Auteur : Nifflheim

Disclaimer : les bishis qui peuplent Saiyuki ne m'appartiennent pas, hélas. Mais bon, ce n'est pas comme si ça allait m'empêcher de les torturer !

Rating : T

La douche aprés le sport, au lycée. Ton cauchemar. Tu te mets à l'écart, tournant le dos aux autres, ne répondant que vaguement et adressant de temps à autre un sourire serein à ceux qui t'interpellent. Mais intérieurement, c'est autre chose. Qui a eu l'idée stupide de commencer à comparer la manière dont la nature vous a gâtés ? Et pourquoi sont-ils tous rentrés dans cette occupation stupide ? Tandis que tu te savonnes, la question reste en suspension dans ton esprit.

Ils sortent, les uns aprés les autres, et tu restes seul, étrangement calme maintenant. Comme détaché. Tu continues de te frotter le corps comme si ta vie en dépendait. C'est un spectacle étrange... un peu inquiétant, totalement surréaliste, que de te voir perturbé de la sorte. Mais ils ne peuvent pas savoir, pas deviner, et en un sens c'est heureux. Franchement, tu préfères ne pas penser aux moqueries si quelqu'un venait à le découvrir... Le trouble que leurs corps nus sur lesquels l'eau coule à flots engendre en toi. Tu es sensé être hétéro, et voilà que tu te révèles bi ! Non, ils ne te le pardonneraient pas... Surtout Lui. Ton meilleur ami, du moins c'est ce que tu te plais à penser. Un séducteur impénitent, un véritable boulet quand il s'y met, mais quelqu'un qui est toujours étrangement attentif à toi, présence rassurante et odeur de clope qui en fait fuir plus d'une.

Là encore, il y a un souci. Parce que si toi tu aimes autant les femmes que les hommes, lui semble n'aimer que les femmes, et le voir draguer sans tact te tue. Pas au sens littéral, mais presque. Tu sens à chaque fois ton coeur se broyer, la haine et la bile remonter dans ta gorge et l'air fuir tes poumons. Tu veux lui hurler d'arrêter, lui dire de te regarder toi, pour une fois. Et pourtant, tu n'oses pas... Peur d'être seul. Tu y es pourtant habitué, mais être abandonné par Lui te semble... insurmontable.

Baissant la tête piteusement, tu décrispes enfin tes mâchoires douloureuses d'avoir trop souri et laisse ton visage prendre sa véritable expression, une mélancolie nuancée par une sérénité que rien ne semble pouvoir entâcher. Qu'il est étrange pour toi de te voir dans une glace ! Entre ton expression posée et la confusion qui règne dans ton coeur, ce n'est plus un fossé mais un barrage qu'il y a. Et tu détestes ça. Te sentir impuissant. Douter de toi, alors que tu es l'un des meilleurs goals que l'équipe est connue. Bon, certes, c'est toute l'équipe qui est extrêmement efficace, Gojyo y compris - tu es toujours étonné par ses talents d'attaquant et son endurance, chose normale quand on voit tout ce qu'il fume. N'empêche, tu n'as rien laisser passer lors du match d'aujourd'hui. Mais là, pour cette "troisième mi-temps", tu es vaincu d'avance. Les douches communes sont ton cauchemar.

L'équipe est sortie, te laissant seul avec quelqu'un d'autre. Tu ne prêtes pas attention à celui qui est avec toi, jusqu'à ce que tu sentes une présence dans ton dos. Tu veux te retourner et te retrouves plaqué face au mur, deux mains larges et chaudes sur ton corps, une se promenant sur tes hanches étroites et osseuses, l'autre placée sur tes yeux pour t'aveugler. Sa soeur quitte ton corps pour ton visage, saisissant ton menton pour le faire pivoter. Tu résistes sans qu'il n'y ait d'autre effet qu'une douleur qui envahit tes cervicales. Alors, tu te laisses aller. Juste un peu de tendresse... tu te dégouteras bien assez ensuite de t'être laissé faire et de L'avoir trahi - d'avoir trahi ton amour pour lui.

