Chapitre trois, déchéance.
- Je veux t'aider à te réinsérer, pour que ton fils et toi, vous puissiez marcher dans la rue sans attendre qu'on vous tombe dessus pour ce qui s'est passé y a longtemps.
- C'est très gentil Granger mais tu vas y laisser des plumes ! Je ne suis pas un simple criminel qui a volé une baguette chez Ollivander, je suis un partisan du Seigneur des Ténèbres.
- Ah vraiment ? Tu suivais volontairement sans aucune contrainte psychologique ou physique les ordres de Lord Voldemort ?
- Je… ça suffit, tu ne m'aideras pas !
- Et qu'est-ce qui va m'en empêcher ? Ou plutôt qui ? Je suis la Ministre je te rappelle.
- Toujours aussi têtue.
Et pour la première fois, il s'avoua vaincu devant Hermione Granger. Elle le regarda, non pas peu fière, d'avoir obtenu son consentement alors qu'elle l'obligeait à rejoindre son bureau de nouveau. C'est ainsi que la jeune demoiselle découvrit le vrai Draco Malefoy, s'il disait vrai. Elle avait toujours ce petit doute concernant cet homme, elle avait beau déceler cette lueur de sincérité dans son regard, elle avait également peur qu'il se joue d'elle parce qu'elle risquait gros sur ce coup. Elle doutait pourtant qu'il puisse vouloir la faire descendre de ce piédestal qu'elle s'était créée, après tout, il n'y avait plus aucune rivalité entre eux et personne ne profiterait de quoique ce soit s'il venait à la faire tomber, après tout, son remplaçant risquait d'être Harry puisqu'elle était sûre qu'il se présenterait après elle pour contrer tout plan diabolique.
Son cœur s'ouvrit à cet homme, elle se rendait compte qu'en vérité elle le connaissait à peine. Fils de deux parents convaincus par la pureté de leur sang, petit fils de grand-parents encore plus abjectes, il n'était en vérité qu'un petit garçon qui n'avait pas eu le droit de réfléchir par lui-même. Riche, doué et choyé, Draco Malefoy avait le droit de tout avoir s'il obéissait à la doctrine du sang pur, une doctrine répugnante mais qu'il entendait depuis sa naissance. Si pour certains il s'agissait là d'une aberration pour lui il s'agissait d'un fait parce qu'il l'entendait tous les jours. Sa famille, à l'époque, ne s'était pas permise de côtoyer qui que ce soit qui n'avait pas un sang pur. Le blond souligna d'un ton un peu plus grave qu'à cette époque toute famille de sang pur, mis à part ceux qu'on appelait « les traîtres à leur sang », avait rejoint les rangs du Seigneur des Ténèbres. Il avait été bercé par des illusions toute son enfance, sa plus grande déception en tant qu'enfant avait été sa rencontre avec Harry Potter, il avait souvent entendu qu'un bébé capable de défaire le plus grand sorcier de tous les temps, allait forcément devenir plus sombre et plus puissant que Lord Voldemort mais, en rejetant sa main, Harry avait confirmé qu'il était du mauvais côté de son point de vue d'enfant. Arrogant et prétentieux à cause de ses valeurs familiales, il était tombé de très haut lorsqu'Il était apparu de nouveau. Le grand, le puissant, le redoutable Voldemort était revenu d'entre les morts et Lucius, fidèle serviteur, lui avait prêté de nouveau allégeance. Draco avait vécu ça comme une expérience extraordinaire avant la chute de la dignité de son père, incapable de récupérer la prophétie des mains d'un gamin, la vengeance ne tarda pas à tomber, le fils Malefoy devrait prendre la vie de Dumbledore. La culpabilité, la peine et la peur l'avait rongé, ses entrailles se tortillant dans tous les sens en priant qu'il arrête de se faire autant de mauvais sang mais la peur était encore plus forte que tout. La peur, cette sensation qui s'était glissé dans ses veines comme un serpent, cette sensation qui l'avait dévoré et avait resserré son étau venimeux autour de sa gorge pendant près d'un an pour qu'au moment fatidique, il baisse sa baguette, le Directeur ayant réussi à créer en lui un sentiment encore plus fort que la peur de mourir, l'espoir de survivre.
Sa voix se brisa quand il parla de la mort de Dumbledore, il avait encore du mal à accepter cette vision d'horreur qui, selon lui, avait fait changer ses valeurs et ses convictions, cet instant avait profondément changé le gamin qu'il était à l'époque. Pour sauver son père, que son nom retrouve sa gloire, il avait vainement tenté de suivre Harry et de l'empêcher de détruire le diadème de Voldemort, et pourtant, il avait été témoin chez son rival de la même compassion que chez le vieil homme, il lui avait tendu la main et l'avait sauvé malgré qui il était. Elle se souvenait également que Narcissa avait sauvé la vie de son meilleur ami en mentant à son Seigneur, même si ce sauvetage était purement égoïste, un moyen de sauver son propre fils. Hermione avait écouté le récit de Malefoy sur toutes leurs années à l'école et elle voyait le petit blond de l'époque, totalement différemment, elle portait sur lui un regard nouveau. Et puis, elle souligna également le fait qu'il avait menti sur leur identité au Manoir Malefoy, quand elle lui demanda pourquoi, il ne trouva rien à répondre, il ne pouvait émettre qu'une seule hypothèse, il espérait qu'Harry serait capable de le sauver, de les sauver si il s'échappait.
