Disclaimer: Shaman King appartient à Monseigneur Takei et à nul autre.
Fragment 11
Pardon n'est pas oubli (Jackson)
(Far away – Jose Gonzalez – Red Dead Redemption OST)
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Ni l'homme, ni la femme n'avait bronché, au moment où Fudô leur avait passé ses chaînes spirituelles. Pas plus que Radim. Toute expressivité avait disparu de leurs visages, tandis que le poids des liens de son esprit retombait sur leurs poignets et que leurs esprits leur étaient confisqués. D'ailleurs, les anges firent preuve de la même résignation que leurs shamans. Jackson se souvenait avoir dû batailler ferme avec les esprits des comparses de Hao qu'il avait attrapés – même si Canna était là pour lui indiquer leurs points faibles. Là, pas une once de combativité. Gabriel et Michael s'étaient laissés enfermer le plus simplement du monde.
Ils s'étaient mis en marche, à son signal, sans qu'un mot de plus que nécessaire n'ait été prononcé.
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Le soleil matinal était encore bas. La montagne était tranquille, empoussiérée, quoique encore fraîche. Le silence nappait le décor austère du village pache depuis la victoire de Sati. Dans la journée, certains participants traînaient, sans but, mais les rues restaient encore souvent vides. De temps en temps, on voyait passer certains des organisateurs mais le reste de la tribu pache, comme durant le tournoi, demeurait invisible.
En chemin, Jackson surveillait presque sa compagne davantage que les X-Laws. Rien d'étonnant. Radim n'était pas assez bête pour tenter de s'enfuir et les deux blondinets semblaient résignés. En réalité, il avait même tendance à considérer ses prisonniers comme plus fiables que Canna. La jeune femme marchait à ses côtés, impassible, sa chevelure bleue balayant ses omoplates nues comme une queue de cheval chassant les mouches. Ses bottes blanchies par la poussière traînaient sur le sol au rythme de son pas. Elle plissait les yeux, un air d'ennui mortel sur la figure.
Machinalement, elle porta une main à sa poche, glissa une cigarette entre ses lèvres et l'alluma. L'odeur de fumée monta aux narines de son partenaire qui retint une grimace de dégoût. Ce qu'elle était pénible, à fumer tout le temps, comme ça. Il était sûr qu'elle savait très bien à quel point ça l'emmerdait.
Jackson ne comprenait rien à cette fille silencieuse et étrange. Il se reprochait parfois de ne pas parvenir à ressentir davantage de compassion pour elle. C'était à se demander si sa reine ne la lui avait pas collée exprès entre les pattes, en guise d'épreuve. Tiens… oui, cela pouvait bien être une manière de tester sa force intérieure. Il n'était sans doute pas si loin de la vérité. De plus, il était bien conscient que le duo Yainage et Kadow était beaucoup plus fonctionnel que celui qu'il aurait formé avec l'un ou l'autre.
Qu'on l'oblige à travailler avec une personne qu'il n'estimait guère était une chose. Mais rien ne pouvait le contraindre à lui faire confiance. Canna était un élément dangereux. Un poisson venimeux passé, il ne savait par quel tour de passe-passe, à travers les mailles du filet. Oh bien sûr, personne ne pouvait tromper Sati. Mais peut-être l'ex-Hanagumi disposait-elle de leviers stratégiques qu'elle avait pu mettre en œuvre en faisant appel au pragmatisme de la reine. À moins que celle-ci n'ait vu en elle une possibilité infime, dont lui-même n'avait pas conscience, et qui lui avait valu cette position exceptionnelle.
Quoi qu'il en soit, il se méfiait de sa partenaire.
Depuis que Canna et lui faisaient équipe, Jackson ne l'avait jamais vue commettre le moindre faux pas. C'était une pisteuse plutôt douée, malgré une légère tendance à l'impatience et une addiction fort contrariante à la nicotine. L'une de ses plus grandes qualités, en outre, c'était son silence: elle était brusque mais peu bavarde et ne se plaignait jamais, ce qui lui convenait très bien. Elle aurait même fait une alliée presque acceptable, si elle n'avait pas été une ancienne adepte de Hao et, bien pire, une transfuge, une ratte, une traîtresse. Là était probablement l'origine de sa répugnance. Qui retourne sa veste une fois le fera sans doute encore. Jackson était persuadé de la véracité de cette maxime. Et pour cause: lui-même avait toujours été d'une indéfectible loyauté envers sa maîtresse.
