Hello Hello ! Comment allez vous, les Strangers ?
Comme promis dans le petit mot de début de "Secret Identity", je reviens avec une espèce de suite, ou plutôt un versus de ce One-Shot nommé "Not so Secret Identity". (on comprend le lien et le jeu de mot)
En gros, je garde le thème du coffee shop déjà exploité avec nos chères héroïnes, et cette fiction (et oui, j'ai bien dit fiction et pas one-shot) peut être lue et comprise sans avoir lu "Secret Identity". Le seul lien entre les textes se trouve dans les multiples clins d'oeil qui rappellent le premier scénario.
Je vous souhaite donc une bonne lecture de ce premier chapitre !
Kiwi
- Not so - Secret Identity
Coincé dans une petite rue à l'ombre du centre-ville, le Starbucks d'Arcadia Bay était presque vide en ce jeudi après-midi nuageux. Son attractivité était pourtant assez forte en semaine pour une si petite ville. Les jeunes aimaient occuper ses banquettes pendant de longues heures autour d'une boisson chaude. Mais aujourd'hui, perdus parmi les décorations en bois sombre, les sacs de café colombien et brésilien, seuls cinq ou six clients accaparaient les lieux. Dispersés dans la salle, ils discutaient tranquillement, leur café en main, alors qu'une chanson d'Ed Sheeran tournait en fond musical. Ils ne semblaient même pas percevoir la musique, trop occupés à bavarder ou à répondre sur leur smartphone.
Max jeta un regard circulaire sur la salle depuis son comptoir en bois verni. L'endroit était rarement aussi calme, mais elle n'allait pas s'en plaindre, loin de là. Tout moment à rêvasser en pensant à ses prochaines photos était le bienvenu. Elle avait d'ailleurs dans l'idée d'aller faire un tour au phare d'Arcadia Bay le week-end prochain, si le temps le permettait. Il faudrait qu'elle pense à emmener un petit pique-nique si elle voulait y passer la matinée avec Chloé.
Prise dans sa réflexion, la brune reporta par automatisme son attention sur l'horloge de sa caisse. Un petit sourire éclaira alors son visage quand elle lut les chiffres en surbrillance, elle terminait son shift dans trente minutes. Si elle prenait de l'avance en commençant à compter sa caisse, elle aurait tout juste le temps de rejoindre le duo de l'enfer – Chloé et Rachel – au repère de la décharge avant le début de la diffusion de Final Fantasy XV : King's Glaive à la télévision. Il n'en fallu pas d'avantage pour motiver la petite hipster à se mettre au travail. A moi la soirée geek ! songea-t-elle avec ravissement. Elle en avait rêvé toute la semaine depuis que sa meilleure amie lui avait annoncé que Final Fantasy passait à la TV. L'opportunité était trop belle pour être manquée. Elle se mit donc immédiatement à la tâche en commençant par ordonner son poste remise à disposition d'un rouleau neuf pour la machine à cartes, vérification des stocks à consommation immédiate, mais alors qu'elle ouvrait son tiroir caisse, le destin choisit précisément cet instant pour annoncer l'arrivée d'un client. Le tintement de porte caractéristique la fit grogner intérieurement. Relevant la tête, Max lança son « Bonjour, que puis-je pour v- » automatique, avant de s'étouffer quand son regard tomba sur la figure sur talons hauts qui avançait dans sa direction. Eberluée, elle avala difficilement sa salive en essayant de dissimuler au mieux sa surprise.
Grande, élancée, des cheveux blonds coupés courts et parfaitement coiffés, Victoria Chase, la seule et l'unique, se dirigeait vers le comptoir dans toute sa splendeur – et toute son arrogance.
Ohnonohnonohnon…. Nooooon…. couina Max en son fort-intérieur. Pas elle… Tout mais pas elle…
Inconsciemment, au fur et à mesure que Victoria avançait dans sa direction, la jeune femme châtain se mit à décompter les secondes avant l'impact comme on aurait fait un compte à rebours face à une bombe nucléaire en approche.
