Ils passeraient une très mauvaise soirée, face à ce couple inconnu qui ne semblait pas avoir grand-chose de commun avec eux. Vernon l'avait su au premier coup d'oeil, avant même de prendre place à la table pour quatre réservée par Pétunia au Valentino, un petit restaurant italien.
C'était bien dommage car cela aurait pu être un dîner agréable, pensa t-il. Le cadre s'y prêtait, la cuisine également… Leur mariage était prévu pour dans deux mois...
Cependant, si Lily Evans semblait au premier abord aussi respectable que sa chère Petunia, son petit ami en revanche était tout autre.
Lui, sans aucun doute possible, n'était qu'un gosse de riches, oisif et mal élevé avec ça, sans doute né avec une cuillère en argent dans la bouche. Un rien d'excentricité achevait de lui donner l'air particulièrement grotesque.
Vernon reconnaissait sur son visage, dans ses manières et dans son attitude négligée la désinvolture propre à ses anciens collègues : les incompétents placés là par leur naissance qui avaient bien failli pousser la Grunnings à sa perte.
Il devinait chez James Potter la même capacité à conquérir les places, et la même volonté de dominer, mais sans fournir les efforts pour le mériter.
Qu'allait-il pouvoir faire, si ce sombre crétin l'insupportait déjà après seulement quelques secondes de présence ?
Il y avait la manière dont il regardait autour de lui, son mépris à peine dissimulé et son assurance insupportable d'être intouchable, quoi qu'il fasse. Il y avait également ses habits ridicules qu'il portait, mais qu'il devinait plus chers que son costume à lui, pourtant fait sur mesure.
Oui, James Potter était un type arrogant, de ceux qui avaient le don de mettre Vernon hors de lui. A Smelting, il aurait pu faire partie de cette bande de fourbes premiers de la classe, sportifs et parfaits en apparence. Ceux qui n'avaient jamais accepté de l'intégrer lui, le gosse d'épicier, dans leur cercle de fréquentations.
Vernon savait déjà qu'il allait tomber face à un mur. Il tenta tout de même d'engager un minimum la conversation, sans grande coopération de son vis-à-vis qui ne répondait que par monosyllabes :
- Commerçant ? Demanda Lily Evans avec intérêt, lorsque Vernon indiqua le métier de ses parents. Les parents de James l'étaient aussi…
- Des potionistes plus précisément, la coupa le jeune homme qui prononçait pour la première fois une phrase complète. Mon père s'est considérablement enrichi avec sa lotion pour les cheveux…
Vernon se demandait sérieusement si l'homme en face de lui se payait sa tête. Car, disant cela, il passait nonchalamment la main dans la crinière qu'il semblait se plaire à garder indomptable, et fixait avec un dédain amusé la raie tracée dans les cheveux de Vernon.
Il se sentait déjà bouillir de rage.
A côté de lui, Pétunia s'était mise à trépigner, preuve qu'elle était intensément mal à l'aise et il sentait son regard inquiet osciller entre lui et ce James Potter. Lily Evans semblait également sur le qui-vive.
Était-ce cette fameuse école dont Petunia ne lui avait parlé qu'à demi-mots qui avait donné à James Potter ces idées de réponses rocambolesques ?
Les deux jeunes gens pouvaient-ils vraiment se croire extraordinaires, au point d'essayer de les enfumer avec leurs histoires de magie et de pouvoir à dormir debout ?
Lily Evans semblait pourtant décidée à arrondir les angles. Vernon la vit même donner un très discret coup de coude à son petit ami. Mais celui-ci n'en tint aucun compte et sourit de plus belle.
Autant dire que le repas allait être long…
Il le supporterait, cela allait sans dire. Ce n'était pas ce petit imbécile qui le séparerait de Pétunia, quoi qu'elle puisse craindre, pas plus lui que tous les autres de son espèce qu'il avait trop souvent vu agir en toute impunité.
Pour passer le temps et reprendre l'avantage, Vernon tenta un coup d'estoc :
- Possédez-vous une voiture, James ? Demanda t-il d'une voix assurée. Voudriez-vous faire un t...
- Inutile, répliqua le jeune homme. Mes parents m'ont payé un balais de course le jour de ma majorité : un Nimbus 1001. Il va sans dire qu'il dépasse largement votre jolie BMW qui est garée dehors…
Il ajouta avec un sourire encore plus large, de plus en plus avachi sur sa chaise :
- Et puis, avec mon ami Sirius, nous avons l'habitude d'essayer des voitures de course… C'est assez amusant.
Vernon en était convaincu à présent, ce dîner serait le plus long et le plus pénible de tous ceux qu'il n'avait jamais eu à endurer.
Mais s'il fallait ça pour connaître la famille de Pétunia, il l'endurerait.
Il en avait croisé de bien pires que ce James Potter. Ce n'était pas lui qui allait le désarçonner…
