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Chapitre 2/2 'Malcassairo'
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Le Docteur semblait peiné et énervé. La Fédération Galactique lui avait dit que le Maître était sa responsabilité et que, de fait, c'était à lui de le surveiller. Ils avaient raison. Et le Docteur savait qu'ils avaient raison, d'où son énervement. Après ça, le Docteur, Clara et moi sommes partis dans les couloirs du T.A.R.D.I.S pour rejoindre nos chambres respectives et dormir un peu.
Étant la dernière à quitter la salle de commande, j'ai lancé un dernier regard vers le Maître, désormais réveillé, et qui luttait contre les sons dans sa tête.
Mon cœur se serra.
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J'avais une chambre assez spacieuse, avec une grande armoire en bois pour y ranger mes vêtements, ainsi qu'un lit deux plates et une couette couleur bleue T.A.R.D.I.S, puis une table de nuit et une petite salle de bain personnelle.
Comme je le disais, impossible pour moi de savoir quelle heure il était. Tout ce que je savais, c'est que j'étais confortablement emmitouflée dans mes couvertures, portant mon pyjama préféré :
Un simple jogging gris et un très très grand T-shirt également gris. Tellement grand, que ma bretelle droite tombait sur mon épaule et laissait apparaître ma brassière noire. Oui, je dormais toujours avec des sous-vêtements.
J'étais en proie à un énième cauchemar, lorsqu'une alarme étrange retentit à côté de moi. Je n'arrivais pas à en comprendre sa source, puisque je n'avais pas de réveil-matin et encore moins de téléphone portable. En plus du son, une faible lumière orangée clignotait vers ma table de chevet. Une fois mes yeux ouverts, et enfin alerte, je me suis assise sur mon lit et j'ai compris d'où venait ce bruit improbable. À côté de mon lit, posé sur ma table de nuit, j'avais laissé le Tournevis Sonic du Maître, et ce dernier bipait tel un code en Morse.
Un, deux, trois, quatre.
Un, deux, trois, quatre.
Un, deux, trois, quatre.
Un, deux, trois, quatre.
En s'allumant de cette couleur feu.
Je me suis levée d'un bond, j'ai attrapé le Tournevis Sonic et j'ai quitté ma chambre en courant, toujours pieds nus.
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En entrant dans la salle de contrôle, je ne fus pas surprise de voir le Maître éveillé, qui tapait sa tête contre son dossier de métal. Lorsque je suis arrivée vers lui, il se mit à sourire, en m'observant de haut en bas :
- Joli pyjama. Insomnie ?
- Non.
J'ai montré son Tournevis Sonic, qui faisait toujours du bruit et de la lumière, et j'ai rétorqué :
- Ton truc m'a réveillé.
Une vague de surprise traversa ses yeux fatigués. Il posa son regard sur son Tournevis Sonic avec intrigue :
- Oh... C'est étrange... Cependant, le Sonic fait partie de moi et... Well, je n'arrivais pas à dormir, je suppose que j'ai demandé du calme et... Tu peux calmer les tambours dans mon crâne... S'il te plaît ?
Tout à coup, le bruit et la lumière s'arrêtèrent, ayant accompli leur mission. J'ai soufflé d'exaspération puis, finalement, je me suis placée à la gauche du Maître. J'ai posé ma main droite sur les siennes, toujours liées en face de lui.
Le Maître sourit, les yeux brillants, il se tourna vers moi :
- Merci Alisone.
- Est-ce que tu sais pourquoi je peux calmer les tambours dans ta tête ? Ça n'a pas de sens ! Et d'ailleurs, à propos de truc qui n'ont pas de sens, quand le Docteur t'a capturé, tu avais déjà le Tournevis Sonic dans ta poche, pourquoi ne pas l'avoir utilisé pour t'enfuir ?