Des lèvres sur les tiennes, chaudes, dures et exigeantes. Une langue qui passe sur tes lèvres, des dents qui mordillent ta lèvre inférieure et la torturent avec talent jusqu'à ce que tu en quémandes plus. Un goût de tabac envahit alors ton palais et tu te débats pour tenter de libérer tes yeux, de savoir si c'est bel et bien la personne à laquelle tu penses. Mais ton amant-agresseur refuse, se contenant de lâcher tes lèvres pour te laisser reprendre ton souffle. Souffle qui s'étrangle dans ta gorge quand il commence à poser ses lèvres sur ta nuque, puis descend lentement vers ta chûte de reins, déposant un baiser paillon sur chacune de tes vertèbres...

Le reste se passe comme dans un rêve. Toujours aveuglé par cette main chaude, tu te courbes et gémis sous les coups de boutoir avant de te libérer et de sentir l'autre en faire de même. Tes lèvres sont gonflées et rouges, autant du fait des baisers que du fait que tu te les sois mordu pour empêcher Son nom de franchir la barrière de tes dents. Tu ne veux pas que ton secret soit trahi, tu refuses que quelq'un sache.

Lorsqu'il se retire de ton corps, tu glisses au sol, une larme, puis deux, glissant sur ta joue. Tu t'en veux d'avoir manqué à tes sentiments pour Lui. Désormais, tu ne peux qu'en être indigne, et par-là même condamné à te taire. La main qui t'aveuglait se retire de ton visage aprés une douce caresse, et tu lèves la tête pour savoir à qui elle appartient. Sous la surprise, tu t'étrangles avant de parvenir à laisser un "Gojyo ?!" surpris. Un simple "Désolé" te répond, et il t'abandonne là sans rien dre d'autre. Pour cela, tu ne peux t'empêcher de lui en vouloir. Qu'est-ce que c'est que ça ? Que ce comportement, que cette manière de t'avoir fait l'amour ici, dans les vestiaires, alors qu'il est sensé n'aimer que les filles ?

Te redressant péniblement, tu te remets sous l'eau, laissant les goutelettes brûlantes réchauffer ta peau qui en un instant est passé de la lave en fusion à l'azote liquide. Du moins est-ce l'impression que tu as. Et tu te rends compte que tu as eu tort de penser qu'il t'a fait l'amour. Il t'a juste baisé - dans tous les sens du terme. Aprés t'être séché et rhabillé, tu sors, d'une démarche chancelante, à la fois à cause de ta rage et de ton désespoir qu'à cause du contrecoup de ta jouissance. Tu Le hais... ou tu penses le haïr. Qu'importe, ça n'a plus d'importance. Tu ne prêtes même pas attention à Ses yeux qui te suivent alors que tu sors du lycée. Aveuglé non plus par sa main mais par les émotions contradictoires qui jouent en toi.

Le lendemain, tu as la désagréable surprise de le voir venir vers toi, bien décidé à te parler. Sans te laisser le temps de l'éviter, il t'attrape par le bras et t'entraine. Une fois à l'écart des autres, tu te dégages d'un geste brusque et lui lance un regard glacé. Pas la force de plaquer un faux sourire sur ton visage, pas assez calme pour te maîtriser. Tu le fixes, bras croisés, bien décidé à lui faire sentir qu'il est indésirable. D'un geste dédaigneux de la main, tu lui signifie que si il veut te parler, il a intérêt à faire vite. Tu as la sensation que l'amour que tu lui portais s'est mué en haine. Une haine qui t'asphyxies, mais tu t'en moques. Ce n'est pas comme si tu avais encore particulièrement envie de respirer, de toute manière.

- Qu'est-ce que tu veux ?

- Te parler. A propos d'hier...

- Je vois pas de quoi tu parles. Si c'est tout ce que tu avais à dire, salut.

- J'ai pas le droit, tu piges ? J'ai pas le droit d'aimer un mec ! Mais quand je t'ai vu, hier, j'ai pas pu m'en empêcher. Merde, Hakkai ! Qu'est-ce que j'y peux si t'es dans tous mes rêves ?! J'me suis juste dit que comme ça, je me sentirais mieux, mais que dalle !

- Donc, je t'ai servi de défouloir sous prétexte que tu fantasmes sur moi, et maintenant c'est "j'ai pas le droit, on oublie tout", c'est ça ? Ce que j'ai bien pu ressentir, tu n'en as rien à faire.

Ta voix s'est brisé sur la fin, mais tu tiens bon. Aprés tout, il n'y a pas que ta voix de brisée, tout ton coeur l'est. Ton corps aussi. Sans lui laisser le temps de répliquer, de se justifier, tu t'en vas. Maudit soit-il...