Chapitre 1 – Links

Il arrive que certains rêves soient douloureux. Qu'on se réveille, complètement paralysé, en sueur et les joues couvertes de larmes. Harry a l'habitude de ce genre de rêve, si tant est que l'on puisse appeler cela des « rêves ». Les visions qu'il partage alors Voldemort ont bien plus l'allure de cauchemars. Mais en tant normal, il se souvient de chacun de ses songes, dans les moindres détails. Même celles qu'il voudrait absolument oublier. Alors pourquoi le rêve de cette nuit est différent de ceux habituels ?

Il chasse ses larmes avec confusion. Il ne comprend pas. Le songe devait être particulièrement éprouvant pour qu'il soit dans un tel état et malgré tout… La seule chose dont il se souvient vaguement, c'est la chaleur de sa mère. Une chaleur douce et réconfortante qu'il aimerait retrouver mais qui lui a été volée.

Il plonge sa tête entre ses jambes, essayant de reprendre pied avec la réalité. Il ne peut pas se montrer dans un tel état devant ses amis.

Harry entend peu à peu ses camarades de dortoir s'éveiller et bientôt, c'est comme si son état était oublié. Il se lève, salue avec enthousiasme Ron et Neville, donne une tape sur l'épaule de Seamus quand ils échangent leur place pour la salle de bain, et se prépare pour son petit déjeuner. Rien ne sert de trop se focaliser sur un rêve dont il est certain de ne pas pouvoir se rappeler. Et puis, si rien ne lui revient, c'est que cela n'a sûrement aucun rapport avec Voldemort, n'est-ce pas ?

Une fois dans la grande salle, il tartine son pain de beurre de cacahuète en écoutant distraitement les autres membres de sa maison. Hermione le fixe avec inquiétude et il tente de la rassurer avec un petit sourire. Il ne doit pas être beau à voir vu son regard. Ron a l'habitude de plaisanter en le traitant de mort-vivant à cause de son teint cadavérique et de ses cernes mais il sait parfaitement que ses meilleurs amis sont sincèrement concernés par son état. Il faut dire que les visions sont de plus en plus violentes ces derniers temps et ses heures de sommeil peuvent se compter sur les doigts d'une humain. Même ses notes en pâtissent, ses professeurs le lui ont bien fait comprendre.

Il pousse un discret soupir qui n'échappe pas à la vigilance d'une certaine Gryffondor à la chevelure flamboyante.

« Tout va bien Harry ? »

Il tourne la tête en direction de Ginny et acquiesce sans un mot. Son visage montre la même inquiétude qu'Hermione et Ron et son cœur se gonfle d'affection pour la jeune fille. Ils s'étaient particulièrement rapprochés pendant les dernières vacances, chacun ayant en quelque sorte prit le rôle de confident pour l'autre.

Ginny lui avait avoué qu'elle nourrissait des sentiments pour lui depuis quelques années à présent, des sentiments bien différents de ceux qu'éprouveraient une simple amie. Elle lui avait confié qu'elle ressentait le besoin de le lui dire, d'être honnête avec lui, mais que cela faisait un bout de temps que ses sentiments s'étaient estompés. Harry avait senti que c'était intimidant pour son amie d'avouer une telle chose, alors il avait tenté d'alléger l'atmosphère. Il l'avait charrié en lui demandant si ses sentiments avaient disparu à cause de son enlaidissement et elle avait ri. Un éclat dans lequel on ressentait la moindre parcelle de son soulagement.

Puis elle lui avait confié dans un murmure qu'elle aimait Dean Thomas et que c'était la raison de sa perte d'intérêt pour Harry. Que le garçon la faisait se sentir différente, qu'elle prenait confiance grâce à lui. Alors, il l'avait encouragé à déclarer ses sentiments. « A la rentrée peut-être », lui avait-elle répondu mais jusqu'à présent, il semblait qu'elle n'en avait pas encore eu le courage. Harry la comprenait. Ce genre de chose n'était pas facile à déclarer.

