Hello les coffee addicts !
Vous allez bien après le chapitre de la semaine dernière ? *sourire colgate* Bon allez... pour me faire pardonner, ce chapitre est beaucoup plus long que les précédents et mis en ligne un jour plus tôt. Cadeau.
J'ai relevé dans plusieurs commentaires votre affection pour le personnage de Kristen. Je voulais juste préciser une chose, son perso n'est pas entièrement inventé pour ceux qui se demandaient si c'est un OC. Kristen et Fernando sont les amis de Max lorsqu'elle vit à Seattle dans le jeu. Je n'ai fait que reprendre l'idée d'une vie en dehors d'Arcadia Bay pour transformer cela et l'adapter à son univers de Starbucks hors de Blackwell. Les amis qu'elle a dans cet endroit ne se mélangent pas et n'interfèrent pas avec sa vie à l'école. Voilà. Je vous souhaite maintenant une bonne lecture !
Kiwi
Dropping bombs in cups of coffee
Les jours suivants ne firent que confirmer ce que Victoria savait déjà et l'enfoncer un peu plus dans la misère qu'était devenu son quotidien. Elle déprimait, seule avec sa réputation préservée. Max faisait comme si elle n'existait pas. Comme si elle était devenue transparente et ne méritait plus son attention. A chaque fois qu'elles se croisaient dans les couloirs au lycée, la petite brune accélérait le pas et l'esquivait. Quand Victoria essayait de la rattraper, elle arrivait à disparaître en une fraction de seconde, faisant hommage à son titre de Ninja de Blackwell. Et l'héritière Chase ne pouvait pas lui en vouloir. Elle était le pire déchet que cette Terre ait porté et devrait dorénavant assumer ce qu'elle avait fait.
Jetant un œil à son téléphone portable, Victoria fit défiler la dizaine de textos qu'elle avait envoyé à la petite hipster depuis l'accrochage avec Nate. Des messages restés sans réponse. « Maxine, je suis tellement désolée… tu ne peux pas savoir à quel point je m'en veux pour ce qui est arrivé. Nathan est un con et je suis encore pire que lui… J'ai voulu t'aider, je te le jure. J'ai paniqué… Je voulais les arrêter, je voulais te préserver et je me suis foirée… S'il te plaît, réponds-moi… ». Certains étaient plus courts et plus directs : « Max… je t'en prie, dis quelque chose. Insulte-moi si tu veux, je le mérite, mais réponds-moi… » Les autres suivaient le même modèle en la suppliant de lui répondre. Mais rien. Victoria se demandait même si Max n'avait pas fini par supprimer ou bloquer son numéro. Elle savait qu'à sa place, elle l'aurait fait. Le cœur lourd, elle rallumait son portable toutes les cinq secondes dans l'espoir de voir son nom s'afficher sur l'écran. Les yeux rivés sur l'horloge numérique, elle regardait les minutes défiler avec une terrible lenteur.
- Maxine… je suis désolée… se lamenta-t-elle à haute voix, la gorge serrée, enfermée dans sa chambre.
Le cœur lourd, elle attrapa sa petite couverture dans laquelle elle se roula pour se réinstaller sur son canapé. Elle n'avait envie de rien. Elle avait annulé tous ses plans. Seule Taylor avait protesté et essayé de lui parler, mais Victoria l'avait écartée en lui disant qu'elle ne se sentait pas prête à lui dire ce qui la rongeait. Elle l'avait longuement regardée mais n'avait pas insistée, lui disant qu'elle restait dans sa chambre si elle avait besoin d'elle – attention discrète que la blonde apprécia même si elle ne répondit rien –. Elle voulait oublier cette semaine d'horreur qui se rejouait en boucle dans sa tête… elle voulait effacer le visage décomposé et plein de trahison de Max…
Victoria serra son plaid contre elle, essayant de disparaître dedans. Elle lui avait fait tellement de mal. Une boule lui enserra la gorge et fit se contracter ses mâchoires. Elle refusait de pleurer. Elle refusait de s'apitoyer sur son sort. Elle l'avait mérité… c'était à Max de pleurer, pas à elle…
Tournant la tête sur la droite pour essayer de chasser les idées noires qui la culpabilisaient sans arrêt, elle avisa son photobook qui reposait sur sa table basse. L'œuvre de toute sa scolarité. Toute sa vie. L'intégralité de ses clichés les plus prometteurs se trouvaient enfermés entre ses pages, attendant d'être envoyés à des galeries d'art. Victoria observa sa couverture noire durant de longues secondes sans esquisser le moindre mouvement dans sa direction. Etait-ce vraiment ça qu'elle était en train de faire ? se demanda-t-elle. Préserver sa réputation et son statut social en se privant de la seule chose qui la faisait se sentir elle-même ?... Sa carrière valait-elle tous les sacrifices ? Comme pour appuyer ses propres interrogations, des mots de Max lui revinrent en tête : « Tu as un œil très Richard Avedon-esque. Tu pourrais être aussi connue que lui un de ces jours avec tes clichés. Je suis sérieuse. » Elle était la seule personne à avoir compris ce qu'elle cherchait à transmettre, qui elle était et pourquoi elle aimait autant la photographie. Victoria avait l'habitude qu'on la congratule, qu'on lui dise qu'elle était la meilleure… mais personne ne voyait l'acharnement qu'elle mettait dans son travail, les heures passées à étudier, à s'entraîner et à recommencer encore et encore.
Personne sauf Maxine.
Elle la comprenait sans qu'elle n'ait réellement besoin de parler. Et quand elle finissait par parler et par lâcher ce qu'elle ne pouvait dire à personne, elle l'écoutait vraiment. Elle ne faisait pas que lui sourire en lui disant « ça va aller ». Non, elle la soutenait.
Victoria sortit une main de sous sa couverture qu'elle tendit pour ouvrir son book. Les pages défilèrent entre ses doigts qui effleuraient le papier. Tant de photos. Tant de travail. Tant de souvenirs. Inconsciemment, elle finit par arriver à la dernière en date. La photo de Max prenant des notes durant leur cours en commun dans l'amphithéâtre. Sans prévenir, son cœur accéléra brutalement la cadence alors qu'une montée de chaleur se répandait dans son ventre. Honte. Culpabilité. Tristesse. Manque. Elle n'arrivait pas à définir ce qu'elle ressentait mais elle se sentait mal.
