Trois semaines s'étaient écoulées, plongeant l'école de Poudlard dans les prémices du froid hivernal. Octobre était arrivé, et avec lui, des tapis de feuilles mortes, des bourrasques de vent, et l'annonce de la première sortie à Pré au Lard. Dans les appartements des préfets en chef, le jour perçait tout juste à travers les rideaux. Drago jeta un coup d'œil à sa montre à gousset magique, toute en platine. C'était un artéfact magnifique, conçu par l'un des meilleurs orfèvres gobelins de Londres dans le courant du dix-huitième siècle. Son père la lui avait offerte dans le courant de l'été, afin de lui signifier pudiquement sa fierté suite à sa titularisation au poste de préfet en chef. Il était sept heures quarante et il se sentait pleinement reposé. L'occasion d'être matinal, et de mettre à profit tout ce temps libre. Il quitta la chaleur douce de ses draps, et s'enveloppa dans sa robe de chambre. Au-delà des appartements, c'est tout le château qui semblait encore silencieux. Les élèves ne commençaient généralement à peupler les couloirs qu'aux alentours de neuf heures, lorsque c'était dimanche. Il allait demander aux elfes de lui préparer un immense thé noir. Il poussa la porte pour rejoindre la pièce principale, et fronça les sourcils. Granger était levée. Granger était levée, habillée, et agitée. Granger était levée, habillée, agitée, et toute sa bonne humeur s'était volatilisée. Elle ne l'avait visiblement pas entendu. Elle portait un vieux jean, et il grimaça en avisant des éclaboussures de peinture blanche sur l'une de ses jambes. Un pull large, des tennis usées, les cheveux relevés en queue de cheval folle. Pansy, parfois, attachait elle aussi ses cheveux ainsi. Elle les rassemblait tous avec précision, et pas un seul ne s'échappait de l'élastique. Ils étaient lisses, souples, brillants, domptés. Bien peignés, dans la même direction, fixés, en ordre. C'était très classe, très aristocratique, ça accentuait ses traits ciselés. Granger faisait cela n'importe comment. Elle avait l'air de sortir d'un entraînement de sport. Il avait de la peine pour l'homme qu'elle attraperait dans ses filets. C'était triste, tout de même, de devoir vivre avec quelqu'un de si peu soucieux de son image. Quoi qu'il en soit, son homologue débraillée était penchée au-dessus de leur table, qu'une quantité folle de parchemins recouvrait. Elle était occupée à leur donner de petits coups, à l'aide d'un ustensile qu'il ne connaissait pas. Une stupide bricole moldue.
_ Et où donc suis-je supposé petit-déjeuner, Granger ? Ces appartements ne sont pas qu'à toi, tu n'as vraiment aucun savoir vivre. Tu t'étales, comme ça, égoïstement. Ce n'est pas parce que tu es une fantastique petite miss je sais tout qu'il faut te penser au-dessus du lot, et cela s'applique aux règles du vivre ensemble. Dégage ton bordel de là.
_ Malefoy … soupira-t-elle, sans même se retourner. Bonjour à toi aussi.
_ On ne salue que les personnes que l'on apprécie, ou du moins qu'on respecte un minimum, l'informa-t-il en se rapprochant de la desserte sur laquelle était posée la théière.
_ Génial, marmonna la jeune fille, on progresse.
Malefoy se servit un thé fumant, puis s'installa dans un fauteuil, attendant qu'elle déguerpisse. Ce qu'elle ne semblait pas résignée à vouloir faire.
_ Granger, sérieusement, débarrasse ça.
_ Ça, comme tu dis, rétorqua Hermione en brandissant un parchemin, ce sont les parchemins d'informations concernant la sortie à Pré au Lard de samedi. J'ai eu la gentillesse de commencer à les rédiger seule, pour te laisser te reposer, tu pourrais témoigner d'avantage d'intérêt et de reconnaissance.
_ La gentillesse de commencer à les rédiger seule ?!
Malefoy éclata de rire.
_ Je t'en prie Castor. Je ne suis pas dupe. Tu as une sainte horreur du travail d'équipe. Je suis sûr que t'étais en pleine extase, avant que je n'arrive, et que tu essayais d'avancer au maximum dans mon dos. Double récompense : tu bosses seule, et en plus tu peux faire semblant de me le reprocher.
Hermione piqua un léger fard, qu'elle espérait discret. Il n'avait pas totalement tort.
_ J'oubliais, souffla-t-elle, que j'avais affaire à un expert menteur-manipulateur.
_ Fais attention à ce que tu dis, répliqua-t-il froidement, en lui lançant un regard lourd de menace qui la mit mal à l'aise.
_ Oui… Enfin, bref, Malefoy. Les affiches sont quasiment achevées, pour ne rien te cacher. Si tu veux y jeter un œil pour les valider, tu peux. Tu as ton mot à dire, après tout. Ensuite, il faudrait que l'on profite de l'absence d'élèves dans les couloirs pour aller les accrocher… J'y ai réfléchi, et d'un point de vue stratégique, il faudrait que …
_ Ça ne m'intéresse pas, Granger, coupa-t-il. Je ne suis pas devenu préfet en chef pour m'occuper de la paperasse. Donne m'en une ou deux, je les accrocherai dans les cachots de Serpentard, c'est sur ma route. Ne me remercie pas, ajouta-t-il d'un ton moquer en ramassant trois parchemins.
