Auteur : Nifflheim

Disclaimer : les bishis qui peuplent Saiyuki ne m'appartiennent pas, hélas. Mais bon, ce n'est pas comme si ça allait m'empêcher de les torturer !

Rating : T

Note : Chapitre raconté d'aprés le point de vue de Gojyo, cette fois. Bonne lecture !

Une semaine s'est écoulée, et Hakkai ne t'a toujours pas reparlé. Quoique tu veuilles bien en penser, l'idée que le contraire aurait été étrange refuse de quitter. Non, ça n'aurait pas été étrange, c'est Hakkai, quoi ! Ton meilleur ami, celui à qui tu racontes toutes tes conquêtes, celui qui hante tes fantasmes et que tu as limite violé... Il fait bien de te fuir. C'est douloureux à admettre, mais tu ne peux que comprendre, enfin, essayer de comprendre. Même si ça te perturbe. Même si tu cherches machinalement son regard à chaque entraînement, à chaque cours que vous avez en commun, à chaque fois que tu l'aperçois en compagnie de Kannon, son ex enfin remise de sa tentative de suicide avec laquelle il sort à nouveau. Même si la bile envahit ta gorge chaque fois que tu le voies lui sourire, lui remettre une mêche en place, lui faire un baiser sur la joue ou sur les lèvres. "Le couple parfait" : les filles soupirent aprés lui et l'ont nommé Prince Charmant du lycée, les mecs rêvent de sa copine. Tout le monde leur souhaite d'être heureux ensemble. Sauf toi.

Une nouvelle semaine, et rien n'a changé. Aujourd'hui, c'était le match des demi-finales du tournoi inter-lycées de la région, gagné de justesse. Tu as eu la désagréable impression que le match concernait essentiellement les goals. Qui bloquerait le mieux, qui repousserait le plus de ballons de la manière la plus simple et efficace... Ils sont dans un êtat désastreux, les mains d'Hakkai saignent légèrement malgré les gants épais. Et ce crétin qui refuse de se faire soigner et va plutôt discuter avec l'autre goal, Sanzo ou quelque chose comme ça. Une sale tronche. Et c'est quoi ce regard méprisant qu'il vient de te lancer ?! Comme si tu étais le type le plus stupide de cette planète...

Retour sous la douche. Pour une fois, personne ne parle, tout le monde s'en débarrasse rapidement. La mauvaise ambiance et la tension entre Hakkai et toi semblent avoir contaminé toute l'équipe. Dommage. Il ne reste plus que vous deux. Tu te fais violence pour ne pas observer à la dérobée sa silhouette fine parsemée de milliers de gouttes d'eau que tu jalouses. Elles, au moins, ont le droit de le toucher. Plus toi. Pas toi. Tu n'en as jamais eu le droit, et combien même tu l'aurais eu, tu l'as perdu à jamais.
Une présence dans ton dos. Une main fine sur tes yeux, une trés légère odeur de sang qui en émane. Tu pâlis brusquement, tandis qu'Hakkai reproduit chacun des gestes que tu as eu envers lui ce jour-là. Jusqu'au "Désolé" final, lancé d'une voix atone. Désolé ? Quelle blague ! Si tu n'avais as été saisi d'une telle nausée, tu en aurais ri. Tu te sens mal, sale. Est-ce que lui aussi a ressenti cela en entendant tes paroles le lendemain... Est-ce que lui aussi s'est senti trahi, utilisé ?
Comme anesthésié, tu te laves à nouveau puis rentre chez toi. Impossible de te décrocher un mot. Tu te dégoûtes. Monstre. Traître. Hypocrite. Manipulateur. Imbécile. Cinq adjectifs qui tournent sans discontinuer dans ta tête et t'hypnotisent. Tellement justes... Ils te définissent à la perfection. Dommage que tu ne t'en sois pas rendu compte avant, ça t'aurait épargné bien des illusions.

Une sonnerie te tire de ta torpeur, pour te faire savoir qu'il y a un message sur ta boîte vocale. Dans un soupir, tu mets le haut-parleur. Et sa voix s'élève dans la pièce, pleine de douleur, de tristesse et de culpabilité.
"Désolé, jamais j'aurais dû te faire subir ça. Je suis bien placé pour savoir que tu dois te dégoûter... Mais j'étais bien trop en colère contre toi pour y réfléchir. Je te demanderais pas de me pardonner, et je t'interdis de le faire. Le mieux serait encore qu'à partir d'aujourd'hui on cesse d'exister l'un pour l'autre. Ton amitié me manquera. C'est bien la dernière fois que tu m'entendras te dire ça. Considère qu'à partir d'aujourd'hui, Cho Hakkai n'est qu'un type parmi d'autres, une vague connaissance qui est dans l'équipe de foot. Salut."

Tu ne sais plus comment réagir. Comme si tu ne parvenais pas à comprendre ce qu'il vient de te dire, tu fixes ton portable en souhaitant de toutes tes forces qu'il y ait un autre message, un "C'est une blague !" ou quelque chose du même genre. Et parce que tu sais que ce n'est pas son genre, tu te lèves en tremblant et va vomir. Pathétique... Tu es, non, vous êtes pathétiques. Comment ton meilleur ami a pu te faire ce coup ? Comment peut-il croire que tu le laisseras faire ? Et comment peux-tu croire qu'il reviendra sur sa décision... Tu le connais, pourtant, tu sais combien il est obstiné. Hélas.

