Disclaimer : Shaman King appartient à Hiroyuki Takei et toute cette histoire n'est qu'un délire de fan.
C'est un diptyque et voici la suite !
Fragment 17
Kid's just wanna have fun (Nichrom)
(Wild ARMs OST – 1 : Into the Wilderness / 11 : Lone Bird In The Shire / 31 : Rudy's Companions / 36 : Into the Wilderness)
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Le désert. L'espace infini. Sable, cailloux chauds, soleil. Ça lui avait toujours plu.
Bon, il y avait toujours quelques cactus par-ci, par-là. Avec de grosses fleurs rouges qui soutenaient les rayons de l'astre du jour sans coup férir. Et des serpents, parfois. Des coyotes faméliques qu'on apercevait le soir, lorsque les rayons brûlants du soleil déclinaient. Curieusement, il voyait rarement les scorpions du désert, même s'il savait qu'ils se dissimulaient sous les pierres.
Nichrom inspira profondément l'air empoussiéré. Enveloppé dans son poncho, histoire de ne pas voir sa peau se détacher de son squelette, il mourrait de chaud mais ne l'aurait jamais avoué, même intérieurement. Il était fort. Il était un prêtre pache, un maître shaman, il avait vécu toute sa vie en ces lieux, et il n'allait pas se laisser abattre par le soleil écrasant qu'il connaissait si bien. Même s'il n'avait pas eu le temps de prendre une goutte d'eau avant de s'enfuir. Même s'il allait finir par crever de soif s'il n'en trouvait pas très vite. Non, ce fichu désert ne l'aurait pas. Et il était bien trop content d'être dehors.
Il vagabonda quelques temps, guettant l'apparition d'une ombre. Un massif de cactus desséchés lui parut suffisamment acceptable. Il rampa pour profiter de la maigre ombre qu'ils offraient et tira la langue. Elle lui semblait s'être changée en carton dans sa bouche.
Il avait beau s'être suffisamment éloigné du palais de Sati, il hésitait encore à se servir de ses pouvoirs pour trouver de l'eau. D'abord, cela ne faisait que deux heures qu'il était parti. Il pouvait tenir plus, non mais ! Ensuite… c'était bête à dire mais les deux garces avaient dû le moucharder depuis longtemps. Et si Sati lui envoyait quelques chiens de gardes aux trousses ? Il craignait de se faire repérer.
Et puis…
Et puis, ça avait quelque chose d'amusant de se dissimuler derrière les rochers en scrutant l'horizon du regard, à la recherche d'un ennemi, comme un pistolero solitaire. Il adorait cette sensation d'imminence, de danger, ce petit jeu de traque improvisé.
C'est vrai, il jouait à se faire peur. En même temps, il était seul. Il fallait bien s'inventer un antagoniste. De toute façon, il était sûr que les Gandharas lui avaient envoyé quelqu'un, puisqu'ils tenaient tant à le traiter comme un bébé.
Au fond, s'ils ne l'avaient pas fait, il se serait senti humilié.
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Il finit par s'arrêter entre deux cactus bien gonflés. L'endroit lui semblait propice à une recherche d'eau. Il invoqua Yellow Whip. Aussitôt, la sensation familière et si lointaine, pourtant, de l'union avec son fantôme lui tira un sourire. Une petite chaleur, un soupçon de fourmillement dans les veines. Il savoura un instant cette sensation avant d'interrompre le flux et d'ordonner à l'esprit de fusionner avec sa manche.
Il lança son bras et abattit le cactus. La plante bascula avec un craquement rafraîchissant. Réjoui, Nichrom vit qu'il ne s'était pas trompé. Mordant à pleines dents dans la chair du cactus, il réussit à trouver de quoi apaiser sa soif. Tout juste. Et pas pour longtemps. Mais c'était déjà ça.
Il essuya sa bouche poisseuse en faisant un tour sur lui-même.
Aussitôt, son cœur fit un bond.
Là-bas, à droite de la crête rocheuse.
De la fumée.
Un moteur.
Laissant tomber son cactus, Nichrom relâcha son furyuku. Aussitôt, Yellow Whip courut se réfugier sous son poncho, contre sa poitrine.
– Elle nous a retrouvés, finalement, siffla-t-il pour lui-même.
Il voyait le nuage de poussière grossir à mesure que les secondes s'écoulaient. Ses jambes semblaient s'être changées en plomb.
Soudain, il trouva l'énergie de s'arracher au sol. Il fit volte-face et, stupidement, même en sachant que ça ne servirait à rien, se mit à courir.
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Ça ne servit effectivement à rien. Il s'était demandé s'il n'aurait pas mieux fait d'utiliser un Over Soul pour s'enfuir. Mais c'était idiot. L'autre aurait fait de même et il n'aurait pas pu le ou la semer. Il aurait été repérable comme le nez au milieu de la figure. Alors à la place, il choisit de faire face.