Rien n'était plus décevant, à ses yeux, que les opportunistes. Le droit chemin était étroit: on avait tôt fait de s'en écarter. Et s'il s'efforçait de tempérer ses jugements, il ne pouvait se défendre d'un sentiment de colère face à ceux qui parvenaient à s'en sortir en louvoyant.
Ils formaient une drôle de paire, lui et Canna, à côté des deux X-Laws. Quelles différences, d'un duo à l'autre! Rien qu'en les observant de dos, il pouvait sentir l'abîme qui les séparait tous deux de cette entente tacite, dont il avait pu mesurer la teneur au seul regard que les captifs avaient échangé avant de se rendre.
Sans se trahir, il les observait d'un air discret. Blonds comme les blés, blancs comme des lys, mais avec cette fermeté toute militaire dans le maintien et cette sévérité dans les yeux. Les deux fuyards se ressemblaient. Il y avait peut-être un tout petit peu plus de souplesse chez la femme. Et encore. Ce n'était peut-être qu'un préjugé de sa part.
Il semblait exister un lien ténu, entre eux, mutique, comme s'ils pouvaient communiquer par télépathie. Ces deux-là se connaissaient intimement et fonctionnaient comme une véritable équipe, avec tout le respect et la complicité que cela pouvait supposer. Pas comme lui et l'engeance rebelle qui lui avait été confiée. Quand ils partaient en chasse, il s'interrogeait parfois sur ses pensées mais son air buté lui demeurait impénétrable. Il avait du mal à cerner son associée, à deviner ce qu'elle désirait vraiment. Se faire pardonner, s'enfuir, survivre? Il savait qu'elle était très attachée aux deux fillettes qui avaient fait partie de son équipe. C'était d'ailleurs certainement une des garanties de sa bonne tenue. Mais le reste de sa personnalité lui restait caché. Avec ça, comment se sentir proche d'elle? Comment savoir s'il pourrait lui faire confiance, le jour où il faiblirait, où elle devrait couvrir ses arrières? Mieux valait garder les deux yeux ouverts. Le coup fourré viendrait, c'était une certitude, même s'il ne savait pas quand.
Rien de semblable ne devait exister entre le beau blond et sa partenaire. Jackson les imaginait, s'ils s'étaient décidés à résister: seuls contre tous, dos à dos, luttant jusqu'au bout, heureux de pouvoir mourir aux côtés d'un véritable ami.
Il n'éprouvait pas la même aversion pour les deux X-Laws que celle qu'il réservait à Canna, ou même à Radim, cet imbécile ingrat. Non, il y avait quelque chose de noble en eux, bien qu'ils soient adversaires sur le plan des idées. Bien qu'il y ait infiniment plus de sang sur les mains de l'armée des X que sur celles de l'ancienne partisane de Hao. Bien qu'il soit fort probable qu'on ne puisse leur arracher aucune information sur leurs complices en liberté, ni même aucune concession, aucun repentir. Bien que, ou alors à cause de.
Jackson respectait cela. Marco et Meene avaient beau être des criminels à ses yeux, ils étaient avait tout des fidèles, comme lui. Des gens droits dans leurs bottes, qui allaient jusqu'au bout de leurs convictions. Cette ferveur l'avait déjà touché durant du Shaman Fight.
Ça et autre chose, admit-il à contrecœur en détournant le regard de la nuque rougie par la chaleur montante de l'homme qui marchait devant lui. Il crut un instant que Radim l'avait pris sur le fait, mais il s'avéra que le Pache regardait autre chose. C'était difficile de savoir, avec ses lunettes.
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Pas un mot ne fut échangé durant le trajet. Leurs pas raclaient sèchement le sable jaune. Il n'y avait toujours personne dans les rues. Parfois, Jackson devinait un frisson de furyuku ou bien les regards d'un curieux dans l'ombre d'un store, mais nulle âme n'osait se montrer face à l'étonnante équipée qu'ils formaient. Comme si les gens avaient craint de s'attirer des ennuis en se risquant à s'approcher des réprouvés.