Une semaine plus tard
Après de nombreuses réflexions, Victoria choisit de faire la seule chose qui pouvait l'obliger à lui faire face. Elle se rendit au coffee shop à la sortie de ses cours. La première chose qu'elle remarqua en passant les portes d'entrées fut que le Starbucks était pratiquement désert, chose rare pour un vendredi après-midi. Seules deux tables étaient occupées par un groupe de filles et un couple. La seconde chose fut la petite hipster qui s'afférait derrière la caisse. Son visage était fermé à la moindre expression et son regard posé sur les gobelets qu'elle triait par taille.
Ayant entendu la cloche d'entrée, Max releva la tête pour croiser le regard de jade qui la fixait avec crainte. Ses yeux s'agrandirent et elle marqua une légère surprise qui s'évapora presque instantanément dans une moue renfrognée. Ses sourcils se froncèrent et la colère se mit à briller dans ses iris azurés.
- Kristen, je dois aller vérifier les stocks. Je serai dans l'arrière-salle, informa Max à sa collègue qui acquiesça d'un hochement de tête.
- Okay, je prends le relais.
Victoria tenta de s'approcher le plus rapidement qu'elle put en voyant la brune se détourner pour se diriger vers la porte de service.
- Maxine, attends ! Max ! Ecoute-moi ! S'exclama-t-elle. S'il te pla…
Mais la forme se referma dans le dos de la brune, laissant la riche héritière sur le carreau, la main levée en direction de celle-ci.
- Je peux faire quelque chose pour vous, madame ? demanda la manager en se plaçant face à la blonde. Nous avons reçu les commandes spéciales pour Noël si vous le désirez.
- Je n'ai pas très soif en vérité…
- Nous avons des chocolats à la cannelle pour une durée limitée.
Victoria continuait de fixer la porte par laquelle Max avait disparue, la voix éteinte, elle répondit :
- Pouvez-vous dire à Max que je suis passée, s'il vous plaît ?... Et lui dire que je suis désolée ?...
Kristen garda le silence jusqu'à ce que la Reine de Blackwell coule un regard dans sa direction.
- C'est noté.
- Merci, répondit-elle, le cœur serré.
Elle s'apprêtait à faire demi-tour et se diriger vers la sortie quand elle s'arrêta dans son mouvement. Ses émotions se bousculaient dans sa tête. Elle ne pouvait pas rien faire. Pas cette fois. Elle fit volte-face pour voir que la manager l'observait toujours depuis la caisse. Leurs regards s'accrochèrent et Victoria revint jusqu'au comptoir principal.
- Okay… reconnut la blonde en prenant une profonde inspiration. Je sais que vous n'avez pas envie de me voir, et je suis désolée de vous demander cela, mais… pouvez-vous me donner une cup et me prêter votre stylo, s'il vous plaît ?
- Je vous demande pardon ? S'étonna la barrista en haussant un sourcil.
- Je vous paierai le prix d'une consommation, voire plus, mais j'ai besoin d'une cup et de votre stylo. C'est important.
Kristen observa la blonde qui lui retournait un regard d'animal blessé, profondément meurtri bien qu'étrangement déterminé. Il y avait tant de choses qui semblaient batailler dans ses yeux voilés de souffrance. La jeune femme paraissait perdue et tentait le tout pour le tout. La manager se sentit tiraillée. Si elle s'était écoutée, elle aurait viré cette énergumène sur le champ et lui aurait interdit de remettre un pied ici. Elle lui tenait rigueur de ce qui s'était passé une semaine plus tôt. Sans pour autant avoir participé verbalement, elle avait fait du mal à Max et prit part à son humiliation publique. Ou plutôt, elle n'était pas intervenue pour la défendre quand le moment s'était fait sentir. Victoria ne méritait rien d'autre qu'une claque pour son comportement déplorable. Pourtant, devant le regret qu'elle lut dans ses yeux, la grande brune s'exécuta à contrecœur et tendit un gobelet accompagné de son marqueur à sa cliente. Celle-ci s'en empara immédiatement et se mit à écrire quelque chose qu'elle n'arrivait pas à lire depuis sa position. Quand elle eut fini, elle lui rendit le gobelet et le stylo.
- Pouvez-vous le remettre à Maxine, s'il vous plaît ?... Je sais qu'elle ne veut pas me voir, ou entendre parler de moi actuellement… et si elle le désire, je ne remettrai plus jamais les pieds ici.
Victoria laissa sa phrase en suspend une seconde, ses yeux se déposant sur le comptoir pour éviter ceux de son interlocutrice.
- Mais je voudrais quand même qu'elle sache que je suis désolée de l'avoir déçue.
- Je lui ferai passer le message, répondit la manager d'une voix sans la moindre chaleur. Mais je ne peux rien promettre pour ce qui est de sa réponse.
- C'est tout ce que je demande, sourit tristement la blonde. Encore merci…
Elle s'apprêtait à tirer son portefeuille de son sac quand la jeune femme en face d'elle l'arrêta sur un « c'est bon » qui lui fit comprendre qu'elle ne lui faisait pas payer la consommation et qu'elle pouvait filer. Victoria la remercia une nouvelle fois et sortit du coffee shop, la gorge nouée. Pourquoi avait-elle l'impression que c'était la dernière fois qu'elle passait ces portes en bois ?...
##
- Elle est partie, déclara Kristen en tapant sur la porte de service.
A ces mots, Max revint en salle, le cœur battant fort et les lèvres tordues dans une mimique contrariée.
- Merci. Et… désolée pour ça…
- C'est bon, t'inquiète, tu me revaudras ça – elle marqua une pause – Elle a laissé ça pour toi, ajouta-t-elle en lui tendant la cup.
- Qu'est-ce que c'est ?
- Un message.
