Titre : Boules de neige

Couples/Personnages : APH Prusse | Gilbert Beilschmidt, Frédéric II de Prusse, Voltaire, APH France | Francis Bonnefoy.

Résumé : Un matin d'hiver à Sans-Soucis, Gilbert s'ennuie et les invités à la cour de Prusse trinquent.

Pour alili-lunamoon, joyeux noël (ainsi qu'à mes lecteurs et lectrices) !


Dans la plénitude d'une matinée d'hiver, Frédéric II se baladait dans les jardins de son palais de Sans-Soucis, profitant du moment présent qu'il s'était accordé, loin de ses devoirs. L'air était frais et purifiant et les jardins du palais étaient saupoudrés de neige, offrant un magnifique tableau d'une nature enneigée.

Les contemplations du souverain se retrouvèrent cependant perturbées lorsqu'il remarqua du mouvement dans son champ de vision. Il scruta les environs sans rien trouver qui ne sorte de l'ordinaire, juste des oiseaux s'envolant et des serviteurs qui s'affairaient.

Il allait poursuivre sa promenade lorsqu'il entendit un bruit de mouvement à hauteur d'une de ses haies taillées, non loin de lui. Cela devait être un animal, rien de plus, songeait-il lorsqu'il entendit un petit rire. Un rire familier. Frédéric, qui avait une idée sur l'identité de la personne se cachant derrière sa haie, commença à s'avancer dans sa direction.

Ses soupçons se confirmèrent lorsqu'il vit un bras se tendre pour jeter ce qui ressemblait furieusement à une boule de neige qui heurta le dos d'un malheureux serviteur qui lâcha un cri de surprise.

À grandes enjambées, il rejoignit sa nation qui se trouvait accroupie sur le sol, en train de rouler entre ses mains gantées de la neige avec, à côté de lui, une petite pile de boules qu'il avait commencé à préparer.

– Gilbert, que faîtes-vous ? demanda Frédéric avec un ton léger, comme si surprendre sa nation plusieurs fois centenaires en train de faire des boules de neige était chose courante.

– Des munitions, vint la réponse brève.

– Je n'étais pas au courant que nous étions en guerre, fit remarquer Frédéric d'un ton léger, en allant s'asseoir à ses côtés, d'une part pour être à la même hauteur que sa nation, et d'autre part pour que la cour ne vienne pas à raconter que le roi de Prusse perdait la tête après avoir été surpris à causer avec un buisson. Un conflit a-t-il éclaté pendant mon sommeil cette nuit ? ajouta-t-il.

Je suis en guerre, répondit Gilbert qui terminait de fabriquer une énième boule.

– Je vois, répondit Frédéric qui ne voyait rien du tout. En guerre contre qui ?

– Contre mon ennui, répondit Gilbert avec un sourire qui ne disait rien de bon avant de lancer la boule de neige devant lui.

Un cri de surprise lui vint aux oreilles quelques secondes après, preuve que Gilbert avait atteint sa cible. Gilbert cacha son rire dans sa manche.

– Je suis trop génial.

– Jeter des boules de neige à de pauvres passants n'est pas considéré comme quelque chose de « génial » pour beaucoup de gens, fit remarquer Frédéric.

Il n'y avait cependant pas l'ombre d'un reproche dans sa voix, il se retenait même de montrer l'amusement qui commençait à grandir en lui. Gilbert lui adressa un sourire plein de malice.

– Ah, ces personnes-là ne savent pas ce qu'elles manquent !

Et il jeta son second projectile après avoir repéré sa cible. Il éclata de rire lorsqu'il entendit un « Soyez maudis Beilschmidt ! »

Les habitants de la cour manquaient peut-être la joie de jouer dans la neige et de jeter des boules de neige à autrui, mais ce que Frédéric ne risquait pas de manquer, ce sont les plaintes qu'il devait s'attendre à recevoir dans l'heure après que Gilbert ait épuisé son stock de munition et fait disparaître son ennui. Ce qui était embêtant pour la cour, c'est qu'il pouvait bien se passer des heures avant que sa nation ne trompe son ennui.

Frédéric regretta soudainement ne pas être sur un champ de bataille, où sa nation savait se dépenser pendant une journée entière sans se fatiguer.