Abasourdie, elle le regarda disparaître dans sa chambre. Deux minutes plus tard, un très lointain bruit d'eau qui coule lui indiqua qu'il était parti se doucher. Okay. Génial. Elle rassembla les papiers restants, noua une écharpe autour de son cou, et quitta leurs appartements seule. Malefoy ne souhaitait pas se charger de la paperasse ? Fort bien. Ce crétin confirmait qu'il n'avait décidément pas l'étoffe pour le poste honorifique que le directeur avait décidé de lui accorder. Elle descendit en quatrième vitesse les escaliers conduisant au rez-de-chaussée, avant qu'ils ne changent d'avis et ne se décident à pivoter vers le quatrième étage. Le tableau d'affichage de Poudlard était situé aux abords des portes de la Grande Salle. Il était plein à craquer. Une affiche pour un stage de préparation au transplanage. Au moins quinze avis de recherches d'animaux disparus. Un avis de recrutement pour la section junior du chicaneur. Les dates et horaires des prochains affrontement de Quidditch. Elle se demanda rapidement laquelle de ces annonces elle aurait le moins de scrupules à retirer, afin de faire une place à la sienne. Elle finit par retirer un parchemin qui représentait un croquis de Nimbus 1999, sous lequel étaient indiqués un prix et le nom du propriétaire.
_ Soyons réaliste, marmonna-t-elle en lançant le sortilège de glu semi-perpétuelle, plus personne n'investit dans les nimbus 1999.uatrième vitesse les escaliers conduisant au rez de chaussée, avant qu'e menace qui la mit mal à l'che sur l'
Elle recula et jaugea le tout avec satisfaction. L'avis dénotait comme il fallait, puisque les préfets en chef possédaient, pour faire passer les informations les plus importantes, des parchemins jaune vif uniques. Elle tourna les talons, et sortit dans le parc afin d'aller en afficher un sur la serre de botanique. Elle sursauta, une fois arrivée sur place, en entendant un bruit de poterie brisée. Immédiatement, elle tira sa baguette de sa poche, puis tourna lentement la poignée de la serre, avant d'ouvrir la porte à toute volée, baguette brandie.
_ Hey ! Granger ! Baisse ça !
Elle poussa un soupir de soulagement. Devant elle, le regard mi inquiet, mi surpris, se tenait Cédric Diggory, ses gants de cuir aux mains, les joues maculées de terre.
_ Désolée. C'est un réflexe, je ne savais pas ce que j'allais trouver dans la serre. N'importe qui en aurait fait de même.
_ Non, n'importe qui aurait rebroussé chemin sans demander son reste, rétorqua Cédric avec amusement. Tu aurais pu tomber sur une créature toute droit sortie de la Forêt Interdite.
_ Tu m'as l'air d'une créature relativement inoffensive, s'amusa la préfète.
_ Méfie-toi de l'eau qui dort. Je suis un vrai sauvage, plaisanta le jeune homme. Ou plutôt un vrai danger public quand il s'agit d'extraire du venin de mandragore de ces fichues bestioles, soupira-t-il en désignant le pot cassé au sol.
_ Est-ce indiscret de te demander ce que tu fais ici, un jour de repos, à une heure pareille, à manipuler des mandragores ? Nous n'avons pas le droit d'en extraire nous même du venin. Ce n'est pas au programme de botanique de dernière année.
Cédric eut un sourire discret en réalisant que la jeune fille connaissait d'avance le contenu intégral des programmes scolaires qui les attendaient.
_ J'ai un accord avec le professeur Chourave. Je veux intégrer une école de soins aux créatures magiques, l'an prochain, et je dois obligatoirement obtenir un Optimal en Sortilèges, en Soin aux Créatures, mais aussi en Botanique … et pour l'instant mon niveau tourne plutôt autour du piètre. Du coup, Chourave me donne un certain nombre de TP sur son temps libre. Ce qui est plutôt sympa de sa part.
_ En effet, s'étonna Hermione. Elle passe son temps à bougonner, et parle d'avantage aux plantes qu'aux élèves durant ses cours.
_ Mon charme irrésistible, que veux-tu.
_ C'est sûrement ça, ironisa Hermione. Et donc … Soin aux Créatures Magiques ? Vraiment ? Je te voyais plutôt faire carrière sur un balai. Tu comptes castrer des Nifleurs et vacciner des Hippogriffes toute ta vie ?
Cédric éclata de rire.
_ Pas vraiment, la castration ne m'excite pas plus que ça. J'intègre cette filière pour me spécialiser dans l'étude des dragons de catégorie 5.
_ Ce sont les plus dangereux…
_ Tout à fait. Depuis tout petit, j'ai deux passions : les balais, et les dragons ! Et vois-tu, il y a davantage de débouchés professionnels dans le second domaine.
_ Je trouve ça absolument génial, déclara sincèrement la jeune fille. C'est une orientation originale, et visiblement bien réfléchie …
_ Bon, et toi ? Qu'est-ce que tu fais là ?
_ Je venais juste afficher ça, expliqua-t-elle en brandissant une affiche. C'est pour la sortie à Pré au Lard.
Au loin, un bruit de plastique qui s'entrechoque et des grommèlements leur parvinrent. Le professeur Chourave arrivait, chargée d'arrosoirs, les sourcils froncés.
J'accroche ça, et je te laisse du coup. Contente de t'avoir croisé.
Moi aussi, Hermione. On se voit à Pré au Lard, ajout a-t-il avec un clin d'œil.
Tout sourire, la jeune fille regagna le château d'un pas léger. Elle allait se rendre dans la salle commune des Gryffondor, et attendre que Ron et Harry se lèvent. Ils n'allaient plus tarder. Ensuite, ils iraient déjeuner. Elle avait eu une agréable conversation avec Cédric. Elle en avait totalement oublié ce crétin de Malefoy. Un grand soleil d'automne commençait à s'étendre sur le château. Elle le sentait bien, ce dimanche.