Curieuse malgré tout, Max s'en empara pour la faire tourner entre ses mains. Une belle écriture propre et soignée lui apparut au feutre noir : Gotham needs Batman.
Les yeux baissés sur son gobelet, elle lut et relut ces quelques mots. Une demande de pardon plus subtile que tous les messages qu'elle lui avait envoyés. Son pouce effleura l'écriture en lettres capitales suivant les tracés du stylo.
- Elle est venue pour te dire qu'elle est désolée de t'avoir déçue.
Max hocha lentement la tête.
- Je ne sais pas si je peux la pardonner…
- Normal, finit la brune en se remettant au travail. Si tu veux rester dans la réserve, je m'occupe du comptoir pour aujourd'hui.
- Merci, Kris'.
- Ne me remercie pas, il faut ranger les cartons et passer la serpillère, c'est la tâche la plus ingrate dans ce boulot.
La petite hipster esquissa un léger sourire devant la fausse intransigeance de sa chef. Elle répondit un « Sir, yes sir » avant de retourner d'où elle venait, son gobelet dédicacé serré contre elle.
Allongée sur le lit de sa meilleure amie, Max fixait le plafond à la recherche d'une réponse divine qui viendrait éclaircir toutes ses interrogations. Au dessus de sa tête, un grand papillon bleu et noir se découpait, peint à la bombe à peinture. Une œuvre d'art signée Chloé Price.
- Attend que je reprenne ça depuis le début ! Tu me dis que tu as un faible pour Bitchtoria ?! S'étrangla Chloé en manquant de faire tomber la cigarette coincée entre ses lèvres.
- Chloé… Je dis juste qu'on était devenues proches et qu'elle a fait ça. Nathan s'acharnait sur moi, et elle n'a rien fait pour l'en empêcher. Elle est restée là, à ne rien dire en me fixant comme un poisson rouge…
- Pourquoi on parle de ça alors qu'on devrait être en train de crever les pneus de sa voiture ?! Rayer sa carrosserie ?! Un coup de canif et l'affaire est réglée. Si ça ne tenait qu'à moi, j'irais lui régler son compte tout de suite à cette putain de richarde de mes deux !
La colère de la punk-rockeuse était palpable. Electrique même. Elle fulminait depuis plus d'une heure et passait ses nerfs sur son paquet de cigarette qui avait réduit de moitié. Max grimaça à son soudain éclat de voix mais ne pouvait pas lui en tenir rigueur. Chloé était le fusible de sa propre frustration et explosait à la place de la petite brune qui avait encore du mal à laisser sortir ce qu'elle ressentait, trop troublée pour réussir à faire la part des choses.
- Cette proposition me paraît pas mal…
- Tu parles qu'elle est bien ! Et après on met sa chambre à sac et on tague les murs de sa chambre en écrivant « You're dead, bitch ».
La brune esquissa un petit sourire amusé teinté de lassitude.
- Tu sais ce que c'est le pire dans tout ça ? Demanda faiblement Max, les yeux toujours rivés sur le plafond.
- Parce qu'il y a pire que de subir les brimades de Prescott junior sans rien faire en retour ? Et je parle même pas du harcèlement moral de l'autre raclure ?
Max ne s'arrêta pas sur la remarque sarcastique de sa meilleure amie.
- Le pire, c'est qu'une part de moi lui en veut terriblement parce que je me suis sentie trahie… Je sais pas pourquoi, mais je voulais qu'elle dise quelque chose, qu'elle intervienne et qu'elle montre qu'elle tenait à moi… C'est idiot, mais j'espérais vraiment que je représentais quelque chose pour elle… qu'on était… amies ?...
Elle déglutit. Pourquoi avait-elle autant mal à chaque fois qu'elle revoyait le visage de Victoria figé dans une expression de terreur pure alors qu'elle gardait le silence ?...
- Tandis que l'autre part lui a déjà pardonné parce que je sais pourquoi elle a fait ça et que je n'arrive pas à lui en vouloir complètement…
Chloé, posée près de la fenêtre de sa chambre ramena son regard sur la petite figure allongée sur son lit.
- Tu déconnes ?! S'exclama-t-elle de plus belle. Max, on parle de Victoria là… Allo ! Réveille-toi ! C'est une fille qui passe son temps à insulter les personnes qu'elle juge inférieures à son rang et qui n'hésitera pas à te piétiner si tu te mets en travers de son chemin… - elle s'arrêta le temps de reprendre son souffle – comme elle vient de le faire avec toi justement, désolée de te dire ça, mais c'est arrivé… tu te trouvais entre elle et sa réputation, elle a choisi. Et ce n'était pas toi.
Max ne répondit rien, prenant silencieusement note de cette nouvelle remarque. Plongée dans ses pensées, elle laissa le silence perdurer pendant de longues secondes. Ses sentiments l'assommaient. Tout était trop confus dans sa tête. Elle était en colère. Elle était frustrée. Elle était triste… Ne plus voir la blonde lui donnait l'impression qu'on avait percé un trou dans sa poitrine. Une plaie qui restait béante et qui l'empêchait de dormir, de respirer, de vivre… Et pourtant, elle lui en voulait. Elle lui en voulait terriblement.
- Tu penses que je devrais faire quoi ?... Ne jamais lui reparler ?
- Déjà, je ne sais pas comment tu as fait pour lui parler à la base, alors t'enticher de ça ? grogna-t-elle avec un dégoût évident. Franchement, j'aurais même préféré Warren à la rigueur.
Chloé alluma le joint qu'elle venait de rouler comme ayant besoin de faire passer la pilule. Les cigarettes n'étaient pas suffisantes. Le fait que Max puisse aimer une personne aussi mauvaise que Victoria lui retournait l'estomac. Elle méritait tellement mieux qu'elle.
- Tu sais, elle n'est pas si terrible une fois qu'on la connaît… se justifia la petite hipster en se sentant le besoin de la défendre. En fait, elle te ressemble un peu sur certaines choses maintenant que j'y pense.
- QUOI ?! S'écria la punk. On n'a rien en commun !
Max se redressa, les mains tendus devant elle dans un geste pour calmer la situation.
