre de cornachine et le cantaloup."
Léto : "C'est des ingrédients ordinaires, ça. Il y en a en accès libre dans le laboratoire de potions. On peut aller en chercher tout de suite, si tu veux."
Marie : "À cette heure, le laboratoire de potions est fermé. Et puis, tu crois qu'on peut se servir dans les ingrédients du laboratoire de potions comme ça? C'est pas réservé aux exercices faits en classe?"
Léto : "T'inquiètes, j'ai la clé du labo, on peut y aller. Mais il y a des grosses étiquettes rouges sur la bouteille de cornachine, on ferait peut-être mieux de lire les consignes de sécurité sur l'utilisation de cette poudre avant."
Marie : "Oui, c'est une poudre assez dangereuse, toutes les précautions à prendre sont expliquées dans le "Traité des ingrédients alchimiques les plus communs". Déjà, il faut mettre nos lunettes, et puis ..."
Une toquante plus tard, les internes se réunissent dans un dortoir de filles vide pour commencer à préparer la potion Périclès. Sauf Hector et Hermès, qui n'ont pas le droit de monter du côté des chambres des filles. Hector en profite pour présenter Tatouille à Hermès.
Hector : "C'est bizarre qu'elles aient trouvé un dortoir vide ouvert du côté des filles. Côté garçon, les dortoirs vides sont toujours fermés."
Hermès : "Il était fermé, mais Léto a la clef. Elles vont refermer en partant, ça sera plus pratique. J'espère que tout va bien."
Hector : "Pas moyen d'aller voir, de toutes façons."
Tatouille : "De quoi vous parlez? C'est pas très poli, ça, on jouait ensemble, et d'un coup vous vous mettez à parler en humain entre vous ..."
Hector : "On parlait de nos amies qui font une potion dans un dortoir du côté de l'internat des filles. On se demande si tout va bien."
Hermès : "On pourrait leur téléphoner. C'est un dortoir, il a le téléphone."
Hector : "Mais si le téléphone sonne, ça risque de les faire sursauter à une étape délicate ... Apparemment, c'est une potion très compliquée, il vaut mieux ne pas les déconcentrer."
Tatouille : "Je peux aller voir, si vous voulez."
Hector : "Mais comment tu nous raconteras? Si tu fais des allers-retour tout le temps, tu ne verras rien, et si tu restes là-bas jusqu'à la fin de la soirée ..."
Hermès : "J'ai une paire bouche-oreille, on peut lui passer l'oreille, et on garde la bouche."
Hector : "Une paire bouche-oreille?"
Hermès : "C'est un artefact qui marche par paire : tout ce que l'oreille entend, la bouche le répète. Si on donne l'oreille à Tatouille, on pourra entendre tout ce qui passera près de l'oreille."
Hector : "Un peu comme l'oreille connectée de Léto?"
Hermès : "Oui, c'est le même principe, mais ça n'utilise pas le réseau magique." L'oreille est assez petite, mais Tatouille n'est pas très grand non plus.
Tatouille : "Je ne peux pas porter ça! C'est beaucoup trop encombrant, mes pattes sont trop petites. Je peux la pousser, à la limite ... Mais je ne pourrais jamais aller jusqu'aux dortoirs des filles en poussant ce machin."
Hector : "On pourrait essayer de l'attacher sur toi, tu veux bien?"
Mais c'est plus difficile que prévu. Les poils lisses de Tatouille sont assez glissants, et l'oreille ne tient pas en place. Hector et Hermès décident de construire un harnais en utilisant de la ficelle, et cette tâche les absorbe jusqu'au couvre-feu.
Le vendredi suivant, en cours de sortilèges, les élèves apprennent le sort de lévitation. Le matin, de 9 à 10 toquantes, M. Marseille leur réexplique interminablement tous les dangers du sortilège de lévitation, et toutes les mesures de sécurité à prendre avant de l'utiliser. Comment annuler le sortilège s'il tourne mal, comment contrôler la vitesse d'ascension et de descension des objets, et surtout, surtout ...
Hector chuchote : "Ne pas l'utiliser en extérieur, c'est bon, on a compris, c'est quand qu'on passe à la pratique?"
Le déjeuner se passe dans une ambiance fiévreuse. Si les 4èmes n'étaient pas obligés de laisser passer tous les grands, ils auraient été les premiers à avoir fini leur repas. Dès qu'ils le peuvent, ils engloutissent le déjeuner, et se précipitent vers la salle de travaux pratiques de sortilèges. Quand M. Marseille arrive, les élèves sont rangés par groupes de TP devant la porte, parfaitement silencieux, et complètement surexcités.
M. Marseille ouvre la porte avec une lenteur exaspérante, puis il les fait entrer, et il leur donne enfin la permission de commencer les travaux pratiques. Marie, Hector Hermès et Calypso sont encore une fois dans le même groupe. Marie se lance en premier : elle place une feuille de papier sur la table devant elle, la pointe de sa baguette, et lance son sort d'un ton assuré.
