Helloooo guys !
Qui a commandé du fluff en masse doublé de gnagnan insupportable ? Parce qu'il/elle va être servi, (vraiment, la personne qui a commandé un truc aussi sucré devrait avoir honte). Mais bon, peut-on parler de calme avant la tempête ? Je ne vous apprends pas que la vie à Arcadia Bay est toujours mouvementée.
Je vous souhaite à tous, toutes une bonne lecture et un chocolat viennois chez Starbucks (je vous promets, je n'ai aucune action dans ce coffee shop).
Kiwi
Lie to me
Victoria soupira longuement devant l'ironie de sa situation. Assise au comptoir du Starbucks d'Arcadia Bay, elle observait Max qui profitait d'une accalmie pour remplir les réserves de café des machines. La riche héritière avait essayé de ne pas y retourner, de trouver une autre occupation… Elle avait tenu bon six jours. Et si l'on rajoutait à cela la semaine précédente où elle n'était pas venue, on atteignait quatorze jours. Quatorze jours durant lesquels elle n'avait fait que penser à elle en essayant de l'éviter scrupuleusement. Et pourtant, elle se retrouvait là, le cœur serré, assise sur une chaise de bar. Les haut-parleurs du coffee shop diffusaient Suddenly I see de KT Tunstall, et cette chanson n'aurait pas pu être plus appropriée en cet instant précis. Roulant des yeux, la blonde se mit à touiller son café par habitude pour occuper ses mains.
Suddenly I see (suddenly I see) this is what I wanna be
Suddenly I see (suddenly I see) why the hell it means so much to me
Victoria grogna intérieurement. Elle allait finir par croire que le karma aimait se moquer d'elle et lui envoyait des signes pour lui rappeler que c'était elle qui avait provoqué tout cette situation. C'est bon, ouvrir les yeux, j'ai bien compris le message, merci… se renfrogna-t-elle avec sarcasme en levant les yeux au ciel. Depuis plusieurs semaines, elle avait compris pourquoi elle revenait sans cesse à cet endroit. Du moins, elle se l'était finalement avoué. La vérité c'est qu'elle n'y recherchait plus la paix, la solitude ou la fuite de son quotidien superficiel. Elle y cherchait Maxine – et elle aimait son vrai prénom –. Elle cherchait ses sourires, son regard d'un bleu intense qui invitait au secret et ce sentiment qui la faisait se sentir bien et entière quand elle était avec elle. Elle n'arrivait pas à se résoudre à lui dire ce qu'elle ressentait… Elle se sentait idiote. Mais plus que cela, elle ne se sentait pas en droit de désirer quelqu'un d'aussi gentil alors qu'elle passait son temps à faire du mal à des gens.
Victoria fit tourner sa tasse en carton. H&M. Elle esquissa un sourire attendri en prenant discrètement en photo l'écriture de Max avec son iPhone. Elle lui avait demandé Cartier, une marque de bijouterie française de luxe, lorsqu'elle avait commandé et voilà ce qu'elle avait obtenu. Au moins, Max avait fait ses recherches en matière de distributeurs français. Victoria devait lui reconnaître cela.
Elle plaça la photo de son gobelet en carton avec la vingtaine d'autres dans un dossier spécial de son téléphone. Elle les conservait toutes.
- Je peux te poser une question ? fit-elle à Max en relevant son regard de son téléphone.
L'intéressée termina de ranger son poste en lui lançant un petit 'oui' qui sonnait occupé mais qui montrait qu'elle l'écoutait.
- Qu'est-ce que tu aimes le plus photographier ?
- Comment ça ?
- Ton sujet préféré, en dehors de tes selfies, bien entendu. C'est quoi ?
Max arrêta ce qu'elle était en train de faire pour réfléchir.
- Hmm… je dirais la nature, fit-elle après une hésitation de quelques secondes.
- Pourquoi ?
