Il était dix heures pile, le lendemain matin, lorsque Harry se présenta à la porte des appartements de sa meilleure amie. Cette dernière sortie, enveloppée dans un trench et une épaisse écharpe. Elle avait tenté de faire un effort en attachant ses cheveux avec élégance, mais des mèches folles s'échappaient déjà de son chignon.

_ Bien dormi, miss Granger ? interrogea Harry en embrassant la joue de son amie.

_ Ne m'en parle pas, pitié, gémit la jeune fille. C'était épouvantable. Malefoy s'est envoyé en l'air toute la nuit.

_ N'exagère pas, c'est…

_ Harry, l'interrompit son amie avec gravité, je te jure que je n'exagère pas. Je n'exagère pas du tout.

Harry n'eut rien le temps de répondre, la porte des appartements des préfets en chef s'ouvrit de nouveau, laissant sortir Malefoy, vêtu d'un superbe cachemire gris perle, et, à sa suite, Elena Rosier, les traits légèrement tirés, et un large sourire épanoui sur la figure.

_ Granger, salua Malefoy avec un regard moqueur. Potty. Belle journée.

_ Puisse-t-elle rivaliser avec ta nuit, Malefoy.

_ C'est bien aimable, Granger. Je vais de ce pas dépenser à Pré au Lard en une seule journée l'équivalent du salaire annuel de tes parents, donc ça devrait bien aller. Potter, je ne vais bien entendu pas dépenser l'équivalent du salaire des tiens, puisqu'ils n'en perçoivent plus.

Le sang d'Harry ne fit qu'un tour, et il saisit immédiatement Malefoy par le col, avant de le plaquer violement contre le mur de pierre. Mais, rapide, Malefoy avait déjà extrait sa baguette de sa poche, et la lui avait enfoncée dans les côtes sans attendre.

_ Tu me lâches Potter. Tout de suite. Outrage à préfet en chef, ça peut conduire à l'exclusion immédiate.

_ Il a raison, Harry, lâche-le, intervint Hermione en saisissant le bras de son meilleur ami. C'est une vermine abjecte, laisse tomber, je t'en prie.

Le jeune homme maintint sa poigne quelques secondes supplémentaires autour du cou de son ennemi, puis, enfin, il se raisonna et consentit à lâcher. Malefoy lissa son pull, et, sans un regard, tourna les talons, Elena Rosier sur ses pas. Hermione attira son ami, tremblant de rage, contre elle, et lui caressa les cheveux.

_ C'est un petit crétin écœurant, Harry, oublie-le.

_ Il m'insupporte … Il appuie gratuitement sur les plus grandes faiblesses des autres. C'est injustifié, violent et arbitraire.

_ Je sais … ne t'en fais pas. Tout se paie un jour. Allez viens.

Elle noua son bras à celui de son ami, et l'entraina avec elle vers le porche du château, où avait lieu le rassemblement pour le départ à Pré au Lard. La plupart des élèves étaient déjà présents, surexcités, vêtus de leurs plus beaux habits, et leurs portefeuilles garnis de galions n'attendant qu'à être dépensés. Ron leur adressa un signe joyeux, auquel ils répondirent. Il se tenait debout près d'une statue, emmitouflé dans un blouson de cuir usé qui avait jadis appartenu à son frère Bill, et avait un bras autour de la taille de Lavande, qui enfouissait son visage dans son cou.

_ Harry ! Hermione ! On va à un concert, tout à l'heure, on vous y verra ?

_ Eh bien … Bonne question … Nous n'avons pas vraiment défini de programme, hasarda Hermione. Il faut que j'aille acheter plusieurs nouvelles plumes, et Harry a besoin de matériel pour son balai, alors tu sais …

_ En tout cas, passez, si vous avez le temps, Lavande dit que c'est un super groupe !

La jeune blonde acquiesça vivement, visiblement enchantée.

_ Ouais … On essaiera, Ron. Merci de l'info, répondit Harry. Je suis navré d'avance pour lui, souffla-t-il à l'oreille d'Hermione, tandis qu'ils s'éloignaient du couple.

_ Il s'attend réellement à un super groupe … l'amour le rend vraiment naïf.