Marie : " ΜετεωριζοÈο "
La feuille s'élève de quelques centimètres au-dessus de la table, et Marie fait tourner sa baguette pour la diriger. Elle fait d'abord monter la feuille jusqu'à une hauteur de 50 centimètres, puis elle la fait redescendre de 20 centimètres, puis ... la baguette glisse et lui échappe des mains. La feuille retombe en planant, et s'arrête sur la table.
Marie : "Arf, quelle maladroite! J'y étais presque!"
Calypso : "À mon tour! Meteorizoïo!"
Rien ne se passe, la feuille reste sur la table, sans bouger. Hector et Hermès essaient ensuite, sans plus de réussite. Après une toquante d'entraînement, Hector parvient à faire s'élever la feuille de 3 cm, Calypso arrive à soulever un côté de la feuille, mais pas l'autre, et Hermès arrive à la faire trembler.
M. Marseille : "C'est un sort difficile, essayez de vous entraîner chez vous ce week-end, mais dans tous les cas on reprendra ça la prochaine fois."
Le lundi suivant, M. Marseille leur donne des exercices plus compliqués : faire monter la feuille d'une hauteur précise, puis la faire redescendre et remonter en séries rapides. Faire tomber une feuille de la table, et lancer le sort pour la faire léviter avant qu'elle ne touche le sol. Faire léviter la feuille en ciblant spécifiquement le milieu, pendant que les bords pendent mollement sur les côtés. Faire léviter toute la feuille, bien à plat.
Hector : "C'est dommage qu'on ne puisse pas la déplacer quand elle est en l'air. Je veux dire ... on peut la faire aller vers le haut ou le bas, mais ce serait mieux si on pouvait aussi la déplacer horizontalement."
Marie : "C'est un sort de lévitation, pas un sort de vol. Mais je me demande ...
ΜετεωριζοÈο ! ΜετεωριζοÈο !"
Marie lance le sort de lévitation sur le bord gauche de la feuille, et le bord droit tombe sous le bord gauche. Elle lance alors le sort uniquement sur le bord droit ... qui s'élève verticalement pour prendre la place du bord gauche.
Marie : "Non, ça ne marche pas ... "
Calypso : "Ça irait peut-être mieux avec un objet plus lourd. Quand le côté droit tombe, il faudrait qu'il soit entraîné par son poids par pendulation jusqu'à plus loin que le bord gauche. Mais cette feuille est trop légère."
À ce moment, un grand bruit retentit, et les élèves se retournent vers le groupe de Léto et Euryclée.
M. Marseille : "Mlle Cambiabo! Qu'est-ce que vous faites? Je n'ai pas demandé de faire léviter les tables!"
Léto : "Je suis désolée, monsieur, je visais la feuille, mais comme la table était juste à côté ... Je suis désolée ..."
M. Marseille : "Vous me ferez toquante de retenue mercredi après-midi! Je suis très déçu, mademoiselle, les Chérubins sont des agitateurs, mais je croyais qu'ils s'interdisaient de perturber les travaux pratiques. C'est dangereux, et si cela se ré- pétait, nous ne pourrions plus faire de travaux pratiques, ce qui nuirait fortement à la qualité de l'enseignement dans cette école. Ne croyez-vous pas que vos cama- rades méritent de recevoir une instruction de qualité?
Léto baisse le nez, les joues empourprées, et les larmes aux yeux.
Calypso, chuchote : "La pauvre ... On dirait que Léto est incapable de se justifier quand elle est vraiment innocente."
Hector chuchote : "Elle n'a pas fait exprès?"
Calypso, chuchote, mais plus fort pour que M. Marseille l'entende quand même : "Non, elle n'a pas fait exprès. Tu sais, j'ai le pouvoir Sapiam. Je sais qu'elle ne mentait pas quand elle a dit qu'elle visait la table."
M. Marseille, regarde dans la direction de Calypso, puis déclare : "Bon, assez de
bavardages, reprenez vos exercices. Et visez bien les feuilles, pas les tables!"
Le vendredi suivant, le cours de travaux pratiques de sortilèges a lieu au réfectoire. En deux coups de baguette magique, M. Marseille vide la salle de toutes ses tables, et il installe cinq tapis sur le sol, très espacés.
M. Marseille : "Chaque groupe va travailler avec un tapis. Si vous faites bien léviter les tapis horizontalement, un élève peut monter dessus et aller toucher le plafond. Faites très attention à ne pas tomber sur vos camarades. Et éviter de tomber de trop haut. Une chute de trois mètres de hauteur ne serait pas mortelle, mais vous pourriez déjà vous faire très mal. Je vais rendre le sol mou, ça diminue les risques, mais ça ne veut pas dire qu'il faut tomber. Et surtout, ne restez pas en dessous d'un tapis en lévitation!"
M. Marseille agite sa baguette, et le sol se transforme en un gigantesque matelas moelleux, dans lequel on s'enfonce jusqu'au genoux. Il est assez difficile de marcher, mais les élèves parviennent quand même à rejoindre leurs tapis. À la fin de la séance, ils parviennent à toucher le plafond en montant sur un tapis en lévitation, et à redescendre au sol sans tomber. Ce qui est d'ailleurs un peu dommage, c'est très amusant de tomber sur le sol mou.