Il ne s'arrêta pourtant pas là, il manquait à la jeune femme encore beaucoup d'informations et elle garda son attention et sa concentration tournées vers lui.
- Astoria était avec nous à Poudlard et elle était restée pour aider à sauver les combattants, elle ne s'était pas rangée du côté de Voldemort un seul instant. C'était une fille plutôt discrète mais d'une beauté très élégante… Je suis tombée amoureux d'elle cette nuit-là, tu sais, elle m'a soignée mes brûlures après cette affaire dans la Salle sur Demande, j'étais resté là, encore choqué d'avoir vu la mort d'aussi prêt mais pire encore, je suis resté choqué par la mort de Crabbe, et elle est arrivée, elle s'est occupée de moi en silence avant de me demander si je voulais vraiment voir un être aussi abject au pouvoir, si ça valait le coup de tuer autant d'innocents juste pour tuer un gamin de notre âge. C'était une gamine très sage pour son âge, je suis tombé de haut quand elle avait prononcé toutes mes pensées à voix haute. Avec mes parents, on a fui la bataille, on s'est planqué en attendant le jour du procès… Après la décision de justice, je ne savais plus quoi faire, où aller. La seule personne à laquelle j'ai pensé, c'était elle. Ses mots, quand elle avait parlé de la guerre, ne portait aucun jugement, elle comprenait que je n'avais pas agi par total libre arbitre. Depuis gamin, je n'avais jamais vraiment compris qui était le bien et qui était le mal, je n'avais pas compris que mon père était le mal. J'ai commencé à comprendre quand il est revenu, quand j'ai vu l'impact qu'un seul être peut avoir sur le monde entier et elle aussi, elle avait toujours connu la suprématie du sang pur mais, quand il est revenu à la vie, elle avait seulement douze ans, quand elle a vu la souffrance et la peur qu'il inspirait, elle a décidé que ce n'était pas ce en quoi elle croyait. Elle voulait quand même que ses parents gardent leur dignité et qu'ils survivent donc, elle n'a rien dit, devenant silencieuse mais très sage devant les événements. Elle ne détestait pas les moldus, même si elle ne voulait pas pour autant se mélanger avec eux, elle n'en voulait pas non plus aux nés-moldus même en prenant en compte le fait qu'elle ait entendu toute son enfance qu'il ne fallait pas faire confiance aux « sang de bourbe », désolé pour le terme. Ma mère et elle, elles se sont beaucoup disputées, même si ma mère n'était pas aussi dure que mon père, elle voulait que Scorpius apprenne sa supériorité, qu'il comprenne que les moldus étaient des moins que rien. Quand je me suis tourné vers elle, elle vivait déjà seule, elle m'a accueilli et c'est comme ça que je suis tombé amoureux d'elle, elle m'a ouvert sa porte et son cœur, elle partageait les mêmes idées, la même enfance et c'était suffisant. On s'est mariés à l'étranger et Scorpius est arrivé, j'étais vraiment fier d'avoir réussi quelque chose comme lui dans ma vie, on l'a élevé avec des valeurs plus modestes, et on en a fait un fils respectueux de ce qu'il possède et de ce que les autres possèdent. Mais, elle avait une maladie génétique due à une malédiction ancienne, sa santé s'est affaiblie avec la grossesse et elle est morte deux ans plus tard, en dépit de tout ce qu'on a tenté. Surtout qu'en portant le nom de Malefoy, elle a considérablement restreint ses chances d'avoir les plus grands médicomages à son chevet…
L'amertume de cette phrase était palpable, Hermione aurait juré qu'elle aurait pu la toucher du bout des doigts. Elle comprenait sa douleur, elle comprenait également la rancœur qu'il aurait pu avoir, mais surtout, elle comprenait comment celui qu'elle avait pris pour un être sans cœur avait pu tomber amoureux et avoir un enfant. Elle en était un peu jalouse, elle-même n'avait pas été capable de garder Ron longtemps et après ça, elle n'avait pu garder qui que ce soit bien longtemps. Elle avait bien eu quelques rencarts mais rien de très sérieux, quand aurait-elle eu le temps pendant cette longue ascension vers le sommet ?
Elle observa le jeune homme longuement, en silence, elle avait besoin de réfléchir, encore une fois en silence, pour assimiler toutes les informations. La première, Draco Malefoy n'était plus un connard, la deuxième, il était maintenant un homme rejeté pour son sang-pur et les idéaux de ses parents, exactement comme les né-moldus pendant la Grande Guerre. Elle en était désolée mais elle était également révoltée que personne n'ait pris le temps d'essayer de comprendre.
