Chapitre 29 - TP de potions

La semaine suivante, Hector apprécie avec un bonheur particulier de pouvoir enfin tutoyer ses aînés, de ne plus avoir à leur faire la révérence, et de pouvoir faire la queue comme tout le monde sans devoir laisser passer les grands à la cantine. Il constate également très vite que son sac extensible est très pratique, et il prend l'habitude d'y laisser tout le temps toutes ses affaires de classe. Ça prend un peu de temps au début de chaque cours de fouiller parmi tout le fourbi qui s'accumule dans ce sac, mais au moins, il a toujours tous les livres et les cahiers dont il a besoin pour chaque cours sans avoir besoin d'y réfléchir à l'avance.

En réalité, cette semaine aurait été calme, tranquille, reposante et parfaitement heureuse, si elle n'avait pas été, dès le lundi matin, gâchée par le premier TP noté de potions.

Évidement, les élèves savaient qu'il y aurait un TP noté de potions ce jour là. Mais bien sûr, personne, pas même Marie et Théoclymène, n'a révisé pendant le week-end d'intégration. En arrivant au laboratoire de potions, les élèves s'installent par groupes, suivant les consignes du professeur Flagellabo. Hector se retrouve au fond, dans le même groupe que François et Marie. Il y a un autre groupe de trois, juste à côté d'eux : Fatima, Clarisse et Jean. Les autres groupes sont des groupes de quatre.

M. Flagellabo : "Vous allez préparer une potion de vision nocturne. Nous avons étudié cette potion en classe la semaine dernière, donc vous n'aurez pas besoin que je vous donne plus d'explications. Les ingrédients nécessaires sont rangés dans le placard, au fond de la salle. Vous avez une toquante."

Les notes que Marie a prises pendant le cours de potions sont remarquablement détaillées : toutes les informations concernant la potion de vision nocturne s'y trouvent, avec plein de petites astuces que le professeur Flagellabo a données en classe et qui ne se figurent pas dans le manuel. Sous la supervision de Marie, Hector et François réunissent les ingrédients nécessaires et se mettent au travail. Mais ils se rendent vite compte que la préparation de la potion risque de prendre plus d'une toquante. Marie décide alors d'appeler le professeur, et garde la main levée jusqu'à ce qu'il vienne. C'est-à-dire la moitié du cours.

M. Flagellabo : "Tu lèves la main, Marie?"

Marie : "Oui. On ne va jamais réussir à finir à temps, c'est beaucoup trop long. Il est déjà 8 toquantes 600, on n'a tamisé que la moitié des graines de nyctalopier, et à peine commencé à broyer les yeux de chouette."

M. Flagellabo : "Hé bien, dépêchez vous de travailler au lieu de perdre votre temps à poser des questions sans intérêt."

Marie : "Mais on a sûrement raté un truc! C'est impossible de finir en une toquante en s'y prenant comme ça."

M. Flagellabo : "C'est vrai que vous vous y prenez n'importe comment. François, arrête de secouer ce tamis, les graines passeront bien mieux si tu le tournes. Bon, j'ai d'autres élèves à aller voir. Ne m'appelez plus si vous n'avez pas de questions importantes."

Une fois M. Flagellabo reparti, Hector va espionner discrètement les autres groupes pour essayer de comprendre comment ils font pour avancer plus vite qu'eux. Le groupe de Fatima, Jean et Clarisse n'a pas l'air d'avancer très vite non plus. Ils en sont à peine plus avancés que le groupe de Hector. Fatima a l'air d'avoir un bon coup de main pour tamiser le sable, et Jean a une sacrée poigne pour broyer les yeux de chouette, mais dans l'ensemble, ils n'ont pas l'air d'avoir de méthode révolutionnaire. D'ailleurs, ils ne pensent pas non plus qu'ils auront fini à temps.

Dans le groupe de Léto, Artémis, Théoclymène et Déiphobe, en revanche, le travail avance beaucoup plus vite. Le tamisage est fini, Théoclymène et Déiphobe finissent de broyer les yeux de chouette, Artémis règle la température du chau- dron et touille pendant que Léto verse les graines de nyctalopier. La méthode de Théoclymène et Déiphobe pour le broyage est assez originale, mais semble redoutablement efficace : Théoclymène fait léviter un énorme marteau, Déiphobe place les yeux en dessous, puis Théoclymène fait tomber le marteau. Hector aurait bien été voir ce que font les autres groupes, mais un regard de M. Flagellabo le fait brutalement changer d'avis. En retournant à sa place, il glisse quand même un mot à Fatima à propos de la lévitation de marteau.

À la fin du temps imparti, le groupe de Hector a à peine fini de tamiser les graines de nyctalopier, et commencé à les faire infuser. La potion est très loin d'être prête. Et le professeur Flagellabo leur attribue ... 3/20. Le groupe de Fatima n'a pas fini non plus, mais comme ils sont plus avancés, ils obtiennent 5/20. Tous les autres groupes ont fini leurs potions, qui sont de qualité variable. Mais ils ont tous au moins la moyenne. Avec 3/20, Hector, Marie et François se retrouvent donc derniers de la classe ex-æquo. Sur la liste, Marie, qui avait eu une excel- lente note au contrôle précédent, se retrouve en 20ème position. François devient 21ème, et Hector ... dernier. C'est la première fois que Hector est dernier, et la première fois que Marie n'est pas dans les trois premiers.

