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CHAPITRE 5
« Jour deux... à deux » (2)
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Marchant d'un pas soutenu en direction du camp Akawaïo, Dean et Castiel restèrent silencieux un petit moment.
Dean ne se plaignait pas, mais Castiel qui le surveillait du coin de l'œil avec inquiétude, voyait bien sur son visage qu'il avait l'air de souffrir beaucoup, empêchant son inquiétude de se dissiper.
Comment allait-il faire pour endiguer cette infection si elle résistait aux antibiotiques, si elle devenait incontrôlable ?
La solution aurait peut-être été de demander de l'aide aux Waïwaïs, mais ils ne connaissaient pas Dean et il devait bien reconnaître que lui non plus, il ne le connaissait pas... Qui était-il dans la vraie vie ? Les Waïwaïs accepteraient-ils de s'occuper de lui ? … Hamelinah serait-elle d'accord ? Et s'ils refusaient... que pourrait-il faire, lui, pour le sauver ? Aurait-il le temps de le ramener à la civilisation avant qu'il ne soit victime d'un empoisonnement du sang et qu'il n'y succombe ? Tout se passait si vite...
Toutefois, il n'avait pas d'autre choix... Si le lendemain le cas de Dean venait à empirer encore, il irait faire appel à la tribu et verrait pour la suite, en fonction de leur décision... de la sentence d'Hamelinah.
Et puis, la confiance que Joy portait à Dean était peut-être un signe qu'il n'était besoin de s'inquiéter à ce sujet... Mère Nature n'avait peut-être aucun grief contre lui...
Cette idée le rassura quelque peu, mais il ne saurait vraiment que le moment venu...
Puis Dean qui se sentait certainement observé, tourna la tête vers lui et Castiel lui sourit.
« -Vous avez de plus en plus mal ? Demanda-t-il, alors que Dean serrait les dents.
« -J'ai l'impression qu'on est en train de m'arracher le bras, cette douleur est infernale.
« -Merde...
« -Vous croyez qu'il est possible que les lances des Waïwaïs aient été imprégnées de poison ?
« -Oh je dois vous avouer que je n'en sais rien... Curare, toxine de grenouille, je sais qu'ils s'en servent pour la chasse, mais est ce que la lance du Waïwaï qui vous a blessé en était imprégnée, je n'en sais rien... Dit-il en secouant la tête, désolé.
« -Ça pourrait peut-être expliquer la raison pour laquelle les antibiotiques n'ont rien fait et que ça se propage si vite, j'ai le bout de doigts qui s'engourdit maintenant. Dit-il en ouvrant et referment sa main. C'est une étrange sensation, comme si le sang ne circulait plus.
« -C'est vraiment très inquiétant...
« -Il va falloir désinfecter ça plus en profondeur à mon avis, vous vous la sentez d'ouvrir un peu plus la plaie ?
Castiel blêmit.
« -Quoi ? Vous êtes dingue ! Si c'est pas une infection je vous charcuterais pour rien !
« -Je sais bien...
« -Non ! On va nettoyer comme ce matin, vous allez reprendre une dose d'antibiotiques et si ça ne va pas mieux... disons... ce soir... je demanderai aux Waïwaïs s'ils veulent bien nous... vous aider.
« -S'ils veulent bien m'aider ? Dit Dean en stoppant la pas. C'est quand même de leur faute !
« -Oui... c'est vrai mais... c'est... comment dire... heu... Bafouilla-t-il en se postant devant lui. Il faut... mériter leur aide...
« -Comment ça ?
« -Tout dépend des actions que vous avez effectué durant votre vie... Comme je vous l'ai dit, tous leurs rituels sont régis par leurs croyances et... Hamelinah est leur déesse... elle décide de tout. J'ai dû faire mes preuves moi aussi vous savez...
« -Mon sors dépend d'une...
« -Oui, votre sors dépend des choix que vous avez fait dans votre vie, face à ses épreuves...
« -Nov'... Castiel, je ne comprend rien à ce que vous me racontez !
« -C'est compliqué... je... vous comprendrez en temps voulu... je n'ai pas le droit de...
« -De dévoiler les secrets de la tribu...
