Hello guys !
Comme vous l'attendiez tous, voici le chapitre 2 de "Not so SI" qui poursuit en toute fluffiness - pour le moment - notre bien aimé Maximum Victory, aka Chasefield. Sont-elles pas mignonnes avec leur déni évident ? haha.
First thing first ! Je tiens à remercier Flinn de ses très gentils commentaires. Tu n'as pas de compte ffnet donc je n'ai pas pu te répondre personnellement comme j'en ai l'habitude, mais j'ai été touchée et ravie de savoir que tu me suis depuis toutes ces années. Je prône le fun et la décontraction ici, donc si tu passes un bon moment en ma compagnie, c'est tout ce que je pouvais espérer en partageant mes histoires. Quant à mon affection pour le Chasefield, arf, t'expliquer cela reviendrait à faire une conférence de plusieurs heures, haha ! Cependant, si tu es vraiment curieux(se), tu peux m'envoyer un MP et je te ferai tout mon speech ;D
Maintenant, je vous souhaite à tous une agréable lecture !
Kiwi
Coffee black like my soul
- Et là, j'ai eu juste une seconde pour prendre la photo qui, Dieu seul sait comment, était nette et plutôt bien cadrée avant de perdre l'équilibre et de tomber de tout mon long dans la neige.
Devant la mine déconfite de la petite brune qui mimait son exploit photographique, Victoria lâcha un petit rire amusé en reposant la tasse en carton qu'elle allait porter à sa bouche. Elle ne chercha même pas à se retenir, au plus grand bonheur de la barrista. Cet endroit à l'odeur forte de bois brut et de café était leur secret.
Assise au comptoir du Starbucks de Max depuis près d'une heure maintenant, elles échangeaient des histoires et des souvenirs à propos de leurs clichés les plus mémorables. La photo polaroid d'une biche au milieu de bois enneigés dans la main gauche, Victoria n'avait pu s'empêcher de réclamer l'histoire qui se trouvait derrière cette petite merveille. Sans qu'elle ne puisse s'expliquer pourquoi, cette photographie l'avait fascinée dès que ses yeux s'étaient posés dessus. Et, même si elle ne reconnaissait pas à haute voix que c'était un très beau cliché, elle s'avouait en silence admirer l'œil artistique de Max. Du coup, pour se voir offrir l'histoire derrière cette prise, elle s'était contenté d'un « Un cerf, sérieusement ? Est-ce que ton niveau d'hipsteromètre pourrait être plus élevé parce que là, on bat des records... (elle s'était nonchalamment recoiffée pour marquer son dédain) J'en viens à me demander comment tu fais pour être une personne aussi clichée. » Max l'avait regardé longuement en arquant un sourcil avant de pousser un soupir amusé qui cédait à sa demande implicite. Elle commençait à bien connaître sa cliente depuis deux mois qu'elle venait lui rendre visite chaque semaine. Leurs réparties cinglantes sur la cause hipster étaient devenues un jeu, voire leur petit moment privilégié en dehors de Blackwell où elles faisaient semblant de ne pas se connaître. Victoria adorait ces moments. Le sourire au bord de les lèvres, elle observait Max trier les photos sous son nez. Elle la vit en tirer une autre d'un coucher de soleil sur l'océan vu depuis le phare d'Arcadia Bay. A dire vrai, la première fois que la blonde avait mis un pied dans ce coffee shop datait de quatre mois plus tôt, et donc, bien avant de connaître la brune. C'était un jour où elle avait essayé d'esquiver le Vortex Club. Ses « amis » l'avaient énervée pour une raison quelconque et, juste après, elle s'était disputée avec Taylor et Courtney. Le besoin d'aller respirer un peu s'était fait urgent. D'être seule. D'avoir son moment tranquille. Nathan lui avait envoyé quatre ou cinq textos pour lui dire qu'ils allaient au Golden et qu'elle pouvait venir, mais elle n'avait pas eu envie de les rejoindre. Elle avait plutôt tenté le Starbucks à la place, en sachant pertinemment qu'aucune de ses connaissances n'aurait osé y traîner. Là, loin de tout, elle s'était découvert un petit havre de paix au cœur même de l'agitation de la ville. Personne ne lui avait posé de questions, personne ne l'avait importunée. Elle avait pu se poser avec un livre et de la musique pour passer un peu de temps en phase avec elle-même. Cela lui avait fait un bien fou !... Elle avait donc pris l'habitude d'y venir de temps à autre quand le poids de son masque de société devenait trop lourd. Être elle-même, même le temps de quelques heures, avec un café et sa Nintendo DS la ressourçait profondément. Et cela aurait pu continuer longtemps ainsi… Mais il avait fallu que cette fan de polaroïd et de t-shirt démodés commence à travailler ici et qu'elles se croisent un jour où elle était de service. A partir de là, son univers avait complètement changé.
