Chapitre quatorze, savoir vivre maintenant.
Il n'était pas loin de vingt-trois heures trente quand un bruit sourd sortit Hermione de ses papiers, elle jeta un coup d'œil à la pendule avant de se diriger, méfiante, vers la porte d'entrée. Elle l'ouvrit, baguette en main, et ses yeux s'écarquillèrent devant son invité, elle lui fit signe d'entrer. Draco avait l'air sévère et perplexe, il fit un pas en avant pour la laisser refermer derrière lui.
- Tu n'es pas à Poudlard ?
- Ils n'ont pas besoin de moi pour l'instant, j'ai appris que t'étais inquiète donc me voilà.
- Je suppose que tu tiens ça de Harry, vous êtes beaucoup plus sympathique l'un envers l'autre qu'il y a quelques mois.
- On s'adapte. Tu n'as pas répondu à ma question...
- Ça n'en était pas une.
- T'as compris ce que je voulais dire.
- Je me suis un peu habituée à être présente pour tes apparitions officielles, et comme là tu étais seul, j'étais inquiète à l'idée d'avoir des nouvelles qu'à travers la presse demain. Comment ça s'est passé ?
- Plutôt bien. Les gamins ne m'ont pas mangé et ils ont pas sifflé, j'étais avec Potter aussi donc forcément, c'est passé comme une lettre par hibou. J'ai fait mon discours et je suis parti parce que j'ai appris qu'être en retrait et non pas sous le feu des projecteurs étaient bénéfiques pour soi.
- Reste plus qu'à attendre les nouvelles pour le monde demain ?
- Oui... J'ai laissé Scorpius à ma mère, je peux passer la nuit ici ?
Pendant toute la conversation, il avait semblé assez abattu. Elle acquiesça et il se dirigea vers la salle de bain, elle le suivit du regard, une moue sur le visage. Rapidement, elle rangea son salon, puis éteignit les lumières avant d'entrer dans la salle de bain. Un nuage de vapeur avait envahi l'air ambiant, elle jeta un coup d'œil vers la douche, l'ombre de son amant s'y dessinait à travers la paroi. Elle se contenta de se débarrasser de son jean, qu'elle mit dans son panier à linge puis resta devant le miroir, rapidement, elle passa un coup d'eau savonneuse dessus suivi d'une crème hydratante. Pendant sa routine, elle n'avait pas remarqué que l'eau s'était arrêtée et que Malfoy se trouvait juste derrière elle, en relevant la tête, elle vit son reflet et sursauta.
Il encercla sa taille de ses bras encore mouillé et enfouit sa tête dans son cou, elle resta bien droite, surprise par ce geste.
- Pourquoi tu es dans un aussi mauvais état, Draco ?
- Parce que je suis en train de penser à l'impossible.
- C'est-à-dire ?
- Quelque chose de stupide.
Jamais il ne parlerait de ses envies d'engagement. Intriguée, elle observait la scène à l'aide du miroir, son reflet lui renvoyant l'image d'un couple en phase de rupture et elle put presque entendre son cœur se briser à cette pensée. Baissant les yeux, elle s'écarta doucement de lui, perturbée.
Elle ne savait pas trop à quoi mener leur relation, elle n'avait jamais chercher à savoir mais maintenant qu'elle avait la sensation que tout glissait entre ses doigts, elle était mal à l'aise, attristée par cette possible fin. Jamais, elle n'aurait imaginé vivre ça avec quelqu'un et surtout pas avec Draco Malfoy, pour l'instant, il n'y avait pas d'histoire d'engagement, et ils n'en avaient jamais discuté, elle soupçonnait une sorte d'exclusivité, en tout cas, elle lui était fidèle.
Son cœur s'accéléra à la pensée qu'elle avait peut être fait fausse route, elle rougit instantanément en se disant qu'elle pouvait être une parfaite idiote, qu'il voyait d'autres femmes, après tout, ils ne s'étaient jamais rien promis, elle avait juste décidé que la situation lui allait bien sans lui demander son avis à lui.
Un soupir lui échappa et elle refusa d'affronter cette réalité aussi tôt, probablement allait elle laisser passer la nuit pour ressentir une dernière fois cette sensation de bien être, cette sensation que tout allait bien dans sa vie. Alors qu'elle allait s'éloigner de lui pour sortir de cette pièce qui, d'un coup, lui paraissait étouffante, il lui attrapa le poignet et la ramena vers lui, sa main libre glissa sur sa joue puis attrapa son menton pour l'obliger à lever les yeux vers lui, elle sentit son pouce caresser sa lèvre inférieure et avant de le laisser l'embrasser, elle chercha une réponse dans ses yeux, un réconfort pour calmer ses inquiétudes, voire même un sentiment sur lequel elle avait peur de mettre un nom. Leurs lèvres se touchèrent, un baiser doux qui était bien loin de leurs habitudes, il semblait vouloir lui dire quelque chose mais elle n'arrivait pas à comprendre ses gestes, ses tentatives, comme si il y avait une barrière qui les empêchait de communiquer, de se voir.