- Il y a quelque chose dans les couleurs, dans la diversité qui me fascine. Et puis, photographier la nature c'est partir à l'aventure ! Répondit-elle en souriant. Tu découvres de nouveaux endroits, tu te mets à l'épreuve et tu en ressors changé. Je ne sais pas comment l'expliquer…
Victoria esquissa un petit sourire, les yeux dans le lointain.
- Si, je comprends. Ca te ressemble bien.
- Mon dieu, Victoria ? Serait-ce un compliment ? hoqueta Max en portant une main à sa poitrine.
- Dans tes rêves, hipster.
- Je me disais aussi, rigola-t-elle. Votre Majesté est bien trop bonne pour reconnaître l'existence d'une plébéienne telle que moi.
Elle vint se poser devant la blonde en appuyant légèrement ses avant-bras sur le comptoir qui les séparait.
- Toi, par contre, je sais que tu aimes photographier les gens. Tu cherches leurs visages, leurs expressions, leurs sentiments… le mouvement aussi et le chaos urbain. Il y a quelque chose dans ta façon de faire des photos qui alterne entre force de l'expression et mécanisme artistique.
- C-comment tu sais ça ?... souffla la riche héritière.
- Parce que je sais tout, répondit-elle avec un aplomb à toute épreuve.
Victoria lui lança un regard blasé.
- Max…
- Parce que j'ai vu ton exposition pour le concours noir et blanc le mois dernier. Tu as un œil très Richard Avedon-esque, je dois dire. Quelque chose dans les détails… dans l'angle et le jeu des lumières.
La riche héritière se figea.
- Avedon… C'est mon héros depuis toujours…
- Ca ne m'étonne pas, sourit Max de plus belle en se redressant légèrement. Tu pourrais être aussi connue que lui un de ces jours avec tes clichés. Je suis sérieuse.
- Si tu le penses vraiment, c'est le plus beau compliment qu'on ne m'ait jamais fait… même si j'ai du mal à y croire.
- Haha, tu te montres trop dure envers toi-même. Tu as du talent, c'est certain… même si ton insupportable arrogance et de ton insolence snobinarde te font perdre des points.
Elle rit à sa remarque entraînant légèrement la blonde à sa suite.
- Merci, Maxine. Ca fait du bien à entendre.
- Max, pas Maxine, la corrigea la châtain, habituée et amusée de cette rengaine. Ou 'hipster' pour toi.
- Je sais je sais, mais j'aime bien avoir l'exclusivité, argua-t-elle avec un petit air narquois. Ca flatte mon égo, tu comprends ? Tu vois, l'égo, l'arrogance, le narcissisme, et tous ces synonymes que tu aimes utiliser pour marquer ton complexe d'infériorité à mon égard.
Pour toute réponse Max leva les yeux au ciel dans un geste théâtral qui se voulait exaspéré.
- Qu'ai-je fait au ciel pour devoir te supporter ainsi toutes les semaines ?
- Certainement beaucoup de mauvaises choses, Maxine, insista-t-elle.
Max devait s'avouer une chose… En vérité, le fait que Victoria l'appelle par son véritable prénom ne la dérangeait pas. Au contraire même. Elle râlait pour la forme et pour le plaisir de la contredire mais au fond, cela lui plaisait plus qu'elle ne voulait se l'avouer. Cela la faisait se sentir bien. La blonde avait une façon spéciale de le dire. Max ne savait pas si c'était dans son intonation ou dans sa manière de le prononcer, mais cela réveillait à chaque fois des papillons dans son estomac et affaiblissait ses genoux. Elle se sentait subitement particulière et unique à ses yeux quand elle l'appelait ainsi. Elle avait l'impression qu'elles partageaient plus qu'un secret… qu'elle était réellement à sa place, qu'elle était réellement Maxine Caulfield. Chose surprenante quand on considérait que même ses parents et sa meilleure amie ne pouvait le faire.
- Quoi ? Reprit Victoria en joignant ses mains devant elle. Me dis pas que ton petit ami t'appelle comme ça aussi ? Là, ça me vexerait.
Ce fut au tour de Max de marquer un temps d'arrêt. Son sourire disparut instantanément de ses lèvres pour laisser place à un froncement de sourcil interrogateur.