- Vous ne vous ressemblez pas sur votre personnalité ou sur vos goûts ou quoique ce soit, mais elle a ce côté un peu fragile qui l'oblige à jouer les dures en société pour affirmer son pouvoir et ne pas se faire marcher dessus. Comme toi, elle garde jalousement le secret du cœur qui bat sous sa poitrine…
Chloé souffla longuement la fumée dans un flot continu avant de reprendre :
- Je ne suis pas sûre que tu plaides en faveur de ta cause là…
- Ce que je veux dire, c'est que vous êtes deux personnes qui ont vécu des choses parfois difficiles et qui veulent se protéger.
- Hn… Victoria, des choses difficiles ? C'est sûr que choisir entre une cuillère en argent et en or massif ça a dû être le dilemme de sa vie… Pauvre elle.
- Chloé, la réprimanda son amie.
- Quoi ?... Tu devrais attendre que je sois un peu plus high avant de me comparer à cette pouff'. On en reparle dans une heure si tu veux.
Max se rallongea sur le dos, son silence se perdant dans les airs de guitares qui sortaient de la vieille chaîne Hi-Fi de sa meilleure amie. Lentement, elle sortit son portable de sa poche pour ouvrir la conversation de Victoria. Elle parcourut du regard tous les messages qu'elle avait laissés sans réponse. Bien que toujours contrariée, elle devait reconnaître qu'ils paraissaient sincères. Les mots sonnaient justes. Victoria semblait réellement s'en vouloir…
La petite hipster revint alors sur le menu principal avant de cliquer sur la galerie image où la photo de son gobelet apparaissait en première page. « Gotham needs Batman ». Une manière détournée de dire « tu me manques, hipster » à moins qu'elle ne se fasse encore des films. Pourtant, comme mue par une volonté qui n'était pas la sienne, elle se mit à taper un message dans la bulle de conversation de sa page annexe.
Elle réfléchit longuement à quoi dire et effaça plusieurs fois le contenu pour changer la tournure de sa phrase, jusqu'à ce que la voix de Chloé ne la coupe dans sa réflexion.
- Tu ne peux pas te passer d'elle, hein ?
La petite brune releva le menton, croisant le regard océan légèrement vacillant à l'autre bout de la pièce.
- Malgré moi, j'ai envie de savoir si elle est sincère…
- Dans ce cas là, soupira Chloé, résignée, demande lui de reconnaître qu'elle tient à toi. Sinon, on n'avancera pas…
- Déjà il faudrait qu'elle tienne à moi…
- Ca m'écorche la langue de le reconnaître, mais si elle ne tenait pas à toi, elle ne t'aurait pas envoyé quinze milles textos, pourchassé dans Blackwell et rendu visite à ton boulot. Mais, on peut parier si tu veux. Si elle te répond et se répand en excuses, tu me devras vingt balles, Maxipad.
- Tu ne vas pas m'empêcher d'envoyer ce texto ? S'étonna Max.
Chloé reporta son regard sur la rue en bas de son perchoir.
- Non. Je t'ai dit ce que j'en pensais, et le fait que je ne te retienne pas ne veut pas dire que j'approuve, continua-t-elle dans un roulement d'yeux significatif.
Elle n'approuvait pas du tout. Ca c'était sûr. Max était catégorique.
- Mais je ne t'empêcherai pas de faire ce que tu ressens le besoin de faire, ajouta-t-elle avant de marquer un temps pour reprendre sur une voix plus douce, tu me connais, je fais souvent les choses de manière impulsive parce que je ressens l'envie de les faire à un instant T… sans ta lucidité j'aurais été plus d'une fois dans de mauvais draps. Donc, je te fais confiance si tu crois en elle…
- Merci…
- Ne me remercie pas, parce que si elle te refait du mal, je te jure, là tu peux compter sur moi pour faire disparaître son corps après l'avoir découpé en morceaux!
- Haha, on n'en est pas encore là.
Chloé esquissa un sourire en entendant sa meilleure amie rire pour la première fois de la soirée.
- Si on est d'accord, c'est déjà ça.
- Est-ce qu'on est vraiment plus avancées que tout à l'heure ?…
- On a convenu de mettre le moment où je crèverai ses pneus en attente, c'est un premier pas, je trouve. (elle marqua une pause) Bon ! Qu'est-ce que tu veux lui dire histoire que je rende ce message un peu plus cool ! demanda-t-elle en se glissant à ses côtés.
- Je ne sais pas trop… c'est bien ça le problème… j'ai envie de lui parler mais j'ai aussi envie de lui montrer que je suis toujours en colère contre elle…
- Ouuuuh ! On va faire ramper la Reine de Blackwell ?! Fit-elle avec les yeux brillants d'excitation. J'aime cette idée !
- Chloé…
- Quoi ? Je suis sûre que toi aussi tu meurs d'envie de voir son joli pull en cachemire traîner dans la boue à tes pieds. En plus, si tu prends une photo ça ferait un cliché inestimable.
Depuis qu'elle était passée au coffee shop, Victoria mourrait à petit feu, dévorée par l'angoisse. Dans un réflexe pour se calmer, elle porta une main à son cœur. Elle avait l'impression que celui-ci courrait un marathon sans fin, prisonnier de sa poitrine. Cela faisait bien quatre heures qu'elle avait laissé son message sur le gobelet de noël, et elle n'avait eu aucun retour bien évidemment. Peut-être Maxine n'avait pas compris la référence ? Peut-être que sa manager l'avait jeté sans le lui remettre ? Au fond d'elle, Victoria essayait de se persuader que peu importe si elle avait une réponse ou non, cela ne changerait pas sa vie. Elle perdrait juste son habituel lieu de retrait vis-à-vis de la société. Il faudrait qu'elle en trouve un autre. Cette fois, la blonde en choisirait un moins hipster, même si elle l'avouer, le latte vanille du Starbucks allait lui manquer…
Vingt-quatre heures, songea-t-elle en appuyant sur l'écran de son téléphone portable pour afficher l'horloge numérique. C'était la durée limite avant qu'elle ne puisse officiellement dire qu'elle s'était pris un bon râteau en règle et que tout était fini. Victoria se passa une main sur le visage qu'elle finit par faire glisser dans ses cheveux en les ramenant vers l'arrière. Ce laps de temps était bien connu. Il définissait la fenêtre de tir exacte durant laquelle une personne à qui vous aviez fait une déclaration ou de lourdes excuses pouvait répondre. Dépassé 24h, c'était mauvais signe et souvent hypocrite.