Il sourit jusqu'aux oreilles, son regard plongea dans le mien, et il avoua avec émotion :
- Oh, tu es plus intelligente que la plupart des Humains... Je fuyais dans les bas-fonds de Londres lorsque le Sonic a commencé à émettre des codes étranges. Il m'a fallu du temps pour comprendre qu'il appelait quelque chose. Ou plutôt quelqu'un. Je me suis laissé attraper par le Docteur, je pensais que le Sonic l'appelait lui. Je n'avais pas prévu les menottes, elles sont verrouillées sur son Sonic à lui et non sur le mien. Je ne peux pas m'échapper.
Avec interrogation, j'ai compris ce qu'il se passait :
- Attends... Le Sonic... Il n'appelait pas le Docteur, n'est-ce pas ?
- Nope. De toute évidence, le Sonic t'appelait toi.
- Mais... Pourquoi ?
Le Maître haussa des épaules :
- Aucune idée. Es-tu sûre d'être Humaine ?
- Malheureusement...
Il sourit derechef en comprenant mon sous-entendu :
- Oh... Quelques troubles pour vivre parmi ta propre Espèce ?
J'étouffai un rire, avant d'avouer :
- Oh yes. En tout cas, c'est ce que mon Psychiatre me dit.
Encore, le Maître sourit de plus belle, ses yeux clairs et brillants d'amusement me sondaient avec passion :
- 'Psychiatre', hein ? Je ne suis pas le seul fou à bord du T.A.R.D.I.S alors.
- Oh, la ferme.
Enfin, il a fermé les yeux, a posé sa tête contre les barres de métal, et s'est endormi.
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Un bruit sourd et sec retentit, ce qui réveilla le Maître et moi en même temps. Il me fallut du temps pour reprendre mes esprits et comprendre que j'étais en train de dormir sur l'épaule du Maître, dont la tête reposée sur la mienne, nos mains toujours liées.
- Mornin', Love... murmura-t-il à mon oreille.
Il sourit en me voyant, son visage n'était qu'à trois centimètres du mien et je pouvais presque voir son âme millénaire à travers ses yeux. Lorsqu'une voix toussota en face de nous, et nous avons sursauté en même temps en découvrant le Docteur, les bras croisés en nous jetant un regard suspicieux.
- Alisone ? Tu peux m'expliquer ?
Eh merde...
Je me suis levée d'un bond, m'éloignant du Maître, en disant, le plus rapidement possible pour ne pas laisser le Docteur m'interrompre :
- Désolée, mais, en fait, je ne sais pas pourquoi, nous avons découverts que lorsque je touche le Maître, les tambours dans sa tête se calment. Son Tournevis Sonic m'a appelé cette nuit pour que je vienne ralentir les sons dans son crâne et... J'imagine que nous nous sommes endormis.
Clara arriva à son tour dans la salle des commandes, tandis que le Docteur passait son regard de moi au Maître et inversement :
- Son Tournevis Sonic ?
Eh merde, encore...
Il tendit sa main vers moi, me faisant comprendre que je devais lui donner le gadget du Maître. Mon ventre se noua mais, n'ayant pas le choix, j'ai donné le Sonic au Docteur.
Le Maître leva les yeux au plafond, en râlant contre son ennemi :
- Oh, please, Docteur ! Qu'est-ce que tu veux de plus, hein ? Je suis prisonnier de ton T.A.R.D.I.S, enchaîné depuis des jours en attendant que tu te débarrasses de moi quelque part dans l'Univers ! Maintenant, tu me confisques mon Sonic ! Ensuite, ça sera quoi ?
Le Maître paraissait très en colère. Mais, pas seulement.
Une colère mélangée à une tristesse qu'il tenta de cacher.
Clara se posta à côté du Docteur, qui glissa le Tournevis dans la poche de son veston, puis, il avoua, à l'intention du Maître :
- Je sais très bien où je vais te laisser. Dans un endroit perdu, que tu ne pourras pas détruire, parce que c'est déjà détruit et tu ne pourras pas en partir...
Un air paniqué traversa le regard du Maître. Il déglutit péniblement avant de demander, la voix tremblante :
- … Où ça... ?
D'une voix grave, le Docteur répondit :
- Malcassairo.