- Pourquoi tu ris ?
- Parce que ta vie est une blague qui te mènera tout droit au régime vegan, aux lunettes carrées et au bonnet effilés.
- Hé ! Je te signale que celle qui porte des lunettes en classe, c'est toi !
- On appelle ça le « style », Max. Et, pour ta gouverne, je ne les porte pas en buvant mon lait de soja bio aux noisettes d'Ethiopie.
- Je vois pas ce que tu reproches au lait de soja… et je suis pas sûre qu'il y ait des noisettes en Ethiopie…
- D'où l'absurdité de la chose.
Max tira une tête de six pieds de long sous le petit rire victorieux et communicatif de la blonde. Satisfaite, elle croisa les bras sur le comptoir comme si cet échange marquait le point décisif de leur match.
Aujourd'hui, le Starbucks représentait toujours son havre de paix où elle pouvait laisser tomber son masque de Queen Bee, mais ce n'était plus la même chose. Il y avait Max. Stupide hipster Max. Petite ringarde aux yeux bleus scintillants et aux ridicules tâches de rousseur.
Au tout début, découvrir qu'une autre personne de Blackwell venait ici l'avait profondément surprise, puis énervée dans la demi-seconde qui avait suivie. Une réaction parfaitement logique si on s'en tenait à la théorie de Darwin sur la bestialité de l'humanité. Victoria s'était sentie envahie sur son territoire, menacée qu'on découvre son jardin secret et enfin, exposée au jugement d'être dans un endroit qui ne convenait pas à son image. Il n'en fallait pas plus pour déclencher son système de défense : le sarcasme et l'intimidation. D'autant plus que la brune lui était apparue comme une looseuse qui aurait eu tout intérêt à se venger des bizutages infligés par le Vortex Club en la dénonçant.
Mais au final, il n'en fut rien.
Max n'avait rien dit. Elle ne l'avait même pas regardé quand elles s'étaient croisées le lendemain dans les couloirs de l'école. On aurait presque dit que la brune ne l'avait même pas vu, ne l'avait pas perçue, comme si elle ne s'était pas trouvée sur le même plan dimensionnel et qu'elles ne pouvaient pas se rejoindre. La barrista lui avait donné l'impression de ne pas exister dans son univers scolaire, son monde qu'elle aurait qualifié de normal, pour n'apparaître que dans sa double vie. Et dans celle-ci, elle s'était parfaitement intégrée. Elle lui avait même apporté une saveur inédite…
Victoria n'aurait su dire pourquoi, mais elle se sentait bien quand elle retrouvait la petite hipster en dehors de l'école, dans leur monde de café et de muffins. Cet endroit avait vraiment quelque chose d'apaisant. Elle se rappelait encore les premiers jours après leur rencontre en ces lieux. Elle avait espionné Max à Blackwell pour voir à qui elle avait affaire. Cela pouvait paraître bizarre, mais c'était une précaution à prendre pour sauvegarder sa paix. Alors, elle l'avait suivie et épiée quand elle était en classe, avec ses amis, dans les couloirs. Elle l'avait retrouvée sur Facebook, Instagram, regardé ses commentaires et ses publications. Sa première remarque avait été que cette fille manquait peut-être de style vestimentaire et d'ambition, mais elle était loin de manquer de talent. Pour sûr, ses photos étaient magnifiques… chacune d'entre elles. A croire que son vieux Polaroid faisait de la magie. Et sa modestie à propos de ses clichés était presque agaçante si ce n'est attendrissante.
Elle avait su dès lors qu'elle n'aurait rien à craindre de Max. La petite hipster ne dirait rien à personne, non seulement parce qu'elle avait trop à perdre, mais surtout parce que ce n'était pas dans son caractère.
- Tu re-veux un truc à boire ?