« -Oui...
Se regardant tous deux quelques secondes, ils gardèrent le silence.
Castiel crevait de tout lui expliquer en détail et Dean qui voyait bien sur le visage de son vis-à-vis, que de ne pas pouvoir lui en dire plus le désolait au plus haut point, lui fit un sourire en coin.
« -Il me tarde de savoir ce qu'une déesse pense de moi ! Dit-il dans un sourire de gamin.
Castiel sourit à son tour.
Il espérait du fond du cœur qu'Hamélinah l'aime autant que... L'apprécie ! … Qu'Hamélinah l'apprécie autant que lui. Se rectifia-t-il lui même en secouant la tête, avant de se remettre dans le sens de la marche, pour poursuivre leur chemin.
« -J'espère que vous n'avez pas chassé l'éléphant pour l'ivoire en Afrique.
Dean rit en lui emboîtant le pas.
« -Je déteste la chasse, je … je n'ai jamais compris comment on pouvait tuer, juste pour le plaisir, ou comment on pouvait tuer une bête, prendre une vie, uniquement pour faire du fric ou pour perpétuer une quelconque tradition débile, je pense aux éléphants, aux rhinocéros, aux requins, aux baleines, ça me révolte ! S'emporta-t-il en secouant la tête.
« -Vous prêchez un convertit... Mais c'est un bon point pour vous en tout cas... Dit-il dans un sourire.
…
Poursuivant cette discussion, ce débat dans lequel ils étaient tous deux d'accord, tandis qu'il se mettait à pleuvoir, ils arrivèrent enfin au camp.
Joy leur avait faussé compagnie, mais Castiel étant habitué aux escapades du félin, n'en fit pas cas et ils pénétrèrent directement dans la paillote.
Castiel incita ensuite Dean à prendre place sur l'un des tabourets, avant d'immédiatement aller chercher la trousse de premiers soins, puis se retournant vers Dean, qui lui tournait le dos, il s'immobilisa une seconde, en le voyant ôter son tee-shirt sans hésitation.
Tout du moins dans ses gestes... et il se dit qu'ils avaient passé un cap. Dean semblait ne plus avoir la moindre hésitation, il avait confiance en lui et ça lui fit un plaisir immense de le constater.
Toutefois, il fronça le front en s'approchant de lui très vite.
« -Mon Dieu c'est incompréhensible ! Dit-il en examinant la gigantesque étendue de sa peau devenue nacrée, les fines veines bleues et rouges qui étaient apparues sur son cou, sa nuque, jusqu'à son omoplate, son épaule, son bras...
Puis le contournant un peu, il constata qu'elles s'étendaient aussi sur sa gorge, le coté droit de son torse...
« -C'est pas une infection ça ! Dit Dean en examinant les parties de son corps qu'il pouvait voir.
« -Non, ça ne peut pas être une infection ! Il va vraiment falloir que j'en appelle à...
« -Source de vie et de renaissance, le feu est aussi source de souffrance et de malheur. Le guerrier du feu ne devrait jamais sous-estimer son ennemi sournois. Dit une voix étrange derrière eux, alors que la pluie cessait net.
« -Oh je ne l'ai jamais sous-estimé... Répondit Dean en se retournant vers la voix en même temps que Castiel.
Le visage marqué, la peau tannée, l'apparition semblait avoir un certain âge, mais ses vêtement aux couleurs chatoyantes et une lueur étrange, comme une lueur de malice, qui émanait de son regard, lui conféraient une innocence enfantine. Innocence qui ne collait pas avec la dureté et l'assurance qui débordait d'elle, la rendant complètement impossible à cerner.
« -Kaanah ? Dit Castiel en reconnaissant le chaman des Waïwaïs qui venait « d'apparaître » derrière eux.
Puis baissant les yeux sur Joy qui était sagement assise près d'elle, il sourit à l'animal, qui cligna lentement des yeux.
« -Vous endurez plus de souffrances que vous n'en laissez voir. Dit Kaanah à l'attention de Dean qui lui répondit d'un sourire contrit.
Le regardant une seconde, Castiel s'approcha alors de lui.