Cela faisait à peine quatre heures trente-deux – précisément. Il fallait que Victoria trouve un moyen pour s'occuper et évacuer le stress qui faisait trembler ses mains au point de ne pouvoir tenir un verre. Regarder les secondes s'écouler était pire que tout. Que pouvait-elle faire ? Regarder un film ?... Non… elle ne se sentait pas de rester seule. Cela ne faisait qu'amplifier le sentiment d'attente angoissante qu'elle ressentait. Elle reprit son iPhone et ouvrit la dernière fenêtre de discussion instantanée. Le dernier message qu'elle avait reçu était un smiley qui faisait un clin d'œil pour répondre à une insulte amicale. Activant le clavier numérique, elle commença à taper un premier message qu'elle effaça au bout de quelques secondes. Comme Max, elle recommença à deux, voire trois reprises.
« Tay, t'es libre là tout de suite ? »
La réponse ne se fit pas attendre. « Bah, je regardais une série vu que j'ai la flemme de faire mon devoir de maths. Pourquoi ? »
« Ca te dit de me rejoindre ? Je vais commander des wraps végétariens »
« Si tu me prends par les sentiments. Donne-moi deux minutes, j'arrive. » il y eut une pause de deux secondes avant qu'un second message ne suive. « Et n'oublie pas de commander une sauce chinoise avec. »
Victoria passa rapidement la commande en appelant son restaurant habituel puis reposa son téléphone sur sa table de chevet. A peine eut-il quitté ses mains qu'elle s'empressa de le reprendre nerveusement afin de s'assurer pour la millième fois qu'il était bien en sonnerie pour ne pas manquer le moindre message potentiel. Il en était vibreur et sonnerie. Elle le remit à sa place en inspirant profondément. Il fallait qu'elle se calme. Elle ferma les yeux, essayant par la même occasion d'arrêter de remuer sa jambe de manière anxieuse.
Qu'est-ce qui lui prenait ? Elle n'avait jamais été aussi troublée par quiconque auparavant. Les gens entraient dans sa vie aussi facilement qu'ils en sortaient. Tout était une question de mode et de popularité. Et elle n'avait pas besoin de préciser que la mode était éphémère. Mais avec Maxine, c'était différent. Son esprit libre et ringard était en marge des codes de la société et du style. Elle n'était pas en phase avec sa vision du monde et de l'amitié. Elle apportait une lueur différente à ses convictions. Et Victoria avait l'étrange impression que sa vie n'aurait plus jamais la même saveur si la petite brune n'en faisait plus partie… si elle ne lui répondait pas… Parce que cela voudrait dire qu'elle ne pourrait plus jamais la voir autrement que de loin, au détour d'un amphi à Blackwell qu'elle ne pourrait plus jamais lui parler. Elles seraient des inconnues.
A cette réalisation, le moral de la riche héritière en prit un coup. Son pouls s'accéléra de plus belle si cela était encore possible. Ne plus lui parler l'horrifiait terriblement…
Il faut que j'arrête de penser à elle, se réprimanda Victoria en secouant la tête de droite à gauche, les mains sur ses tempes. Il fallait qu'elle arrête d'imaginer le pire. Elle fut donc reconnaissante à sa meilleure amie quand celle-ci toqua à sa porte avant d'entrer sans y avoir invité. Taylor était habituée à se mettre à l'aise.
- Hey, Vic ! Ca va ?
L'intéressée se fendit d'un petit sourire soulagé.
- Hey…
Taylor tourna la tête, observant l'ensemble de la pièce. Elle semblait être à la recherche de quelque chose qu'elle ne trouvait pas.
- C'est quoi ce manque de rangement ? Demanda-t-elle en pointant le tas de fringues sur le bord du canapé. Et, où est la musique ?
- La playlist que j'avais mise a dû se terminer.
- Je vois ça, il est temps d'en mettre une autre.
Ni une ni deux la grande blonde aux cheveux longs se dirigea vers le bureau de Victoria où reposait son Mac book air. En trois clics, elle choisit une liste de chansons chill house qui lui tira un sourire d'une oreille à l'autre. « Voilà ce que j'appelle de la musique » commenta-t-elle en faisant face à la propriétaire des lieux qui leva les yeux au ciel pour toute réponse. A la suite de cela, Taylor s'installa de tout son long sur le canapé en cuir blanc, en évitant les vêtements pour finalement lâcher un soupir satisfait.
- Ta chambre est quand même la meilleure place dans cet internat miteux, nota-t-elle avec plaisir.
- Raison pour laquelle tu es amie avec moi.
Taylor ne put s'empêcher de rire.
- Ca, et le fait que tu ais une décapotable. Le bus c'est pas terrible, franchement.
Ce fut au tour de Victoria d'esquisser un sourire. Taylor était sa meilleure amie depuis la première année de collège. Elles avaient grandi ensemble, traversé des épreuves aussi gratifiantes que douloureuses. Surtout depuis l'hospitalisation de la mère de Taylor et les problèmes financiers qui en avaient résulté. La fille Christensen avait toujours vécu seule avec sa génitrice, son père les ayant abandonnées à sa naissance. D'aussi loin que Victoria se souvienne, Taylor avait toujours porté le poids de responsabilités qui la dépassaient sans jamais se plaindre. Elle n'avait pas d'autre famille connue et s'était occupée de sa mère malade sans jamais cesser de se battre pour sa propre scolarité à côté. C'était une personne admirable.
- Comment va ta maman, au fait ? Je n'ai pas pu lui rendre visite cette semaine.
- Ca va ça va. Elle arrive à se plaindre des infirmières et à les insulter donc c'est bon signe.