Ils se séparèrent, ils se regardaient de la même manière sans se voir, ils étaient vaincus par leurs inquiétudes et leurs peurs, comme si ils vivaient chacun dans l'univers de l'autre, se cherchant sans jamais se trouver. Ils n'avaient pourtant que trois mots, sept lettres et un sentiment à se déclarer pour comprendre que la nature de leur relation était plus profonde que le sexe et les caresses. Ils avaient fini par s'ouvrir leur âme, par se connaître dans la sphère privée comme la sphère publique, par tomber amoureux de leur véritable personnalité. Les heures leur avaient permis de discuter, les minutes à se dévorer du regard et les secondes avaient résonné dans le silence de leur nuit éveillée, ils se hantaient, se possédaient, ils avaient atteint cette vérité blessante que le passé les avait laissé tomber pour qu'ils affrontent un avenir incertain. Ils s'étaient apprivoisés et découverts, cette attirance qui les brûlaient jusque dans les entrailles s'était finalement transformée en un battement de cil.
- Tu veux pas boire un verre avant d'aller dormir ?
- Bonne idée.
Hermione quitta la salle de bain, tentant de mettre une distance entre les actes et les pensées alors que Draco restait planté là, penaud. Elle partit chercher deux verres et des alcools moldus qui traînaient dans un placard qu'elle n'utilisait que rarement, revenue dans le salon, elle posa tout ça sur la malle qui lui servait de table basse avant de faire le service.
Elle l'attendit patiemment alors qu'il venait s'installer sur un fauteuil un peu plus loin, lui aussi cherchant une distance avec la tentation. Il attrapa son verre, le leva en direction de l'incarnation de son hésitation et il en but une grande gorgée, le liquide coula, brûla sa gorge puis créa une sensation de chaleur dans son œsophage, ils burent ainsi en silence, le regard fuyant. Enfin, quand la chaleur avait atteint les joues de la jeune ministre, elle osa parler.
- On devrait s'arrêter non ?
- Arrêter quoi ?
- Nous deux.
Le choc décrocha la mâchoire de son interlocuteur, il était prêt à tout entendre en règle générale mais certainement pas à ce que Granger rompe avec lui.
- J'aurai dû m'en douter. Tu étais trop loyale, droite, fiable... A côté de moi.
- Quoi ? Mais... tu veux pas arrêter, toi ?
- Non, bien sûr que non ! J'ai.. Hermione, la seule raison pour laquelle je trouvais qu'on était bien quand on vivait cacher, c'était parce que j'avais pas l'impression de trahir Astoria.
- La trahir ?
- Je suis en train de tomber amoureux de toi !
Il avait haussé le ton, presque en colère de devoir lui dire. Son poing serrait fermement le verre, ses jointures devenant de plus en plus blanches alors qu'il sentait à peine la pression presque dangereuse qu'il exerçait sur une matière aussi fragile. Il refusait de regarder la jeune femme dans les yeux, refusant de faire face à sa réaction, si elle ressentait la même chose il trahirait définitivement sa défunte femme et si elle le rejetait alors il n'aurait plus la force de faire face à qui que ce soit. Ce qu'il ressentait pour elle défiait toutes les croyances auxquelles il avait un jour voué un culte.
L'époque de Poudlard lui semblait si loin, pourtant il était encore capable de se souvenir du peu de filles avec qui il avait eu un flirt, mis à part Pansy dont il s'était servi par nécessité, elles avaient toutes étaient intelligente, compatissante, Astoria la première, il avait toujours eu un faible pour les femmes avec un caractère bien trempé. Ces qualités, Hermione les avait, mais pas seulement, elle était loyale, indépendante, et surprenante, forte, impitoyable, têtue comme un botruc, elle avait aussi une répartie dangereuse, une fierté écrasante. Pourtant elle était un peu fragile, cherchant toujours à avoir quelqu'un de son côté pour avoir un soutien, une épaule sur laquelle pleurer dans les moments de doute, cette seule épaule pouvant l'aider à soulever les foules, à contredire le monde entier pour affirmer ses valeurs, ses valeurs parfois écœurantes de bonté et de justice, la justice pour qui elle vouait une soif inégalable.