« -Dean, je vous présente Kaanah, le chaman de la tribu, Kaanah, voici Dean...
Se saluant tous deux d'un signe de tête, ils se sourirent.
« -Montrez moi ce mal qui vous ronge. Dit-elle en s'approchant de Dean.
Se tournant alors de coté, Dean pencha la tête dans la direction opposée et quand Kaanah déposa sa main sur son épaule, il ressentit tout de suite quelque chose parcourir son corps en entier, qui le fit frissonner.
« -Vous pouvez faire quelque chose pour lui ? Dit Castiel.
« -Le poison ronge son essence de vie. Il faudrait la purifier. Dit-elle en glissant deux doigts de sa main gauche dans un petit sac de peau qui pendait à son cou.
Puis, en sortant une fine aiguille de bois d'une dizaine de centimètres, elle piqua la nuque de Dean dans un geste vif et ce dernier perdit conscience, s'écroulant sur Castiel qui le retint, l'empêchant de tomber sur le sol.
« -Kaanah, qu'est-ce...
Ne le laissant pas finir sa phrase, elle ordonna alors dans son dialecte et quatre waïwaïs pénétrèrent précipitamment dans la paillote.
Ordonnant à nouveau, elle s'écarta et les quatre hommes se saisirent de Dean, le déposant délicatement sur une toile sur le sol, avant de l'emporter, tandis que Castiel qui ne savait plus quoi faire de lui même, se saisissait du tee-shirt de Dean par réflexe.
Il ne savait plus... que faire ? Que faire ?
« -Calme toi Castiel. Dit Kaanah. Hamélinah veille... Viens... Nous devons nous hâter avant que le mal n'atteigne son cœur.
Castiel acquiesça et jetant un coup d'œil à son journal une seconde, il secoua la tête, avant de suivre Kaanah qui sortait déjà de la paillote, talonnée de près par Joy.
…
Silencieux, marchant au coté du chaman, Castiel ne pouvait s'empêcher d'être anxieux, son regard fixé sur Dean, inconscient, qui tanguait sur son brancard de fortune.
Et quand ils arrivèrent enfin au camp de la tribu, c'est le cœur battant fort, qu'il suivit encore Kaanah qui rentra dans sa hutte où les quatre Waïwaïs avaient déposé Dean.
Rentrant avec hésitation, ne sachant pas si le chaman souhaitait sa présence en ce lieu, Castiel chercha tout de suite Dean du regard, le retrouvant allongé sur une paillasse au fond de la petite habitation.
« -Assied toi là... Dit Kaanah, ne lui désignant une natte se trouvant devant une petite table rectangulaire, recouverte de divers items rituels et plantes séchées.
S'exécutant, Castiel ne dit mot et la regarda se diriger vers Dean.
Puis, sans qu'il puisse expliquer d'où elle venait de la sortir, Kaanah déposa une grosse fleur blanche de Mohabi sur le torse de Dean et se redressa, élevant ses deux mains au dessus du corps du jeune homme, en chuchotant.
S'attendant à ce qu'il se passe quelque chose d'un instant à l'autre, le souffle court, Castiel restait attentif au moindre son, au moindre mouvement, mais Kaanah finit par baisser ses mains, avant de récupérer la fleur et de piquer à nouveau Dean, qui se réveilla brusquement.
...
Ça avait été court... Était-ce mauvais signe ? Ça ne pouvait être que mauvais signe !
…
Au bord de la panique, Castiel était sur le point de parler quand Kaanah se tourna vers lui.
« -Hamélinah est difficile à satisfaire... Commença-t-elle.
Et Castiel qui ne contrôla plus sa peur, se remit sur ses pieds.
« -Je vous en supplie Kaanah... Aidez le, sauvez le, je ne sais pas quoi faire, donnez moi un antidote, un indice, ou même... re... reprenez mon œil en échange... mais ne le laissez pas mourir, il est...
« -Castiel ! L'interrompit-elle en s'approchant de lui. As-tu si peu confiance en ton ami ?
« -Non... Réalisa-t-il tout à coup. Non, j'ai confiance en lui...
« -Et bien...