Le soleil commençait tout juste à chasser l'humidité de l'aube. La journée serait chaude. Éprouvante. Jackson voyait déjà la tête de Canna ployer sous la pesanteur de l'astre du jour. En bonne Allemande du Nord, la jeune femme supportait difficilement le dépassement des vingt-cinq degré sourire discret s'esquissa sur ses lèvres à la pensée des petits cinquante auxquels l'Inde l'avait habitué.
Mais apparemment, Canna n'était pas la seule: les rayons frappaient déjà dru sur les deux têtes blondes. Malgré la lourdeur de l'été et la saleté du tissu, ils avaient tous deux gardé leurs uniformes. Autrefois blancs, ceux-ci avaient terni sous le plancher de leur allié. Anges déchus, pensa Jackson, anges souillés.
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D'abord, il faudrait remettre Radim aux Paches. C'était une fleur que Sati avait faite aux organisateurs. Cela n'était pas un passe-droit et ne changerait guère le sort de l'ancien commentateur. Mais du moins serait-il tenu en captivité par les siens et non par le Gandhara.
La tribu s'était retranchée dans leur espace, en hauteur, dans la montagne. Un sentier escarpé y montait et s'arrêtait face à une grotte immense. Il s'agissait de l'entrée d'un couloir rocheux qui devait donner accès à une autre partie du village, celle qui leur était close, à eux, Gandharas. Le passage était surveillé en permanence par deux sentinelles de la tribu.
Une douce fraîcheur leur caressa le visage lorsqu'ils approchèrent du territoire des prêtres, mais les gardiennes, deux jeunes Paches aux visages austères que Jackson n'avait jamais vues, ne les laissèrent pas entrer. Ils ne purent que humer ce parfum de brise douce et imaginer l'agréable température du sanctuaire.
Les deux jeunes femmes ne se ressemblaient pas. L'une était d'âge mûr, trapue et parée d'une tenue traditionnelle, tandis que l'autre, mince et élancée, quoique pourvue de biceps impressionnants, portait un jean et un T-shirt clair. Chacune tenait fermement une lance d'aspect meurtrier et la bruine spirituelle qui les suivait trahissait la présence de fantômes gardiens aux aguets.
Jackson les salua avec respect, tandis que Canna se contentait d'un signe de tête. Radim, lui, n'esquissa pas le moindre geste. D'ailleurs, elles ne le regardèrent pas.
Le Gandhara n'envisagea même pas de réclamer une minute de repos à l'ombre des grottes: le lieu était sacré. Par accord avec la reine, il était entendu que, sans autorisation exceptionnelle du chef Goldova, aucun adepte ni représentant de la Shaman Queen n'était autorisé à pénétrer dans cette enclave, dernier vestige de l'autorité pache.
Canna avait râlé la première fois qu'ils étaient venus, arguant qu'on pouvait bien les laisser respirer deux minutes. Ils étaient alliés, "oui ou merde?" Au souvenir du scandale que sa nouvelle recrue avait fait, Jackson sentait encore la brûlure de la honte lui monter au visage. Il avait craint que la jeune femme ne lui fasse encore du tort. Mais elle semblait avoir accepté les choses, désormais. Un bon point, songea le Gandhara. Cela voulait dire qu'on pouvait encore la mater: elle n'était pas tout à fait irrécupérable.
La plus jeune des gardiennes quitta son poste sur ordre de l'autre, qui resta là, plantée en face d'eux, le visage fermé, statuesque. Un véritable mur. Ils patientèrent donc à l'orée du domaine pache, profitant simplement du souffle d'air frais qui s'en échappait. Le visage de Marco, entièrement tourné vers le couloir rocheux, semblait exprimer une soif inextinguible. Il ressemblait à un mendiant, accroché aux grilles d'un palais princier. Ou, pour reprendre les termes de ses croyances, une pauvre âme condamnée à la fournaise infernale, venue respirer une bouffée de parfum échappée de la porte du jardin d'Éden.