Danger en approche ! 5… 4… 3… Mayday, Mayday…
La petite hipster se mit à tapoter nerveusement le bord de sa caisse pour gérer son appréhension de voir l'espace qui les séparait diminuer encore. Et, comme pour s'assurer qu'elle ne rêvait pas et que c'était bien Victoria, elle observa sa tenue. Malheureusement, la démarche altière et le sac Gucci ne trompaient pas. Shit…
La célèbre Reine de Blackwell était vêtue d'un pull en cachemire rose pâle à col noir et d'un slim beige qui mettaient en valeur ses formes discrètes mais féminines. Max se fit la remarque silencieuse que Victoria avait fait dans la simplicité aujourd'hui, si ce n'est son habituel collier de perles qui ornait son cou avec délicatesse. A lui seul, ce bijou devait coûter bien plus que toutes les maigres possessions de la brune.
- Bonjour, lança nonchalamment la riche héritière en s'arrêtant à sa hauteur.
Max revint immédiatement sur Terre avec l'impression d'avoir reçu une gifle. Pardon ? Aucune insulte ?... Victoria était-elle malade ?... Fronçant les sourcils, elle lança un « Salut… » méfiant sans cesser de dévisager la jeune femme comme s'attendant à la tempête qui allait suivre.
- Je voudrais un Café Latte à la vanille, continua Victoria sans même regarder le panneau de présentation des boissons. En moyen, sans sucre ajouté.
Max continua de la fixer sans rien taper sur sa caisse. Il devait y avoir une entourloupe, il y en avait forcément une. Pourquoi faisait-elle semblant de la jouer sympa à son égard ?... Ou du moins, pas dans le mépris comme à son habitude.
- J'ai quelque chose sur le visage ou ma tête ne te revient pas ? Grogna la blonde dans son petit rictus méprisant habituel en voyant l'inactivité de sa serveuse. Parce que je n'ai pas ma journée à perdre ici…
- Non non… Je suis juste surprise que tu viennes dans un endroit pareil, en fait… lâcha Max avant de regretter immédiatement ses paroles quand elle vit l'expression de perplexité mêlée d'une autre plus sombre qui s'afficha sur le visage de Victoria.
- Comment ça ?...
L'héritière Chase la dévisagea sans cesser de froncer les sourcils – Max eut le temps de se demander s'ils se défronçaient de temps en temps ou si elle était née ainsi –. Leurs regards qui s'étaient accrochés depuis le début de l'échange ne se lâchaient plus. La blonde la sondait avec une expertise proche de l'étude anthropologique. Ses yeux verts d'eau parcoururent son visage avant de descendre sur ses vêtements pour revenir se bloquer dans ses pupilles. On aurait dit que Victoria essayait de lire dans ses pensées.
- On se connait ?...
- Moi, je ne suis pas sûre que tu me connaisses mais, qui ne connait pas Victoria Chase ?... ironisa Max dans un petit rire jaune. Le bas peuple se fait assez souvent rabaisser par le Vortex Club pour avoir au moins retenu quelques noms…
- Donc tu es à Blackwell ? Demanda-t-elle de manière quasi-rhétorique en retour sans tenir compte du reproche à peine voilé.
Durant une infime seconde, l'intonation de Victoria eut un quelque chose d'anormal que Max n'arriva pas à réellement identifier ni comprendre. Quelque chose qu'elle n'avait jamais entendu dans sa voix. Un sentiment aussi fugace qu'un éclair dans le ciel. Mais avant qu'elle n'ait pu le relever, il avait disparut dans son expression faciale habituelle de Queen Bee.
Dans un petit regard en coin perplexe, Max préféra laisser couler ce sentiment étrange… quoi que cette impression ait pu être, on aurait dit une sorte de crainte que la blonde avait tenté de dissimuler en se cachant derrière son masque de société.
- Oui, mais je ne suis pas étonnée que tu ne te souviennes pas de moi, reprit-elle. On ne traîne pas dans les mêmes cercles. Après tout… je n'ai pas ta popularité ou ton fric… la preuve, je suis en train de bosser ici et toi tu commandes tranquille un café hors de prix… Mais, si tu veux savoir, on est dans la même année – elle marqua une pause pour ajouter avec un sourire forcé – pas dans la même classe par contre. Là, ça aurait été bizarre si tu ne m'avais pas reconnue, je pense.
- Tu es dans quel parcours ? la coupa la riche héritière comme pour essayer de se souvenir.