- Hein ? Quel petit ami ?...
- Ton pote geek, là, Willem. Il est toujours avec toi à l'école…
- Warren ?
- Ouais, lui !...
- Comment tu le connais ? demanda Max en fronçant les sourcils d'un air suspicieux.
Victoria ajusta distraitement un pli sur la manche de son pull en cachemire, ignorant le sous-entendu dans sa question.
- Pas que je m'intéresse à ta vie de prolétaire insignifiante, mais je vous ai vu partir ensemble l'autre jour, ajouta-t-elle sur le ton de la conversation comme si cela ne l'affectait pas le moins du monde.
- Ce n'est pas ce que tu crois.
- Je ne crois rien si cela te rassure. Ca ne m'intéresse même pas. D'ailleurs, on peut changer de sujet.
- Non, je te jure, ce n'est pas ce que tu penses ! Insista-t-elle comme ayant le besoin de se défendre.
- Bien. Dans ce cas là, qu'est-ce que je pense ? fit la blonde d'un air blasé qui marquait son apparent désintérêt pour ce débat.
Mais cela était purement factice. Victoria faisait un effort surhumain pour jouer la comédie comme elle savait si bien le faire. Le fait que Warren ait droit à ses sourires, ait le droit de la toucher… son corps se révulsait à cette idée. Elle ne voulait pas y penser… Mais durant une infime seconde qui accéléra son coeur, Max afficha une mine de dégoût qui disparut aussi vite qu'elle était apparue. Un espoir fugace auquel Victoria se raccrocha.
- Warren n'est pas mon petit ami. C'est juste un pote.
Un espoir qui se renforçait.
- Ah oui ?... On n'aurait pas dit. Vous étiez bien collés l'un à l'autre quand je vous ai vu passer.
- Mardi, tu veux dire ? Euh oui, c'est vrai qu'on était ensemble, mais… Il m'a juste accompagné en ville pour faire des courses. Si tu veux tout savoir, on devait acheter des pop-corn et des boissons pour la soirée film et jeux de samedi prochain avec Chloé, Rachel et compagnie. Cette semaine c'est moi qui organise, donc il m'a proposé de m'aider à porter les paquets.
Un petit silence suivit d'un hochement de tête de sa cliente lui répondit. Devant le regard de jade qui la fixait sans ciller, elle se sentit obligée de se justifier un peu plus :
- Mais on ne sort pas ensemble…
- Okay okay, je te crois, répondit-elle comme si de rien n'était en levant les mains en signe de reddition. Dans tous les cas, il a l'air d'avoir un faible pour toi. Ca crève les yeux.
Malgré son ton détaché, un soulagement incroyable envahie la blonde qui se surprit à pouvoir se détendre enfin à pouvoir relâcher l'ensemble des muscles de son corps. Les nœuds qu'elle avait dans les épaules se dénouèrent. Elle respira plus profondément. Cela faisait presque une semaine qu'elle se sentait contrariée sans réellement savoir pourquoi. Elle avait été sur les nerfs en permanence et n'avait cessé de s'en prendre à son entourage pour un rien. Et là, ces simples mots venaient de défaire la pression dans son dos et la douleur aigue entre ses omoplates. Un poids énorme sembla quitter sa poitrine et un sourire sincère se dessina sur ses lèvres.
- Et sinon, c'est quoi ces fameuses soirées films ? Demanda-t-elle pour détourner la conversation.
- Rien qui ne te passionne, à mon avis, répondit Max avec une mine embarrassée. Je pense que c'est trop geek pour toi comme tu viens de le dire.
- Dis toujours.
Max se gratta l'arrière du crâne, ses yeux évitant consciencieusement ceux de la blonde.
- Bah… on joue à des jeux vidéo, on regarde des films piratés par Warren ou des animes japonais, on fait aussi d-
- Ah oui ? Quel genre d'anime japonais ? la coupa-t-elle toujours sur le ton de la conversation.
- Euh…
La petite hipster fut prise de court.
