Le trajet lui avait donné l'occasion de penser à la semaine qui venait de s'écouler. Il s'était rendu compte de l'énorme erreur qu'il avait fait en excluant tout le monde. Ils avaient tous été extraordinaire, même Charlie, Larry et Amita étaient venu passer du temps avec le bébé et lui. L'impression d'avoir enfin trouvé une famille était renforcée tous les jours. Alan avait été le plus présent, se comportant comme un vrai grand-père, au grand désespoir de ses fils à qui il rappelait maintenant tous les jours qu'il adorerait avoir des petits enfants. Megan et David avaient passé toutes leurs soirées à l'hôpital, Megan couvait Ellie comme si elle était la huitième merveille du monde, David et lui avaient passé beaucoup de temps à parler de leurs enfances respectives. Quand à Don, son attitude était encore assez distante mais il faisait beaucoup d'efforts pour paraître détendu, il avait passé quelque soirée avec eux, des fois simplement à discuter ou à regarder le match qui passait, avec David et lui.
Il fut tiré de ses pensés par le chauffeur de taxi qui venait de stopper la voiture devant son immeuble, leur immeuble.
- Voilà, ma puce, on est arrivé chez nous. Il va falloir être indulgente les premiers temps, je n'ai pas eu le temps de finir ta chambre.
Il avait acheté toutes les fournitures nécessaires, récoltant bien souvent quelques regards bizarres de la part des vendeuses et clientes, ce n'était pas de sa faute après tout s'il n'y connaissait rien en bébé. Il avait tout entreposé dans sa chambre et au salon le temps de refaire les peintures dans l'ancienne chambre d'ami. Ellie dormirait dans son couffin au moins pour cette nuit, il lui monterait son berceau demain, aujourd'hui allait être une journée de prise de repaires aussi bien pour lui que pour Ellie. A dire vrai il était complètement terrorisé à l'idée de mal faire, de se tromper dans les doses et fréquences des biberons, de mal l'habiller, de trop la couvrir ou pas assez, d'avoir de l'eau trop chaude pour son bain… La liste était longue, mais en même temps il était ravi de pouvoir enfin passer du temps seul avec sa fille.
Du temps, il allait en avoir, Don l'avait finalement suspendu pour un mois sans solde, punition qui allait coïncider avec son mois de congé maladie, il ne perdrait donc pas de salaire, il suspectait Don de l'avoir fait exprès, il aurait pu lui donner son mois sans solde après son congé maladie. Colby aurait accepté la sanction sans rechigner, il l'avait amplement mérité et le temps qu'il pourrait passer avec Ellie serait précieux. Il serait obligé de la confier à une nounou au moment de reprendre le travail et cette idée le terrifiait, allait-il vraiment passer toute sa vie de père à se faire des cheveux blancs ? Sans aucun doute !
Il posa son attirail sur le pas de la porte, il l'avait chargé comme une mule à sa sortie d'hôpital, la moindre sortie avec Ellie deviendrait une vraie expédition au vu de tout ce qu'il devrait emporter avec eux. La clé, qu'avait-il fait de cette foutue clé ? Dans la poche de sa veste bien sûr, David le lui avait dit quand il était venu lui rapporter les affaires propres qu'il était passé chercher ici.
Il réussit tant bien que mal à mettre la clé dans la serrure et ouvrit la porte d'un coup de pied, il faisait sombre et il se dépêcha d'allumer la lumière du couloir, il déposa d'abord le couffin d'Ellie dans le salon avant de retourner chercher ce qui restait sur le pas de la porte pour tout transporter au salon. Quelque chose y avait changé sans qu'il puisse dire quoi, il chercherait plus tard, en attendant il allait faire visiter l'appartement à Ellie. Il sortit donc sa fille de son couffin, un peu comme s'il manipulait un colis précieux, et se dirigea vers la chambre d'ami.
- Voila ta maison, ma puce ! Nous allons vivre ici tous les deux et tu auras ta propre chambre, je vais te la montrer, elle n'est pas encore terminé mais je te garantie qu'elle te plairait une fois finie.
Il ouvrit la porte et resta cloué sur place. Devant lui se tenait sa famille, ils étaient tous là, Nora, Don, Megan, David, Alan, Charlie, Larry et Amita. Un flash l'aveugla momentanément et quand sa vision revint à la normale il eut un deuxième choc, la chambre ne ressemblait plus du tout à ce qu'il avait laissé. Les peintures étaient terminées, le berceau trônait au milieu de la pièce, la commode et la table à langer étaient montées, Teddy trônait dans le rocking-chair et le mobile qu'il avait choisi avec Tessa tournait lentement au dessus du berceau.
- Ferme la bouche Granger, on dirait un poisson hors de l'eau !
- Donne moi cette petite merveille avant de la faire tomber !
Tout le monde parlait en même temps, lui n'avait pas bougé, il avait laissé Megan prendre Ellie et il contemplait la chambre sans oser croire ce qu'il voyait. Il fallait qu'il reprenne le contrôle vite, avant de se mettre à pleurer devant tout le monde, il n'oublierait jamais ce moment, ils venaient de leur faire un cadeau merveilleux, même si lui ne pensait pas vraiment le mériter. C'est Don qui réussit enfin à le tirer de ses pensées :
- Tu ne croyais quand même pas que tu allais être le seul à ne pas recevoir la surprise de ta vie. On y a tous eu droit, il n'y avait pas de raison que tu y échappes Granger.
- Je… Je… Sais pas quoi dire, je… C'est tellement….
- Oui on sait, ne t'inquiètes pas.
- Quand ?
- C'est David qui a vendu la mèche en revenant de ton appart. Il a vu tous les cartons dans le salon et on a pensé te rendre la monnaie de ta pièce. Ça semble réussi.