« -J'ai peur, ça a été si vite !
« -Comme pour toi Castiel...
« -...
« -Parfois Hamélinah sait tout de suite et comme pour toi, pour ton ami qui est ici, elle... je crois qu'elle l'aime beaucoup... Il a réussit toutes les épreuves qu'elle a placé devant sa vie jusqu'à aujourd'hui et...
« -Quelles épreuves ? Dit Dean, qui écoutait attentivement leur conversation le concernant. Je n'ai passé aucune épreuve, de quoi vous parlez ? Dit-il en s'asseyant difficilement.
Puis, posant sa main sur son épaule douloureuse, il grimaça et Castiel le rejoignit, tandis que Kaanah prenait place sur un rondin face à lui.
« -Tu as passé les trois épreuves et tu les as réussi !
Incrédule, Dean plissa le front.
« -A trois âges de ta vie, Hamélinah t'a mit devant un choix et tu as toujours fait le bon, elle est très fière de toi.
« -C'est à dire ?
Kaanah ferma les yeux et sourit.
« -Les enfants de Tic et Tac volent toujours au dessus de ta terre natale...
Dean ouvrit de grands yeux. Il avait huit ans... C'était les oiseaux de la classe ! Il avait libéré les deux pauvres captifs de leur cage pendant une récréation... Il avait remarqué qu'ils passaient leur temps accrochés aux barreaux de leur prison qui touchaient la fenêtre donnant sur la cour de l'école et du haut de ses huit ans, ça lui avait fait mal au cœur de les voir vivre ce supplice... Il n'en avait jamais parlé à personne...
Mais Kaanah poursuivit :
« -Buck a eut une belle et longue fin de vie. Vie qui aurait été courte et emplie de souffrances sans ton intervention...
Complètement saisit de stupéfaction, Dean en resta encore une fois bouche bée...
Il avait volé ce chien à son ordure de voisin, qui le martyrisait et il l'avait confié à des amis de ses parents, qui étaient venus en vacances chez eux et qui étaient repartis avec le berger allemand... Il devait avoir seize ans...
« -La troisième se nomme Milky... Milky qui coulera des jours heureux pendant encore de longues années … et ça aussi grâce à toi...
« -Milky... Répéta-t-il ému, en repensant à ce petit chat blanc...
C'était il y a quelques mois, deux semaines avant son accident. Ils avaient sortit une famille nombreuse de leur maison en flamme et la plus jeune des filles, qui devait avoir dans les quatre ans, pleurait dans les bras de son grand frère, qui essayait de la consoler de la perte de son doudou... Jusqu'à ce qu'il se rende compte que ce n'était pas d'un doudou dont ils parlaient, mais de son petit chat ! Il avait alors demandé au garçon, s'il savait où il avait le plus de chance de le retrouver et s'était engouffré à nouveau dans la maison en flammes, sous les insultes de son capitaine. Il avait ensuite très vite trouvé le chaton dans un placard de la chambre indiquée par le frère de la petite, l'avait dissimulé sous son manteau ignifugé, avant de ressortir par la fenêtre...
« -Ils t'en seront tous éternellement reconnaissants... Dit Kaanah en rouvrant les yeux.
« -Comment... Comment vous savez tout ça ? C'est impossible !
« -Hamélinah voit tout, sait tout.
Dean en resta hébété... Que dire ? Même si c'était impossible, c'était réel ! Une inconcevable vérité... De la magie... sans aucun trucage...
Sortit de ses pensées quand une main se posa sur son épaule, Dean releva les yeux sur Castiel qui le regardait, les yeux brillants et un immense sourire sur les lèvres, auquel il répondit.
« -Maintenant buvez ça et rallongez vous. Dit la voix de Kaanah, qui les fit sortir de leur fixation.
Dean prit alors le petit gobelet de bois que le chaman lui tendait et bu ce qu'il contenait sans penser à hésiter une seconde, regrettant tout de même d'avoir fait ça, quand l'amertume du liquide qu'il venait d'ingurgiter lui envahit la gorge, mais souriant quand elle disparu pour laisser place à un arôme douceâtre et sucré.