- Je pense pas que tu connaisses, mais dernièrement on regardait la mini série de Final Fantasy XV… c'est assez à la mode avec la sortie du jeu…
- Okay, je vois…
- Tu connais ?
- Non, pas vraiment.
Max fronça les sourcils en fixant Victoria. Quelque chose dans son expression faciale venait de changer à la vitesse d'un éclair.
- Menteuse.
- Quoi ? Pas du tout !
- Tes yeux me disent que tu mens !
- Mes yeux ne te disent rien du tout ! Tu fabules, hipster.
- Répétition d'une phrase… Typique du mensonge.
Elle se rapprocha de la blonde jusqu'à ce que leurs visages ne soient plus séparés que par quelques centimètres. Là, elle s'arrêta, ses yeux bleus océan observant son opposante à la recherche de la vérité. Elle prit le temps de scanner son visage, ses yeux d'un vert impérial qui la fixaient en retour avec outrage et détermination. Victoria ne bougeait pas même si l'envie de se reculer sonnait comme une alarme dans sa tête. Elle essayait de masquer toute expression sur son visage pouvant la trahir, mais leur proximité la perturbait énormément.
- Victoria… tu regardes des animes ?
- Tu m'as prise pour une looseuse comme toi, ou bien ? siffla-t-elle comme un chat en colère.
Un peu plus et toute sa colonne vertébrale se serait hérissée pour accompagner son feulement.
- C'est bien ce que je pensais.
- Quoi encore ?
- Tu regardes des animes, répondit Max sur un ton catégorique.
- Je viens de te dire que non. Apprend à écouter quand on te parle.
- Ce n'était pas une question. Et tu rougis en plus ! C'est mignon.
La Reine de Blackwell, piquée dans son honneur, se renfrogna sur sa chaise en croisant les bras. Le rouge qui se répandait sur ses joues pulsait sous sa peau et lui donnait chaud. Elle tourna la tête vers la gauche, le menton haut. Max se recula en riant.
- Je ne répèterai rien, va ! Ce qui se passe au Starbucks reste au Starbucks selon ta propre règle.
- Je vais devoir t'éliminer, Maxine. Tu en sais beaucoup trop.
- Hahaha ! Tant de violence… Faisons l'amour pas la guerre. A la place, tu pourrais nous rejoindre un samedi soir, répliqua-t-elle sur un ton taquin. Tu serais complètement dans ton univers de nerd fan d'animation. Mon dieu… je n'aurais jamais imaginé ça. C'est trop beau ! Il faut que j'en parle à quelqu'un, c'est pas possible !
- Tu devrais te taire, maintenant, Maxine, gronda-t-elle avec menace. Tu es en train de pousser un peu trop ta chance…
Le fait qu'elle répète son prénom signifiait qu'elle n'avait plus de répartie.
- Alleeeez ! Donne-moi au moins un titre !
- Why don't you go fuck your selfie, ajouta-t-elle en détournant les yeux, les sourcils froncés d'embarras et d'énervement.
Victoria avait à peine mis un pied dans le coffee shop qu'elle tomba sur Max qui lui tournait le dos. Elle se tenait à sa droite, tournée vers la salle et nettoyant les tables d'un coup d'éponge, inconsciente de la présence de la Reine de Blackwell. Elle tenait de son autre main un plateau noir de service rempli de gobelets. Victoria s'arrêta en prenant une pose arrogante dans un sourire en coin, attendant pendant une seconde qu'elle se retourne et la remarque, mais elle ne le fit pas. La jeune femme ne l'avait pas entendue entrer. A la place, Max sifflotait nonchalamment un air qui passait à la radio.
La blonde s'approcha alors à pas de loup et se pencha juste assez pour lui souffler à l'oreille :
- Plus de nerf, il y a encore une tâche ici.
- Aaaaaah ! hoqueta la petite hipster, prise de cours.
Elle manqua de peu de renverser son plateau que Victoria stabilisa par réflexe de ses deux mains.