De son côté, il lui avait avoué n'être pas certain quant à son orientation sexuelle. Ses oreilles avaient rougis en repensant au jour où il avait remis en cause son attirance pour les filles. Après un match de Quidditch, alors que l'équipe se douchait. Il ne s'était jamais senti aussi honteux que ce jour-là. Les Dursley n'avaient jamais cessé de hurler que l'homosexualité était un péché et que toutes les personnes de leur espèce devaient disparaître. Entendre ce discours à longueur de journée lui avait fait prendre conscience d'à quel point ce genre d'attirance était tabou alors il l'avait gardé pour lui. Ne l'avait même pas avoué à ses meilleurs amis. Mais c'était sortit sans qu'il ne puisse rien y faire.

Ginny s'était contentée de le regarder longuement, les sourcils froncés.

« Harry, ce n'est pas quelque chose dont tu devrais avoir honte. L'homosexualité est chose commune chez les sorciers. Ce n'est certes pas bien perçu chez les moldus, mais les sorciers ont créé des potions capables de modifier le sexe d'une personne ou de permettre aux hommes d'enfanter pour justement rendre l'acceptation plus simple. Alors ne le dis pas comme si c'était une mauvaise chose. »

Harry s'était senti soulagé à tel point qu'il avait serré son amie dans ses bras en la remerciant.

« Tout va bien », affirme-t-il après de longues secondes.

Il porte son attention sur ses amis et sourit. Il écoute distraitement Hermione lister les sujets plausibles pour les examens de fin d'année – ils venaient à peine d'entamer cette nouvelle année ! - et Ron pointait justement ce détail en grommelant dans sa barbe. Mais comme le dis toujours Hermione, mieux vaut s'y prendre au plus tôt pour éviter de tout devoir réviser la dernière semaine. Parfois Harry regrettait de ne pas être aussi assidu qu'elle. Il était persuadé que s'il s'y mettait sérieusement, il pourrait y arriver. Mais avoir la moyenne lui convenait parfaitement pour le moment.

Harry bouge distraitement ses doigts, concentré sur les paroles d'Hermione. Même s'il n'écoute pas réellement, la voix de sa meilleure a quelque chose de rassurant. De chaleureux, comme l'unique souvenir qu'il a de sa mère. Ses doigts claque en rythme contre la table et tout d'un coup, il sursaute quand il se retrouve assaillit par un multitude de couleurs. Une nausée l'envahit et il se retient de justesse de régurgiter l'ensemble de son déjeuner. C'est comme si son monde était passé d'un rien à un arc-en-ciel de couleur.

« Harry ?! Qu'est-ce qui t'arrive ? »

Il entend à peine la voix d'Hermione. Son attention est figée sur cet océan de filaments qui lui fait face. Qu'est-ce que… Il essaye d'en attraper un, mais ce dernier se dérobe sous ces doigts, comme s'il n'était qu'une simple illusion.

« Vous voyez ça, vous aussi ? »

« Voir quoi Harry ? », questionne Ron en regardant tout autour de lui.

C'est magnifique. Une fois qu'on s'y habitue, c'est tout simplement sublime. Parmi les différents fils qu'il aperçoit, deux attirent particulièrement son regard. Un rouge aniline et un bordeaux. Il ne savait même pas que la couleur « rouge aniline » existait, mais en voyant le filament, c'est comme si c'était évident pour lui. Une connaissance innée. Les deux fils semblaient noués à ses doigts et être relié à quelque chose. Ou quelqu'un. Mais lorsqu'il tente de trouver ce à quoi est attaché le fil bordeaux, il se retrouve confronté à un obstacle. Comme si le fil n'avait pas de fin. Quant au fil rouge aniline… Il s'étend jusqu'à la table de Serpentard. Le flot de filament est bien trop important pour qu'il puisse discerner qui se trouve à l'extrémité du fil mais ses yeux rencontrent accidentellement ceux métalliques de sa Némésis. Il détourne aussitôt le regard.

Harry ne sait pas ce que sont ces fils, ni même pourquoi ils sont apparus d'un coup. Mais chaque fois qu'il pose son regard sur l'un d'eux, différents sentiments le traverse. Il ne sait pas les identifier, mais une petite voix en lui lui souffle que ces filaments sont sûrement la représentation des sentiments, des liens qui l'unissent aux autres.