- Effectivement, ça ne m'étonne pas d'elle, fit la blonde dans un demi-sourire. Si tu veux, on peut aller la voir ensemble samedi matin, je mets ma décapotable à ton service, ajouta-t-elle sur un ton plus léger.
- Je pense que ça lui fera plaisir de te voir, oui. Elle t'aime beaucoup, tu sais…peut-être plus que moi.
- Arrête ! Vous êtes les mêmes toutes les deux.
Cela arracha un petit rire amusé à la squatteuse.
- C'est vrai qu'on se ressemble un peu…
Un petit silence agréable s'installa entre les deux jeunes filles. Taylor se mit à siffloter un air de Kygo alors que Victoria se mordait discrètement les lèvres, incertaine sur la manière d'aborder le sujet qui lui tenait à cœur. Elle finit par craquer.
- Tay… j'ai fait une connerie, avoua-t-elle.
Le sifflotement s'arrêta, alors que la concernée penchait légèrement sa tête en arrière pour dévisager son amie en image inversée.
- Le genre de connerie où on doit menacer quelqu'un pour le faire taire ? Parce que tu sais que Nathan est bien meilleur que moi à ce petit jeu.
Victoria lâcha un grognement blasé.
- Si j'avais besoin de lui je lui aurais parlé directement…
- Mon dieu, c'est pire que ce que je pensais ! Tu t'es cassé un ongle ? S'alarma Taylor dans une expression horrifiée. Tu es à court de laque pour les cheveux ?
La riche héritière lui envoya un coussin.
- Tay' ! C'est sérieux ! Putain.
- Haha, okay okay, dis-moi ce que tu as fait.
Sous le regard de Talor, Victoria sentit sa gorge se nouer et son estomac se tordre douloureusement. Elle déglutit avec difficulté. Sa bouche s'ouvrit une première fois sans que les mots n'en sortent. Ses cordes vocales refusaient de produire le moindre son. Elle força sur sa mâchoire.
- Il y a un truc que je ne t'ai jamais vraiment dit… commença-t-elle en fixant ses doigts qui se tordaient dans tous les sens. Ce n'est pas que je voulais te cacher la vérité ou quoique ce soit, mais… c'était difficile pour moi.
Taylor garda le silence, la laissant poursuivre sans chercher à l'interrompre au risque de la voir se bloquer pour de bon. Depuis un moment, elle sentait que Victoria lui cachait des choses, mais à chaque fois qu'elle avait tenté de la faire parler, celle-ci s'était brutalement refermée. Elle n'avait donc pas insisté. Elle la connaissait assez pour savoir qu'elle viendrait la voir quand elle en ressentirait le besoin. Jusque là, la fille Christensen n'avait pas eut son mot à dire, glissant seulement des petites remarques ci et là pour tâter le terrain.
- Je ne sais pas comment le dire sans que ce soit mal pris… reprit-elle avant de refaire une pause de plus en plus mal à l'aise. Je sais depuis un petit moment maintenant… (elle déglutit de nouveau, ses doigts jouant avec le tissu de son pull hors de prix) ou plutôt, j'ai fini par l'accepter un peu contre mon gré… s'il te plaît, ne me juge pas…
- Euuh… okay ?... répondit son amie en haussant un sourcil.
- J'ai besoin que tu me le dises.
- Que je te dise quoi ?
- Que tu ne m'en voudras pas…
- Si ça peut te faire plaisir… Je ne t'en voudrai pas, Vic…
Victoria inspira profondément en rejetant sa tête en arrière. C'était tellement difficile. Elle observa le plafond, essayant de formuler correctement les mots dans sa bouche, les faire sortir une fois pour toute.
- Tay… (sa pause fut plus longue que les précédentes) Je suis attirée par les filles…
Taylor arqua un sourcil, mais avant qu'elle ne puisse ouvrir la bouche, Victoria se mit à déverser ce qu'elle avait retenu depuis si longtemps. Ses mots sortirent comme un flot de paroles furieux et ininterrompu.
- La vérité c'est que je le sais depuis que j'ai quinze ans… Du moins, je m'en doutais… je faisais semblant de l'ignorer au départ, je voyais ça comme une forme d'admiration, de respect envers les autres filles de mon âge… et ça a plutôt bien marché pendant quelques temps, je ne me posais plus de questions, je restais juste fermée à cette possibilité en jouant la fille inaccessible, surtout envers les mecs. Je me faisais désirer en jouant la carte de la drague avant de leur couper l'herbe sous le pied. Cela me permettait de garder pied, de me dire que comme toutes les autres, j'étais cette fille qui faisait envie aux hommes… que j'étais normale… C'est bizarre de penser que j'étais anormale, parce que je n'avais pas vraiment l'impression de l'être en vérité. Pour moi j'étais normale, je me sentais normale, mais j'avais malgré tout peur que ça sorte… que ça se sache… Mais, récemment… j'ai rencontré quelqu'un et ça a beaucoup compliqué les choses…
Victoria se massa les tempes du bout des doigts. Elle sentait une migraine envahir son crâne.
- Je n'arrive pas à me la sortir de la tête. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi je me sens tellement bizarre quand elle est là, tellement… heureuse ?... Elle me rend faible (elle reprit son souffle) Désolée, Tay…
Elle tourna la tête dans sa direction.
- Je me répète et ça ne m'excusera pas mais j'avais vraiment peur que tu me juges, peur que l'on me voit différemment, peur d'être rejetée… surtout par toi… et ça je ne l'aurais pas supporté (sa gorge se serra et sa voix se fit plus aigue, retenant toute sa colère, sa frustration et son soulagement de finalement tout laisser sortir). J'ai vraiment essayé d'être ce que l'on attendait de moi, je te le jure ! J'ai essayé de m'intéresser aux mecs, d'être comme tout le monde, mais je n'y arrive pas… c'est tellement dur ! Putain. J'ai vraiment essayé !... Mais au final, ce n'est pas moi cette fille… et je suis fatiguée de cacher la vérité. Fatiguée de mentir sur qui je suis, qui m'intéresse. Parce que oui, je préfère Angelina Jolie à Brad Pitt contrairement à ce que l'on peut penser. Pas, d'ailleurs, qu'Angelina soit mon type de fille, c'est un exemple. Mais… Je suis fatiguée d'avoir à me justifier pour des crimes que je n'ai pas commis. J'ai rien fait de mal à ce qu'il me semble. J'ai juste craqué sur plusieurs filles sans oser le pas parce que j'avais peur que ça se sache… peur que d'un seul coup on me colle cette étiquette sur le front et que mes préférences deviennent un stigmate… (elle soupira) encore une fois, je suis un échec par rapport à ce que l'on attend de moi… termina-t-elle dans un petit rire dénué de chaleur.