Mon cœur rata un battement.
Tout comme les deux cœurs du Maître, qui hurla entre panique et rage :
- QUOI ?! NON ! NON ! NON !
Malcassairo... La Fin de l'Univers, à l'an 100 billions, là où le Maître s'était régénéré pour la dernière fois.
Mon souffle se coupa et j'ai tourné ma tête vers le Maître, dont les yeux brillèrent de tristesse et de haine.
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Durant les dix minutes suivantes, le Docteur pianota sur les commandes pour faire partir le T.A.R.D.I.S jusqu'à la Fin des Temps. Malgré le bruit des chaînes que le Maître tirait dans tous les sens avec hargne pour essayer de se libérer, Clara resta silencieuse près du Docteur, pendant que je pris la peine de plaider :
- Docteur ? Je ne sais pas si c'est une bonne idée... Peut-être que tu peux trouver une autre pl...
Le Docteur me coupa la parole en sortant son Tournevis Sonic à lui pour le tendre vers moi et appuyer sur le bouton. La lumière bleue illumina ma personne, pendant qu'il analysait les données recueillies par le Sonic. En même temps qu'il lisait les codes, il marmonna :
- Pourquoi est-ce que tu peux calmer les tambours du Maître ?
- Well... Bonne question ! m'exclamais-je.
Une fois le Tournevis Sonic éteint, le Docteur m'observa comme si c'était la première fois qu'il me voyait, puis m'informa :
- Il y a en effet un lien étrange qui te lie au Maître, mais j'ignore pourquoi... Pour l'instant ! Oh, au fait Alisone, joli pyjama !
Puis, il se tourna vers le cockpit pour terminer de piloter le vaisseau vers la destination attendue, tandis que je zieutais mon vieux jogging gris.
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Je n'eus même pas le temps de courir jusqu'à ma chambre pour enfiler ma robe bleue, car le T.A.R.D.I.S se mit à trembler violemment. Le voyage jusqu'à Malcassairo dura de très longues minutes durant lesquelles nous devions nous accrocher aux barres métalliques pour ne pas être projeté contre les parois du vaisseau. Enfin, le T.A.R.D.I.S se stabilisa et nous pûmes nous relever en inspirant un bon coup.
Le Docteur plongea sa main dans la poche de son pantalon pour en sortir une clef argentée. Il se dirigea vers le Maître, pour déverrouiller les chaînes qui le maintenaient aux barreaux, sans toutefois lui retirer les menottes. Le Maître qui, d'ailleurs, s'énerva encore plus connaissant l'endroit où nous nous trouvions :
- Oh, Docteur, je jure sur Gallifrey que si tu me laisses ici, je reviendrai un jour pour te hanter et te détruire ! Pas seulement te tuer, mais t'empêcher de te régénérer !
Horrifiée, Clara plaqua une main sur sa bouche, tandis que le Docteur scruta son ennemi dans le blanc des yeux, pour avouer, avec peine :
- C'est justement pour ça que je dois te laisser ici...
Le Docteur traîna le Maître vers la porte, suivit par Clara et par moi, toujours pieds nus, je le rappelle. Le Maître tourna sa tête vers moi et hurla :
- ALISONE !
Mon cœur se serra.
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L'air était lourd, saturé à la fois d'humidité, de fumé et d'un sentiment horrible de mort. Il faisait nuit noire, il n'y avait aucune étoile dans le ciel, car toutes les étoiles étaient mortes depuis longtemps. Nous nous trouvions juste en face de l'ancienne base qui avait servi à la fusée d'emmener les derniers Humains sur Utopia. Le Docteur tenait fermement le Maître par le bras, qui lui se débattait autant que possible tout en râlant contre son ennemi :
- Tue-moi, espèce de lâche ! Tue-moi, mais ne me laisse pas ici !
Bien sûr, il savait très bien que jamais le Docteur ne le tuerait. Il en était incapable.