Kaanah l'invita ensuite à s'allonger et il ferma les yeux, sombrant dans l'inconscience si vite, qu'il n'eut même pas le temps de s'en rendre compte.
« -Maintenant il faut que je purifie son corps du mal qui ronge son essence... ça va prendre du temps... toi tu vas rentrer au camp. Dit-elle à Castiel.
« -Rentrer ? Non !
Kaanah le regarda alors dans les yeux sans un mot et clignant des paupières, tandis qu'une sensation étrange lui traversait le corps, Castiel baissa la tête.
« -Bien... je rentre... Dit-il en s'exécutant dans un état second, mais jetant quand même un furtif coup d'œil à Dean avant de sortir de la hutte.
Et Joy qui l'attendait à l'extérieur, se leva en le voyant, ressortir.
Il lui grattouilla ensuite machinalement la tête, la faisant ronronner, puis prit la direction de la sortie du camp de la tribu, suivit de près par le puma.
…
Chemin faisant, leurs places s'échangeant rapidement, Castiel se retrouva très vite derrière Joy, qui se faisait un devoir de lui indiquer le chemin.
Et il était tellement ailleurs, perdu entre ses pensées et l'absence de conscience, qu'elle avait eut raison de le faire, dans son état, il se serait très certainement perdu.
Il était inquiet... il avait une confiance aveugle en Kaanah, une confiance absolue et indestructible, mais il avait peur... tout du moins, c'est ainsi qu'il analysait son ressentit... A moins que ce soit autre chose... il ne savait plus, il se sentait perdu, comme s'il n'était plus à sa place ou... ou comme si... comme s'il manquait quelque chose à son univers à présent... il ne savait plus...
…
Arrivant enfin au camps, c'est en voulant regarder l'heure à sa montre, qu'il se rendit compte avec stupeur, qu'il avait toujours le tee-shirt de Dean dans sa main.
Pensant une seconde à y retourner, il fit volte face, mais resta immobile, les yeux fixés sur le tissus entre ses mains.
« Non... » Se dit-il en tournant une fois de plus sur lui même et finir le chemin jusqu'à la paillote.
Une fois sur place, c'est machinalement, qu'il alla jusqu'au lit de Dean pour y poser le tee-shirt et qu'il s'installa à son bureau. Et tournant les pages de son journal sans les voir, le museau de Joy posé sur sa cuisse, il s'égara à nouveau dans ses pensées.
…
Quelques temps plus tard, son estomac gargouilla et Joy releva la tête, les oreilles dressées.
Souriant, amusé par la curiosité de l'animal, face à ce son incongru, il finit par se lever et grignoter quelques bouts de viande séchée, accompagnés de quelques petites tomates, ainsi que d'une banane.
Repas frugal, mais il aurait été incapable d'avaler plus.
…
Puis, l'après midi étant bien entamé, quand il s'assied sur les marches de la paillote avec un café, il ne fut pas surpris qu'il se mette à pleuvoir, c'était l'heure... mais il resta là.
Tenant son gobelet par le dessus pour le couvrir quelque peu de sa paume, il resta là... Il aimait bien, parfois, profiter de cette onde tiède et pure. Elle lui rappelait combien il était chanceux d'être ici, le privilège d'y être seul, accepté par cette mystérieuse nature, qui le fascinait tant... et ça, depuis qu'il était tout petit.
Puis, levant la tête, il offrit son visage aux grosses gouttes d'eau qui lui inondèrent le visage et il sourit, avant de vider son gobelet, de le poser sur la marche près de lui et de se lever.
Ôtant alors son tee-shirt, déjà trempé, qu'il posa sur la rampe, il descendit ensuite les marches et fit quelques pas dans le camp avant de s'immobiliser, ouvrant les bras en croix, le visage levé vers le ciel, avec ce sourire qui ne quittait plus ses lèvres et...
« -MERCI ! Cria-t-il avec ferveur. Pour tout !
Un souffle chaud lui passa alors un instant sur le corps, souffle chaud qu'il prit comme une réponse, car s'en était bel et bien une et il sourit d'avantage.
« -Et merci pour lui... Poursuivit-il plus bas. Merci de vous être penchée sur lui... Merci de l'aimer autant qu'..