- Hmm… pourquoi pas un macchiato, oui, fit-elle d'une voix songeuse. Avec le lait bien fouetté et le café noir à l'intérieur. Pas de sucre.
- Non mais j'hallucine… toujours plus… ! Et tu veux pas que je te fasse un massage des pieds tant que j'y suis ?
- Je n'en demandais pas tant, mais si tu proposes, ce sera avec des huiles essentielles.
- Je ne proposais pas.
- Dans ce cas, je vais devoir me contenter d'un café mal fait, regretta-t-elle dramatiquement. déception…
- C'est le meilleur de la ville, oui ! Donnez-moi deux minutes, Miss Valentina et vous changerez d'avis! fit-elle avec une courbette et un air moqueur.
Victoria esquissa un petit sourire à l'entente de son nom du jour. Si la première fois elle s'était faite surnommer « Dior » pour marquer son appartenance à la haute société et énerver Max, c'était dorénavant devenu une part du rituel. Elle ne donnait que des noms de marques célèbres et s'amusait des réactions de la brune.
Max posa la tasse devant son nez dans un petit claquement sec, la ramenant à la réalité.
- Un Macchiato pour la snob ! Je répète, un Macchiato pour la snob !
- Répète-le autant que tu veux, je prends ça pour un compliment.
Victoria tourna la tasse pour découvrir le nom écrit au feutre noir : Primark. Elle retint le sourire qui tendait à poindre sur ses lèvres. Cela aussi faisait partie du rituel désormais. A chaque fois qu'elle donnait un nom de marque célèbre à la barrista, celle-ci inscrivait toujours une sous-marque sur sa cup.
- Tu as fait mieux que ça, ironisa la blonde. Primark c'était facile.
- Je sais je sais, mais ça reste une valeur sûre.
- Pour le bas-peuple, peut-être.
- Etonnant que tu en connaisses le nom alors ! soutint sa serveuse avec un clin d'œil.
Victoria se sentit bêtement rougir quand Max accompagna son geste provocateur d'un sourire plus mignon que narquois. Son cœur se mit à battre plus vite. Sa gorge s'assécha brusquement et ses joues s'empourprèrent de plus belle quand le sourire de Max s'accentua face à son manque de répartie.
- Quoi ? Pas d'insulte ?... Serait-ce… ? Mais oui ! C'est une victoire historique des hipsters contre les BCBG ! Reprit-elle avec joie en joignant ses mains. On se souviendra de mon nom pour les siècles à venir comme celui de Napoléon marchant sur l'Europe. J'ai vaincu la bourgeoisie ! Je suis tellement émue d'entrer ainsi dans l'Histoire… je ne sais plus quoi dire, je n'avais pas prévu de discours.
Ses doigts se portèrent à ses yeux pour chasser une larme imaginaire.
- Nous nous souviendrons de ce jour comme celui de la Révolution Vintage Post Modern.
- Mon dieu… mais que quelqu'un t'achève, par pitié… rouspéta Victoria dans un grognement dédaigneux.
- Tu pourrais au moins avouer que ce nom est classe.
- Plutôt me couper la langue qu'aller dans ton sens.
- Tu vies dans le déni, Victoria…
- Moi, je vis dans le déni ? Répéta-t-elle en accentuant le premier mot. Ca c'est la meilleure ! Qui est-ce qui refuse de voir que porter des vestes difformes nuit gravement à la santé et fait du mal aux yeux de ton entourage ? fit-elle, outrée.
- Que tu cr-. Attends.
Max réalisa soudainement qu'un client venait de se porter à son comptoir et abandonna la riche héritière en lui assurant qu'elle revenait d'ici cinq minutes.
- C'est ça, défile toi !