- Photographie et Art classique.
- Aaah, ça explique, fit-elle en balayant l'air d'un mouvement de la main dédaigneux comme si soudainement c'était une évidence. Je suis en Art Moderne et Contemporain.
- Ouais, je sais. On a juste quelques classes en amphi en commun… et toi et tes potes, vous m'avez bizutée deux ou trois fois quand j'étais avec mes amis, juste parce que nous avions le malheur d'exister et d'être dans votre espace vital… ça semblait bien vous faire marrer.
Victoria croisa les bras en relevant légèrement le menton comme elle savait si bien le faire quand quelque chose la contrariait.
- Tu crois que je me souviens de tous les bizus qui croisent notre chemin, hipster ? argua-t-elle en roulant des yeux. D'ailleurs si tu attends des excuses, tu peux attendre longtemps.
- Oh t'inquiètes, je n'en demandais pas tant, plaisanta à moitié Max. C'est pas comme si vous aviez une once d'humanité de toute façon.
- Qu'est-ce que tu veux alors ?...
- Seulement que tu évites d'ébruiter le fait que je bosse ici, répondit honnêtement la petite brune. L'administration de Blackwell est contre l'idée des jobs étudiants car ils provoquent, soi-disant, un fort absentéisme en classe. Perso, j'en ai besoin pour survivre donc ce serait sympa si je pouvais ne pas le perdre.
Victoria l'observa de nouveau sans rien dire semblant peser le pour et le contre de sa proposition. Un silence qui sembla durer des heures pour la petite barrista qui attendait son verdict. A croire que la blonde faisait exprès de faire durer le suspense par pur plaisir.
- Okay, mais à une condition, reprit-elle finalement.
- Laquelle… ? Demanda Max sur un ton qui l'incitait à reprendre rapidement et à mettre fin à ce jeu sadique.
- Avant tout, je veux que tu saches que je pourrais faire de ta vie un Enfer bien plus grand que celui qui t'attend si tu te fais virer d'ici. Je n'ai pas besoin de te le dire, j'ai du pouvoir à Blackwell et à plus forte raison à Arcadia Bay, et tu n'as pas envie de savoir comment je pourrais l'utiliser.
Victoria lui lança un regard qui réclamait un signe comme quoi elle comprenait la menace ouverte. La petite hipster lui répondit par un hochement de tête qui signifiait qu'elle savait déjà tout ça.
- Donc ma condition c'est qu'à l'école tu fasses également comme si cette rencontre n'avait jamais eue lieu. Comme si tu ne m'avais jamais vue ici et que tu ne m'avais jamais parlé. On ne se connait pas. On ne se côtoie pas. Tu continues ta vie comme s'il ne s'était jamais rien passé. C'est clair ?
- Euuh, okay ?...
- Je veux une véritable affirmation, pas une hésitation à deux balles, loser. Donc réponds-moi, c'est clair ? pesta-t-elle avec autorité.
- C'est clair. Je ne t'ai jamais vue ici.
- Parfait, apprécia Victoria alors qu'un sourire satisfait trouva son chemin sur ses lèvres. Dans ce cas, je veux un Café Latte à la vanille.
Max hocha légèrement la tête en évitant de rouler des yeux, puis elle tapa la commande sur sa machine.
- Un Latte à la vanille répéta-t-elle lentement en appuyant sur les touches, ça fera quatre dollars quatre-vingt-dix du coup.
Victoria lui tendit un billet de dix dollars avec une nonchalance absolue.
- Merci.
Elle entra le nouveau montant dans la caisse pour obtenir le rendu exact, puis se dépêcha de lui rendre sa monnaie. Se retournant sur elle-même, la petite hipster attrapa avec dextérité une tasse en carton pour écrire le prénom de sa cliente comme il était de coutume chez Starbucks. Mais alors qu'elle s'apprêtait à écrire « Victoria », cette dernière la stoppa.
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Quoi ?
Prise au dépourvu, Max lui lança un regard perplexe. Qu'est-ce qu'elle croyait qu'elle faisait avec une tasse et un stylo ? Du tennis ?
- Ben… j'écris ton prénom…
- Tu ne m'as pas demandé comment je m'appelais, répliqua la blonde, ses yeux félins semblant s'allonger de plaisir.