Nous sommes arrivés devant les grillages démolis de la base. Tout était vide, désert, froid et sombre. Mes pieds me faisaient mal, je devais marcher sur les graviers du chemin abandonné. Le Maître continuait à s'énerver en se débattant, tandis que Clara m'aida à avancer en me tenant par le bras.
Une fois les grilles derrière nous, nous sommes arrivés à l'entrée de la base, mais le Maître refusa de passer la grande porte de métal. Il se retint aux bords, en continuant de menacer le Docteur.
Malgré les cris incessants du prisonnier, j'entendis des bruits étranges au loin. C'était léger et diffus. Il n'y avait même pas de vent pour porter les sons jusqu'à mes oreilles pour que j'en comprenne l'origine. Cependant, mes yeux découvrir des minuscules points lumineux vers les montagnes mortes.
- Docteur ? commençais-je, un peu inquiète.
Mais le Docteur était bien trop occupé à lutter contre le Maître. Seule Clara comprit mon affolement. Elle murmura :
- Ali ?
Quelques secondes plus tard, elle put découvrir à son tour, des ombres se mouvoir dans l'obscurité du paysage. Des ombres qui portaient des torches de feu.
- Oh shit ! hurlais-je.
Je me suis jetée sur le Docteur en expliquant le plus rapidement possible :
- Docteur ! Les Humains sont sur Utopia, mais il reste toujours les cannibales, ici ! Et, j'ai vraiment l'impression qu'ils ont faim ! Genre, TRÈS faim !
Tout le monde se tourna vers les montagnes pour voir que les points lumineux avançaient rapidement vers nous, tout en hurlant de plaisir. Je profitai du fait que le Docteur était concentré sur cette vision d'horreur pour glisser aussi vite que possible ma main dans la poche de son veston et en sortir son Tournevis Sonic.
- Alisone ! s'exclama-t-il avec surprise.
Je n'attendis pas plus longtemps pour tendre le Sonic vers les menottes du Maître, et appuyer sur le bouton, enfin de le libérer de ses liens.
- Alisone ! reprit le Docteur. Es-tu devenue complètement folle ?!
J'ai souri en lui rendant son Sonic.
- Oh yes ! Mais, surtout, nous allons devoir courir et ça serait bien plus simple pour lui de s'enfuir sans les menottes.
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Nous sommes entrés en trombe dans la base, les lumières de secours nous éclairaient à peine. Pendant que le Maître et le Docteur barricadaient ensemble les portes avec les débris laissés à l'entrée, Clara et moi cherchions un chemin dans ce labyrinthe de désolation.
Cinq minutes plus tard, le Docteur se mit à courir, suivit de Clara, puis du Maître et de moi. Il déambula dans les corridors, un peu au hasard, usant de son Tournevis Sonic pour trouver une cachette. Nous avons traversé trois étages et cinq couloirs, pour finalement s'arrêter dans un cul-de-sac. Clara et moi devions reprendre notre souffle. Nous n'avions pas deux cœurs, comme les deux Seigneurs du Temps, qui eux ne semblaient pas du tout essoufflés.
- Et maintenant, Docteur ? râla le Maître. Le T.A.R.D.I.S se trouve entre nous et les cannibales, qu'est-ce que tu comptes faire, hein ?!
Mais le Docteur ne releva pas la remarque. Au lieu de ça, il se rapprocha de son ennemi, en questionnant avec sérieux :
- Tu connais cette base mieux que personne, tu dois forcément te souvenir d'une cachette ou d'une sortie secrète, n'est-ce pas ?
Le Maître se mit à rire aux éclats. À rire encore et encore, s'amusant de la situation et raillant :
- Pourquoi devrais-je te le dire ? Je pourrais plutôt te laisser ici, te faire dévorer par les cannibales !
Clara fut horrifiée, mais étrangement, le Docteur non. Il esquissa un sourire, en révélant mystérieusement :
- Non, tu ne feras pas ça. Parce que je ne te demande pas de me sauver la vie. Mais de nous sauver la vie. Et surtout, la sienne.
Il se tourna vers moi.
- De quoi ? dis-je perdu.