Elle roula des yeux en s'éloignant sous le regard de la blonde qui se permit à nouveau de respirer quand elle sortit de son espace vital. Son cœur battait fort. Ses joues refusaient de reprendre une couleur normale. Victoria les sentait chauffer encore et encore alors que son embarras s'accentuait de ne pouvoir dissimuler son état. Ses genoux lui parurent faibles et elle remercia le ciel d'être assise sur un tabouret. Tant de signes qui venaient accompagner la drôle de sensation qui provenait de son ventre et qui la faisait se sentir légère et bêtement heureuse. Max lui faisait cet effet beaucoup trop souvent ces derniers temps. Et dire qu'elle ne savait pas ce que cela signifiait aurait été mentir… Elle connaissait les signes, bien qu'elle essayait de les nier avec toute la force de son être. Quoi qu'elle fasse, elle n'arrivait pas à s'en empêcher… Victoria fixait, plus qu'il ne l'était permis, ses lèvres fines et bien dessinées quand elle parlait, tout comme ses formes masquées sous son tablier. Elle se perdait dans ses yeux d'un océan lumineux jusqu'à y laisser son souffle et s'y noyer sans arrêt avec la même adoration. Les mouvements de la châtain la fascinaient, et elle sentait son cœur accélérer la cadence à chaque fois que leurs mains s'effleuraient par accident. Enfin, Accident... Elle tentait de s'en convaincre. Combien de fois avait-elle essayé de prolonger ce contact ?... Cinq, six, dix fois ?... elle ne comptait plus.
La vérité était aussi dure à avaler qu'un sac de graviers doublé d'orties.
Elle avait un faible pour Max Caulfield qui devait durer depuis quelques semaines maintenant. Foutue Loserfield.
Elle avait un foutu gros faible qui devait cesser tout de suite pour son propre bien et celui de sa réputation. La situation devenait grave. Et elle s'empirait de jours en jours. Il fallait vraiment faire quelque chose car cette affection commençait à l'empêcher d'être aussi tranchante qu'elle le souhaitait et modifiait sa façon de se comporter. L'évidence faisait mal… quoique ce soit qui l'attirait chez Max, cela la rendait faible à chaque fois qu'elles se retrouvaient dans la même pièce. Et s'il y avait bien une chose que Victoria détestait, c'était se sentir vulnérable.
Relevant les yeux, elle observa la petite silhouette qui s'affairait autour des machines, son éternel sourire ingénu illuminant son visage. Elle était dans son monde, heureuse et en paix. Victoria la vit écrire un prénom sur un gobelet en carton, puis le placer sous une cafetière pour finalement faire une décoration avec du caramel sur la mousse qui dépassait. Tout cela sans cesser de rayonner de bonne humeur. L'homme en face d'elle dû y être sensible car il se mit à sourire à son tour et la remercia chaleureusement avant de partir. Le regard attendri un peu languissant qu'il lui lança avant de s'éclipser, par contre, mit les nerfs à vif à la blonde. Qu'est-ce qu'il croyait faire celui la ?!... il pensait que son petit numéro de charme pouvait fonctionner sur autre chose que des écervelées à forte poitrine ?... Non mais qu'il tente sa chance pour voir. Victoria se ferait un plaisir de le rembarrer. Elle allait lui apprendre à vivre à ce Don Juan…
- Tu en fais une drôle de tête, dis-moi. Mon macchiato était si terrible que ça ? Plaisanta la petite hipster en revenant à sa hauteur.
Victoria se reprit en réalisant qu'elle serrait sa touillette à s'en faire blanchir les phalanges. Elle se maudit d'être aussi distraite aujourd'hui.
- C'est peu de le dire… Je viens chaque fois en espérant que tu t'améliores et voilà à quoi j'ai le droit… répliqua-t-elle en montrant sa tasse à moitié vide.
Max se fendit d'un sourire éclatant en nettoyant le comptoir devant elle avec un chiffon.
- T'es pas possible, tu le sais ça ?
La blonde lui répondit par un sourire séducteur en croisant ses jambes.
- Ca fait partie de mon charme, susurra-t-elle en capturant son regard pour renforcer son effet.
- Tu parles ! Ca fait partie de ton égo, oui.
Victoria étouffa un petit rire discret.
- Bon, c'est pas tout ça mais j'ai un devoir à rendre pour demain et à cause de toi, je n'ai pas avancé d'une ligne.
- Tu n'essaierais pas de me faire culpabiliser, là par hasard ? Demanda Max en haussant un sourcil.
- Je n'essaye pas, je le fais. Si M. Jefferson me demande demain ce que j'ai fait pour son cours d'histoire de la photographie, je répondrai « Demandez à Max Caulfield. Elle et sa bande de losers ont volé ma dissertation pour s'en inspirer. »
- Et tu avouerais ainsi me connaître, moi, petit vermisseau insignifiant devant sa Majesté Chase. Quel horreur.. euh-honneur !