Jackson étudia ce visage droit. On aurait pu le croire jailli des mains d'un sculpteur de la Rome antique. Encore que, la bouche et le nez étaient trop fins, le visage trop allongé. Les canons de beauté valorisaient alors les têtes rondes, les lèvres pleines, un peu plus charnues. Marco n'avait pas le profil méditerranéen. Il n'en cultivait pas moins, malgré lui, une aura d'éphèbe saisissante.
Un pas lourd vint enfin à leur rencontre. C'était Blon. Le Pache leur adressa des salutations caverneuses et posa un regard froid sur Radim.
– Salut, Blon, lança ce dernier vaillamment.
Pas de réponse.
– Avoue que ça te plaît, cette situation, hein? fit Radim avec un sourire railleur.
– Ce que je pense n'a aucune importance, Radim, répondit sourdement l'intéressé.
Puis, se tournant vers les envoyés de Sati, il dit:
– Merci pour tout. Je vais m'en occuper, maintenant.
La deuxième gardienne sortit alors de son ombre et reprit son poste.
Radim se leva, fataliste, tandis que Jackson levait l'over soul qui liait ses poignets, et jeta un regard blasé aux deux X-Laws.
– Hé vous deux. Culpabilisez pas, hein. Je ne regrette pas.
– Tais-toi, rugit Blon. Tu n'as donc pas honte?
Radim haussa les épaules.
– Non.
Les deux organisateurs se fixèrent. Aucun des deux ne semblait vouloir lâcher le regard de l'autre.
– Nous verrons, trancha Blon. Après toi.
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Après que Radim se fut exécuté, ils ne tardèrent pas à repartir.
Le palais de Sati – monumental temple dont une partie était accessible depuis le monde des vivants – se tenait non loin de là. Il émanait une impression de calme puissant du bâtiment élevé, couleur de terre cuite patinée, enveloppé de brume. Sati s'était visiblement inspirée de l'architecture indienne de ses origines. L'ensemble paraissait flotter dans le brouillard, comme une fleur de lotus à la surface du fleuve.
Cette image seule réconfortait Jackson. Son visage s'apaisa quelques secondes, avant qu'il ne se reprenne, de crainte de laisser transparaître une expression dont Canna pourrait rire ou se servir. Il reporta son regard sur les X-Laws qui paraissaient impressionnés. Cela l'emplit d'une fierté presque chauvine. La femme ne ménageait pas ses regards mais l'homme, lui, cherchait visiblement à dissimuler son admiration derrière un masque de froideur. Jackson eut un petit sourire supérieur. La surprise donnait à l'X-Laws un regard juvénile qui le touchait. Lorsque Marco tourna la tête, sa nuque se tordit en un joli pli.
Oublie ça, songea Jackson. C'est un traître. Malgré tout. Une mauvaise personne, en tout cas pour toi. Détourne le regard. Vas-y.
Mais le regard ne voulait pas être détourné.
Il s'attarda donc, en glissant, sur les épaules de l'X-Laws, son dos bien droit. Puis descendit sur sa taille, laquelle était encore parfaitement prise dans l'uniforme sale. Et s'arrêta là, quoique, à regrets. C'était subreptice, fugace. Jackson ignorait ce qu'on ferait de Marco, quand il aurait encore l'occasion de l'admirer. Il finit par changer de point de mire, songeant que la récréation avait assez duré, on approchait du palais.
Et intercepta le regard de Canna, braqué sur lui. Un regard qui le glaça. Amusé, pas surpris mais moqueur, mais ravi. Il eut alors l'humiliante et odieuse impression d'avoir laissé voir un point faible à un ennemi très dangereux.
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Arrivés au palais, ils conduisirent les deux X-Laws à travers la porte basse, jusqu'à l'une des salles des transit où l'on accueillait les captifs. La procédure exigeait ensuite que l'on fouille les arrivants et qu'on leur ôte tout ce qui pourrait être susceptible de constituer une arme, ainsi que leurs fantômes. Les revolvers des X-Laws leur furent retirés tandis qu'on plaçait leurs fantômes en dépôt dans une salle remplie d'urnes funéraires. Il n'y avait pas besoin de brider leurs pouvoirs : le palais s'en chargeait. Et même sans ça, aucun esprit s'y trouvant n'accepterait de servir un des prisonniers. Pas même pour l'aider à se gratter l'oreille.