Tout à coup, le sourire du Maître disparut et il jeta un regard rempli de haine vers le Docteur, comprenant que ce dernier avait raison. Il grogna dans son coin en prenant la tête de l'expédition. Nous le suivîmes en silence.
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Après avoir couru pendant dix bonnes minutes, le Maître entra dans une immense salle, plongée dans une semi-obscurité et pleine de débris sur le sol. Je dus faire attention où je mettais les pieds, n'ayant toujours pas de chaussures. Le Maître et le Docteur fouillèrent la pièce dans son entièreté. Il y avait aussi plusieurs portes qui menaient Dieu seul sait où.
Essoufflée, je me suis posée quelques secondes contre le mur de métal, lorsque soudain, une lumière s'alluma derrière moi. Je me suis retournée pour découvrir que je n'étais pas contre un mur, mais contre une porte métallique. Par les gongs et sous l'interstice de la porte, je pouvais voir cette illumination jaune qui éclairait la pièce secrète.
Il y avait une poignée et, par curiosité, j'ai posé ma main dessus pour ouvrir la cachette. De l'autre côté, il y avait une table de commande, avec des dizaines de boutons, mais également un écran qui diffusait les images de la caméra à l'entrée-même de la base. Je pouvais y voir les cannibales défoncer la porte pour pénétrer dans notre bâtiment.
Eh merde...
J'étais tellement concentré sur le cockpit et les vidéos, que j'ai sursauté au moment où le Maître est entré en trombe dans la petite salle.
- Alisone ! Bloody Hell, qu'est-ce que tu fais ici ?!
J'ai montré l'écran du doigt. Le Maître a découvert à son tour les images inquiétantes, en révélant :
- Shit... Nous devons partir, s'ils arrivent à briser les protections énergétiques, ça va couper le...
Il n'eut cependant pas le temps de terminer sa phrase car, derrière nous, la porte de la salle de commande se referma toute seule dans une bruit fracassant.
Le Maître se jeta sur le battant en question, en hurlant :
- NON ! NON !
Il essaya de tirer, puis de pousser la poignée, avant de donner des coups de pieds et de poings sur le métal. Mais en vain. Sur la vidéo, je pouvais voir les cannibales pénétrer dans le building et arracher des câbles, qui firent des étincelles étranges en noir et blanc sur les bandes d'enregistrement.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? demandais-je, perdue.
La salle ne faisait que quatre ou cinq mètres carrées, juste assez pour le poste de commande. Le Maître se frotta le crâne si fort qu'il s'arracha des cheveux en même temps, avant de finalement se tourner vers moi, l'air triste et paniqué :
- Nous sommes bloqués ici !
Je plissai des yeux, en montrant les claviers :
- Nous pouvons ouvrir la porte avec ces commandes, non ?
Le Maître se rapprocha de moi, en expliquant :
- Non. Ces crétins de cannibales ont détruit les circuits.
Je haussai les épaules, en rappelant :
- Il n'y a plus qu'à attendre que le Docteur utilise son Tournevis Sonic pour nous libérer.
Le Maître se mit à rire. C'était un rire nerveux, rempli de haine :
- Ah, le Docteur ! Saint Docteur ! Bien sûr qu'il viendra à notre rescousse !
Puis, il plaqua ses mains sur son visage, puis sur ses oreilles et sur son crâne, essayant de stopper le bruit dans sa tête et l'angoisse dans ses cœurs.
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Je ne savais pas bien quoi faire, il était en proie à une énième crise de folie, en marmonnant :
- Tu les entends ? Écoute... Ils sont là... Dans ma tête... Un, deux, trois, quatre... Un, deux, trois, quatre... Tu ne les entends donc pas ?!
Mon cœur se serra.
J'ai lentement levé mes mains vers lui, pour les poser délicatement sur les siennes.
Il a sursauté et a rouvrit ses paupières pour me faire face. Je pouvais voir ses yeux aller de droite et de gauche à toute vitesse, comme pour remettre ses idées en place.
Il sourit enfin.
- Ils se calment. Les tambours se calment.