Certains fils sont noués entre eux, si bien qu'il était difficile de percevoir à qui ils sont reliés. Pour autant, il arrive à distinguer ceux qui le lient à Hermione, Ron et Ginny. Le premier est de couleur pêche tandis que les deux autres sont jaune canari. Même si les fils sont entrecoupés d'autres couleurs, ce sont elles qui dominent. Harry était curieux de connaître la signification de chaque couleur. Mais surtout, il veut comprendre. Que sont ces fils ? Comment sont-ils apparus ? Tellement de questions qu'il aimerait poser mais sans savoir à qui les adresser.

Il reste silencieux et contemple les différents fils, appréciant le spectacle à défaut de réponse.


Il ne sait comment il y ait parvenu, mais les fils ont disparu, à son grand regret. Il commençait à s'habituer à ce tableau de couleur et s'amusait même à découvrir des couleurs aux noms des plus recherchés. Il suffisait que son regard tombe sur l'un des liens pour que le nom lui vienne automatiquement à l'esprit. Il s'était tellement plongé dans la découverte de cet étrange pouvoir qu'il en avait oublié ses amis mourant d'inquiétude à ses côtés. Heureusement il était parvenu à les rassurer.

Mais à présent, il se sent perdu. Il ne connaît rien de ce pouvoir nouvellement acquis, ni de la signification des couleurs. Quand il était jeune, il était chargé d'acheter les fleurs de tante Pétunia et la fleuriste lui avait appris à associer la couleur des fleurs à certains sentiments, mais seulement aux couleurs « générales » comme le jaune, l'orange, le rouge… Non pas à leur nuance. Même si ce pouvoir le captive, il n'en reste pas moins méfiant. Qui sait ce que ça pourrait être en réalité.

Il n'avait jamais entendu parler d'une telle capacité, que ce soit dans les livres ou par Hermione. Il hésite l'espace d'un instant à demander à sa meilleure amie si cette capacité lui évoque quelque chose, mais il craint que ses amis ne finissent par le prendre pour un fou. Il faut dire que j'ai agi de manière suffisamment étrange pendant le repas.

Cette dernière lui donne un coup de coude en le voyant aussi déconcentré.

« Harry, tu m'inquiètes là, tu es certain de ne pas vouloir te rendre à l'infirmerie ? »

« Oui, j'en suis sûr ! J'étais juste perdu dans mes pensées Hermy. »

Elle le fixe, clairement suspicieuse, mais Harry plonge son nez dans son manuel pour couper court à la conversation. Demander à Hermione ne serait clairement pas la meilleure des idées. Si en agissant comme il le faisait, elle le poussait à aller à l'infirmerie, alors qu'est-ce que ce serait s'il lui parlait d'un pouvoir dont elle n'avait sûrement jamais entendu parler ? Elle demanderait un aller simple pour l'Hôpital St-Mangouste afin qu'ils vérifient son esprit. Très peu pour lui.

Il prend une feuille et commence à noter un plan pour comprendre d'où provient son pouvoir. Première étape : la bibliothèque. S'il voulait avoir des réponses, c'était l'endroit le plus évident pour les trouver.

Une fois terminé, il se concentre pleinement sur le cours, déterminé à accomplir son objectif une fois celui-ci terminé.


Rien.

Il n'y a strictement aucune information sur cet étrange pouvoir. Il a beau cherché encore et encore, aucun livre n'en parle. Comme s'il n'existait pas et qu'il n'y avait aucun autre précédent. C'est vraiment étrange. Il en vient même à désespérer. Pourquoi les choses les plus inexplicables ne lui arrivaient qu'à lui ? Il espère seulement que ce pouvoir ne soit pas une conséquence de son lien avec Voldemort. Il perdrait alors tout l'intérêt d'Harry.

Assis sur sa chaise, il feuillette un énième livre, cette fois intitulé « Magie inexpliquée et pouvoirs héréditaires » qui concernent particulièrement les familles de sang-pur et les prédispositions magiques propres à chaque clan. A défaut de ne pas trouver ses réponses dans les livres les plus simples et accessibles, il s'était lancé dans la lecture d'ouvrages plus complexes et parfois même contradictoires. Mais même avec ces livres, il faisait choux blanc.