Ils avaient beau se réjouir de voir leur meilleur ami heureux en amour, ils s'étaient inexorablement éloignés au fil du temps. Ils avaient toujours la même affection les uns pour les autres, et rien n'avait réellement changé entre eux, mais Harry et Hermione s'étaient particulièrement rapprochés, habitués à ne former qu'un duo la plupart du temps. Lavande était gentille mais vaguement capricieuse, et exigeait beaucoup de temps de la part de son petit ami, ce qui, toutefois, ne semblait pas gêner Ron plus que ça. Il appréciait ces séances intensives d'embrassades et de câlins en tout genre, et le fait qu'elles constituaient l'essentiel de ses journées n'était pas pour lui déplaire. Hermione mettait cela sur le compte du manque d'affection avec lequel il avait grandi. Molly et Arthur étaient les plus aimants des parents, mais devoir diviser tout cet amour en sept, sans compter la maison fantasque de laquelle ils devaient énormément s'occuper, était naturellement une tâche délicate. Ronald n'avait manqué de rien, sinon d'habits neufs et de temps qui lui soit individuellement consacré par ses parents. L'affection débordante de Lavande, dont était le seul bénéficiaire, lui plaisait énormément. Sans compter que c'était une ravissante jeune fille, aussi jolie que les conquêtes de Charlie et des jumeaux, qui étaient habitués à séduire de vraies bombes à la force de leur charisme, et cela l'emplissait de fierté.

Arrivés à Pré au Lard, Harry proposa à Hermione de commencer par faire le plein d'énergie autour d'un café géant, ce qu'elle accepta volontiers. Elle retira son trench, et ils s'installèrent à leur table habituelle, aux Trois Balais. Leurs cafés venaient d'arriver, lorsque la porte s'ouvrit. Malefoy, Zabini, Nott et Parkinson passèrent devant eux en les ignorant royalement, et allèrent s'installer dans le fond de la salle. Hermione les suivit vaguement du regard, et cru avoir rêvé lorsque, en s'asseyant, Zabini se tourna vers elle, tout sourire, et lui adressa un bref clin d'œil. Quelle bande de malades !

_ A quoi tu joues, bon sang, Zabini ? souffla Malefoy.

_ Oui ?

Le métis arborait son air le plus innocent, et son sourire le plus hypocrite.

_ Mec, je t'ai vu. Tu as fait un clin d'œil au castor.

_ Pas du tout. C'était à Potter.

_ Blaise … commença Drago en haussant un sourcil.

_ Oh, c'est bon, ça va. Je fais toujours un clin d'œil à la plus jolie fille de la salle, quand j'entre aux Trois Balais, et là, la plus jolie, c'est Grangie.

_ Encore avec cette lubie … T'es cinglé, sérieux.

Au loin, Hermione observait distraitement la scène, et réalisa que Malefoy n'avait pas manqué l'attitude de son meilleur ami à son encontre. Et visiblement, cela semblait le contrarier au plus haut point. C'était particulièrement intéressant. Elle le fixa, puis leurs regards se croisèrent. Elle osa un furtif sourire en coin, légèrement séducteur. Du moins elle espérait qu'il le soit. Elle ne faisait jamais cela … séduire. Vraisemblablement, cela fonctionna, puisque Zabini lui retourna son sourire, avant de se concentrer à nouveau sur son groupe d'amis.

_ Qu'est ce que tu fabriques, Mione ? A qui tu souris ?

_ Zabini, répondit-elle distraitement. Tu as un peu de mousse, là, Harry, l'informa-t-elle en essuyant le coin de sa bouche du bout du pouce.

_ Zabini ? Pardon ?

_ Ça semble grandement énerver Malefoy, et tout ce qui énerve Malefoy m'enchante, depuis cette nuit.

_ Laisse tomber, s'amusa Harry, ce sont des serpents visqueux. Ne leur accorde pas d'attention. Dis-moi plutôt, tu as eu des nouvelles de Cédric ?

_ Cédric ? Diggory ? Pourquoi aurais-je eu de ses nouvelles ?

_ J'en sais rien … Vous avez bien bavardé, le week-end dernier, non ? Je pensais que ça progresserait un peu plus que ça.

_ Qui êtes-vous, et qu'avez-vous fait de mon meilleur ami Harry Potter ? Tu essaies de me marier, ou quoi ?

_ Mais non, pas du tout, se défendit Harry. Je m'intéresse à ta vie sentimentale, c'est tout. C'est tellement rare !

_ Ce n'est pas rare, c'est inexistant, Harry, et c'est très bien comme ça. Je me souviens encore de la difficulté que j'ai eu à me débarrasser de Viktor et ses hiboux incessants.

_ T'es pas sympa … ses poèmes tout en bulgare étaient à tomber à la renverse !

_ Ferme là, Harry, ordonna Hermione en éclatant de rire. Tu veux que je ressorte l'affaire Romilda Vane ?

_ Mon Dieu, surtout pas, bois vite ça refroidit. Nous avons des boutiques à écumer, et nous n'avons que la journée devant nous.

_ On a sept heures, je pense qu'on est larges, non ?

_ On approche de Noël, certaines risquent d'être bondées.