La blonde marqua une pause plus courte que les autres pour rassembler ses pensées.
- Tu sais… Si mes parents l'apprennent, ils me foutront définitivement à la porte, dit-elle d'une voix étrangement calme, comme si cela n'importait plus vraiment à présent. Il faut croire que je ne serai jamais à la hauteur de leurs espérances, que je serai toujours la Chase ratée qui n'arrive pas à percer parce qu'elle n'est pas foutue de prendre une photo correcte.
Sa voix se tinta d'amertume et d'ironie.
- Alors imagine une photographe ratée et gay…
- Franchement, l'interrompit Taylor pour la première fois depuis le début de son monologue, moi j'trouve que tu deviens plutôt un cliché ambulant. Et une Drama Queen.
- Hein ?...
- T'es photographe, gay, poète torturée… Un peu plus et tu m'annonces que t'es hipster refoulée et que tu caches un appareil polaroïd dans ton tiroir.
Un silence choqué ainsi qu'un regard ahuri lui répondirent. Devant son absence de répartie, Taylor reprit :
- Ne me dis pas que tu caches vraiment un polaroïd dans ton tiroir… là je devrais organiser une Intervention… laisse moi appeler Nathan.
- Mais… commença Victoria. C'est tout ce que tu as retenu ?...
- Ca et le fait qu'il y a une nana qui te plaît dont tu ne m'as jamais parlé ! Fit-elle feignant l'outrage. Crache le morceau, c'est qui ? Dana ? Si c'est elle, j'approuve complètement, elle est sacrément bien foutue cette fille.
La blonde observa son amie comme si c'était la première fois qu'elle la voyait, les larmes brillant au coin des yeux. Son cœur battait fort. Elle voulait lui dire combien elle lui était reconnaissante. Combien elle tenait à elle.
- Tay…
- C'est donc pas Dana. Hmmm… y a qui à Blackwell d'assez sexy pour faire tourner la tête à Victoria Chase ? Juliet ? ouais, bof. Ouuh, Rachel Amber ! héhéhé.
Un soulagement incroyable traversa son regard de jade humide.
- C'est Rachel ?!
- Merci, souffla-t-elle à mi-voix.
Cela stoppa la fille Christensen dans son énumération.
- Vic', si tu penses sérieusement que je vais t'abandonner parce que tu es le stéréotype même de la photographe New Yorkaise instagrameuse, sache que tu me connais mal. Tu as été là pour moi quand ma vie partait en live, genre… vraiment en live… quand j'étais prête à tout abandonner et à juste me laisser sombrer… tu as même été là pour ma mère. Tu fais partie de la famille.
Elle esquissa un sourire complice.
- Ton problème c'est pas que tu es gay, c'est que tu es chiante, perfectionniste, souventtrop réactive à la provocation et râleuse. (elle leva un doigt en l'air) Et aussi que ça un moment que je me doute que tu n'es pas attirée par les hommes, mais ça c'est une autre histoire. J'attendais que tu viennes m'en parler.
Les larmes roulèrent pour de bon sur le visage de la riche héritière qui essaya de les essuyer d'un revers de la main dans un petit rire soulagé. Toutes ses émotions se bousculaient. Elle se sentait happée dans un maelstrom mental qui lui faisait ressentir toute une panoplie de sentiments qui se succédaient à la vitesse de la lumière. Elle n'arriverait sans doute jamais à dire à Taylor à quel point elle comptait pour elle, mais elle ne doutait pas que la blonde aux cheveux longs le savait.
- Bon alors, c'est qui cette mystérieuse inconnue ? Quelqu'un que je connais ? Fit-elle pour changer de sujet.
- Tu lâches pas l'affaire, hein…
- Pas quand il s'agit de potins.
Taylor lui renvoya un regard appuyé accompagné d'un « Bon alors, je la connais ? ».
- Plus ou moins, finit par répondre la Reine de Blackwell dans un roulement d'yeux. Mais ça n'a plus vraiment d'importance maintenant… comme je t'ai dit, j'ai fait une connerie.
- Du genre ?
- Du genre, tout allait bien entre nous, même si on n'était qu'amies, ne te fais pas d'idées je te vois venir, jusqu'à ce que je fasse quelque chose qui l'a vraiment blessée. Et le pire dans tout ça, c'est que je m'en veux à mort… je ne voulais pas faire ça.
- Tu le lui as dit ?
- J'ai essayé, mais elle m'évite et ne répond plus à mes messages depuis cette histoire…
Taylor se pinça le menton, semblant réfléchir à la situation.
- C'est grave à quel point ?
- Grave, répondit sombrement Victoria. J'ai involontairement participé à son humiliation publique.
Cela fit écarquiller les yeux à la jeune femme.
- Ah ouais quand même… Putain, rappelle-moi de ne jamais avoir un faible pour toi, meuf !
Cela lui valut un nouveau coussin dans la figure qui lui arracha un rire amusé.
- Je plaisaaaante. Mais plus sérieusement, c'est vrai que t'as pas géré pour le coup.
- Merci de me soutenir, grogna Victoria en roulant des yeux et en levant les mains au ciel. Ca m'aide beaucoup ce que tu dis.
- Je sais, je suis une vraie conseillère matrimoniale.
- Je pensais plutôt à relou internationale.
- Aussi.
Taylor passa une main dans ses cheveux pour les ramener en arrière sur un « arrête de détourner le sujet, Vic » qui lui valut un roulement d'yeux exaspéré. Mais loin de s'en formaliser, la blonde aux cheveux longs prit une seconde pour réfléchir.