Un rire excité tira Frédéric de ses pensées. Gilbert regardait l'horizon et, à en juger par l'étincelle dans son regard et le sourire sadique, il avait trouvé sa nouvelle cible. Par curiosité, le souverain se risqua à jeter un œil par-dessus la haie pour découvrir la malheureuse prochaine victime de sa nation.

Et failli s'étouffer.

– Gilbert, non !

– Gilbert si !

– Gilbert ! Attaquer des serviteurs est une chose, mais un noble de la cour en est une autre ! Protesta-t-il.

– Aux yeux du Tout-Puissant, nous sommes tous égaux, répondit Gilbert avec un sourire faussement innocent.

– Je suis presque sûr que citer la Bible pour justifier vos méfaits est un péché, fit remarquer Frédéric.

Gilbert haussa des épaules, se sentant peu coupable.

– Il me pardonnera. Il pardonne toujours, et ces nobles ont besoin qu'on leur retire le balais qu'ils ont dans le c –

Gilbert ! s'exclama Frédéric en essayant de retenir le bras de Gilbert qui se préparait à tirer.

Mais il était trop tard, la boule était lancée et – un cri de surprise plus tard – la cible fut touchée.

– Gilbert, vous être impossible ! lui reprocha durement Frédéric.

– C'est l'une de mes nombreuses qualités, lui répondit Gilbert avec un sourire rayonnant. Oh, ne faîtes pas cette tête, ajouta-t-il en voyant la mine dure et sévère de son souverain. Je promets d'être sage, je sais être innocent quand il le faut !

Frédéric ne put s'empêcher d'avoir un sourire dubitatif. Il avait du mal à imaginer un temps où Gilbert avait été innocent.

– Je vous promets d'être raisonnable et de ne pas attaquer les nobles de la cour, mais à une condition !

Frédéric soupira, sentant qu'il ne pourrait pas gagner cette bataille. Gilbert ne serait raisonnable que s'il coopérait.

– Quelle est-elle ? demanda-t-il.

Le sourire de Gilbert était positivement diabolique.

– Je veux que vous vous joigniez à moi.

Et il accentua sa demande en plaçant une boule de neige dans les mains de Frédéric. Ce dernier le regarda, interloqué.

– Gilbert, non ! dit-il en essayant de remettre la boule à sa nation.

Gilbert ne se découragea pas et repoussa les mains de son souverain, l'obligeant à garder le missile gelé.

– Allez Fritz ! Soyez joueur !

– Je suis roi, on attend de moi un comportement exemplaire, protesta Frédéric.

– Oh allez ! Juste une ! Je veux vous voir vous amuser, rien qu'une fois !

Frédéric soupira, résigné. Il ne pourrait pas y échapper, Gilbert pouvait être horriblement têtu lorsqu'il le voulait, et si accepter de jeter une boule de neige pouvait empêcher sa nation de terroriser, à coup de boules de neige, les nobles de sa cour, ainsi soit-il !

Il inspecta discrètement les environs, à la recherche d'une potentielle cible, sans prêter attention au froid qui lui piquait la peau ainsi qu'au regard de Gilbert qu'il savait fixé sur lui et trépignant d'impatience. Enfin, au bout d'un moment, il repéra quelqu'un qui sortait du palais. Frédéric le reconnu comme étant un vieux conseiller de son tyran de père.

Oh, tant ce cas, il n'aurait aucun scrupule ! songea Frédéric, se préparant à l'attaque.

Il visa du mieux qu'il pouvait, dans le silence, puis balança sa boule de neige. Le souverain compta les secondes. Un… deux… trois… quatre… Un cri de surprise et de rage lui parvint aux oreilles. Cinq, touché !

Frédéric se rassit sur le sol, essayant de ne pas avoir l'air trop satisfait de lui-même. À ses côtés, Gilbert était secoué de rire.

– Vous avez vu sa tête ? C'était génial ! Ah, sacré Fritz ! Je savais que vous aviez ça en vous, dit-il en lui donnant une tape dans le dos.

Frédéric s'accorda un petit sourire devant les manies de sa nation, ainsi que sa petite farce.

– Alors, ai-je votre parole que vous n'allez pas attaquer les gents de la cour ?