Je souris à mon tour.
Dans sa joie, il posa son front contre le mien, plongea ses yeux dans mes yeux et continua de sourire jusqu'aux oreilles.
- Merci, Alisone.
Je pouvais presque entendre les battements frénétiques de ses deux cœurs qui commencèrent à se calmer. Lentement, mais sûrement. En attendant, le mien cognait violemment dans ma poitrine. Mon ventre se noua à mesure que le visage du Maître se rapprochait de moi.
À mesure que ses lèvres se rapprochèrent des miennes, pour enfin se rejoindre.
Au début, notre premier baiser fut chaste, puis nos langues se rencontrèrent pour danser ensemble.
Le Maître posa ses mains sur mon visage, tandis que je glissais les miennes dans ses cheveux blonds en bataille.
J'ignore combien de temps nous sommes restés ainsi, à nous embrasser dans cette minuscule salle. Mais, nous étions tellement perdus dans notre propre Monde tous les deux, que nous n'avons pas entendus la porte s'ouvrir. Uniquement une voix féminine hurler :
- ALISONE !
Le Maître et moi avons sursauté et tourné nos têtes en même temps pour découvrir, devant nous, une Clara choquée et le Docteur immobile. Ce dernier railla d'ailleurs :
- On vous dérange pas ? Nous pensions que vous étiez en danger !
- Well... commençais-je en glissant ma main de celle du Maître. Hum... Les cannibales sont entrés dans le bâtiment. Nous devons partir d'ici au plus vite et retourner au T.A.R.D.I.S.
Le Docteur jeta un regard étrange vers le Maître, pour demander avec colère :
- J'imagine que tu es désormais enclin à nous aider ?
Il sourit jusqu'aux oreilles.
- Oh, yes. Mais, je ne le ferais pas pour toi.
- J'avais compris.
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Le Maître me tenait par la main, tout en courant en tête du groupe, nous guidant à travers les couloirs labyrinthiques de la base. Ce fut dans les sous-sols, sous l'ancien réacteur de la fusée, que le Maître reconnut la porte de secours, cachée de tous. Évidemment, elle était fermée à clef, le Docteur dut l'ouvrir avec son propre Tournevis Sonic.
Nous nous sommes retrouvés dehors, sous la nuit noire sans étoile. Mes pieds me faisaient mal et le Maître me tenait presque debout durant notre course effrénée. En contournant la base incognito, nous avons pris un petit chemin pour retourner vers le T.A.R.D.I.S sans que les cannibales ne puissent nous voir.
Cinq minutes plus tard, nous fûmes heureux de voir la cabine bleue devant nous. Comme j'étais en tête du groupe, avec le Maître, j'ai tendu ma main vers la porte, j'ai claqué des doigts et cette dernière s'est ouverte. Seulement, le Docteur fut plus rapide, il nous dépassa à une seconde à peine pour bloquer l'entrée de tout son corps, en jetant un regard attristé vers le Maître. Ce dernier d'ailleurs tiqua et demanda, la voix cassée :
- Quoi ?
Clara arriva près du Docteur, qui coinçait toujours l'entrée, les mains posées sur chacun des bords de la porte ouverte. Je plissai des yeux, essayant de comprendre ce qu'il se passait :
- Docteur ? Qu'est-ce que... ? Nous devons partir, et vite !
Le Maître esquissa un faux sourire et leva les yeux vers le ciel sombre. Il secoua la tête et railla :
- Notre cher Docteur veut quand même me laisser ici, n'est-ce pas ?
Mon souffle se coupa.
Je passai mon regard du Maître au Docteur et inversement, en disant, en colère :
- Quoi ? Mais, non ! Docteur ?!
Le Seigneur du Temps braqua ses yeux tristes sur moi, pour ensuite me dire, avec peine :
- Alisone... Il ne peut pas rester en liberté dans l'Univers. Et encore moins dans le T.A.R.D.I.S...