- Wowowo. Quand je vois ta dextérité légendaire, je me demande sincèrement comment cet établissement n'a pas encore fait faillite…
- Victoria… putain… tu as failli me tuer ! Murmura Max en portant la main qui tenait à l'éponge à son cœur. Un peu plus et je faisais une crise cardiaque.
Un sourire félin lui répondit, alors que l'intéressée se reculait pour remettre la hanse de son sac Louis Vuitton en place sur son épaule. Son éternel air suffisant quand elle était fière d'elle se dessina sur son visage.
- Failli ? La prochaine fois je ferai mieux. Les Chase n'essayent pas, ils réussissent.
- Je devrais t'interdire de remettre un pied dans ce café…
- Mais tu ne peux pas vu que c'est moi qui fais ton chiffre d'affaire.
Pour toute réponse, Max émit un grognement en retournant derrière son comptoir, suivie de près par la grande blonde qui se positionna de l'autre côté de la caisse. Cette dernière semblait particulièrement ravie de son entrée en matière et ne quittait plus son sourire en coin sur lequel elle aurait pu déposer un copyright officiel.
- Même si tu ne mérites certainement pas que je te dise ça, reprit Max avec regard accusateur, tu tombes à pic, j'avais une grande nouvelle à t'annoncer.
- Pour qu'elle soit grande il faudrait que tu montes sur un tabouret.
Max s'arrêta dans sa lancée pour regarder longuement sa cliente qui lui retournait un sourire fier et triomphant. La fatigue traversa son beau regard océan. Il était bien trop tôt en ce samedi matin pour supporter les réparties de Victoria.
- Qu'est-ce que t'as pris comme vitamines dans ton thé vert bio ce matin ?... T'es insupportable.
- Pas du quinoa multi-grains en poudre vu l'effet que ça te fait, sourit-elle de plus belle. Je me contente de pain frais pour le petit dej'.
- Tu me fatigues déjà… et il n'est même pas midi, regretta la petite hipster.
Riant sous cape, l'héritière Chase lui dit qu'elle arrêtait et qu'elle l'écoutait. Mais Max refusa dès lors de dire ce qu'elle avait eu l'intention de lui annoncer. Elle pouvait aller se faire voir. Et Victoria eut beau tenter tous les stratagèmes pour la faire parler, la brune resta muette comme une tombe.
- Je me demandais quelque chose, fit Victoria, son doigt retraçant le bord en carton de son gobelet.
Max arqua un sourcil en produisant un petit « hm » interrogatif qui encouragea la blonde à poursuivre. Cette dernière avait les yeux rivés sur le nom écrit au feutre sous ses yeux. Encore une sous-marque.
- Imaginons. Si tu devais commander chez Starbucks et donner un pseudo, tu t'appellerais comment ?
- Tu ne trouves pas que je passe déjà assez de temps dans cet endroit ? Rigola Max. Tu voudrais que j'aille en plus de mon plein gré venir commander quelque chose dans un établissement similaire ?
- J'ai dit « imaginons ».
- Dans ce cas, Batman, répondit-elle du tac-au-tac comme si c'était une évidence.
Victoria releva ses yeux émeraude sur le visage piqué de tâches de rousseur qui lui renvoyait un sourire en coin.
- Quoi ? Pourquoi Batman ?
- Sur quelle planète snob vis-tu, sérieusement ? S'amusa la petite brune dans une mimique choquée exagérée. Tout le monde rêve de s'appeler « Batman » dans un Starbucks ! Avoir ce pseudo écrit sur un gobelet c'est un peu comme l'achèvement ultime d'une vie.
Victoria observa son sourire ravi sans répondre. Max rayonnait comme toujours. Et elle avait beau être mignonne, attendrissante ou avoir la capacité de lui faire tourner la tête, Victoria se rendit compte d'une chose à cet instant précis. Max était belle… Eblouissante à sa manière. Mais c'était moins son physique qui l'attirait que la qualité particulière de sa lumière. Une lumière douce, tendre, discrète, à la fois joyeuse et mélancolique qui diffusait sa lueur sans aveugler. Quand elle vous touchait, elle ne pouvait pas vous laisser indifférente. Que cela vous plaise ou non Elle vous enveloppait et vous entrainait dans un univers plus chaleureux, plus tranquille, en marge du chaos de la société. Victoria en était certaine, Max avait dû naître à l'aube ou au crépuscule, pas en pleine lumière mais dans un éclairage tamisé et doux à regarder. Un éclairage qui vous faisait vous sentir bien, en sécurité et hors du temps.