Toujours sans un mot, Max la fixa comme pour s'assurer que ce n'était pas un nouveau jeu tordu de son invention. Après tout, ce n'était pas comme si, cinq minutes plus tôt, elle lui avait dit la connaître et lui avait révélé qu'elles allaient dans la même école. D'ailleurs, comme lisant dans ses pensées, Victoria lança sur un ton agaçant et un sourire carnassier:
- Dior. Je veux que tu écrives Dior.
Max arqua un sourcil interrogateur, le stylo en l'air et prêt à écrire.
- Dior… Comme la marque de luxe ? avança-t-elle en se demandant si elle ne disait pas une connerie.
A sa question, Victoria émit un petit sifflement impressionné en ajoutant un effet dramatique de la main.
- Je suis presque étonnée qu'une hipster connaisse le monde de la mode, ou même rien que le mot « mode » (ses yeux descendirent avec dédain sur son t-shirt rose avec un cerf en dessous de son tablier de travail). Mais oui, Christian Dior. Allez, dépêche, j'ai assez perdu de temps comme ça.
Peu convaincue par la tournure que prenait la situation, Max s'exécuta tout de même. Comme son patron le lui répétait tous les jours, le client était roi. Si elle lui disait s'appeler Batman ou Justin Bieber, elle en avait le droit. La brune inscrivit donc « Dior » de son écriture légèrement incurvée sur la tasse avant d'aller préparer la boisson qu'elle avait commandée.
- Et un Café Latte vanille, fit-elle en lui tendant la boisson. Attention c'est chaud !
- Pas trop tôt, grommela simplement Victoria sans pouvoir dissimuler son petit sourire en coin. Le service ici manque de rapidité et d'efficacité, ajouta-t-elle en emportant sa tasse vers un fauteuil en cuir du côté opposé au comptoir. Je reviendrai pour me plaindre.
Max la regarda prendre congé avec élégance et s'installer confortablement autour d'une table basse sur laquelle elle posa sa commande. Dans les secondes qui suivirent, la blonde se pencha vers son sac pour en sortir son appareil photo dernier cri et le porter à son œil gauche. Prenant son temps comme un peintre aurait sondé un paysage, Victoria braqua son objectif sur sa tasse tout en jouant avec la mise au point de sa lentille. Max imagina sans peine la recherche minutieuse dans l'ajustement de son focus pour avoir un effet flou en arrière plan qui aurait ainsi mis en valeur la tasse dans la lumière tamisée. De tous les endroits imaginables où elle aurait bien vu Victoria traîner, elle n'aurait jamais cru la croiser ici. Dans son Starbucks. Et sans son éternel cercle de courtisans insupportables pour lui cirer les bottes qui plus est. D'ailleurs, maintenant qu'elle y pensait, la petite photographe était quasi-sûre de ne l'avoir jamais vue seule. A croire que Victoria vivait en compagnie perpétuelle de Taylor et Courtney – au minimum –.
Que s'était-il passé ?... S'étaient-elles disputées ?... En avait-elle eu marre de leur Q.I négatif qui plombait la moyenne mondiale ? Ou alors leurs rires de pimbêches avaient fini par l'agacer ?... La brune n'aurait certainement jamais la réponse. Et après tout, elle s'en moquait…
Reportant son attention sur la blonde, Max admira avec quelle passion celle-ci se focalisait sur l'image qu'elle était en train de capturer. Il était fascinant de voir avec quelle facilité le monde autour d'elle venait de s'effacer. De cesser d'exister. On aurait presque dit qu'elle avait arrêté de respirer pour ne plus vivre que l'instant où elle appuierait sur le déclencheur. Une action éphémère et irréversible d'une demi-seconde. Puis, après un clic, elle revint parmi les mortels en abaissant sa caméra, entraînant sans le vouloir Max avec elle. Cette dernière, hébétée, se rendit compte qu'elle avait elle-même cessé de respirer tout au long de ce cliché… comme si elle avait accompagné Victoria dans son aventure artistique. What ?!...