- Non, non. J'avouerais juste qu'une mécréante parmi la plèbe de Blackwell a osé porter atteinte à ma royale personne. C'est un coup d'Etat qui se règlera dans le sang.
- Le simple fait que tu connaisses mon nom me flatte, ricana Max. Bon allez ! File ! De toute façon, je termine le nettoyage et je finis mon shift en suivant.
Victoria esquissa un nouveau sourire et attrapa son sac à main duquel elle sortit son portefeuille. Elle l'ouvrit et en tira un billet de dix dollars qu'elle tendit à la barrista. Cette dernière la regarda sans comprendre, ses yeux allant du billet au visage de son interlocutrice.
- Je sais que tu as une mémoire sélective principalement occupée par quel filtre vintage tu vas utiliser pour ton prochain selfie, mais c'est pour le macchiato, fit simplement la blonde comme si c'était une évidence.
- Tu ne comprends pas le dilemme de choisir entre XPro II et Valencia pour mettre mes tâches de rousseur en valeur. Et, range ça. Celui la était pour moi ! Cadeau de la maison pour une habituée ingrate et insupportable.
Son sourire revint en force sur son visage, plus éclatant que jamais. Et Victoria sentit ses joues s'empourprer de plus belle. Putain non !... pas encore… grogna-t-elle en son for intérieur. Pas maintenant !
- Tu payeras ta conso' quand tu seras finalement satisfaite de ce que tu bois, ajouta-t-elle.
- Tu risques de ne pas gagner beaucoup d'argent dans ce cas… répliqua-t-elle en essayant de réduire mentalement la coloration coupable sur son visage.
- Ca me permet de m'améliorer.
Victoria eut beau s'auto-maudire, rien n'y fit. Ses joues étaient en train de prendre une belle couleur écarlate qui se répandait jusqu'à ses oreilles. Devant le manque de coopération de son corps, elle se décida à remercier vite fait la petite hipster avant de récupérer ses affaires pour quitter les lieux rapidement. Il fallait qu'elle sorte d'ici avant que Max ne voit les nuances sur ses joues et fasse le calcul qui mènerait à sa perte. Cette dernière la regarda, d'ailleurs, partir en hâte sans comprendre ce qu'il venait de se passer. Avait-elle dit quelque chose de déplacé ? Victoria était-elle en colère contre elle ?... Pourquoi avait-elle réagi comme cela ? D'habitude elle prenait le temps d'échanger une ou deux plaisanteries avant de partir… C'était bizarre…
Max fixa longuement la porte qui se referma avec lenteur, quelques secondes après le départ de la blonde. Pour la première fois depuis qu'elle bossait ici, le tintement de la cloche lui parut sinistre.
La petite hipster sortait de son cours d'Histoire Classique des Arts quand ses yeux tombèrent sur la silhouette de Victoria. Immédiatement la paume de ses mains s'humidifia et son estomac se tordit bizarrement sans pour autant que ce ne soit désagréable. C'était même plutôt l'inverse à vrai dire. La brune se sentait légère, tellement légère. Elle avait l'impression d'être portée par une énergie inconnue et traversée de petits courants électriques qui accéléraient fréquemment les battements de son coeur. Elle ne l'avait pas revue au coffee shop depuis l'incident du macchiato, une semaine plus tôt. Un temps qui lui avait paru terriblement long et qui ne faisait que rendre leurs retrouvailles plus exaltantes. A quelques mètres de là, Victoria était assise en équilibre sur une barrière dans la cour principale de Blackwell. Même sans rien faire de spécial elle dégageait une aura populaire qui imposait naturellement le respect. Si Max avait dû faire une comparaison, elle aurait dit qu'elle brillait comme une pierre précieuse au beau milieu d'un décor incolore. Entourée de ses amis huppés, elle paraissait absorbée par une conversation animée entre Nathan et Logan. Ses yeux d'un vert impérial braqués sur le petit héritier châtain, elle observait en silence l'échange entre les deux garçons sans pour autant y participer.