Puis, lentement, le Docteur se rapprocha du Maître pour lui dire, avec une sincérité très surprenante :
- J'aimerais pouvoir t'aider. J'aimerais pouvoir te faire confiance et te garder. Nous sommes les deux derniers Seigneurs du Temps. Les derniers enfants de Gallifrey. Et, tu pourrais être majestueux. Tu pourrais être tellement mieux, tellement plus...
Le Maître étouffa un rire :
- Oh, please ! Épargne-moi ton discours, je sais très bien que tu refuses de me tuer parce que tu as peur de porter cette culpabilité pour le reste de ta longue et horrible vie. Tu te crois meilleur que moi parce que tu voyages avec tes compagnons pour sauver les Mondes et les galaxies. Mais à quel prix ? Une éternité de solitude et de cauchemars. Désolé, mais je refuse cette torture. Si tu veux me laisser ici, tu devras me tuer.
Un ange passa.
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J'ai décidé de briser ce long silence sombre, en demandant :
- Docteur ? Ça veut dire que tu me laisserais moi aussi ici, sur Malcassairo ?
Le Maître tiqua et tourna son regard vers moi :
- Quoi ? Non, tu ne peux pas rester ici. C'est à peine vivable pour un Seigneur du Temps, je ne pense pas qu'une Humaine peut survivre bien longtemps sur cette planète.
- Il a raison... avoua Clara, en me jetant un regard suppliant.
Mon esprit réfléchit à toute vitesse. Il me fallait un sacré bon plan pour tourner la situation à notre avantage.
- OK, Docteur, alors... Aussi étrange que cela puisse paraître, si je suis capable de calmer le Maître, c'est bien pour une raison, non ?
Le Docteur secoua la tête :
- Je n'en sais rien.
Je m'approchai de lui, en reprenant :
- Mais, pense-y... Tu nous as raconté une histoire, à Clara et moi. L'histoire de Rose Tyler. Comment, un jour en 2005, tu l'as rencontré. Comment en ce temps-là, tu étais en colère et perdu. Comment Rose, au fil des années, a fait ressortir le meilleur en toi, comment elle t'a changé et comment elle a pu te calmer. C'est d'ailleurs pour cette raison que, lorsqu'elle a dû repartir dans l'autre dimension, tu as laissé ton double dupliqué avec elle. Parce qu'il avait assassiné tous les Daleks et que tu voulais qu'il devienne meilleur au contact de Rose. Comme tu es devenu meilleur avec elle. Si une Humaine pour changer et calmer deux Seigneur du Temps... Peut-être... Peut-être qu'une autre Humaine pour en sauver un autre... ?
Durant de longues secondes, personne ne parla.
Je voyais bien que le Docteur réfléchissait, qu'il pesait le pour et le contre, qu'il analysait mes paroles avec grand intérêt. Le Maître se tut, il serra plus fort ma main dans la sienne.
Le Docteur souffla et prit enfin la parole :
- Qu'est-ce que tu proposes, Alisone ?
Je pris une profonde inspiration pour révéler mon plan :
- Ramène-moi sur Terre, avec le Maître.
Le Docteur secoua la tête :
- Non. Non, pas sur Terre. Il a fait beaucoup trop de dégâts là-bas. Et les gens se souviennent encore de lui comme étant Harold Saxon, le Premier Ministre d'Angleterre !
Néanmoins, je décidai de ne pas me laisser faire :
- Sans T.A.R.D.I.S et sans Tournevis Sonic, il ne pourra pas faire grand chose. Je ne dis pas de nous ramener en Angleterre, bien sûr ! Mais, chez moi, en Irlande, c'est possible, n'est-ce pas ? Docteur ?
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Le trajet du retour fut effroyable. J'avais rejoint ma chambre pour enfin prendre une douche et m'habiller convenablement. Une fois vêtue, Clara est venue pour m'aider à ranger le peu d'affaire que j'avais dans un grand sac de toile.
Je n'y croyais toujours pas, mais j'avais réussi à convaincre le Docteur ! Clara avait les larmes aux yeux en me faisant un énorme câlin. J'essayais de la rassurer :
- Ne sois pas triste, tu peux me retrouver n'importe quand, grâce au T.A.R.D.I.S !