- Draco, regarde moi.
Il leva les yeux vers elle, et il ne semblait toujours pas capable de rejoindre la même onde, le même univers. Il pouvait pourtant détailler la couleur noisette, un peu chaude, de son regard. Ce regard qu'il avait vu exprimer la rage de vaincre, la tristesse, l'angoisse, le plaisir, le doute, l'impatience, ce regard qu'il revoyait encore en train de sourire après un baiser tendre. Il ne la lâchait pas des yeux alors qu'elle se levait pour s'approcher de lui, elle prit son verre pour qu'il le lâche, le posa plus loin, puis s'installa à califourchon sur ses jambes. Mécaniquement, il posa ses mains sur ses hanches, elle se pencha lentement, il sentit quelques unes de ses mèches brunes lui chatouiller les joues puis la nuque.
- On va devoir attendre un peu plus longtemps pour être un couple officiel mais... qu'est ce que tu dirais de commencer par l'annoncer à notre cercle proche ? Astoria est partie depuis longtemps maintenant, je ne pense pas que tu la trahis en continuant à vivre ce que tu as envie de vivre.
Il hocha la tête, incapable de répondre. Elle l'embrassa avec tous les sentiments qu'elle avait, il tenta de répondre de la même manière et par ce simple geste, ils avaient l'impression d'être de nouveau dans le même espace-temps, d'être de nouveau ensemble, de ressentir la chaleur de la peau de l'autre, les émotions, le tourbillon d'envie et d'impatience.
La nuit les avait bercé longtemps, le soleil avait déjà commencé à illuminer la pièce, un bruit sortit Draco de son sommeil dans un grognement irrité. Il se redressa lentement, cherchant la source de ce vacarme. Il vit un hibou à la fenêtre qui toquait de son bec sur la vitre fermée. Il se leva pour lui ouvrir, celui ci lâcha la Gazette du Sorcier sur le fauteuil et tendit sa patte en attendant son argent. Le blond chercha son pantalon avant d'en sortir une mornille, il ne savait plus exactement combien ça coûtait alors il tenta simplement de la glisser dans la bourse en cuir, le hibou ne réagit pas pendant une seconde avant de s'envoler. Hermione s'était réveillée et avait déjà attrapé le journal pendant que son copain avait cherché de quoi payer ce maudit oiseau.
- Tu fais la une !
Pas vraiment surpris, il retourna s'asseoir sur le canapé à côté d'elle. Ils n'avaient pas vraiment pris la peine de monter se coucher à l'étage après leur nuit mouvementée, elle s'était simplement blottie contre lui dans le canapé et il avait recouvert leur deux corps d'un plaid avant de sombrer dans un sommeil lourd et sans rêve.
Il se pencha au dessus de son épaule pour lire l'article.
« L'annonce du début du Tournoi des Trois Sorciers à Poudlard !
La plus célèbre école de Sorcellerie, Poudlard, ne semble pas vouloir renoncer à la tradition du Tournoi des Trois Sorciers qui débute cette année, annonçant l'affrontement de la Grande Bretagne (Poudlard), du Japon (Mahoutokoro) et du Brésil (Castelobruxo). La surprise a été annoncé par Draco Malfoy, qui s'est présenté comme diplomate d'Etat pour le compte du Ministère de la Magie britannique […] Beau discours […] présence mature […] »
Rapidement, il arrêta sa lecture en détail pour se contenter de lire entre les lignes. Il fut étonné du portrait qu'il peignait de lui, il n'y avait rien de péjoratif, rien sur son passé compliqué. La Gazette avait dépeint le portrait d'un homme lambda qui avait réussi la mission qui lui avait été donnée. Un sourire étira ses lèvres alors qu'Hermione se jetait sur lui pour le prendre dans ses bras, il était soulagé et surpris de savoir que sa vie pourrait redevenir normale. Il était heureux de se dire que la tranquillité était de retour, il n'avait plus ses mauvais choix sur les épaules, il n'avait plus qu'à faire ses preuves en repartant à zéro et le projet sur lequel il avait passé plusieurs années était reconnu comme étant un bon projet.
Ils ne tardèrent pas à se séparer, Hermione devait être au Ministère et lui, voulait expliquer la situation à son fils. Ce ne serait probablement pas facile pour lui de comprendre mais il n'était pas un enfant difficile alors la conversation ne devrait pas prendre une tournure désagréable.