Max prit une seconde pour admirer sa figure svelte et élancée. Toujours égale à elle-même, elle portait avec grâce une chemise col claudine avec un petit nœud en tissu noir qui retombait sur sa poitrine. Ses manches étaient légèrement retroussées sur ses avant-bras. Elles laissaient apercevoir ses poignets ornés de bracelets en or et d'une montre à bracelet en cuir qui mettaient en valeur ses mains d'albâtre longilignes. La brune avait toujours pensé que Victoria avait des mains de pianiste quand elles échangeaient la monnaie au Starbucks. Elles étaient si parfaites, tellement gracieuses avec leurs doigts longs et fins qui apparaissaient en une ossature légèrement en relief sous des muscles tendus. Max ne pouvait s'empêcher de les admirer à chaque fois, et espérer pouvoir un jour les saisir doucement.
Revenant vers son visage, elle nota avec quelle soigneuse perfection ses courts cheveux blonds étaient coiffés. Ils encadraient sa figure avec l'élégance d'un mannequin tout droit sorti d'un magazine de mode. Rien ne changeait à son habitude… si ce n'est l'expression hautaine qui marquait ses traits. Ses sourcils étaient légèrement froncés, sa mâchoire contractée et ses gestes secs. Victoria n'était pas détendue. Max pouvait le dire même sans se tenir juste devant elle. La jeune femme était sur ses gardes et mal à l'aise alors que, paradoxalement, elle se trouvait au milieu de ses amis. Son rire lui-même avait quelque chose de différent. Il ne sonnait pas comme lorsqu'elles étaient ensemble et ne faisait pas plisser ses yeux de chat. Il était froid, sans la moindre chaleur. Complètement superficiel.
Max ne sut dire si cela lui fit mal au cœur de voir cela ou ressentir une satisfaction égoïste. Elle seule connaissait la facette douce et chaleureuse de la blonde. Elle seule pouvait décrire avec quelle volupté les émotions s'inscrivaient sur son visage d'albâtre.
La petite hipster – après avoir décidé de se faire encore plus petite qu'elle ne l'était déjà pour ne pas se ferme remarquer par la bande de richards – s'avança sous le porche d'entrée pour rejoindre la cour. Il faisait chaud pour un mois de Novembre et elle regretta la couche de vêtement supplémentaire qu'elle avait enfilée le matin même par crainte de vents glacés. Mais alors qu'elle atteignait tranquillement le bas des quelques marches qui donnaient sur la place principale, une voix dans son dos accompagné d'un bras qui se glissa autour de ses épaules la stoppa.
- Well well, Maxi Max, alias Max la menace ! Fit une voix grave et un peu surjouée. On s'éclipse sans attendre son acolyte ? Je vais me vexer… je croyais que toi et moi c'était pour la vie.
L'intéressée tourna la tête d'un quart de tour pour plonger dans le regard doux et affectueux de Warren. Ses cheveux châtains revenaient sur son visage en encadrant ses traits de petites bouclettes naturelles. Il paraissait vraiment heureux de la voir malgré le reproche qu'il venait de lui faire. Elle lui lança un petit sourire innocent.
- Désolée ! Je croyais que tu avais club de chimie cet aprem. My bad, cher acolyte !
Il rit joyeusement en emboîtant le pas de la petite brune qui avait recommencé à avancer et descendait maintenant les quelques marches d'entrée.
- C'est le mercredi. Et club dans lequel tu es toujours la bienvenue d'ailleurs, reprit-il sans se formaliser d'avoir failli se faire abandonner. Les secrets des bombes artisanales nous pendent au nez ! Imagine tout ce qu'on pourrait faire avec un peu de potassium ! Imagine Blackwell à nos pieds !
- Ouuuh, mais c'est que tu arriverais presque à rendre un club miteux plein de geek boutonneux intéressant ! Ironisa-t-elle en riant de la mine déconfite du brun qui s'écarta légèrement d'elle.
- J'en fais partie, tu sais…
- Et moi je travaille toute la semaine, Warren, sourit-elle gentiment. Je t'avoue que rajouter des activités à mon emploi du temps de ministre ne m'enchante pas vraiment. J'ai envie d'avoir un peu de temps pour moi.
Tout en disant cela, elle resserra la bretelle de son sac en bandoulière. Un geste nerveux qui trahissait son envie de se retourner pour jeter un œil à la blonde. Elle savait qu'elle n'avait pas le droit. Cela faisait partie de leur engagement… mais s'était-elle au moins rendue compte qu'elle venait de passer à côté d'elle ?... N'existait-elle vraiment pas pour elle en dehors du Starbucks ?