- On parle de Max Caulfield, c'est ça ?
Victoria manqua de s'étouffer.
- D'où tu sors ça ?!
- Bah disons que la seule humiliation publique à laquelle j'ai assisté dernièrement c'est la sienne… et ce n'était clairement pas joli à voir… et tu étais vraiment bizarre à la suite de cette histoire.
L'héritière Chase inspira longuement, essayant de calmer les tremblements nerveux de sa jambe.
- Je ne sais plus quoi faire pour me rattraper…
- Commencer par t'excuser en personne ?
- J'ai essayé ma…
Elles furent interrompues dans leur discussion par des coups frappés à la porte. Instinctivement, Victoria se crispa dans la crainte que quelqu'un ait pu écouter leur conversation à travers la battante. Les deux jeunes filles se jetèrent mutuellement un regard qui signifiait « c'est qui à ton avis ? », avant que Taylor ne se décide à se lever pour aller ouvrir. Debout et droit comme un i, elle découvrit le livreur habillé aux couleurs de chez Freddy's qui lui tendit la commande passée plus tôt dans la soirée. Victoria soupira de soulagement en voyant que l'alerte était levée. Avec tout cela, elle avait complètement oublié la livraison. Elle fit signe à Taylor de prendre son portefeuille pour payer et se détendit quand le jeune homme s'éclipsa, les laissant de nouveau toutes les deux.
- Oooh, tu as pensé à ma sauce chinoise ! You're the best, Vic' ! Chantonna-t-elle avec bonheur.
- Difficile de l'oublier quand tu arrives à écrire des sonnets plein d'amour à propos de cette sauce en classe…
- C'est vraiment une merveille, se défendit-elle.
Victoria esquissa un sourire du bout des lèvres et remercia son amie quand celle-ci lui tendit son dîner. Rien qu'à l'odeur des légumes au curry qui se dégageait de l'emballage, son ventre gronda d'impatience. Elle avait l'impression de ne pas avoir mangé depuis des lustres. Dire la vérité après des années de silence avait le don de vous ouvrir l'appétit.
##
Bien plus tard, une fois que Taylor fut retournée dans sa chambre, Victoria se changea pour la nuit et se laissa tomber lourdement sur son lit. Elle se sentait exténuée après cette journée qui avait mis ses nerfs à rude épreuve. Mais étrangement, elle se sentait libérée d'un poids immense. Taylor ne l'avait pas regardée différemment, rien n'avait changé. La blonde se surprit à sourire. Elle n'était pas morte et la foudre divine ne s'était pas abattue sur sa tête pour l'envoyer en Enfer. Elle n'était pas anormale. Elle avait le droit d'être ainsi. Elle avait le droit d'aimer les filles. Et une en particulier…
Tournant la tête vers sa table de chevet, elle se saisit de son téléphone portable qu'elle activa d'une simple pression. Immédiatement son écran de veille apparut pour lui annoncer qu'elle avait un message non-lu de Maxine. Son cœur se stoppa comme si elle avait reçu un électrochoc. Avec la musique, elle n'avait pas entendu son message.
Oh Putain. Il datait d'une heure et demie plus tôt.
Shit shit shit shit, s'affola-t-elle en appuyant dessus pour l'ouvrir.
De : Maxine, 19h45
Sujet : Gotham needs Batman, mais… Est-ce que Gotham deserves Batman ? Telle est la question.
Le sang pulsant dans ses veines, elle répondit immédiatement : Qu'est-ce que je peux faire pour te prouver ma bonne foi ?
Pour la première fois, Victoria ne fit aucune remarque désobligeante, n'utilisa aucun surnom. Cela ne lui vint même pas à l'esprit à vrai dire. Son cœur hésitait entre joie et frayeur. Ses pensées restaient bloquées sur le fait que Maxine lui avait répondue. Elle ne lui avait clairement pas pardonné son comportement, mais le fait qu'elle lui adresse la parole était bon signe. Son cœur reprit alors sa course effrénée dans l'attente de sa nouvelle réponse, elle le sentit battre dans ses oreilles qui se mirent à bourdonner lourdement.
Son téléphone bipa au creux de ses mains au bout de quelques secondes tandis que son écran s'illuminait.
De : Maxine, 21h19
Sujet : Je ne veux pas que tu me prouves quelque chose. Je veux juste que tu sois toi-même. La personne que je sais être la vraie Victoria à chaque fois que l'on se croise, et ce, même à Blackwell. Si tu ne peux pas faire ça, alors je préfère que tu arrêtes de venir au Starbucks.
Victoria hésita une seconde, mais finit par taper « Tu as cours dans quelle salle demain ? »
Max, 21h23 : En amphi 3, pourquoi ?
Victoria, 21h23: Toute la journée ?
Max, 21h25 : Toute la matinée. Après je serai dans les labos de science et en salle de photographie 4 l'après midi.
Victoria, 21h25 : Okay.
Max, 21h26 : Pourquoi ? (again)
Victoria, 21h29 : Si tu veux que je vienne te parler à Blackwell, c'est plus facile à faire si je sais où te trouver. Et puis, comme un vieux chinois bouddhiste a dit « les actions parlent plus que les mots ». A moins que ce soit Spiderman...
Max, 21h31 : OK. Dans ce cas, à demain.
Max, 21h32 : Et sache que Spiderman parle de pouvoir et de responsabilité pas de conséquences dans les actions. Just so you know.
Victoria, 21h34 : Je note, ça pourrait me servir. Bonne nuit, Maxine. Fais de beaux rêves.
Max, 21h35 : Merci, bonne nuit à toi aussi.
La discussion se termina ainsi. Sans une réelle chaleur ou l'habituelle décontraction qui caractérisait leurs échanges. L'absence de smileys était un signe flagrant de la distance entre elles. Victoria ne savait pas trop quoi en penser. Maxine lui faisait-elle payer la manière dont elle avait agit ? Et si oui, pourrait-elle réparer les pots cassés ? Elle n'avait plus qu'à prier pour que leur rencontre se passe bien le lendemain. Elle ne fuirait pas. Elle ne fuirait plus.