- Superman c'est mieux, renifla la blonde dans une petite mimique supérieure.
Assise dans l'un des rangs du fond de l'amphithéâtre d'Histoire de l'Art, Victoria regardait Max prendre des notes quelques rangs plus loin. Depuis un peu plus d'une heure, elle grattait son papier, assise seule sur un bout de rangée. Concentrée sur ce qu'elle faisait, elle n'avait pas remarqué les yeux de jade posés sur elle qui s'imprégnaient de ses moindres faits et gestes. Elle ne vit pas non plus l'objectif de l'appareil photo qui zooma légèrement dans sa direction pour saisir son profil illuminé par un rayon de soleil extérieur.
- Mais… Qu'est-ce que tu fous, Vic ?
Victoria abaissa immédiatement sa caméra qu'elle dissimula sous sa table. Elle avait profité que le prof lui tourne le dos pour immortaliser cet instant de naturel chez Max.
- Ri-rien. Je voulais prendre Jefferson en photo mais de dos ça rend pas.
Taylor, assise à ses côtés, ne put s'empêcher d'arquer un sourcil sceptique. Mais devant le visage impénétrable de la blonde, elle finit par approuver d'un petit signe de tête au bout de quelques secondes.
- Vaut mieux attendre de le croiser à l'extérieur à mon avis. T'auras jamais le champ assez dégagé ici. Puis la lumière sur l'estrade est pourrie.
- Ouais… t'as sans doute raison… on essaiera de le chopper tout à l'heure à la sortie, répondit-elle en reportant son regard sur Maxine qui dorénavant pianotait sur son téléphone portable. Je crois qu'après notre cours, il termine sa journée de toute façon…
A qui écrivait-elle ? Et d'où lui venait ce sourire lumineux ?... La personne à l'autre bout du fil la rendait-elle si heureuse ?... Qui était-ce ?... Maintenant qu'elle y pensait, Max et elle n'avaient jamais échangé leurs numéros de téléphone. Ca faisait pourtant un petit moment qu'elles se connaissaient maintenant… Il aurait été sympa de continuer leurs discussions en dehors du coffee shop. Victoria s'imaginait déjà lui envoyer des messages jusque tard dans la nuit pour parler de tout et de rien, se dévoiler leurs secrets bien cachées derrière leurs écrans. Se dire bonne nuit comme ultime mot de la journée… Elle se ressaisit en secouant la tête. Il fallait déjà qu'elle arrive à placer sa demande lors de l'une de leurs prochaines conversations et tourner ça comme un moyen de poursuivre leur guerre éternelle des hipsters VS la société moderne avant de se faire des plans sur la comète. La mission risquait d'être compliquée, mais elle l'acceptait.
Doucement, et en s'assurant que sa meilleure amie ne regardait pas son écran, la blonde afficha la photo qu'elle venait de prendre. Un portrait de trois quart de Max écrivant sur son carnet de notes. La lumière la touchait seulement sur une partie de son visage, redessinant le pourtour de ses traits et faisant ressortir avec grâce ses tâches de rousseur. Elle était parfaite. Naturelle au possible. Pour peu qu'on éprouve de l'empathie pour les autres, on pouvait partager la concentration de la petite brune et son désir de bien faire. Victoria songea que cette photo pourrait rendre encore mieux en noir et blanc. Quelques retouches d'ombre et elle pourrait vraiment représenter un de ses plus beaux portraits. Elle s'en occuperait le soir même sur son ordinateur.
Elle éteignit son appareil photo en le gardant précieusement contre elle. Elle se sentait stupide. Heureuse mais stupide.