La petite châtain secoua la tête pour se remettre les idées en place. Aimer la photographie lui faisait vraiment faire des choses étranges. Pendant une seconde, sans savoir comment l'expliquer, elle avait eu l'impression de partager les sentiments de la blonde. Comme une forme d'empathie très poussée et très particulière. Une compréhension mutuelle. Cela allait un peu trop loin dans la bizarrerie maintenant que Max y pensait. Il fallait qu'elle prenne du recul par rapport à sa passion et sa compassion naturelle quand il s'agissait d'un appareil photo. Partager des choses avec Victoria Chase n'était pas forcément quelque chose qui pouvait lui être bénéfique…
Coulant un ultime regard dans la direction de la riche héritière, elle la trouva plongée dans la vérification de ses clichés sur l'écran de son Nikon. Victoria ne faisait plus attention à elle et s'occupait désormais de ses affaires. Max repensa alors au nom qu'elle avait choisi de lui donner un peu plus tôt : Dior. Etrangement, il lui allait bien. Sa sonorité, quand on le prononçait, donnait tout de suite une impression dorée, brillante et un peu chic qui n'allait pas s'en rappeler la couleur de ses cheveux et son caractère. Dior… D'or…
Max visualisait une myriade de minuscules particules d'or en prononçant ce mot dans sa tête. Une pluie étoilée dans un palais arabe, où une femme grande et élancée aurait porté une robe de soirée échancrée dans le dos. Cela avait quelque chose de beau et de magique et elle se laissa aller à son imagination.
Une collègue la sortie de sa transe en lui tapant sur l'épaule pour la prévenir que son shift s'était terminé cinq minutes plus tôt. Immédiatement, Max baissa son regard sur la caisse devant elle. 18h06. Elle n'avait pas compté sa caisse. Elle n'avait pas avancé le nettoyage de son poste. Elle ne serait jamais à l'heure chez Chloé pour King's Glaive.
Et en plus, elle allait se faire incendier.
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Victoria revint deux jours plus tard. Cette fois-ci en fin de matinée. Et comme tous les samedis, le Starbucks – lieu sacré des amateurs de café – regorgeait de monde. Max enchaînait les commandes depuis près de deux heures. Son cerveau fonctionnait en automatique. Client, commande, caisse, tasse avec prénom, et hop, elle faisait passer à ses collègues qui préparaient les boissons et faisaient le service. Elle ne put donc s'empêcher de sursauter quand la grande blonde apparut sous ses yeux au moment où un homme assez large d'épaule s'effaça pour lui laisser la place.
- Salut, loser, la salua Victoria dans un rictus amusé en se portant à sa hauteur. Toujours en train de trimer comme une pauvresse ?
A la surprise de Max, le ton de la Reine de Blackwell n'était pas aussi hautain qu'à son habitude, mais plutôt narquois et joueur. Ses mots pouvaient paraître cruels au premier abord, mais ils tranchaient avec la lueur malicieuse dans son regard et son intonation qui cherchait à faire la conversation. La petite hipster décida de se prendre au jeu.
- Votre Majesté, la salua-t-elle avec effronterie, toujours un plaisir de vous accueillir dans notre établissement miteux.
Victoria roula des yeux dans un petit claquement de langue dédaigneux.
- Je vois que tu ne quittes jamais ton havre hipster. J'espérais avoir droit à une meilleure serveuse en revenant ici… je suis déçue.
- En effet, comme tu peux le voir, j'aime tellement cet endroit que j'ai décidé d'y habiter à temps plein. Les plages d'Arcadia Bay, le soleil, les longues heures à ne rien faire c'est tellement surfait… tellement mainstream… surtout en week-end quand je ne suis pas sensée être de service, ajouta-t-elle avec une ironie mordante.
- …. Maintenant je sais pourquoi ils t'ont recrutée ici, argua la blonde avec un naturel qui désarçonna Max.
Le léger rire sous cape qui s'ensuivit sonna comme une mélodie inédite qui s'accompagna d'un geste d'embarras de la main quand elle tenta de couvrir sa bouche par réflexe. Durant un bref instant, la petite châtain se sentit happée par son expression. Elle aperçut furtivement les petites fossettes qui se formèrent autour de sa bouche, ainsi que la manière dont ses yeux s'allongèrent de plaisir. En moins d'une seconde, elle admira avec quelle élégance, Victoria laissa entrapercevoir la personne qui se cachait derrière son masque de fille populaire.