L'avantage est qu'il n'est pas perdant, il a acquis certaines connaissances grâce à ses lectures qui pourraient certainement bluffer Hermione. Enfin, peut-être pas Hermione mais au moins Ron.

Harry sourit à cette pensée. Ce n'est pas comme s'il pourrait un jour battre sa meilleure amie. C'est un véritable petit génie et il se sent fier d'être son ami. Tout comme il est profondément fier de Ron. Il n'a beau pas être le plus intelligent des adolescents, une fois posté sur un terrain de Quidditch, un souaffle en face de lui, il est inarrêtable. Il est vraiment chanceux d'avoir des amis pareils.

Plongé dans ses pensées, il entend à peine le raclement de la chaise en face de lui. Ce n'est que lorsque la voix de Draco Malfoy lui parvient aux oreilles qu'il reprend pied avec la réalité.

« Potter enlève-nous ce sourire béat de ton visage, c'est à vomir. »

« La ferme Malfoy. »

L'insulte est dite sans grande conviction. Pour être honnête, Harry en a assez de cette guerre avec Malfoy. Il a suffisamment de préoccupation comme ça. Il y a réfléchit assez longuement pendant les vacances et en est venu à une conclusion : si jamais Draco décidait de rejoindre les rangs des Mangemorts, alors ça ferait de lui son ennemi officiel. Mais dans le cas contraire, s'il existe une micro-chance que Draco ne prenne pas le parti du Seigneur des Ténèbres… A quoi bon continuer cette haine futile ? Ils ont seize ans, il est temps de grandir et de cesser de genre de gamineries. Seulement, pour mettre fin à tout ça, il faut la volonté des deux parties. Il pousse un soupir et retourne à sa lecture. De toute manière, il devait avant tout être certain du camp auquel il appartenait avant toute décision.

Étonnamment, Malfoy ne fait plus aucune remarque sur sa présence ou ses expressions, son attention plongée dans le devoir de potions qu'il doit rendre. Harry décide de l'ignorer également, préférant cela à leurs joutes verbales. Mais bientôt, une nouvelle arrivante vient troubler le calme relatif dans lequel ils se sont plongés.

« Salut Harry... »

« Cho. »

Harry ne s'attendait pas à ce qu'elle vienne un jour lui reparler. Il faut dire que depuis l'année dernière, leur relation était au plus bas. Mais d'un autre côté, parler avec cette fille lui manquait quelque peu. Il avait éprouvé de l'attirance pour elle en quatrième année, avant de se mettre à douter de son orientation, et elle était cultivée, ce qui rendait les conversations avec elle toujours enrichissantes.

Il lui sourit et l'invite à s'asseoir à côté de lui, parlant le plus bas possible pour ne pas déranger Draco en face d'eux. Elle pose quelques questions sur les livres qu'il lit, lui en conseille d'autres et peu à peu, Harry remarque un changement dans leur position. Cho est plus proche qu'elle ne l'était auparavant. Leurs mains se frôlent et Harry s'étonne de ne pas apprécier le contact. Il éloigne sa main doucement, prenant garde à ne pas blesser Cho, mais le visage de cette dernière se plisse de tristesse.

Sans qu'il ne s'y attende, sa capacité s'active mais contrairement à la première fois, il ne perçoit qu'un unique lien. Celui qui le lie à Cho. Il observe l'orange criard du fil et un sentiment étrange, de malaise, l'envahit. Il met de la distance entre lui et Cho avec un sourire d'excuse et cette dernière baisse la tête, visiblement blessée de ses réactions. Elle se lève sans un mot et s'en va, non sans lancer un regard déçu à Harry. Non loin de lui, il entend Draco pouffer.

« J'ai l'impression qu'elle attendait autre chose que l'indifférence de ta part, Potter. L'Élu est si froid. »

Harry ne répond pas à la provocation. Le fil a disparu mais sa curiosité, elle, a décuplé. Si les livres sont inutiles, alors il avait d'autres solutions. Qui pourrait être le mieux placé pour lui fournir des renseignements sans le prendre totalement pour un fou ?

Il ne voit que deux réponses : Dumbledore et McGonagall. La seconde semble le choix idéal.