Il attendit, sur le qui-vive, qu'on le rattrape.
C'était atroce. La sueur lui ruisselait dans le dos, il avait des crampes aux jambes à force d'avoir couru trop vite. Son cœur battait la chamade. Il ne pouvait rien faire d'autre qu'attendre. Insupportable.
Lorsque le véhicule se dessina, il se sentit soulagé. Il devina de qui il s'agissait. Ce n'était pas la pire. On ne lui avait tout de même pas envoyé les Bôz, mais bon. Il aurait préféré quelqu'un d'un peu plus puissant. Tout de même. Est-ce qu'ils le sous-estimaient vraiment à ce point ? À moins qu'elle ne soit pas seule...
Mais quand la poussière se dissipa, il vit qu'il n'y avait que Canna sur la moto.
La grande fille coupa le moteur et mit pied à terre. Nichrom croisa les bras, faisant mine de ne pas se préparer à attaquer.
– Oh non, pas toi, râla-t-il sur le ton d'un sale mioche.
– Si, marmonna sombrement la grande fille, moi.
Elle se planta devant lui et fit rouler sa clope allumée à l'autre bout de ses lèvres.
– En même temps, les sales boulots, c'est toujours pour ma gueule.
– N'importe quoi, je ne vois pas de quoi tu te plains, ronchonna Nichrom. Tu t'éclates, tu traques des mecs et tu te bats, toi.
– Ouais, je pensais aussi que ça serait fun.
Elle exhala un nuage de fumée.
– Mais en fait, c'est généralement moi que la patronne met sur les petites missions pourries. Du genre récupérer les chats perdus comme toi.
Nichrom feula de colère mais Canna ne se démonta pas et, avec un sourire sarcastique, elle ajouta :
– Tu peux toujours te plaindre à qui de droit, si t'as envie que ça soit quelqu'un d'autre qui te ramène par la peau des fesses, la prochaine fois !
Le garçon recula imperceptiblement d'un pied. Sa main était passée sous sa cape, prête à dégainer.
– J'oublierai ça tout de suite, si j'étais toi, le prévint soudain Canna.
– Et pourquoi ça ? dit-il d'une voix qui ne cherchait plus du tout à dissimuler ses intentions.
– Parce que tu ne veux vraiment pas te taper la honte contre moi.
Nichrom ricana.
– Sans blague ! s'esclaffa-t-il. Elle ne peut pas t'avoir rendue aussi puissante ! Tu n'es même pas morte !
– Je n'aurai pas besoin d'utiliser ma puissance shamanique.
Nichrom plissa les yeux. La jeune femme le fixait sans aménité, tirant paisiblement sur sa cigarette. Elle ne mentait pas. Il ne détectait aucun indice de bluff venant d'elle. Et Canna n'était pas du genre à garder son sang-froid.
Un atroce soupçon l'envahit. Il chercha la présence de Yellow Whip, toujours dissimulé sous ses vêtements. Tenta un Over Soul. Microscopique. Juste pour tester.
Rien.
Nichrom en eut le souffle coupé. Serrant les poings, il vit que Canna avait assisté à tout cela sans mot dire. Il poussa un rugissement de frustration. L'ex-Hanagumi tira sa dernière bouffée, impavide.
Des yeux, le jeune prêtre chercha l'objet responsable de son infortune. Il devait y avoir quelque chose, un médium, forcément. Il fallait que ça soit petit pour que Canna puisse le transporter. Qu'est-ce que ça pouvait être ? D'où venait ce pouvoir ? Ça devait être de l'annulation du furyuku. Il ne voyait rien d'autre.
De rage, Nichrom tapa du pied sur le sol. C'était puéril mais il ne put s'en empêcher.
– Ce n'est pas fini, cracha-t-il, venimeux. Tu crois vraiment pouvoir me forcer à te suivre ?
Canna haussa un sourcil et le toisa avec amusement, de ses quatre têtes de plus que lui.
– Parce que toi, tu crois pouvoir me faire quelque chose à mains nues, microbe ?
Les yeux de Nichrom parcoururent hâtivement la silhouette mince mais nerveuse de Canna. Ses bras énergiques, ses mains calleuses et sa posture de garde, malgré son air assuré : pieds droits, genoux fléchis, prête à tout. Il chercha une solution de tous côtés. N'en trouva pas. Comprenant qu'il avait d'ores et déjà perdu, il se mordit les lèvres de colère.
– Je m'en fous, je m'enfuirai encore !
– Et bah, je reviendrai te chercher.
– Je trouverai comment vous faites ce petit tour de passe-passe. Et à ce moment-là…
– À ce moment-là, la boss t'enverra Rutherfor et on rigolera bien.