Hermione termina rapidement son cappuccino, régla les consommations, et ils quittèrent les Trois Balais en direction de la première boutique sur leur liste, celle des fournitures scolaires. C'était la moins amusante, ils préféraient donc l'expédier en premier. Harry était au rayon des parchemins, et Hermione, pour sa part, testait une encre fantaisie à changement de couleur lorsqu'elle sentit une présence derrière elle. Elle sentit un bras se glisser autour de sa taille, et elle fut attirée contre un torse solide en l'espace d'une seconde.

_ On sourit aux garçons, et maintenant, on s'autorise la petite folie d'une encre fantaisie, Granger ? Incroyable, souffla une voix dans son oreille. Tu t'es enfin décidée à vivre cette année ?

_ Zabini, soupira la jeune fille en avisant la teinte foncée de la peau de la main qui était posée sur son ventre, lâche-moi.

_ A ta guise Grangie. Mais tu verras, ça ne prendra que peu de temps avec que tu ne transformes ce lâche moi en prends moi.

Il la lâcha et tourna les talons, et Hermione ne put retenir un petit frisson. Elle n'était pas habituée à ce qu'on s'adresse à elle ainsi. Zabini avait une voix grave, et des propos crus. Elle se fit violence pour chasser la sensation agréable qui l'avait envahie. Harry la rejoignit, tout sourire.

_ Il y a une promo sur les rouleaux de parchemin spécial que réclame Flitwick ! 3 mornilles les 10 mètres !

_ Ca alors, s'exclama Hermione, faussement enthousiaste, priant pour que son trouble ne soit pas perceptible, 3 mornilles les 10 mètres ! C'est super.

Elle devait être crédible, puisque Harry l'entraina joyeusement à sa suite vers le rayon promotionnel. Lorsqu'ils quittèrent la boutique, chacun chargé d'un petit sachet de plastique, Harry décréta qu'ils devaient impérativement allaient se ravitailler en confiseries, avant que le stock d'Honeydukes n'ait été intégralement dévalisé, et Hermione trouva cela judicieux. En définitive, la matinée passa rapidement, et, à treize heures, ils poussèrent les portes de l'Amanite d'Argent pour déjeuner. C'était le meilleur restaurant de Pré au Lard. Le change entre l'argent moldu et l'argent sorcier n'était pas vraiment avantageux, il fallait beaucoup de livres pour un galion, mais Harry était parvenu à convaincre Hermione de s'accorder ce petit plaisir. Ils prirent place, et avisèrent quelques connaissances, qui entraient à leur tour. Parmi eux, Cédric Diggory, Cho Chang et Dean Thomas. Harry leur adressa de grands signes, afin que ces derniers se joignent à eux.

_ Harry, Hermione, salua aimablement Cédric. Vous nous faites une place à votre table ?

_ Bien sûr, affirma aimablement Harry, venez. On passe la journée à deux, un peu de compagnie est la bienvenue. Tout s'est bien passé pour vous ?

_ Il n'y a déjà plus de plumes en sucre, chez Honeydukes, grimaça Cho, je suis dégoutée, je venais exprès pour en acheter.

_ J'en ai pris 800 grammes, je t'en passe si tu veux, proposa spontanément le Gryffondor. J'en ai prévu pour Ron, au cas où, mais il y sera peut-être allé de son côté.

_ Tu ferais ça, Harry ? Tu es trop chou, s'exclama Cho, ravie.

_ Et toi, Hermione, intervint Cédric, tu es venue pour les plumes en sucre, aussi ? Ou plutôt pour les plumes tout court ?

_ Devine, rétorqua la jeune fille.

_ La réponse n'est pas bien compliquée, je n'aurais aucun mérite, répondit-il du tac au tac.

Hermione échangea avec lui un sourire amusé et complice, puis se saisit de la carte que lui tendait la serveuse en remerciant poliment. Elle commanda un carpaccio et des pommes noisettes, et morigéna Harry lorsque ce dernier se choisit une entrecôte de près d'un demi kilo.

_ Tu es censé te surveiller dans le cadre de ta remise en forme pour le Quidditch, je te rappelle, cher ami. Comment comptes-tu nous rapporter une coupe si tu es trop lourd pour ton balai ?

_ Mais non, ne l'écoute pas Harry, mange autant que tu veux, plaisanta Cédric, qui était capitaine de l'équipe de Poufsouffle, et donc son adversaire direct.

_ Arrêtez vos bêtises, s'amusa Harry. Hermione, tu sais très bien que j'ai de la marge … si tu continues à me dissuader de manger, je le rapporte à Molly. Cédric, ne te fais pas de films. On va vous démolir quoi qu'il en soit.

_ Dans tes rêves, Potter, répliqua le jeune homme avec un sourire carnassier.