Ramenant sa tête en position normale, il fixa, sans les voir, les arbres face à lui.
« -Merci de l'avoir guidé jusqu'à moi... Dit-il tout bas, avant de baisser la tête brusquement, les yeux écarquillés, ses bras retombant le long de son corps. Mais non... non...
Bon Dieu ! L'évidence venait de lui claquer à la gueule et il avait du mal à y croire...
Comment une chose pareil avait-elle pu arriver ? Et si vite ?
Impossible !
Secouant la tête, il rebroussa alors soudainement chemin et s'engouffra dans la paillote où il ôta ses vêtements trempés, avant d'en enfiler d'autres en quatrième vitesse.
Puis, il s'installa à son bureau pour bosser un petit peu sur quelques croquis qu'il devait peaufiner.
Il fallait qu'il occupe son esprit qui commençait à lui raconter des conneries plus grosses que l'Amazonie !
...
Plus tard, un coup de museau de Joy, contre son coude, fit sursauter Castiel.
La nuit tombait...
Le temps s'était écoulé comme un souffle et il n'en avait rien vu...
Regardant alors le crayon vert qu'il avait à la main, il regarda ensuite le dessin posé devant lui... Il n'avait rien fait du tout... mais...
Se penchant un peu plus pour voir, il fronça le front...
Le papillon « hibou »... OK, mais... ce papillon n'avait aucune touche de vert ! Qu'avait-il fait comme connerie ?
Allumant la lampe solaire près de lui à tâtons, tant il ne pouvait décrocher ses yeux de cette grande ocelle qui ornait l'aile de l'insecte et qui lui avait valu ce nom de « hibou », il ouvrit la bouche de stupéfaction.
Bille vert d'eau parsemée de fines touches d'or... Dean... son iris...
Le temps qui était passé depuis qu'il s'était assis ici, il n'en avait rien vu, n'en avait pas le moindre souvenir et... caressant le bord du cercle, avec la sensation de devoir faire attention, tant il semblait réel, Castiel se mordit la lèvre.
La reproduction était parfaite et c'était troublant. Il n'aurait jamais pensé être capable de faire ça... et surtout... de connaître le modèle à ce point !
Toutefois, il l'avait fait sans s'en rendre compte... c'est son inconscient qui avait permit ce prodige et peut-être aussi... autre chose... quelque chose de plus grand que lui qui avait guidé sa main... mais pourquoi ? Le mettre face à l'évidence ?
Mais son refus n'était pas destiné à nier cette évidence ! Ça lui était déjà arrivé, il savait très bien ce que c'était. Il voulait juste se protéger... Dean allait repartir... Il devait se protéger... il n'avait pas le choix !
Clignant des yeux, il détourna le regard du dessin pour regarder Joy, qui, la tête posée sur sa cuisse, le regardait d'un drôle d'air... comme si elle écoutait ses pensées.
« -Tu me conseillerais quoi toi ? Lui dit-il dans un sourire.
Relevant la tête, elle le regarda alors un instant et se leva, avant de s'éloigner de lui.
Puis, arrivée entre les deux lits de camp, elle lui refit face et le regarda encore un instant, avant de se coucher sur le sol... Et Castiel secoua la tête, amusé.
« -Tu as raison, j'ai besoin de dormir. Dit-il en se levant.
Regardant ensuite son journal, il haussa les épaules et s'en détourna en déboutonnant son pantalon.
Toutes ses motivations s'étaient évanouies... Dormir... il y verrait sûrement un peu plus clair demain.
Puis se couchant, il plaça le voile au dessus de lui et se tourna de coté, fixant sans la voir, la place vide laissée par Dean. C'est dans cette situation qu'il se retrouverait bientôt... seul...
Fermant alors les yeux quand il sentit sa gorge se serrer, il attendit que le sommeil vienne le cueillir... et il prit vraiment son temps... tant et si bien qu'il ne le vit pas arriver...
Castiel plongea alors dans un rêve étrange, noir et inquiétant, un rêve à l'odeur d'humus, humide et oppressant, un rêve... douloureux...
../..