- Tu n'as pas idée !
- Nous sommes tous quittes alors.
- Je crois qu'il me reste le champagne que j'avais prévu pour samedi soir au frais. Je vous offre un verre ?
- T'as plutôt intérêt Granger !
- Megan, je peux reprendre Ellie, si tu veux.
- Non, non, pas la peine, occupe toi du champagne !
- Bien, Madame !
Ils étaient tous sortis de la chambre pour se rendre au salon. Seul Colby n'avait pas bougé, ses jambes semblant collées sur place, la chambre était magnifique, il n'aurait sûrement pas mieux fait. Une fois de plus il fut envahi par la culpabilité d'avoir tenu tous ses amis à l'écart, il ne méritait pas autant d'efforts de leurs parts.
- Colby ?
- Don ?
- On commence à avoir soif là dedans !
- J'arrive !
- Quelque chose ne va pas ? Tu pourras changer la disposition des meubles si quelque chose ne te conviens pas.
- Non c'est parfait.
- Alors que ce passe t-il ?
- J'étais en train de me dire que j'avais merdé et que je ne méritais pas tout ça.
- T'as raison et c'est pour ça qu'on l'a fait pour Ellie.
- Merci. Don ?
- Oui ?
- Je peux te demander quelque chose ?
- Demande toujours.
- Avec Tessa, on avait pensé que…
-Que ?
- On voulait faire une grande fête avec tout nos amis juste avant la naissance d'Ellie. On souhaitait également te demander de devenir le parrain du bébé ce soir là, malheureusement la vie en a décidé autrement et Tessa est décédé avant qu'on puisse organiser cette soirée.
- Parrain, moi?
- Oui, enfin tu n'es pas obligé de répondre tout de suite, prends le temps d'y réfléchir. C'est juste que… Tessa t'aimait vraiment beaucoup et j'aurais aimé qu'elle soit là aujourd'hui pour te poser cette question. Enfin je veux dire, tu sais aussi bien que moi qu'on n'est jamais sûr de rien dans notre métier. Je ne voudrais pas qu'Ellie vive l'enfer que j'ai vécu étant gamin. Nora aura la garde d'Ellie si jamais il m'arrivait quelque chose, mais elle aura aussi besoin d'une présence masculine.
- Tu veux dire pour botter le train aux garçons qui oserait l'approcher plus tard ?
- Par exemple !
- Ce sera avec plaisir ! Mais Granger, je te préviens tu n'as pas intérêt à te faire descendre !
- Qu'est ce qui se passe là-dedans ? Donnie ? On commence à avoir vraiment très soif au salon !
- On arrive Papa. Allez viens Granger, il est temps d'ouvrir le champagne.
Alan était arrivé dans la pièce juste au bon moment, Colby était sur le point de laisser l'émotion le gagner et Alan venait de le sauver d'une situation embarrassante supplémentaire. Il suivit donc Don jusqu'au salon, tout le monde était installé et Ellie semblait dormir dans les bras de Megan. Il se dirigea donc vers la cuisine pour chercher le dit champagne ainsi que des flûtes. Et une fois de plus il fut surpris par la bienveillance de ses amis, le frigo était plein de victuailles fraîches.
Le reste de l'après-midi se passa gaiement entre rires et discussions. Ellie avait fait le tour de tous les bras de la pièce, même Larry s'était laissé attendrir par ses grands yeux bleus. David avait lancé une plaisanterie à ce moment là, sur le fait qu'il n'aimerait pas être à la place du pauvre garçon qui tenterait de faire du charme à Ellie un jour ou l'autre, il risquerait fort de se faire descendre par l'un des meilleurs tireurs du bureau.
Colby et Don avaient alors échangé un regard qui en disait long sur la complicité retrouvée des deux hommes. Don n'était pas du genre à regarder en arrière, Colby avait fait une bêtise, il avait été sanctionné pour, maintenant il fallait repartir de l'avant et oublier. Colby reprendrait le travail dans un mois et Don était bien décidé à ne pas laisser cette erreur ruiner la dynamique de l'équipe.
- Bien nous allons vous laisser, je pense que vous avez besoin d'un peu de temps pour vous retrouver et prendre vos marques. N'hésite pas à appeler, peu importe l'heure, si vous avez besoin de quoi que ce soit.
- Merci Don.
Tous les autres s'étaient levés et Megan avait rendu Ellie à son père. Ils défilèrent tous pour leur dire au revoir. Nora avait beaucoup insisté pour qu'il l'appelle à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit mais elle lui avait aussi recommandé de ne pas s'inquiéter pour un rien, il apprendrait au fur et à mesure. Ils eurent tous un mot gentil avant de partir, David fut le dernier à franchir le pas de la porte et il serra son ami dans ses bras avant d'entendre Ellie protester.
- Et ne rend pas ton père chèvre, jeune demoiselle, sinon ton oncle David sera obligé de le supporter toute la journée au bureau.
- Merci, David, vous êtes tous vraiment super.
- Essaye de ne plus l'oublier.
- Promis.
Colby referma la porte sur David et attendit d'entendre les portes de l'ascenseur se refermer sur le palier avant de se rediriger vers la chambre de sa fille.
- Nous voilà seul mon ange. Que dirais-tu de faire une petite ballade, nous devons aller voir quelqu'un tous les deux.
Ellie regardait son père avec de grands yeux et ce dernier se demanda ce que sa fille pouvait bien penser à ce moment-là. Il l'habilla le plus chaudement possible avant de la déposer délicatement dans le couffin qui était resté au salon. Il héla un taxi dans la rue et lui donna l'adresse de leur destination.