Le reste du déjeuner se déroula dans une ambiance bon enfant. Hermione nota que Cho semblait légèrement flirter avec Harry, bien qu'elle fût en couple avec Dean. Toutefois, elle se garda de porter un quelconque jugement. Dean Thomas était sorti avec Ginny Weasley, la sœur de Ron, et d'après cette dernière, la fidélité n'était pas sa qualité première. Leur repas achevé, ils se dirigèrent au comptoir pour payer, et Cho, qui était ravie d'avoir pu pallier à la pénurie de plumes en sucre, et était également fille d'ambassadeur, insista pour tous les inviter, malgré leurs protestations véhémentes à tous excepté Dean, qui semblait habitué à être entretenu par sa petite amie. Hermione eut le vertige lorsque Cho extirpa de son sac un sac débordant d'argent. Elle trouva particulièrement imprudent de sortir en portant sur soi une somme pareille, et en fit part à la jolie Serdaigle.

_ Ne t'en fais pas, Hermione, la rassura la jeune fille. Les gens savent, en règle générale, que ce qui serait réellement imprudent, ce serait de s'en prendre à moi.

Dean annonça qu'il allait rejoindre Seamus à la boutique de Quidditch, et Harry déclara qu'il se joignait à eux, demandant à Hermione s'il pouvait la rejoindre ensuite, ce qui ne posa aucun problème à cette dernière. Elle visita deux librairies en compagnie de Cédric et Cho, et ils manquèrent de s'étouffer de rire lorsqu'un tout jeune hibou visiblement inexpérimenté vint s'emmêler sous leurs yeux dans les cheveux de Millicent à l'animalerie. Hermione pleurait pratiquement, lorsque Cédric passa un bras autour de ses épaules, et la serra furtivement contre lui, avant de la relâcher. Elle leva des yeux surpris vers lui, et il plongea son regard bienveillant dans le sien.

_ Respire, Hermione, tu vas finir par manquer de souffle.

Elle lui répondit par un sourire sincère. Ce garçon était décidément adorable. Et elle aimait plutôt bien qu'il passe un bras autour d'elle. Harry les rejoignit sur ces entrefaites, seul.

_ Dean et Seamus essaient des balais sur le terrain, expliqua-t-il. D'ailleurs ils ont proposé qu'on aille les voir voler.

_ Sans façon, grimaça Cho. Si ça ne vous ennuie pas, je pense qu'un goûter s'impose. Il est bientôt seize heures, je suis gelée, il me faut un chocolat chaud en urgence !

Ils approuvèrent tous, et Hermione suggéra qu'ils aillent chez Mme Piedodu. Peut-être pourraient-ils apporter un quelconque soutien à Ron, qui devait probablement abondamment saigner des oreilles à l'heure actuelle. Cédric ajouta qu'ils faisaient les meilleurs scones du pays, et cela acheva de les conforter dans leur décision. En effet, Ron et Lavande étaient là, cette dernière assise sur les genoux du rouquin. Ils s'approchèrent d'eux et s'assirent à proximité, veillant toutefois à ne pas trop empiéter sur l'intimité que le couple avait peut-être envie d'avoir. Il s'avéra que le groupe choisi par madame Piédodu était véritablement excellent. L'ambiance dans le salon de thé était fantastique. Hermione se trémoussait distraitement sur sa chaise, en faisant ses comptes et en sirotant son thé. Cédric alla saluer des amis à lui, qui se trouvaient non loin, et Harry et Cho se lancèrent dans une grande conversation, penchés l'un vers l'autre. Ils étaient bien, ensemble, au chaud, à se régaler de délicieuses pâtisseries, au son agréable des ballades que chantait le groupe engagé. Ils restèrent près d'une heure et demie à l'intérieur. Plus le temps passait, plus Cho riait, et plus les yeux d'Harry brillaient. Cédric était revenu, et Hermione, lui et Padma bavardaient du bal de Noël qui aurait lieu en décembre, comparant le groupe qu'ils écoutaient aux Bizarr Sisters, qui s'étaient produits à Poudlard l'an passé. Finalement, à 17 heures 30, Hermione fit remarquer qu'il était bientôt 18 heures, et qu'il serait bon de commencer à regagner le château. Chacun se leva et commença à se rhabiller, et à régler ce qu'il avait consommé, et elle se mit en quête de son meilleur ami, qui s'était volatilisé. Ron et Lavande partirent les premiers, tandis qu'elle revenait des toilettes, bredouille. Elle grimpa les escaliers qui menaient à l'étage, où se trouvaient les appartements privés de la gérante du salon, qui étaient strictement interdits d'accès aux clients. Elle se figea dans les escaliers, avisant deux silhouettes furieusement enlacées. Elle écarquilla les yeux, et commença à redescendre avec toute la discrétion possible, laissant tranquilles Harry Potter et Cho Chang, qui s'embrassaient et se caressaient avec une ardeur gênante.