Une personne qu'elle n'aurait pas soupçonnée jusque là.
- Avec une réponse pareille, tu as explosé le seuil minimal du compteur hipster pour bosser chez Starbucks. Félicitations.
Les coins de ses lèvres se courbèrent avec insolence alors qu'elle croisait les bras sur sa poitrine, fière de sa répartie. Le buste légèrement penché en arrière et le regard pétillant quelque chose dans sa posture laissait supposer qu'elle attendait la suite des événements avec impatience.
- Je prends ça pour un compliment, riposta Max avec amusement. Au moins ils ne m'ont pas seulement recrutée pour mon physique de rêve.
- C'est sûr. Ils ont seulement eu besoin de s'arrêter à tes t-shirts démodés pour faire leur choix, fit-elle en descendant son regard sur le buste de la barrista.
- Hé ! Je le trouve très bien ce t-shirt ! Je l'ai commandé sur internet.
- Le site c'était « hipster . com » ?... Non non, laisse-moi deviner « vintagestyle . org » ? ironisa-t-elle en essayant de cacher le plaisir qu'elle prenait à se disputer avec la brune. A moins que ce soit « sansstyle . com » ?
- Je ne répondrai pas sans la présence de mon avocat…
- Je prends ça pour un oui.
Bien que ce jeu réveillait ses instincts et piquait son intérêt par sa saveur nouvelle, Max se rappela qu'elles n'étaient pas seules dans le café et que la file derrière Victoria s'allongeait de minutes en minutes.
- Alors, qu'est-ce que ce sera aujourd'hui, Miss Dior ?
- Un Latte vanille comme la dernière fois. Et ce sera au nom de Chanel, ajouta-t-elle en savourant l'expression de surprise sur le visage de son interlocutrice.
- Dior, Chanel… okay. Pourquoi pas.
Elle tapa la commande.
- Quatre dollars quatre-vingt-dix.
Comme la dernière fois, Victoria lui tendit un billet de dix. Se penchant légèrement au dessus du comptoir Max s'en saisit dans un petit sourire. Sans ajouter un mot, la blonde l'observa pendant qu'elle tapait le nouveau montant pour afficher le rendu sur sa caisse. Elle récupéra un billet de cinq et dix cent, mais alors qu'elle allait lui rendre la monnaie, la riche héritière lui dit :
- Tu peux garder la monnaie.
La brune se figea comme si elle n'avait pas compris ce que sa cliente lui offrait.
- C-comment ça ?...
- Tu peux garder la monnaie, répéta Victoria avec la lassitude exagérée d'une personne qui en avait marre de parler à une attardée.
- C'est beaucoup trop, je ne peux pas accepter.
- Tu sais ce que je ne peux pas accepter ? Qu'on discute ce que je dis… mais dans ton cas, on va faire une exception vu que tu ne fais rien comme tout le monde. – elle arqua un sourcil joueur – Vois ça comme un investissement pour acheter ton silence sur ma présence ici, aujourd'hui. Je sais où placer mon argent.
C'était idiot. Max n'aurait rien dit. Ce n'était pas son genre. Et Victoria le savait parfaitement. Dans cette histoire, c'était la petite hipster qui avait le plus à perdre si cette affaire s'ébruitait. Mais Victoria ne pouvait pas simplement lui donner un pourboire par gentillesse pour la remercier du bon moment quelle venait de passer à parler avec elle. C'était évident. Cela aurait entaché sa réputation de Reine sans cœur.
La brune se reprit donc pour entrer une dernière fois dans son jeu.
- Ces riches, soupira Max dans un air malicieux, tous des pourris ! J'appelle ça de la corruption.
- Appelle ça comme tu veux, termina son opposante en passant son sac à une épaule. Moi je m'en vais glander pendant que tu bosses. Et une dernière chose… ça ne veut pas dire qu'on est amies. Te fais pas des idées.
Max ne put empêcher un petit rire avant de lancer un « à la prochaine ! » auquel la blonde répondit par un rehaussement du menton « Peut-être que je ne remettrai jamais les pieds ici. » auquel elle ne crut pas une seconde.