Durant la fouille, Meene fit signe qu'elle souhaitait que Canna se charge d'elle, Jackson s'occupa donc de Marco. Ce fut épouvantable. Il avait l'impression que chacun de ses gestes, même le plus innocent, était surpris par une Canna qui semblait trouver la situation franchement drôle. Et l'X-Laws, droit comme un piquet, le regard levé très haut, tel un martyr résigné à son sort, parachevait son sentiment de malaise. Jackson se força néanmoins à exécuter la fouille avec la même lenteur et le même professionnalisme que pour n'importe quel autre prisonnier.
Quand ils eurent terminé, ils conduisirent les X-Laws dans deux pièces séparées où ils leur offrirent à boire et des couvertures.
– On viendra s'occuper de vous, vous en faites pas, fit négligemment Canna. Allez, à plus.
Jackson referma la porte de Marco en dernier et croisa son regard bleu au moment où le battant claquait. Ce qu'il y vit lui donna des frissons.
En se retournant, il croisa le sourire perfide de Canna et se raidit.
– Hé Jackson, siffla-t-elle, ironique. On ne touche pas aux prisonniers, tu te souviens?
Flambée de colère. Évidemment, elle avait attendu son moment pour passer à l'attaque. Jackson eut du mal à juguler sa rage. Tranchant, le plus calmement possible, il rétorqua:
– Mais de quoi parles-tu?
Canna éclata de rire.
– Moi qui te croyais au-dessus des contingences de ce monde!
– Encore une fois, répéta-t-il, de quoi parles-tu?
Elle s'appuya d'une épaule contre le mur et fouilla son visage de ses petits yeux vicieux. Jackson sentait son odeur de mégot froid et de sueur de là où il était. Il imaginait les taches jaunes sur ses doigts, ses dents, son haleine viciée. Répugnant. Quel contraste avec l'impression de propreté dont Marco ne parvenait à se défaire, même au plus fort de sa crasse.
Canna lâcha prise la première avec un petit sifflement sarcastique.
– C'est mignon, fit-elle. Allez, je te laisse. Tiens-toi bien, hein.
Et elle lui adressa un salut moqueur avant de se détourner.
Alors qu'elle était encore à portée d'oreille, Jackson ne put s'empêcher de lui lancer:
– Fais très attention à toi, ma petite.
Canna se retourna. Pas impressionnée pour deux sous, il en aurait juré.
– Oh ne t'inquiète pas pour moi, rétorqua-t-elle en dévoilant ses canines. Je n'en ai pas l'air mais je suis très prudente.
Un éclair lui passa dans le dos. Un frisson. En un flash, il comprit qu'il avait raison. Depuis le début. Canna était une bombe prête à exploser. Un ver dans le fruit. Une taupe, même, qui sait? Elle ne s'en cachait même pas.
Jackson la regarda s'en aller, reprenant peu à peu le contrôle de ses émotions. À mesure que son sang-froid lui revenait, il s'en voulait. Il avait perdu son calme. C'était mal. Erreur de débutant. Il aurait dû laisser les moqueries de Canna glisser sur lui. Qu'était donc cette fille? Rien. Et ses paroles? Du vent! Qui s'en souviendrait dans un mois ou même une minute? D'ailleurs, pourquoi se sentait-il si vexé qu'elle l'ait vu regarder Marco? Il aurait dû l'assumer clairement, ça lui aurait cloué le bec. Il n'avait d'ailleurs pas honte de lui-même. Juste d'avoir été pris en, comment dire? En flagrant délit d'humanité. Sans doute.
Reste que sa colère avait encore du mal à se dissiper. Oh que de travail il avait à faire en ce domaine! Une chose était sûre, cependant: il savait ce qu'il avait vu, dans son regard. La vérité. Derrière ses vapes de fumée puantes, la trahison. Il n'allait pas la lâcher, la petite Canna, ça non. Et au moindre pas de travers…
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(Ce pauvre Marco est cerné, en fait!)