Cette pensée lui plomba le moral et effaça pour de bon le sourire de ses lèvres alors que Warren continuait de parler en racontant sa journée. Elle ne l'écoutait plus. Son esprit répétait une seule phrase en boucle pour arrêter les battements nerveux et déçus de son cœur : Elle ne la connaissait pas. Elle ne la connaissait pas. Elle ne la connaissait pas. Elle s'imposa ces quelques mots comme un mantra en accélérant le pas pour sortir du champ de vision du Vortex Club.
- Au fait, tu as regardé ma sélection de films sur la clé USB ? J'ai choisi tous les plus grands classiques du cinéma pour toi !
Victoria, les poings et dents serrés, fulminait. Les yeux rivés sur l'entrée de la place, elle regardait Max s'éloigner aux côtés de Warren avec un étrange sentiment de colère au creux de l'estomac. C'était quoi son problème à cette nana ?! La brune ne l'avait même pas calculée. Elle était passée sous son nez, à moins de cinq mètres, sans même lui accorder un regard. Non mais sérieux !... Collée avec adoration à son geek de compagnie, elle n'avait pas montré le moindre signe de reconnaissance envers sa personne. Pas le moindre ! Ce déni de son existence frustra Victoria à un point inimaginable. Fronçant les sourcils, elle contracta instinctivement sa mâchoire comme si elle essayait d'avaler quelque chose d'indigeste.
Depuis quand étaient-ils aussi proches ? Et qu'allaient-ils faire tous les deux en se dirigeant vers l'arrêt de bus ?... Max ne travaillait pas ce soir. Victoria était catégorique. Elle avait retenu tout son emploi du temps par cœur et faisait habituellement semblant de se pointer durant l'un de ses shifts comme si c'était une coïncidence. Donc qu'allait-elle faire en ville ? Elle n'avait aucune raison de quitter le campus un mardi après-midi… à moins d'avoir un rencard avec ce loser mal coiffé. A cette pensée, le sang de Victoria ne fit qu'un tour. Elle se retint de justesse de ne pas se lever pour aller faire comprendre à Warren qu'il empiétait dangereusement sur une chasse gardée. S'il voulait atteindre l'âge adulte, il aurait été plus sage pour lui de continuer à fantasmer sur des films pornos plutôt qu'approcher Max.
Victoria hurla de rage intérieurement.
Et l'autre qui ne l'avait même pas regardée ! Elle savait au fond d'elle que la petite hipster n'avait fait que respecter leur arrangement, alors pourquoi sa réaction l'énervait-elle autant ? Pourquoi ne lui avait-elle pas lancé au moins un regard ?!
- Hey Vic, ça va ? Tu fais une tête chelou…
- Hn.
- Ca va ? répéta son amie.
- Super, répondit-elle avec agacement. Je-vais-super-bien.
Ses yeux brillants de colère démentaient ses propos et Taylor sentit à son ton agressif qu'insister n'aurait fait qu'empirer les choses.
- On va se prendre un truc à boire, tu veux quelque chose ?
- Non.
Un silence lui répondit, suivit d'un long regard interrogateur de la part de la blonde aux cheveux longs.
- T'es sûre ?...
- Ouais. Et d'ailleurs… Je crois que je vais rentrer… J'ai un truc à faire pour demain que j'avais oublié, et j'ai pas envie de perdre des points sur ma moyenne avec les exams de fin de semestre qui approchent.
Massant une de ses tempes du bout des doigts, elle essayait de se calmer en respirant profondément.
- Tu veux que je te raccompagne ?
- Non, c'est bon, je n'ai pas six ans.
Taylor arqua un sourcil mais ne répondit rien à ses réparties cassantes.
- Okay, ben dans ce cas, je t'envoie un message tout à l'heure pour savoir comment tu vas.
- Comme tu veux, mais t'embêtes pas non plus…
- Ca ne m'embête pas.
- A tout' alors.
Sur ces mots, Victoria ramassa son sac et prétexta un devoir à rendre devant l'ensemble du groupe qui essaya de la retenir avant de s'éloigner. Quelque chose clochait vraiment chez elle. Cette colère sourde ne lui ressemblait pas… enfin si, elle lui ressemblait, mais pas pour une looseuse qui préférait les polaroids aux numériques. Il fallait qu'elle fasse quelque chose. Et vite.