- Il va falloir y aller en douceur Malefoy. Si j'amène directement ta réinsertion, ceux qui ont commis des crimes, des vrais, vont vouloir que je les écoute à leur tour et ça créerait une vague de chaos dans le monde sorcier. Mais… On peut y aller en douceur. Commencer par des sorties publiques, rares, en compagnie d'agents importants du Ministère, comme Harry par exemple.
- Tu veux vraiment que j'ai des sorties publiques avec Potter ? Même avec toute la bonne volonté du monde Granger, je ne supporte vraiment pas Saint Potter. Ce n'est plus une question de fierté ou de haine, c'est juste… par la barbe de Merlin, il est barbant. Il faut faire le bien, il faut sauver la mise, il faut sauver de ce qui ne nous regarde pas, il faut que je me fasse constamment remarquer parce que je suis l'Elu.
La Ministre ne put retenir un éclat de rire. Une chose n'avait pas changé, la vision qu'il avait de Harry. Et elle remarquait qu'il n'avait pas totalement tort, Harry avait toujours eu un besoin maladif de se mêler des histoires qui ne le concernait pas. Elle se souvenait du ton exaspéré qu'elle avait souvent pris en l'entendant parler d'aller à nouveau fouiner à droite, à gauche. Et pire encore, elle se souvient du temps qu'il avait passé à se plaindre après la fin de la guerre, il n'avait absolument plus rien à fouiner et il s'était vite retrouvé à s'ennuyer, c'est comme ça que Ginny l'avait poussé à devenir Auror.
- Il reste une figure importante, surtout pour le Ministère, vous pourriez au moins vous consulter pour la protection du Tournoi, commencer par des rencontres professionnelles ?
Elle l'encouragea à accepter d'un sourire optimiste, et malgré un regard qui en disait long sur sa pensée, il acquiesça. La conversation se termina sur de brèves politesses, puis Draco quitta le bureau, abandonnant Hermione avec ses projets et ses pensées.
Le temps défila à nouveau, sans nouvelles, jusqu'à ce qu'elle aille, un soir, dîner chez les Potter. Elle aida Ginny à préparer le repas pendant qu'Harry finissait de mettre la table. Distraite par ses pensées qui cherchaient comment commencer la conversation sur Malefoy, elle avait du mal à écouter Ginny qui se plaignait légèrement de sa nouvelle vie de mère au foyer, malgré l'aide de sa mère Molly, la jolie rousse avait dû arrêter sa carrière de joueuse de Quidditch et la négociation pour un poste de reporter sportif à la Gazette du Sorcier prenait un temps considérable.
La discussion tourna autour de leur vie de couple jusqu'au moment de se mettre à table, la Ministre ne tenait plus et les coupa pour leur annoncer son projet. Elle avait pris soin de réfléchir à chacun de ses mots et elle avait fini par conclure qu'elle ne devait pas parler de ses projets personnels avec Malefoy, juste de ses projets professionnels.
- L'autre jour, le diplomate du Ministère est passé me voir pour mettre en place les derniers points du tournoi des trois sorciers. Il aurait besoin d'avoir un rendez-vous avec toi Harry, pour la sécurité des étudiants. Il devrait bientôt retourner au Japon pour finir de négocier sur les termes de la sécurité d'ailleurs.
- Ah. Poudlard est encore en tournoi ? Hm. Comment s'appelle le diplomate ?
- Tu le connais vaguement. C'est Malefoy.
- Pardon ?
Ginny avait lâché sa cuillère et Harry avait écarquillé les yeux si grands, qu'Hermione aurait cru voir le fond de ses orbites. Il fût difficile par la suite de leur expliquer les circonstances, elle n'avait que brièvement entendu parler de son ascension jusque-là. Elle avait simplement compris qu'il avait fait des études par correspondance, passer ses ASPICS aussi discrètement que possible et que de fil en aiguille, comme elle, il s'était lié avec les bonnes personnes pour réussir.
Elle avait misé toute sa foi dans la confiance qu'ils avaient pour elle, et elle fixait Harry avec ce même regard déterminé que lorsqu'ils étaient plus jeunes, le regard avec lequel elle l'avait regardé chaque fois qu'ils s'étaient lancés dans une nouvelle aventure pour arrêter Lord Voldemort, ce regard qui voulait dire beaucoup de choses.
- J'accepte. A la seule condition que ça reste strictement professionnel, je ne veux que des débuts de conversation poli et que des discussions concentrées sur le travail suivi par des salutations toutes aussi polies.
- Harry… Je t'assure que tout ça n'est pas nécessaire, il est comme changé. En plus, il a perdu sa femme et il élève son fils seul. Tu pourrais au moins faire un effort… Il n'est pas le seul à avoir fait les mauvais choix.
Elle ne comprenait pas trop ce besoin de prendre sa défense mais elle devait admettre que Harry avait fait beaucoup de mauvais choix par le passé, il y avait eu beaucoup de disputes à cause de son égocentrisme et qu'il pouvait, pour une fois, l'écouter elle plutôt que son instinct parfois très rustre.
- Je me rendrais responsable de tout ce qui pourrait arriver de mal.