– Je suis un homme de parole, répondit Gilbert en portant sa main au cœur. Je laisserais vos précieux nobles tranquilles.

Frédéric devina un « pour l'instant » non-dit dans les paroles de Gilbert, mais il laissa passer pour aujourd'hui. Ce serait un problème pour un autre jour…

Gilbert se frotta les mains, avec l'air de quelqu'un qui allait bientôt commettre un méfait. Frédéric se demanda brièvement s'il devait partir et vaguer à ses propres occupations avant d'être surpris par un serviteur ou un membre de la cour et que ces derniers se fassent de fausses idées à propos de leur souverain.

Gilbert jeta un œil par dessus la haie, à la recherche de sa prochaine proie, ses yeux inspectant les alentours lorsqu'enfin ils s'arrêtèrent sur quelqu'un. Un sourire diabolique se dessina alors sur son visage, et Frédéric se demanda s'il devait s'inquiéter.

– Oh, celui-là je me le fais !

La curiosité prenant le dessus, Frédéric observa à son tour par dessus la haie pour découvrir la malheureuse prochaine victime.

Ses yeux s'agrandirent comme des soucoupes.

– Gilbert, n'essayez même pas !

– Ce n'est pas un aristocrate mon cher Fritz, fit remarquer innocemment Gilbert mais Frédéric pouvait deviner qu'au fond de lui sa nation devait jubiler. J'ai donc le droit de m'amuser avec !

Vous amuser… C'est mon invité, et je ne tolère pas ce genre de traitement envers mes invités !

– Je ne l'aime pas, se plaignit Gilbert. Il est tellement prétentieux ! Depuis le temps que j'ai envie de lui clouer le bec !

– Peu importe que vous l'aimiez ou pas, c'est mon invit – Gilbert !

Cette fois, le souverain avait hurlé et avait agrippé le bras de Gilbert qui avait la soudaine ambition de jeter un de ses projectiles blancs en direction de l'invité. Malheureusement pour Frédéric, sa nation avait été plus rapide que lui et Frédéric observa avec résignation la boule de neige atteindre l'individu se promenant dans les jardins.

Une pluie d'insultes vint à eux, et Gilbert éclata ouvertement de rire. Frédéric lâcha un long soupir, se sentant soudainement très vieux et à boût.

– Je ne savais pas que Voltaire avait un vocabulaire aussi fleuri, commenta Gilbert avec un grand sourire satisfait.

Frédéric l'observa avec l'air d'un parent fâché envers leur enfant turbulent, et Gilbert lui offrit un sourire innocent.

– Gilbert, pour une nation vieille de plusieurs siècles, vous agissez vraiment comme un enfant parfois !

– Oh allez ! Avouez que c'était drô –

Une boule de neige le frappa soudainement à l'arrière du crâne, interrompant ses paroles. Gilbert se retourna, interloqué.

– Mais qu'est-ce que –

Une nouvelle boule de neige le frappa, cette fois-ci en plein sur le visage. Gilbert se débarbouilla, sous la surprise et l'amusement de son souverain.

– Moins de paroles et plus d'action, Gilbert ! leur vint une voix, non loin d'eux.

À côté de Voltaire, Francis Bonnefoy leur faisait face, une boule de neige dans la main, avec un sourire satisfait sur le visage.

Gilbert eut un sourire carnassier.

– Oh toi, tu ne perds rien pour attendre Francis, tu vas vite le regretter !

Loin d'être perturbé, Francis lui adressa un sourire moqueur.

– Je tremble de peur devant la grande nation de Prusse, plaisanta Francis.

Gilbert sourit, appréciant le challenge qui se présentait à lui. Il s'arma d'une boule de neige et visa, manquant Francis de peu alors que la nation française s'était réfugiée derrière une haie, avant de répondre à son attaque.

Sous les yeux éberlués de Frédéric et de Voltaire, une guerre franco-prussienne à coups de boules de neige prit place dans le jardin de Sans-Soucis.

Qui aurait cru que des nations âgées de plusieurs siècles pouvaient s'amuser comme des enfants, songeait Frédéric.

Frédéric trouva judicieux de s'éloigner en silence et de proposer à son invité un déjeuner au calme dans la bibliothèque royale.

En attendant qu'un armistice franco-prussien soit signé entre les deux nations.