À 9 toquantes, en cours de sortilèges, quand M. Marseille fait l'appel, Hector se sent malade. C'est vraiment horrible d'attendre pendant que les noms dé- filent lentement, un par un, avant que le prof n'arrive enfin à lui, tout en bas de la liste ... Hector l'impression que toute la classe le regarde. Il entend des murmures quand on arrive à la fin de la liste, les élèves commentent les piètres résultats de leur groupe ... Il est tellement perturbé qu'il n'écoute pas du tout la leçon. C'est pourtant un cours très intéressant qui explique les avantages comparés du sort d'éclairage par rapport à la potion de vision nocturne.

À la pause déjeuner, Marie demande à Calypso, Hermès, Troïlos et Euryclée comment leur groupe a fait pour aller aussi vite.

Calypso : "Bah, le plus long, c'était d'écraser les yeux de chouette, de touiller doucement la potion, et les moments où il faut laisser reposer. On avait de la chance, comme on était quatre, on s'est débrouillés pour paralléliser : pendant que Troïlos et Euryclée écrasaient les yeux de chouette, Hermès touillait le chaudron, et moi je versait doucement les graines de nyctalopier. M. Flagellabo nous a donné une astuce pour les yeux de chouette : on les a écrasés beaucoup plus vite grâce à ça. On a utilisé un gros marteau qu'on a fait retomber sur les yeux pour taper vraiment fort ..."

Marie : "Oui, nous aussi on a fait comme ça. Mais comment vous avez fait pour tamiser les graines de nyctalopier aussi vite?"

Calypso : "Tamiser les graines? Non, nous on a utilisé des graines déjà tamisées."

Hector : "Quoi? Il y avait des graines déjà tamisées? Mais comment vous les avez eues?"

Calypso : "Le professeur Flagellabo est passé au début, et il nous en a données. Il vous en a pas données, à vous?"

Marie, rouge de colère : "Non! C'est pas juste! Nous aussi on aurait fini dans les temps si on avait eu des graines tamisées!"

Troïlos : "Mais pourquoi vous n'avez pas demandé? C'était évident qu'on n'aurait pas le temps de finir si on devait tout tamiser!"

Hector : "Mais on a demandé! Il nous a dit qu'on tamisait mal!"

Troïlos : "Je n'y crois pas du tout, le professeur Flagellabo n'est pas comme ça. C'est un bon professeur, et il aide toujours les élèves. Il vous a juste oubliés, et comme vous êtes trop fiers pour lui demander de l'aide ..."

Marie : "Mais puisqu'on te dit qu'on a demandé!"

Troïlos : "Pfff ... Vous avez dû être insolents. Vous, les nés-moldus, vous êtes toujours arrogants et mal polis. Vous vous mettez toujours en colère pour rien. Je suis sûr que vous avez réclamé sur un ton tellement insupportable qu'il a préféré partir tout de suite. Vous avez de la chance de ne pas avoir été punis!"

Le lendemain matin, en allant en travaux pratiques de mathématiques, Hector a la boule au ventre. Il se sent tellement mal d'être dernier ... Il n'ose pas partager son angoisse avec Hermès, il a peur qu'il ne le prenne mal. Que lui dirait-il? "Je déteste être dernier, je préfère quand c'est toi comme d'habitude." Il ne dit rien, et fait semblant que tout va bien.

La salle de TP est entièrement vide, sans table ni chaise. M. Metabo les fait asseoir par terre dans un coin, et sort la liste d'appel. Marie blanchit, Hector sent son estomac se retourner ...

M. Metabo : "... 20, 21, 22. C'est bon, tout le monde est là. Bien, je vous ai déjà dit de ne pas vous fier à ce que vous voyez, mais uniquement à votre raisonnement et à vos outils de mesure. Nous avons déjà étudié en classe des illusions d'optique pour lesquelles il était indispensable de mesurer afin de constater que nos yeux nous trompent. Même les moldus peuvent faire ce type de chose, par ailleurs assez faciles à détecter. Cependant il existe aussi des sorts d'illusion beaucoup plus subtils qui agissent directement sur vos sens. Voyons, quelle est la forme de cette pièce?"

La plupart des élèves lèvent la main, mais Marie, contrairement à son habitude, ne bouge pas. Le professeur interroge Pandaros.

Pandaros : "Cette pièce est carrée."

M. Metabo : "Carrée, vraiment? Quelles sont les propriétés d'un carré?"

Pandaros : "4 angles droits, 4 côtés parallèles et de même longueur, les diagonales se coupent à angle droit en leur milieu ..."

M. Metabo : "Très bien! Êtes vous certain que cette pièce a 4 angles droits et des côtés de même longueur? Il faudrait vérifier pour être sûrs."

D'un coup de baguette magique, M. Metabo fait apparaître une malle devant lui, dont il sort plusieurs grands mètres, grandes équerres, et quelques cordes. Les élèves se mettent au travail, et concluent rapidement que la pièce est rectangulaire.

M. Metabo : "Oui, bravo, c'est une pièce rectangulaire! Elle fait exactement les mêmes dimensions que toutes les autres salles de classe de la tour nord-ouest : six mètres par dix. Ce n'est pas du tout carré. Pourriez-vous tracer un cercle à la craie, sur le sol? Disons, avec un rayon de un mètre?"

Marie : "Si on fait un vrai cercle, on va avoir l'impression que c'est une ellipse, non?"

M. Metabo : "Oui, tout à fait."

Les élèves tracent un cercle qui ressemble à une ellipse, puis diverses constructions. L'illusion du professeur Metabo modifie leurs dessins de façon tellement fascinante que Hector en oublie presque qu'à la fin de la toquante, il va retrouver M. Flagellabo pour le deuxième cours de potions de la semaine.