- Je sais...
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Dans la salle de commande, au centre du T.A.R.D.I.S, le Docteur surveillait le Maître qui, certes n'était pas attaché, mais était interdit de toucher au tableau de bord. Pendant que le Docteur pianotait sur les touches, il jeta des coups d'œil au Maître, les bras croisés, attendant le prochain sermon, qui arriva bien vite :
- Tu es sûr de vouloir faire ça ? De rester sur Terre ? De ne PAS faire de mal, ni aux Humains, ni à Alisone ?
- Pourquoi je ferais du mal à Alisone ? s'offusqua-t-il.
- Les Humains, alors. Ils ne sont pas ce que tu penses. Il y a du bon en eux, comme il avait du mauvais en nous, sur Gallifrey.
Le Maître haussa les épaules. Il était bien trop impatient de quitter le Docteur, qui reprit la parole, mais d'une façon un peu plus énigmatique :
- Ce qu'elle a dit... Alisone, ce qu'elle a dit au sujet de Rose Tyler, c'est vrai. Mais... Il y a une raison principale pour laquelle Rose m'a rendu meilleur au fil des années. Une chose évidente pour elle, mais qui l'était bien moins pour moi...
Intrigué, le Maître analysa son ancien ennemi, pour demander :
- Quoi donc ?
Le Docteur appuya sur un bouton bleu, qui fit bouger le vaisseau quelques secondes. Puis, il se tourna vers le Maître, pour lui avouer ce qu'il n'avait jamais avoué à personne :
- Je suis tombée amoureux de Rose. C'est pour ça.
Le Maître se tut.
Le T.A.R.D.I.S traversa l'Espace et le Temps pour arriver en Irlande, en 2023.
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La cabine bleue se posa sur Silverstrand Beach, une magnifique plage de Galway. Le Docteur me donna un téléphone portable qui pouvait appeler le T.A.R.D.I.S, si jamais j'avais un souci un jour, ainsi qu'une enveloppe contenant du cash en argent Terrestre. En l'occurrence, là, quelques milliers d'Euros pour commencer une nouvelle vie.
Je dis au revoir à Clara et au Docteur, non sans une pointe au cœur. Le Maître ne lâchait pas ma main, trop heureux de profiter du silence dans sa tête. Ensemble, nous avons regardé le T.A.R.D.I.S quitter l'Irlande, en faisant son fameux bruit.
Il faisait bon, le soleil était à son zénith et j'ai souri en me tournant vers le Maître :
- OK, notre aventure commence maintenant.
- Qu'est-ce que tu proposes ?
- Eh bien, j'ai pensé te faire découvrir toute mon Irlande comme le Docteur m'a fait découvrir tout l'Univers. Nous allons commencer par Galway, la plage, son fort et son port. Puis, les montagnes de Wicklow, les rues de Kilkenny, le Fort de Dún Aengus, les eaux de la Nore, le Ring of Kerry en voiture, l'île Skellig Michael et les îles d'Aran. Ensuite, le Phare de Loop Head, le Rock of Cashel, puis la Blarney Stone, ensuite les Falaises de Moher, la Chaussée des Géants, les côtes du Donegal, le tumulus de Newgrange, le village de Kenmare, le château de Cahir, le lac de Lough Gill, puis Doolin, Kilfenora et Inishmór et encore plein d'autres merveilles !
Le Maître sourit.
- Je n'ai aucune idée de ce que cela signifie.
- Cool ! Parfait ! Mais avant, nous devons nous changer et acheter des vêtements un peu plus sympas. Après ça, il est toujours primordial de commencer chaque aventure par une bonne Pinte fraîche de Guinness. Ou de Whiskey, si tu n'aimes pas la bière.
Au moment où je m'apprêtai à prendre la route, le Maître me tira vers lui pour m'embrasser amoureusement. Puis, il murmura :
- Merci, Alisone...
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THE END
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16/17/18.02.2023
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