« Riez, draguez, buvez », c'était LE slogan de la soirée du 14 février dernier, organisée par la déesse de l'amour elle-même, Aphrodite. Cette fête, organisée à l'occasion de la Saint-Valentin, réunissait une petite vingtaine de divinités triées sur le volet, dont mon acolyte Bonnie et moi-même faisions partie. Eh oui, comme nous nous sommes toujours bien entendus avec la déesse organisatrice et que cette dernière adore les potins tout autant que nous, il n'a pas été bien difficile d'obtenir un carton d'invitation. Mais ça, c'est une autre histoire.
Passés le vigile et son insistance pour vérifier que nous étions bien majeurs, Bonnie et moi avons donc pu pénétrer dans les appartements d'Aphrodite, décorés tout en rouge pour l'occasion : des pétales de roses semées un peu partout sur le carrelage de marbre, aux chocolats en forme de cœur, en passant par la lumière tamisée, tout avait été mis en œuvre pour créer une ambiance intimiste et feutrée, propice aux flirts et aux nouvelles rencontres. Ajoutez à cela une playlist et un parfum d'ambiance entêtants, et vous voilà désormais plongé dans un univers où tout n'est que chuchotements, œillades et caresses du bout des doigts.
Naturellement, Aphrodite attirait la majorité des regards : toujours magnifique, même pour la moindre petite occasion, elle était, ce soir-là, tout à fait sublime. Je pense d'ailleurs que pas mal de divinités auraient tenté leur chance si un certain dieu de la guerre ne les avait pas eus à l'œil toute la soirée. Mais, ce n'est pas vraiment une surprise, non ? Le comportement d'Arès autant que l'apparence divine d'Aphrodite.
Et, depuis que nous nous sommes lancés dans le journalisme, Bonnie et moi avons une règle à laquelle nous dérogeons sous aucun prétexte : toujours, TOUJOURS, se détacher de ce qui attire l'attention. Car c'est souvent lorsque tout le monde regarde ailleurs que le plus intéressant se produit.
Et cela n'a pas loupé, chers lecteurs !
Même si je dois bien avouer que nous avons quand même eu du mal à les dénicher, et que nous avons été également témoins de scènes dont nous nous serions bien passés - Phobos et Eris, la prochaine fois, prenez une chambre, merci ! -, les deux personnes qui avaient ce soir-là toute notre attention ont fini par agir exactement comme nous l'avions espéré en franchissant le seuil de l'appartement.
Alors non, nous n'allons pas ici parler de Zeus et d'Héra, dont la énième dispute a bien failli rendre sourds la majorité des invités. Ni de Dionysos et d'Ariane, couple encore emblématique et exemplaire sur bien des points. Ni même de l'apparition d'Artémis, pour prier Aphrodite de bien vouloir baisser le volume parce qu'IL Y EN A QUI ESSAIE DE DORMIR, PAR LA BARBE DE CHRONOS ! Bonnie et moi aurions beaucoup aimé parler de la déesse de la chasse si elle avait - pour une fois - accepté l'invitation d'Aphrodite. De Dionysos et d'Ariane, si l'un ou l'autre aurait été vu flirtant avec autrui. De Zeus et d'Héra s'ils avaient été vus s'exprimant tout leur amour.
Mais non. Rien de cela ne s'est produit.
Par contre… Ah ! Ce que j'aimerais pouvoir observer votre réaction durant votre lecture de ce qui va suivre ! Moi-même, j'en suis encore tout chamboulé ! Pas que j'en sois choqué, au contraire ! Je suis tellement heureux que cela se soit finalement produit ! Ou, tout du moins, d'avoir assisté à une scène comme celle-ci de mes propres yeux : il y avait les rumeurs, bien sûr, les rumeurs portées par les esprits de la nature. Mais rien ne vaut davantage les actes. Prométhée dirait sûrement qu'il n'y a jamais de fumée sans feu, mais certains esprits s'imaginent parfois des choses là où il n'y en a pas. Et dire que j'aurais été déçu de découvrir qu'il ne s'agissait que d'une très belle amitié, aurait été un doux euphémisme : pour Bonnie et moi, et même si nous préférons garder nos identités secrètes pour le moment, sachez qu'on ne se débrouille pas trop mal en amour, il s'agissait là d'un très beau couple qu'on espérait voir éclore avec les années. Après tout, ils sont inséparables depuis des siècles et se complètent parfaitement bien. Cela aurait été réellement dommage qu'ils passent à côté d'une très belle histoire !