Canna secoua la tête et écrasa sa cigarette sous son talon.
– Bon allez, en route.
– Va te faire foutre.
– Essaye pas de me mettre en colère. C'est pathétique et t'y arriveras pas.
– Tu veux parier ?
Canna leva les yeux au ciel.
– Ce que les gamins sont pénibles !
Nichrom aurait pu trouver une bonne demi-douzaine de répliques (portant toutes sur ses liens avec Marion et Mathilda) pour lui clouer le bec mais n'y songea même pas. À la place, il se vexa.
– Me traite pas de gamin, espèce de sale vioque !
– Hoho et que crois-tu être, morpion ?
Nichrom bomba le torse.
– Je suis l'un des dix prêtres organisateurs du Shaman Fight… !
– Tu n'as rien organisé du tout ! T'as même pas fait passer d'éval ! Tu t'es juste contenté de prendre la place de ton frère quand il est mort !
– Je suis le gardien de la plantation de la Caverne !
– Et on sait comment ça s'est fini !
– Je suis...
– Tu es un chouinard qui fait sa crise d'ado précoce. Voilà ce que t'es. Sérieusement. Faudrait que je te donne des cours de fugue, tiens. Nan mais t'avais quoi dans la tête, petit con ?
Le « petit con » ouvrit de grands yeux choqués tandis que Canna poursuivait son massacre verbal.
– Tu voulais vraiment t'enfuir ou juste nous rappeler que t'existes ? Ou tu voulais te suicider, peut-être ? Parce que partir, comme ça, sans eau ni rien, c'est vraiment la chose la plus débile que tu aies jamais faite. On vous apprend pas ça, quand vous êtes mioches, vous autres Paches ? C'est pas comme si vous aviez le désert juste à côté de chez vous, en plus.
Le gamin baissa les yeux.
– Je voulais en voler et j'ai pas réussi, marmonna-t-il finalement.
Un sourire perfide se dissimulait derrière cette mine contrite.
Il était naturellement hors de question de parler à cette grande bringue du savoir ancestral pache pour trouver de l'eau en terrain hostile. Secret d'organisateur, non mais.
Qu'elle le prenne pour un jeune crétin. Tant pis. Ou tant mieux. Qu'ils le sous-estiment, tous. Qu'ils oublient la puissance du dixième prêtre derrière sa carcasse de pré-ado.
– Minable, soupira Canna.
Nichrom avala l'insulte. Ça n'était que partie remise.
Là-dessus, il la suivit jusqu'à sa moto. Canna l'enfourcha d'un coup de reins. Nichrom s'arrêta alors et contempla le véhicule avec méfiance. Jamais encore il n'était monté sur un engin pareil.
– Bon, tu viens ? s'impatienta Canna.
Ne voulant pas avoir l'air d'un trouillard, Nichrom obtempéra. À sa grande honte, il eut du mal à escalader la moto. Mais il parvint à se hisser dans le dos de Canna sans tomber.
La grande fille mit le moteur en marche. Sous les jambes de Nichrom, la moto se mit à vibrer. Puissante.
– Allez accroche-toi.
– C-Canna.
– Hmm quoi ?
Elle se retourna. Nichrom avait l'impression que tout son sang s'était retiré de son visage.
– Me dis pas que t'as peur ? ironisa-t-elle.
Le gosse pinça les lèvres, furieux.
– Oh la la, les gamins, de nos jours, j'vous jure ! Bon, d'accord, j'irai pas vite. Tiens-toi à mon dos, il ne t'arrivera rien !
Nichrom obéit, avec réticence. Elle sentait drôle. Un mélange de poussière, de cuir et de clope. Quelque chose de crasseux, d'étranger et de sauvage à la fois. La toucher de si près le dégoûtait un peu.
Alors, Canna fit vrombir le moteur. Immédiatement, les bras de Nichrom se refermèrent sur son torse. Il l'entendit hoqueter.
– Wooow, j'ai dis « accroche-toi », pas « broie-moi les côtes », bon sang !
Nichrom relâcha un chouilla la pression. Vraiment un chouilla.
Finalement, s'il mourrait en cours de route, on pourrait dire qu'il aurait réussi sa fugue, non ?
Et elle démarra. La moto gronda et s'élança tel un jaguar à travers le désert, dans un tourbillon de poussière. Nichrom ouvrit la bouche et mit un certain temps à la refermer. Il ne réalisa pas tout de suite qu'il était en train de hurler.
Bientôt, on n'entendit plus que son vrombissement. Et aussi, par-dessus, si on tendait l'oreille, un très distinct :
– T'AVAIS... DIS... QUE... T'IRAIS... PAS... VIIITE !
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