Les jours passèrent tranquillement, la seule personne au courant était Scorpius, il avait eu un peu peur à l'idée que son père puisse oublier sa mère mais Draco s'était fait rassurant et confiant, il avait aussi fait la promesse que chaque fois que son fils lui demanderait, il lui raconterait l'histoire de leur amour. Le petit avait toujours apprécié Hermione et ne voyait pas le mal à partager sa vie avec une femme aussi gentille.
Pour le dernier jour de l'été, ils décidèrent d'organiser un repas avec ce qui était maintenant, leur cercle commun pour annoncer la nouvelle. Ron avait proposé de faire la petite soirée chez lui un samedi soir, Harry et Ginny avait laissé leurs enfants à Molly et Hermione arriva au bras de Draco, ils ne paraissaient pas tellement surpris, peut être parce qu'ils les avaient vu traîner ensemble tout l'été et qu'ils n'y voyaient rien de plus qu'amical ? La brune se demandait tout de même si ils n'étaient pas tous un peu au courant, Ginny avait toujours cet air espiègle quand elle les voyait ensemble et elle était persuadée qu'elle faisait part de ses remarques à son mari dans l'intimité de leur foyer, il ne restait que Ronald, il avait toujours été aveugle sur ces choses-là et même si la jeune femme s'était confiée à lui au début de sa relation secrète pour lui dire à quel point elle se sentait attirée par son ancien némésis, le doute ne la quittait pas quant à sa réaction.
Juste avant le dessert, Hermione sentit la main de son copain se poser sur sa cuisse, elle lui lança un regard inquiet, pas vraiment sûre du timing. Il hocha la tête pour l'encourager à prendre la parole, après tout, c'était ses amis à elle et même si il avait réussi à s'intégrer au fil des semaines passées, il arrivait toujours à agacer Potter et Weasley d'un simple sourire moqueur.
- Hm.. Je voudrais vous annoncer quelque chose. Voilà... Dracoetmoionestencouple
- Quoi ?
Le mot avait surgi à l'unisson, elle était tellement confuse qu'elle dut prendre une grande bouffée d'air pour réussir à articuler les mots qu'elle avait tant de mal à prononcer.
- Draco et moi sommes en couple, officiellement.
Elle jeta un regard à Ron qui était en train de manger un morceau de pain, visiblement incapable d'attendre le dessert avec sa faim monstrueuse. Il finit par remarquer que c'était sa réaction qu'elle attendait et il haussa les épaules alors que Ginny et Harry souriaient.
Le silence commença à devenir pesant puis Ron se décida enfin à parler.
- Ça fait quoi de passer après moi Malfoy ?
- C'est pas dur, je pouvais faire que mieux !
Draco affichait son sourire typiquement moqueur et son air un peu supérieur alors que son interlocuteur virait au rouge pivoine.
- Attends que je te …
Harry retint son meilleur ami de se jeter sur Malfoy alors que Ginny explosait de rire. L'information était tellement bien passée que le soulagement se lisait sur le visage de la jeune Ministre. Elle avait enfin l'impression d'avoir ce qu'elle avait toujours voulu, le vide de sa vie avait disparu, elle avait retrouvé sa proximité avec ses amis et elle avait trouvé quelqu'un avec qui elle pouvait tout partager, elle s'était rendue compte durant cette courte période qu'elle s'était elle même enfermée dans sa solitude. Même dans l'idée où sa relation avec ce fantôme de son passé ne fonctionne pas, elle savait désormais que pour être heureuse, elle devait simplement laisser la porte ouverte. Elle n'avait pas besoin de rêver mariage et enfants, elle avait juste besoin de confort et de sécurité, elle devait ouvrir son âme, continuer à apprendre ce qu'elle ne pouvait pas trouver dans un livre.
Cette rencontre qui avait évolué de manière si intense et si rapide, ne lui faisait pas du tout l'effet d'une rafale de vent. Cette sensation de bien être qu'elle éprouvait ressemblait à cette petite brise d'été qui permet de supporter une chaleur étouffante, une brise rassurante qui caresse la peau avec douceur pour donner des frissons agréables.
Cette courte saison lui avait appris bien plus que le regard qu'elle pouvait avoir sur elle-même, elle lui avait appris à changer le regard qu'elle avait sur les autres, sur ses amis, sur son passé, sur ses ennemis d'autrefois. En un été, elle avait appris à vivre réellement, à combattre encore plus férocement pour les causes qu'elle défendait, à apprivoiser et reconnaître ses sentiments, à donner un sens à ses regrets.
Hermione Jane Granger avait mûri bien plus qu'elle ne l'aurait cru.