Le suspense est à son comble, non ? Je ne sais pas pourquoi, mais je vous imagine très bien en train de trépigner d'impatience. Ou d'essayer de vous remémorer les quelques noms des divinités grecques que vous connaissez. Patience, chers lecteurs. Tout vient à point à qui sait attendre.
Je me débrouille pas trop mal en proverbes, non ?
Allez, je vous lâche l'info.
3,2,1…
Ce fut après une demi-heure de recherches assez intensives que Bonnie et moi les avons découverts, cachés dans l'un des coins peu éclairés de l'appartement d'Aphrodite, près de la cage d'escalier : Apollon et Hermès.
Eh oui, chers lecteurs ! Le dieu du soleil et le dieu messager. N'est-ce pas là un beau petit couple ? Pour ceux et celles qui crieraient à l'inceste – oui, je vous vois, vous, au fond -, permettez-moi de vous rappeler que, nous autres, divinités, n'avons absolument pas d'ADN. Et que personne n'a jamais critiqué la relation de Zeus et d'Héra. Ou de Chronos et Rhéa. Alors chut ! Surtout que la scène à laquelle nous avons assisté hier soir était des plus tendres et aurait fait fondre n'importe quel cœur de pierre (je ne parle pas de Zeus, dont le cœur est inexistant) :
Assis sur l'un des fauteuils rouges et moelleux, Apollon avait passé l'un de ses bras autour de la taille d'Hermès, assis sur ses genoux. Les yeux dans les yeux, les deux dieux semblaient avoir oublié ce qui se passait autour d'eux, absorbés par leur conversation et la présence de l'autre. Ni Bonnie ni moi ne savons ce qu'ils se disaient à ce moment-là – même s'il pouvait très bien s'agir de mots tendres, tant le regard d'Apollon était doux -, discrétion oblige, mais comme Hermès a plusieurs fois caressé le visage d'Apollon et que le dieu du soleil caressait également le dos du messager tout en parlant, il va sans dire que le doute sur le statut de leur relation est désormais grandement levé. Et pour ceux et celles qui parleraient de romance naissante ou de flirt d'un soir, Bonnie et moi en doutons beaucoup : les deux dieux étaient tellement à l'aise dans leurs gestes, et tellement prévenants l'un envers l'autre, qu'il y a vraiment peu de chance pour que ce soit la première fois qu'ils se comportent ainsi. Ou qu'ils ne le faisaient que pour s'amuser et amuser la galerie : je me suis moi-même vu attribuer un regard des plus noirs de la part d'Apollon pour les avoir observés trop longtemps. Mais était-ce réellement ma faute ? Je veux dire, mon cœur était littéralement en train de fondre que je ne pouvais détacher mon regard de ce petit couple.
A l'heure à laquelle j'écris cet article, ni Apollon ni Hermès n'ont encore officialisé leur relation. Auraient-ils peur des regards d'autrui ? De la possible homophobie de leurs paires ? L'homosexualité a beau exister depuis des siècles, et nous avons beau être en 2023, cette peur est malheureusement tout à fait légitime : encore aujourd'hui, certaines divinités se revendiquent contre ce genre de relation. Nous ne citerons pas de noms, mais sachez que, parmi elles, se trouvent tout de même deux Olympiens. Oui, deux divinités hyper importantes et qui sont censées montrer l'exemple.
Je ne dirais pas ô combien ce constat me met en colère. Ou peut-être que si, finalement.
Quoi qu'il en soit, pour revenir à nos moutons, j'espère qu'Apollon et Hermès trouveront, avec cet article, la force de montrer leur amour au monde entier. J'en serais sans aucun doute le premier soutien. Mais, dans le cas où ils préféreraient garder un peu de leur jardin secret, je ne m'en mêlerai pas plus que cela. Chacun a encore le droit à un soupçon de vie privée. Même si on sait à quel point il est dur d'en avoir réellement une sur l'Olympe.
Apollon, Hermès, la balle est désormais dans votre camp. Félicitations à vous deux en tout cas. Je dois dire que j'aurais beaucoup aimer être le témoin d'un baiser.
Clyde.