Trois jours. Trois jours se sont écoulés et rien n'a changé. Il t'ignore royalement, tu cherches son regard. Quand il t'adresse la parole, tu le fixes avec espoir avant d'être comme broyé par le ton distant et indifférent qu'il emploie avec toi. Il ne te connaît plus... et ça te fait mal. Quant à lui, si cette situation le gêne, il le cache bien. Impossible de deviner ses réels sentiments à travers son masque. Ca a aussi des répercussions sur ton jeu, et indirectement sur le sien : l'équipe est stressée, sur les nerfs, et vous ne faites rien pour arranger la situation. Tu ne prends plus la peine de lui parler : son regard qui te transperce sans te voir est mille fois trop frustrant pour toi. Quelle idée stupide as-tu eu, de ne rien tenter pour le retenir ? Au moins son amitié, puisque tu te trouves dans l'impossibilité de dire si tu éprouves autre chose pour lui.

Et pourtant... Si tu étais un tant soit peu plus lucide et à l'écoute de ce qu'hurle ton inconscient – qui pour une fois évite les détours pour aller droit au but – tu aurais pu te rendre compte d'au moins une chose : quoique tu fasses, il est dans tes pensées. Entre tes fantasmes qui malgré ce qu'il s'est passé ne te laissent pas en paix, tes remords et les souvenirs qui remontent chaque jour à la surface comme pour te torturer, c'est évident qu'il y a quelque chose qui cloche. Mais l'auto-analyse, c'est loin d'être ta spécialité. Par contre, au rythme où tu vas, la scarification est en passe de devenir une de tes activités favorites. Elle a, tu l'as découvert, de multiples avantages : non seulement ça te distrait et fait passer le temps quand tu t'ennuies trop en cours – étant assis au dernier rang, le prof risque pas de remarquer ce que tu fais – mais en plus ça chasse ton obsession de ton esprit. En la remplaçant par une autre, mais tant pis : on a rien sans rien.

Ce que tu n'avais pas prévu, c'est qu'Hakkai te découvrirait en train de t'entailler les avant-bras. Et tu n'avais pas non plus imaginé qu'il pourrait s'inquiéter pour toi. Pourtant, cet éclat dans ses yeux, qu'est-ce que ça peut être d'autre ? De la rancoeur ? Non, la couleur de ses iris est trop claire. De la colère ? Il y en a, oui, mais il y a autre chose. Lorsqu'il t'arrache d'un geste vif la tame de compas pour te mettre une gifle, tu comprends qu'il s'inquiète bel et bien. Et si tu écoutes d'une oreille distraite ses reproches, tu fais en esprit la danse de la victoire. Il te reparle ! Et il s'inquiète pour toi ! C'est génial !
Tu te sens hypnotisé par les lèvres fines et sèches qui remuent devant toi, déversant bile et reproches qui ne te parviennent même plus. Et combien même tu les entendrais, ça ne changerait pas grand chose : ce qu'il te dit, tu te le répète tous les soirs et pour l'impact que ça a, il ferait mieux d'économiser sa salive, ou de l'utiliser d'une autre manière.
Sans vraiment te rendre compte de ce que tu fais, tu t'empares de ses lèvres, autant pour retrouver leur goût que pour dissiper une sombre terreur dont tu ne parviens pas à discerner l'origine. Elle sont sucrées et fraîches... le souvenir que tu en avais est différent.

Il se laisse faire un moment, allant jusqu'à te répondre, ses yeux d'émeraude en partie clos et une de ses mains ayant glissé dans ta chevelure. L'instant d'aprés, ses yeux se rouvrent et il te repousse, une rougeur envahissant ses pomettes pâles et un trouble grandissant dans son regard. Agressif et craintif à la fois, il s'éloigne de toi prudemment et te parle sur un ton violent qui ne lui correspond pas.

Qu'est-ce qui te prend ?!

J'arrive pas à faire semblant plus longtemps ! 'Tain, je sais même pas ce que je cherche à expliquer, puisque je de toute façon tu me croiras pas...

Les bras croisés, il te fixe avec un calme effrayant tandis que tu observes avec passion tes pieds. A croire que vos attitudes habituelles se sont échangées...

Essaye tout de même. Son ton froid et détaché te tire un tremblement que tu ne parviens pas à réprimer.

Ben... J'arrive pas à faire comme si je te connaissais pas, quoi. Faut tout le temps que je te vois, sinon je m'inquiète. Et chaque fois que tu me snobes, j'ai envie de taper dans un mur. C'est bon, je peux récupérer mon compas ?

Non. Si il n'y a pas d'autres moyens, oublie ce que j'ai dit dans mon message. Pas envie que tu te charcutes.

Tandis que tu acquiesces comme le ferait un enfant pris en faute, il se détourne en t'adressant un léger signe de tête avant de rejoindre Kannon que tu envies de plus en plus. Certes, tu as regagné son amitié – enfin, une parcelle minuscule de celle-ci – mais elle, elle a droit à la totale : son amitié et son amour. Et toi, t'y auras droit quand ? Soupirant et saisissant ta tête entre tes mains, tu te laisses glisser au sol. Tant pis pour les cours... t'es vraiment pas d'humeur à t'y rendre et à entendre déblatérer des profs persuadés d'avoir la science infuse. Tu veux juste... dormir...
Doucement, tu glisses au sol, ta tête s'appuyant sur ton sac de sport et tes cheveux recouvrant ton visage aux yeux clos. Quelques mêches se soulèvent, du fait de ta respiration qui se fait de plus en plus profonde à mesure que tu sombres dans le sommeil...